Chapitre 4 - Les pierres magiques (suite 2/2)IV.5 - Religion mortelle
L’après-midi est à peine entamé et Relonor déambule de nouveaux dans les rues aux alentours de la boutique des époux Aldora. Un lieu miteux ne vendant que des breloques et bibelots sans valeur. Continuant le long de la rue, il tombe dans un espace en total désaccord avec les habitations blanches luxueuses tout autour. Un bâtiment aux murs d’un noir intense, est à peine caché par la végétation morte présente. Le chemin, menant aux portes rouges sang, est constitué de pavés particuliers rappelant la forme des os des bras et des jambes. Le temple de Phaïtos, n’a nul besoin d’être explicitement indiqué. Tout dans ce lieu est mort ou rappel la mort. En fidèle de Thimoros, Relonor connaissait le culte du dieu de la mort, mais n’y avait jamais prêté plus d’attention que cela.
Avec une crainte le nouant au ventre, le Shaakt s’avance au milieu des arbres morts jusqu’aux portes. Le croassement des corbeaux présents, résonnent comme des mises en gardes contre les personnes malveillantes contre Phaïtos. La couleur rouge sang semble d’autant plus porter son nom lorsque devant l’entrée, l’odeur de l’hémoglobine prend au nez, glaçant le sang des personnes s’apprêtant à saisir les poignées en crâne de bouloum. L’elfe noir pénètre à l’intérieur s’attendant à rencontrer une foule de cadavre, mais pour l’heure, il arrive dans une vaste salle où de nombreuses rangées de bancs y sont alignées entre les piliers aux motifs de squelette humain et animal. Il continue son avancée dans le temple jusqu’à faire face à une statue d’un homme à tête de corbeau. Derrière elle, trône contre le mur, une imposante fresque du dieu guidant d’un côté les morts vers l’au-delà et d’un autre, empêchant les âmes tourmentées de hanter les vivants.
Il reste là ainsi à contempler cette scène lorsqu’une voix, pourtant douce, le surprend.
"Pouvoir et devoir. Tel est le nom de cette œuvre. Elle représente le pouvoir de Phaïtos sur la mort et de son rôle de gardien pour les vivants." Explique la femme.
Une humaine d’une grande beauté, si son teint n’était pas si pâle. Trop peu de soleil sans nul doute. Sa robe rouge sombre contraste avec sa couleur de peau. Le vêtement fait pour sa silhouette, près du corps dans sa majorité, gagne en ampleur à mesure qu’il se dirige vers les mains et la fente aux jambes remonte jusqu’à mi-cuisse provoquant des ondulations sur le tissus en redescendant. Seule l’épaisse couture de fil blanc tout au long de l’habit rajoute une touche de couleur à l’ensemble.
(Bordel, on pourrait y cacher un nain dans chaque manche !)Qu’était-il venu faire ici et que pouvait-il obtenir ? Il n’y a rien en ces lieux hormis une troglodyte à peine vêtue.
"Désolé du dérangement !" Dit-il en faisant machine arrière. Il avait bien dans l’idée de l’envoyer valser verbalement, mais dans les lieux sacrés comme celui-ci, il est d’usage de faire preuve de retenue si l’on tient un tant soit peu à la vie, en particulier avec une prêtresse.
"Ho mais vous ne me dérangez pas ! Il est rare de voir des visiteurs en dehors des rituels. Si vous avez le temps, dites-moi ce que vous pensez de cette fresque que vous examiniez."Revenant sur ses pas, il regarde de nouveau le tableau mettant en scène le dieu de la mort.
"C’est une dualité que je n’ai jamais comprise. Phaïtos est le moissonneur des âmes. Tout chez lui n’est que mort et pestilence. Pourtant, il n’a de cesse de protéger les vivants des âmes défuntes. Il sépare les vivants des morts et son culte est mal vu des personnes ayant perdu des proches. Ils pensent qu’il est responsable de leurs malheurs. Pourtant, il continue ce rôle de protecteur envers eux, au lieu de les châtier." Confie l'elfe noir.
"Phaïtos n’est pas le dieu chaotique que vous décrivez." Déclare-t-elle dans un petit rire.
"La vie est courte, un peu moins pour les races comme les elfes certes, mais cela ne la rend pas moins précieuse. Et que serait la vie si nous la partagions avec les morts ? Les amours ne seraient plus aussi puissants si même la mort ne pouvait les séparer. La vie physique serait moins précieuse si n’importe qui à la capacité continuer son existence après la destruction du corps. Et les victimes harasseraient leurs bourreaux jusqu’après l’au-delà."Relonor tourne rapidement la tête pour faire face à la femme. Son regard expressif semble indiquer qu’elle a connaissance des actes de barbaries du Shaakt. Ce dernier porte sa main sur la garde de son épée soutenant le regard imperturbable de l’humaine.
"Que se passerait-il si vous veniez à trépasser ?" Menaça le Shaakt.
"Comment cela est-il vu dans votre culte ?""Pas grand-chose à vrai dire, en tout cas ici. Une autre personne me remplacerait et je rejoindrais mon dieu pour le servir dans cette autre vie.""Vous n’avez pas peur de la mort ?""Peur de la mort ? Mon enfant je sers la mort et je n'ai voué ni ma vie ni, ma mort à mon dieu, mais mon existence entière. S’il décide qu’il est temps pour moi de le rejoindre alors je serais la plus heureuse des fidèles."Voir quelqu’un qui n’a ni désir de vie, ni désir de mort, coupe toute envie naissante de meurtre à l’elfe. Que peut-il bien faire de cette femme ? Si son dieu lui a donné la connaissance des actes répréhensibles qu’il a commis, il fera certainement de même pour le successeur.
"Votre âme est encore plus noire que votre peau, mon enfant." Continue-t-elle en susurrant.
"Vous aimez semer la mort autour de vous et Phaïtos apprécie cela. Lorsqu’il foulait cette terre, Phaïtos n’avait de cesse d’observer les morts pour améliorer ses connaissances." Elle se positionne derrière le Shaakt, se déplaçant de gauche à droite comme un pendule et pose une main sur l’épaule de l’elfe en alternant également gauche-droite.
"De ses observations est née la nécromancie. La mort force les vivants à apprécier la vie et accorde à ses fidèles une partie de son pouvoir lorsqu’ils lui envoient de nouvelles âmes. Il n’est pas impossible, bien que rare, de voir ses plus puissants fidèles posséder une force prodigieuse durant les grandes batailles en emportant un nombre incalculable d’âme dans l’au-delà. De plus, les interdits de Phaïtos et Thimoros, ou comme vous devez l’appeler Valshabarath, ces interdits sont les mêmes. Vous n’en serez donc aucunement gêné. Si vous deviez ôter la vie, pourquoi ne pas l’accorder à Phaïtos. Peut-être qu’il vous en remerciera plus tard."Sur ces mots, la femme au teint pâle laisse l’elfe noir seul avec ses questions. Celle-ci a tout d’une manipulatrice. A-t-elle été touchée par son dieu comme le pense le Shaakt ? Peu importe, elle l’a atteint avec des arguments frappant pour son interlocuteur, bien que plus ou moins proche de la vérité avec ses propos. Si Relonor n’est pas pleinement convaincu, la graine qu’elle vient d’instiller dans son esprit ne peut que germer pour donner naissance à un nouvel adepte, ou peut-être plus encore.
Chapitre 6 - Doux chaton, adorable chaton