Message PNJ
Pulinn cligna lentement des yeux à la réponse d’Isil. Elle passa délicatement le revers de ses doigts sur la joue de la jeune elfe courageuse, comme si elle la prenait en pitié, ou compatissait à ce qu’elle allait vivre. Puis, elle se leva et alla fouiller dans ce grand coffre de bois blanc. Elle revint vers le sofa où Isil était allongée, munie de trois objets qui laissaient entendre ce qu’elle allait devoir faire : une fine dague d’argent, effilée et tranchante, une boule en San-Divyna, ce métal élémentaire lumineux, pas plus grosse qu’un poing fermé, et une ampoule de verre.
« Tu devras te laisser faire. J’ai baigné ton dos de magie apaisant la douleur, mais… ça risque de ne pas suffire. Je vais devoir créer des points de convergence du poison dans ton dos, autour de la cicatrice, et purger ton sang en y creusant des sillons de ma dague pour récolter le flux vicié dans la coupole. »L’explication était directe, franche, professionnelle. Pulinn ne voulait pas cacher ses actes futurs à Aìsillyn. Elle s’assit donc sans plus attendre au côté de l’elfe allongée, et posa ses trois objets sur la tablette de verre. Dans un premier temps, elle passa doucement ses mains sur le dos d’albâtre d’Isil. Ses mains glissaient comme des caresses, mais là où le contact aurait dû réchauffer la peau pour la rendre plus réceptive, ça la refroidit, arrachant des frissons à l’elfe, et l’engourdissant un peu. La blanche s’empara alors de la boule de métal lumineux, et l’appliqua sur divers points du dos longeant la cicatrice. Loin d’être froid, le métal était doux et agréable au toucher. Elle fit rouler la boule sur elle-même en cercles concentriques qui réchauffait ces points stratégiques en y faisant affluer le poison. C’est là qu’Isil commença à ressentir à nouveau une vive douleur.
Là où elle avait été accoutumée à souffrir de l’ocryte sur l’ensemble de la cicatrice, la même douleur la cueillait cette fois, mais uniquement en ces points précis, et de manière plus… dense, plus affirmée. Comme si on lui enfonçait des épingles glacées dans le dos.
Mais ce n’était pas tout. Ces points de convergence, Pulinn en créa six, répartis autour de la longue plaie. Ceux qui s’approchaient le plus de la colonne vertébrale étaient les plus douloureux. Isil eut presque l’impression d’être paralysée, la douleur irradiant de ce point en vagues qui remontaient tout le long de son échine jusque dans ses cervicales, créant en elle une migraine fracassante. Les gestes de Pulinn étaient assurés. Elle ne tremblait pas, même si Isil put entendre sa respiration plus forte, presque haletante. Elle était comme en transe, usant à la fois des objets et de sa magie pour soigner cette vieille cicatrice. Alors, et seulement alors, elle posa la boule de San-Divyna sur la tablette pour s’emparer de la dague. Si Isil jetait un coup d’œil à cette boule autrefois lumineuse, elle la verrait maintenant terne et éteinte, marbrée de veines noirâtres et vert foncé.
La voix de Pulinn lui parvint, comme lointaine.
« Prend une grande inspiration… »Elle prit d’ailleurs la même, suivant son propre conseil, avant d’enfoncer la pointe de sa lame d’un centimètre dans la peau d’Isil. Elle ainsi, sur chaque point de convergence, une spirale, arrachant de nouvelles douleurs, bien physiques cette fois, à l’elfe. Elle put sentir son sang couler sur son dos. Mais le pire était encore à venir. Là, elle plaqua l’ampoule sur chacune des spirales, et la lumière qui jaillit de son être éblouit la jeune elfe tant elle était pure et intense. Elle usait de sa magie et de cette curieuse ampoule pour arracher littéralement le poison à la chair. Et pour Isil, ce fut comme si on arrachait littéralement des lambeaux de chair de son dos, comme si l’essence même de tout ce qui était bon était saisi et arraché sans ménagement de son être. Une douleur à nul autre pareil, plus vive que n’importe laquelle de ses crises. Et l’opération, interminable, se répéta six fois. Six fois la même douleur, la même torture.
À la fin, lorsque Pulinn posa sur la table l’ampoule de verre pleine d’un sang noirâtre et épais, mêlé de poison, elle semblait elle-même essoufflée. Et elle œuvra alors à une dernière opération, moins douloureuse cette fois. De sa magie lumineuse, elle soigna les plaies ouvertes du dos d’Isil. Les spirales creusées à la dague, et surtout la plaie encore vive laissée par le coup de hache. Le contact de ses mains, de sa magie, était de nouveau agréable. La douleur était derrière. La peine aussi. Et Pulinn s’allongea à côté d’Isil, son corps contre celui de l’elfe. Visage appuyé sur sa main, soutenue par son coude, elle attira de sa main libre la tête de l’elfe pour que leurs regards se croisent. Celui, opalin, de la blanche semblait exténué, mais sur ses lèvres d’or, un sourire s’étendait. Un sourire tendre et satisfait, complice. Elle passa sa main libre dans les cheveux sombres d’Isil, tout en murmurant…
« Voilà… C’est fini. C’est tout. »