C'est bien le Temple des Plaisirs, j'en suis certain. Je suis rentré chez moi. Je ne comprends ni pourquoi, ni comment. A dire vrai, c'est à peine si je me souviens comment je suis arrivé ici. Où étais-je ? Qu'est-ce que je faisais jusqu'à maintenant ? Qu'est-ce qui m'est arrivé pour que je me retrouve propulsé sur les portes du Temple ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Mais je suis rassuré, je suis en terrain allié, je suis chez moi. Si je dois mourir, je ne vois pas de meilleur endroit qu'ici. Enfin...Non, je ne veux pas mourir ici ! J'ai tant de choses à faire encore. Je ne veux pas mourir. Pas avant d'avoir revu Dame Pulinn, pas avant de m'être de nouveau battu aux côtés de Sire Cromax. Non, je ne veux pas. Pourtant...Pourtant je me sens faillir. Ma vue se trouble, de plus en plus. Mes jambes peinent à me tenir debout. Et mon sang continue de s'écouler. Ploc, Ploc, Ploc. Ma respiration se fait de plus en plus difficile.
Et quelques secondes plus tard...Je tombe. C'est tout juste si j’aperçois une silhouette vaguement familière avant de sombrer, tout du moins en partie. Je n'arrive plus à bouger, je n'arrive pas à garder les yeux ouverts, mais je suis toujours conscient. Je refuse d'abandonner. Non, pas maintenant. Je veux mourir au combat. Je veux mourir en protégeant les Amants de la Rose Sombre, je veux mourir dans l'honneur. Pas à cause d'une porte et surtout, pas sans savoir pourquoi.
J'ai froid. Si froid. J'ai perdu trop de sang ? Non, je ne pense pas. C'est un froid qui vient de l'extérieur. J'ai...J'ai déjà ressenti ça. Oui. Après le terrible combat contre les Sektegs lors de notre expédition punitive. La magie de Sire Lilith. Il m'a sauvé la vie ce jour là. Est-ce son œuvre ? Essaye-t-il encore une fois de me maintenir dans le monde des vivants, de refermer la porte de Enfers ? Je ne sais pas. Mais qui que ce soit, je ne peux qu'être reconnaissant. Je ne comprends pas tout, je ne sais pas vraiment ce qui se passe. Je ne peux que sentir mon corps bouger, sans que ce soit de mon fait. Incapable d'ouvrir les yeux, incapable de prononcer le moindre mot, je ne peux que me laisser guider. Je suis chez moi après tout, il ne peut rien m'arriver en ces lieux. Rien...
***
Un mouvement. Une pointe de douleur à l'abdomen. Je me réveille. Peu à peu, je reprends conscience de ce qui m'entoure. Peu à peu, je reprends conscience de mon corps. Je me sens mieux, je me sens bien. J'ai toujours mal, mais c'est tout sauf insupportable. Et surtout, je suis encore en vie. Ouvrant les yeux, lentement, la première chose que je vois est des plus enchanteresse. Dame Pulinn se tient devant moi, aussi séduisante que d'habitude. Sa peau aussi douce que le satin de sa toge. Toge aussi fluide et délicate que la chevelure de celle qui la porte. Oui, Dame Pulinn me fait face, le visage paré d'un sourire calme, apaisant. Un sourire qui me rassure. Je suis chez moi.
Un trait d'humour. La belle elfe blanche se moque gentiment de moi et de ma manière fort originale de passer les portes. Un éclat de rire. Vite interrompu par quelques douleurs costales. Cet épisode me semble d'ailleurs terriblement lointain, mais la présence de quelques morceaux de bois ensanglantés, posés sur une table non loin, maintient le tout dans la réalité. Je ne l'ai pas rêvé, j'ai bel et bien été propulsé sur les portes du Temple avant de les traverser violemment en les éclatant. Comment ? Pourquoi ? Je ne suis par contre plus capable de répondre à ces deux questions tant mes souvenirs sont flous. Inexistants même.
Mais bien vite, alors qu mes efforts pour me souvenir sont sur le point de me vriller la tête, je peux voir Dame Pulinn s'approcher de moi. Progressant à quatre pattes sur le lit. Et je peux aussi voir que je suis...complètement nu. Pardon ? Je suis complètement nu ! Et la sublime demoiselle continue de s'approcher. Contrôle-toi Duncan ! Contrôle-toi ! Puis vient le moment où Dame Pulinn s'allonge à mes côtés, caressant délicatement quelques une des nombreuses cicatrices qui parsèment mon torses. Certaines anciennes, d'autres plus récentes. Ses doigts parcourent ma poitrine, tendrement. Sa peau est douce, le contact agréable. Non Duncan ! Contrôle-toi ! Trop tard. Je ne suis qu'un homme. Et c'est le genre de réaction physiologique tout à fait naturelle aux vues de la situation. Je suis terriblement mal à l'aise, gêné et pourtant, je serai vraiment déçu que tout ceci s'arrête. Il faut que je me concentre sur autre chose, que je me change les idées. Mais c'est alors que la créature de charme qui est à l'origine de tout ceci, m'offre aussi de quoi penser à autre chose. Elle me demande ce qu'il en est de la mission qu'elle m'a confié, si j'ai compris ce en quoi elle consistait, mais à dire vrai...Je ne comprends même pas de quoi elle veut parler. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas, je ne sais plus. Ma présence en ces lieux est déjà un mystère pour moi. D'aussi loin que je me souvienne, j'embarquais sur l’Allégresse avec Dame Sibelle et Sire Selen et puis...Plus rien. Plus le moindre souvenir. Pourtant, Dame Pulinn ne parle certainement pas de mon enquête sur Brytha. Le but de cette mission est évident, aussi bien pour elle que pour moi. Alors de quelle mission peut elle bien parler ? Je ne sais pas. Je ne sais plus.
Me frottant la tête, une main sur le front. J'essaye de rassembler mes esprits et de trouver les mots pour lui faire part de ma confusion.
« Je...De quelle mission parlez-vous ? Je ne me souviens plus de rien. J'ai pris la mer direction Yarthiss pour aller enquêter sur la déesse Brytha, comme vous me l'avez demander puis...Puis...Je ne me souviens plus. »J'essaye. J'essaye vraiment de me souvenir. Et ma tête commence à me faire souffrir. Comme si les souvenirs étaient enfouis si profondément qu'il me fallait littéralement creuser dans mon cerveau pour les voir ressurgir. Mais non...Rien n'y fait.
« Je suis désolé. Vraiment désolé Dame Pulinn mais...Je ne me souviens plus. Je n'ai pas de réponse à apporter à votre question. Veuillez me pardonner. »