Le Messager observe le mort-vivant sans grande surprise ni vive émotion, ce qui semble mettre Maâra plus à l'aise. Il se contente d'un mot, "intéressant". Est-ce pour qualifier la bête ou le pouvoir de la nécromancienne ; elle ne saurait le dire. Mais elle le prend comme tel et acquiesce sans réserve en jetant un coup d'œil au Liykor.
- Oui, tout ça l'est véritablement.
Et c'est peu dire de sa part tant en son for intérieur elle a hâte de se pencher sur ce dont elle est capable et les mystères qui entourent sa magie, aussi mal jugés soient-ils par la majorité des habitants de ce monde. Ce messager en revanche, ne fait pas partie de ces gens dont elle craint encore la proximité.
Profitant que leur route longe un chemin dégagé et assez large pour eux deux, il répond à la question de la Sindel d'une manière plus explicite que cette dernière, qui s'est contenté de faire apparaître une bête sauvage décharnée, mais perçue comme succincte à bien des égards tant elle a envie de lui poser d'autres questions.
Il se qualifie d'avantage comme enquêteur que comme un grand combattant, préférant faire appel à sa discrétion quand les choses se corsent ou aux milices locales ; sans doute pour diverses raisons se dit Maâra, voyant là à la fois une manière de trouver une aide conséquente en cas de grandes difficultés … mais surtout d'octroyer à ses enquêtes une certaine légitimité et tangibilité. Il sait cependant se défendre et se débrouiller avec ses poignards et avoue une certaine maîtrise dans l'art martial Ynorien. Elle fait aussitôt le lien avec Caabon, cet humain à la peau noire dont la fluidité et l'efficacité des mouvements avaient été plus qu'appréciables en combat. Enfin, il précise que la magie noire ne lui est pas méconnue et c'est à ce propos que le qualificatif de succinct lui vient à l'esprit. Manipule-t-il les ombres, les esprits des vivants ou l'âme des morts ?
Pendant un instant, elle en oublie ce qu'ils font là et voit en lui non pas un compagnon de fortune pouvant la mener à un groupe qu'elle espère apte à lui enseigner leurs savoirs ; mais la première personne depuis son départ du Naora avec qui partager un intérêt commun.
Ainsi plongée dans ses pensées, elle ralentit involontairement le pas ; ses pieds frottent plusieurs fois sur des souches d'arbres et cognent dans les cailloux ou des mottes de terre meuble devant elle. Elle ne remarque pas la légère variation de la rune et avance sur quelque pas dans la mauvaise direction. Sans faire montre d'agacement Arken prend alors les devants. Sans un mot, sans un reproche même gestuel, il fait signe à l'elfe grise de la direction à prendre avant de se placer en avant et de leur imposer une toute autre allure que la Sindel suit sans difficultés, lui laissant ce rôle de guide sans embarras car, après tout, n'est-ce pas là sa mission à lui.
Peu à peu, la Sindel prend plaisir à s'ouvrir à la forêt les environnant. Loin d'être aussi majestueuse que celle dans laquelle elle passa de nombreuses années, les bruits d'animaux nocturnes lui rappellent un temps où tout était simple et facile. Les odeurs de mousse humide, de champignons et d'humus ont remplacé celles de la pierre, de la chaux et d'égouts de la ville ; les émanations sauvages de la faune celles piquantes des habitants.
Plus ils s'enfoncent dans cette forêt et plus l'ambiance se fait attrayante, familière et presque suave aux sens de la Sindel.
Pourtant, depuis quelques minutes les arbres se rabougrissent, leurs branchages sont moins épais et moins verts comme dépouillés par un soudain manque … ou modelés par une autre forme de vie, plus dense, plus influente. La brume se renforce, se répand et se meut comme si elle envahissait un territoire ennemi pour le faire sien et les arbres sont les premiers à en pâtir, à s'adapter. Leurs branches s'assombrissent et érigent ainsi un contraste saisissant avec la pâleur luisante de la brume épaisse ; leur apparence aussi changent, plus fuselées, plus fines, tordues telles des bras osseux tentant avidement de retenir la brume de leurs doigts crochus.
Ce décor fascine Maâra, tant par sa beauté sombre et lugubre que la soudaine atmosphère qui s'en dégage. L'air est tant imprégné de magie noire qu'elle la ressent à chaque inspiration, par simple contact sur sa fine peau d'argent et à travers ses fluides soudainement éveillés. Une chape de mélancolie se mêle à cette magie, une tristesse et une détresse profonde que la faune semble fuir car, en dehors de quelques bruissement d'ailes, les bruits se font de plus en plus rares à mesure qu'ils avancent.
Devant eux, loin en avant, luit une lumière particulière. Ni reflet de lune, ni feu de camp ; elle se déplace imperceptiblement. En approchant discrètement, Maâra se rend compte que la lumière entoure une silhouette à taille humaine d'une blancheur immatérielle qui erre dans la brume.
La charge de magie se fait plus intense mais la nécromancienne ne ressent nulle menace … encore qu'on puisse douter qu'elle soit capable d'en ressentir au contact de magie noire.
Oubliant toute réserve ou prudence, elle accélère le pas pour rejoindre la source de lumière qui, soudain, s'arrête. Maâra retient sa respiration et l'observe, ayant l'impression sans pouvoir le jurer que la silhouette se tourne vers eux pendant un instant qui lui semble une éternité, avant de repartir dans une autre direction.
L'elfe se rue littéralement à sa poursuite, son compagnon sur les talons, sans même un regard en arrière afin de s'assurer qu'Arken la suit ou, dans le doute, tente de l'en empêcher. Complètement subjuguée par la présence de la silhouette et tout ce qu'elle peut représenter à ses yeux, Maâra laisse échapper son pouvoir, tentant de démontrer à l'être suivie la similitude de ses fluides avec l'essence de la brume qui l'entoure.
Elle allonge le pas et la suit tant bien que mal, prête à lui hurler de l'attendre si d'aventure elle la perdait de vue avant de l'atteindre.