Ziresh avait beau avoir beaucoup de bonne volonté, il ne devait pas être un assez bon orateur. Au moment où il avait allumé sa lampe, sur son front, grâce au feu de Depheline, l'homme s'en était allé derrière les rangées de stalagmites. Peut-être était-ce la folie qui annihilait sa peur, ou bien l'expérience de mineur qui lui conférait cette habilité sur la pierre lisse et humide, mais manifestement, il n'avait pas hésité une seule seconde à passer du côté de cet environnement si dangereux. Cet échec, le jeune Liykor le sentit passer bien fort dans la poitrine. Après tout, sa tentative avait été mauvaise devant toute l'assemblée. Il aurait aimé leur montrer de quoi il était capable, et tout ce qu'il avait pu faire, c'était se retrouver penaud devant les pointes rocheuses. Ne pouvant cacher sa déception, il lâcha un "merde!" sonore qui fit un grand écho dans le gouffre. Puis il se calma, profitant de sa nouvelle sérénité pour remercier Depheline, à propos de son aide élémentaire.
"Merci encore, Depheline. Même si j'aurais dû sans doute me hâter un peu plus pour prendre cette lumière, je n'aurais alors peut-être pas raté cet homme là. Si tu as besoin de quelque chose, je suis là." Il signa cette fois-ci en faisant son signe de remerciement: la main devant la gueule.
Puis les choses s'enchaînèrent relativement vite, avec une exploration du campement qui demeurait non loin d'eux. Si le jeune loup d'argent avait continué de scruter longuement les stalagmites, espérant retrouver cet homme fou, les autres avaient déjà manifestement trouvé quelques choses. Le tout était éclairé faiblement grâce à ce qui semblait être des algues phosphorescentes, le genre de plantes comme Ziresh n'en avait jamais vu. Mais plutôt que de s'exclamer, il préféra laisser ses compagnons dicter leurs connaissances sur ce domaine là. A vrai dire, il ne pensait pas être vraiment utile à cet instant là. Mais puisqu'il ne pouvait plus aider personne de par son éthique, il s'approcha tout de même des caisses, et se mit à l'ouvrage en essayant d'en ouvrir une parmi d'autres. Tentant de faire levier avec sa lance, il semblait plutôt bien parti lorsqu'un son étrange vint parcourir vaguement l'endroit, sans qu'il ne puisse ni donner l'origine du bruit, ni l'identifier. C'est alors qu'Aztai partagea une de ses idées. Depheline acquiesça d'ailleurs. Mais Ziresh n'était pas vraiment d'accord. Ainsi, il expliqua son point de vue:
"Je n'affirme rien, mais je ne suis vraiment sûr qu'il s'agisse de plantes, ni même de choses qui se développeraient par les spores dans les poumons. Vous avez bien vu ces cadavres non? Ils étaient ouverts, mais complètement vides. Tandis que ces algues, et même des champignons ou je ne sais quoi, ça ne bouge pas, seuls les spores voyagent. S'il s'agissait de trucs de ce genre, ils auraient toujours de ces plantes en eux, non? Et surtout, il y a autre chose: pour vivre correctement dans ces mines, il faut du feu. C'est nécessaire pour voir. Si une plante devait être dotée de conscience, pensez-vous qu'elle se rapprocherait aussi dangereusement d'un camp? Avec tous les explosifs et toutes les flammes qu'on y trouve? Non, vraiment, je pense que c'est autre chose, sans aucun doute quelque chose que l'on ne connait pas." Cette fois-ci, tous ses signes furent bien plus complexes. En fait, il devait enchaîner avec beaucoup de désignations: le poing fermé et l'annulaire levé pour les plantes, la paume face au sol avec une griffe sur le dos de la main pour les cadavres, une vague étrange verticale avec son index pour les flammes... bref, beaucoup de choses qui, pour un être humains, seraient nécessairement difficiles à décrire.
Juste lors de son discours, il s'était dirigé vers Warren, qui s'était exclamé avoir vu quelque chose. Sans doute une chose intéressante. Mais avant même d'ouvrir la tente, Ziresh sentit, grâce à son don olfactif de loup, ce dont il s'agissait. Un cadavre. Pour une puanteur pareille, ça ne pouvait être que ça. Aussi, il tenta de retenir sa respiration en jetant son œil dans la toile. Il y avait bien un homme ici. Sans tête, les boyaux à l'air, un corps totalement noirci. Il ne put soutenir la chose plus longtemps, immédiatement après son observation, il laissa tomber la toile pour s'en écarter le plus vite possible, reprenant son souffle.
"Non... Vraiment, ça ne peut pas être des plantes..."
Il marqua une pause, avant de reprendre de nouveau.
"Qu'elles se développent dans un corps, pourquoi pas... Mais dans ce cas, pourquoi la tête devrait-elle manquer?"
Pour seule réponse, il n'eut qu'un sursaut: Aztai avait de nouveau trébuché devant l'une des caisses, ce qui ne manqua pas d'amuser Serpent, qui s'était mis lui aussi à ouvrir l'une d'entre elles. Ziresh se souvint alors de ce qu'il avait tenté de faire au départ. Il pensa bien à recommencer, mais ce son étrange ne l'avait pas vraiment rassuré. Pourquoi continuaient-ils l'exploration alors qu'une menace pouvait très bien être proche? Après tout, c'était bien ce que le chef de camp, à la surface, avait dit. Alors il s'arma de sa lance, déjà en position de combat. Au prochain son, il utiliserait le maximum de son ouïe lupine pour cibler l'origine du bruit...
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