Le calme avant la tempête
La patience et le calme de Birhû me rappelaient le chêne familial dans lequel je fus élevée. Certes, le chêne n’avait pas le don de la parole ni de la pensée, il n’appartenait pas au monde animal, mais à celui végétal. Cependant, dans mon imagination fertile de petite lutine, je lui avais toujours attribué une personnalité, et secrètement je l’appelais grand-père. En effet, la façon d’être du golem d’Elysian, s’apparentait à celle que j’avais imaginée pour l’arbre familial de mon enfance.
Tout sourire, il répondit une fois de plus de bon cœur à mes questions. Les golems étaient trop dispersés pour répondre aux ordres d’un seul dirigeant. Par contre, ils possédaient un guide, celui qu’on appelait le gardien, un être apparemment sage qui ne quittait pas Barkhane, toujours disponible pour leur livrer de précieux conseils.
(Il doit être vieux !)Dans ma famille, c’était ma grand-mère qui faisait office de gardien. C’était toujours elle que j’allais voir quand j’avais une très importante décision à prendre… ou simplement importante, ou simplement une petite question. Bref, peu importe de la gravité de ma situation, ma grand-maman Roquin était toujours là pour ses petits lutillons. Je l’adorais et elle me manquait.
À mon compliment, Bihrû me regarda de ses beaux yeux orangés globuleux et tout en souriant, il m’expliqua prendre bien soin de ses branchages. Puis, il leva sa main, paume en l’air et en quelques secondes à peine, une petite pousse apparut.
(Oh !)Ébahie par cette naissance et cette croissance accélérée, je l’observais de mes yeux grands ouverts, la respiration bloquée involontairement. L’excroissance à peine née tendait sa tige vers le ciel déjà avide de soleil. Puis, elle s’arrêta à quelques centimètres, pour s’habiller de feuilles et s’orner d’un bourgeon qui s’ouvrit en une magnifique petite fleur rouge. De sa main libre, il la cueillit et me l’offrit. Heureuse et émerveillée, je me levai debout, en tenant de la main droite une couette du toupet de ma monture. Je ne pouvais accepter un tel présent et demeurer assise, ce n’était pas poli. Je lui fis donc une petite révérence et je tendis ma main gauche pour prendre délicatement le délicat présent.
« Merci ! »Tout en l’écoutant m’expliquer qu’il s’agissait de sa création personnelle, je plaçai la petite fleur dans mes cheveux. Sa couleur s’agençait avec celle de ma chevelure. Il poursuivit ensuite en me précisant qu’il existait effectivement deux variétés de golems, ceux de terre et ceux de plantes. Le propriétaire du choucas appartenait aux golems de terre, mais je n’aurais malheureusement pas la possibilité de le voir et de le remercier, puisqu’il n’habitait pas Barkhane. Il vivait dans une forêt d’un nom dont je pus retenir le nom.
La journée était radieuse, je m’étais rassise sur le cheval, le choucas se tenait tout près lorsqu’un hurlement terrible se fit entendre.
Alerte, je levai le regard, pour constater qu’il n’y avait plus de trace de Kalas sur le petit sentier.
« Kalas ? » Questionnai-je le golem.
Mais je n’attendis pas sa réponse, je me levai prestement, lâchai les rênes et fis signe au choucas de me rejoindre. Il n’eut le temps de se poser sur la tête de l’équidé que j’étais déjà sur son dos et que je le guidais vers le cri glaçant le sang.
(Il s’est perdu ? Il a trébuché et s’est cassé une patte ? Un vilain serpent l’a piqué ?... )Alors que le choucas quittait le sentier et qu'il se frayait un chemin au travers les arbres de la forêt, plein d’idées naissaient dans ma tête et elles étaient plus noires les unes que les autres.
Très rapidement, tout en suivant la longue plainte de Hurlelanuit, le choucas m’avait amenée à une petite clairière, tout juste dépassé les épais fourrés.
(Qu’est-ce que ? )La tête relevée vers le ciel, les yeux clos, la bouche ouverte, mon magnifique loup noir hurlait tout à côté d’étranges et effrayantes bêtes monstrueuses. Au nombre de trois, ces prédateurs n’avaient de loup que peu de ressemblances. D’un poitrail plus imposant, d’un pelage gris hirsute, des pattes antérieures munies de longs doigts préhensiles, ces vilaines bestioles agressives semblaient faire compétition entre elles, et le but de leur chamaille ne pouvait être autre chose que le cadavre du gigantesque cerf qui gisait non loin. Leur affreuse tête avait tout ce que je m’imaginais d’un démon : les yeux jaunes, le nez retroussé dévoilant d’affreuses narines aptes à détecter la moindre odeur, le pavillon des oreilles étiré sensible au moindre bruit et ces mâchoires puissantes aux dents exposées prêtes à dévorer.
Sous mes ordres, le choucas se déposa sur une haute branche dégagée du bosquet, m’offrant ainsi une position de choix pour attaquer les monstres d’Elysian. En état d’alerte, je n’étais plus une petite lutine taquine qui ne pensait qu’à s’amuser, j’étais pour l’heure une tireuse aguerrie qui s’apprêtait à protéger son nouvel ami. Mon arc d’ombre en main, je tendis sa corde. Aussitôt que la flèche fut matérialisée, je visai le cœur de la vilaine créature la plus près de Kalas, la plus susceptible de lui faire du mal. La bête bien en mire, mes doigts relâchèrent la corde et la flèche fila.
(((Utilisation de la capacité de classe de combat : Droit au coeur)))
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