<<<Plongé dans cette soudaine pénombre Rhazel redressa d'instinct sa lame vers Grorick . Il sentit cette dernière être brutalement écartée et une masse compacte le heurter de plein fouet. La puanteur et la transpiration de son adversaire lui assaillirent les narines quand ce dernier l'agrippa tout en le chargeant. Ensemble ils traversèrent la tenture murale et roulèrent sur le sol. Le jeune guerrier craignit alors de se blesser lui-même avec cette arme pendant qu'ils luttèrent en s'empoignant, ainsi il choisit sagement de la lâcher durant la roulade qui prit fin au milieu de la pièce, par laquelle il était entré dans le taudis. Il s'éloigna alors en roulant et se redressa un mètre plus loin, essayant de se réadapter le plus vite possible à cette dangereuse obscurité. Il repéra les fenêtres, puis chercha des yeux son arme ainsi que son adversaire. Aucune trace de la première, quant au deuxième, il distingua une forme massive le charger à nouveau, chose qui lui fût confirmée en entendant le rugissement de son assaillant lui vriller les tympans. Il n'eut pas le temps d'esquiver, mais il dressa les bras afin d'amortir au maximum l'impact et tenir son adversaire à distance. C'était sous-estimer la puissance de ce dernier. L'impact le souleva du sol, lui coupant le souffle. Le gros lard était cependant loin de s'arrêter là, il poursuivit sa course jusqu'au premier obstacle, qui prit la forme d'une cloison de bois faisant office de mur. Un nouveau rugissement sonore vrillant ses oreilles, Rhazel se sentit passer avec fracas à travers l'épaisse paroi. Bien que le bois était en grande partie pourrie et rongée par l'humidité, c'est avec peine qu'il se redressa, le dos endolori. Grimaçant, le cœur battant la chamade, il se remit sur pieds aussi vite qu'il ne put, et releva la tête en entendant une petite voix crier.
« M'sieur Rhazel ! »Il vit alors Pie, perchée sur une des poutres qui soutenaient la piteuse toiture de la bâtisse. Cette dernière alluma alors une bougie qu'elle tint en hauteur,éclairant ainsi d'une faible lueur tremblante l'ensemble du taudis. Avec elle, perchés sur les poutres de cette sorte de grenier/mezzanine, le jeune guerrier distingua plus d'une dizaine d'autres gamins qui regardaient la scène avec effroi.
Sans un mot Rhazel hocha en guise de remerciement et reporte son regard sur son adversaire.
Ce dernier le regardait avec rage, Grorick tourna ensuite la tête vers le coin de la pièce et alla saisir une masse d'arme qui était disposée sur un meuble branlant.
(Super). L'arme était usée et miteuse, mais n'en restait pas moins inquiétante. Un éclat indiqua au guerrier la position de son épée, qu'il alla récupérer de deux bonds et d'une roulade. Il se releva à temps, son adversaire fondant sur lui. Il para le premier coup, le choc faisant vibrer son arme. Loin de se laisser démonter, Rhazel recula d'un pas vif, puis pivota sur lui-même, tenant son arme à deux mains et abattant celle-ci horizontalement, en direction de la nuque de son assaillant. Cependant, ce dernier un peu plus vif qu'il ne l'eût cru para le coup de justesse. Chacun d'eux recula d'un pas. Ils se tournèrent ensuite lentement autour, se fixant tel des chiens de faïence.
« T'es vraiment culotté de débarquer comme ça, ici, menacer ma vie et celle de mes propres enfants ! Sous mon propre toit ! » Cracha Grorick avec haine.
Rhazel secoua la tête dépité, le gros lard se sachant sous le regards de ses victimes, ce dernier continuait à jouer le rôle du père bienfaisant et protecteur.
« Arrête Grorick, arrête de les prendre pour des imbéciles, ça fait longtemps qu'ils ont bien vu dans ton jeu, à partir du moment où tu as pris la vie du petit Riot. »Le vieux lui répondit par un autre rire, dévoilant une dentition quasiment inexistante, à l'exception de quelques dents noirâtres.
« Mon pauvre, si seulement tu savais dans quoi tu as mis les pieds. »Il est vrai que l'assurance dont faisait preuve l'individu abject, malade et âge, face à un jeune homme dans la fleur de l'âge, était assez déconcertante, voir inquiétante.
Rhazel lutta intérieurement pour ne pas se laisser distraire et en finir au plus vite. Il plissa un peu les yeux quand il crut voir les ombres entourant les pieds de Grorick se mouvoir, il se demanda si ce n'était pas la lueur tremblante qui lui jouait des tours. Il repensa alors alors à la bougie qui s'était subitement éteinte un peu plus tôt, sans raison apparente. Certains mots de Pie lui revinrent ensuite en mémoire « Il fait plein de choses bizarres et effrayantes ». Tout cela commençait à prendre forme dans l'esprit du jeune homme, l'assurance si troublante du gros personnage malgré son état physique, et ces curieuses choses se manifestant autour de lui. Une conclusion inquiétante s'imposa alors à lui.
(Et merde).
Comme pour le confirmer, Grorick tendit subitement la main vers lui, une ombre compacte prit alors subitement forme devant la gorge de Rhazel et s'en saisit avec force, le poussant avec une force étonnante en arrière. Le jeune guerrier percuta avec violence une étagère qui bascula à l'impact. Il leva la main pour saisir la forme ombreuse qui menaçait sa respiration, mais celle-ci s'évapora instantanément, lui permettant de reprendre douloureusement son souffle. Grorick le regarda en ricanant, le fixant de ses deux énormes yeux globuleux. Il fit alors un curieux geste, et cette fois une main spectrale sembla jaillir d'une ombre se trouvant juste devant Rhazel et lui saisit le pied, l'immobilisant. L'infâme chargea alors à nouveau et avec son arme , la tenant à deux mains. Le jeune guerrier la para sans trop de difficulté mais il sentit la violence du choc lui remonter du poignet jusqu'aux épaules.
La main brumeuse s'évapora à nouveau. Rhazek recula d'un bond, essayant de rester hors de portée du sinistre personnage.
Mais ce dernier se contenta encore de le regarder en ricanant, loin de sembler en vouloir en finir aussi vite que le jeune guerrier le souhaitait. Ce dernier semblait au contraire commencer à s'amuser de la situation, il fit même quelques mouvements de sa main en direction du jeune homme, plus pour éprouver les nerfs ce dernier que pour lancer à nouveau une autre vicieuse attaque.
(Mais c'est qu'il s'amuse l'enfoiré). Les fluides obscurs qui parcouraient le corps de son adversaire procurait à ce dernier un certain avantage, d'autant plus que Rhazel n'avait pas connaissance de ce qu'il pouvait faire avec. Et au lieu d'utiliser cet avantage cet être arrogant et abject s'amusait à prendre son temps, tel un chat jouant avec la souris ayant eu le malheur de tomber entre ses pattes.
Rhazel eut un bref regard pour les enfants qui assistaient à la scène, terrorisés, et c'est alors qu'il vit bien mieux dans le jeu de son adversaire.
Ce dernier n'avait pas du tout l'intention d'en finir rapidement. Le gros fanatique avait l'occasion d'imposer une fois pour toute son emprise sur ces pauvres gamins. Il jouait ainsi jusqu'au bout son rôle de protecteur, mais tout en faisant démonstration de l'étalage de toutes ses sombres capacités, en guise d'avertissement. Il alliait ainsi emprise affective avec chantage et menace subtils, de quoi se mettre définitivement les bambins à sa botte et tuer dans l'oeuf toute idée de futur révolte.
Rhazel était l'occasion rêvée, l'être infâme allait prendre de temps à le mettre en pièces devant ces gamins, affermant ainsi et définitivement son emprise sur eux.
Pendant quelques secondes le jeune guerrier se consterna de sa propre stupidité et de son imprudence. Il aurait au moins dû assurer un minimum ses arrières avant de se jeter ainsi dans la gueule du loup. Il s'était attendu à tomber sur un couard, par sur un putain de fanatique psychotique.
Mais il était trop tard pour se morfondre, s'il voulait quitter ce taudis en vie et venir à bout de ce repoussant énergumène il devait se ressaisir.
Le jeune homme se redressa donc légèrement, essayant de faire le vide dans sa tête et focalisant son attention sur son adversaire.
Ce dernier sembla remarquer cette soudaine concentration car il lui adressa un rire railleur.
Provocation qui passa cependant loin au-dessus de la tête de Rhazel, qui empoigna son épée à deux mains. Il en savait peu sur les fluides, mais ce dont il était sûr en tout cas, c'est que l'individu ne pourrait pas les employer indéfiniment.
Refusant toutefois de lui laisser l'initiative le guerrier chargea et porta horizontalement un coup d'épée. La lame siffla aux oreilles du gros fanatique qui esquiva avec justesse. Il riposta avec un violent coup de gourdin que para le guerrier. Une nouvelle fois cependant la parade engourdit le bras de Rhazel.
Grorick ne lui laissa aucun répit et accompagna son mouvement d'un coup brusque coup d'épaule qui envoya le jeune homme s'étaler sur le plancher crasseux.
Jubilant du fait d'avoir ainsi la main dans ce combat, le fanatique dominait Rhazel de toute sa hauteur, le fixant de ses yeux globuleux au fond desquels dansait une joie et une lueur malsaines.
« Nul ne me contrarie chez moi, ici, sous mon toit. » Ronronna t'il, en levant sa main.
« Mais ne t'en fais pas tout ça sera bientôt du passé. » Ajouta-t-il avec un écoeurant gloussement.
Une forme sombre se matérialisa alors immédiatement devant la gorge de Rhazel, mais s'évapora à son grand soulagement lorsqu'un projectile atterrit sur la tête de son assaillant.
« Qu'est-ce que... » S'exclama ce dernier furieux, levant la tête afin d'identifier la source de cette attaque inattendue.
Tous deux eurent la réponse en entendant une petite voix piailler
« Allez m'sieur Rhazel ! Ne vous laissez pas faire ! ».Une autre projectile suivi, prenant la forme d'un bout de bois, rapidement suivi par un troisième, puis un quatrième. Les encouragements et projectiles se mirent aussi à pleuvoir petit à petit.
« Ouaip m'sieur Rhazel ! » « Allez m'sieur Rhazel ! ».
Celà mit du baume au cœur du guerrier, qui se redressa et recula d'une roulade. Loin d'infliger de sérieux dommages, ces petits projectiles improvisés étaient cependant suffisants pour décontenancer son adversaire et sortir ce dernier hors de ses gonds.
Grorick essayait de couvrir sa tête tant bien que mal, et adresser aux bambins insultes et menaces toutes aussi pires les unes que les autres.
C'en était trop pour Rhazel. Il ne devait en aucun cas perdre ce combat, car sa vie était loin d'être la seule mise en jeu. Il rechargea, effectuant un moulinet particulièrement vicieux avec son arme.
Le fanatique, prit de court, esquiva de peu mais se vit infliger une estafilade le long de la poitrine. Ce dernier, mugissant, riposta alors d'un mouvement trop grossier pour atteindre sa cible. S'ensuivit une série d'attaques et de riposte, durant lesquels les projectiles se firent bien plus rares, de peur de toucher par inadvertance la mauvaise cible. Toutefois malgré ça, le guerrier garda cette fois-ci la main. Tenant son arme à deux mains il para les coups avec plus d'aisance et de facilité, arrivant même à riposter à deux reprises, infligeant ainsi au fanatique deux nouvelles entailles ; une à la joue, l'autre au mollet.
Grorick haletait comme un porc, les yeux rendus fou par la fureur et la perte de son assurance. Perdant toute mesure , il beugla et brandit sa main gauche vers Rhazel, faisant à nouveau appel à ses sombres pouvoirs. Cette fois-ci le jeune guerrier arriva à esquiver, mais qu'en partie. La main sombre qui prit forme, à défaut d'agripper sa gorge, saisit le col de sa tunique, faisant effectuer ainsi au jeune homme une légère rotation en le déséquilibrant, dévoilant son dos à son adversaire.
Pris d'une soudaine panique, Rhazel fût toutefois soulagé en entendant un nouveau projectile rebondir sur le crâne de son adversaire, arrachant au fanatique un mugissement. Se ressaisissant, le guerrier accompagna la rotation d'un mouvement du bassin, retrouvant son équilibre, et refit face au fanatique en profitant de ce soudain élan, pour armer son coup et abattre verticalement l'épée qu'il tenant à deux mains, en direction de l'infâme individu.
Une main tomba, un hurlement résonna le long des parois humides du taudis.
Tombant à genoux en tenant son moignon, Grorick étouffa alors à grande peine gémissement et pleurs. Haletant, le front en sueur, Rhazel reprit son souffle. Il avait gagné, ce coup décisif lui assurait la victoire, néanmoins il évita de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il leva la tête en direction des enfants, certains avaient disparu, sans doute effrayés, les autres regardaient la scène avec des yeux ronds.
(Finissons-en.) Se dit-il las.
Un silence de mort régnait dans la bâtisse, seulement perturbé par les hoquets du gros fanatique, et de l'averse qui s'était mise à tomber à l'extérieur.
Il approcha et saisit Gorick par le col. Ce dernier poussa un mugissement et étendit son unique main pour saisir la masse d'arme qu'il avait lâché quelques secondes plus tôt. Rhazel posa un pied sur celle-ci et calma le gros fanatique d'un solide coup de pommeau au niveau de la tempe. Il n'eût alors aucun mal à entraîner sans ménagement l'infâme personnage, presque sonné, hors de la bâtisse. Les gamins en avaient déjà assez vu et avaient assez subi, il serait absurde d'en rajouter utilement, surtout pour ce qui allait suivre.
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