En effet, le coffre fut tellement "Impensable" qu'Aztai oublia d'en parler à Rudy et Waor lorsqu'ils rentrèrent un peu après. Un courant d'air froid balaya sa crinière lorsque la porte claqua. Rudy s'avançait pendant que Waor reprenait son souffle, collé à la porte les yeux fermés. Il était bon de les revoir sains et saufs: en cette période, Aztai craignait voir débarquer le Monarque à tous moments!
-Aztai, voici...hum. Se débarrassant d'une lanière de cuir autour de son torse, le jeune woran comprit qu'il s'agissait d'un fourreau. Et une garde d'épée en dépassait. Curieux comme jamais, il s'en saisit et admira l'objet avant de dégainer. Le pommeau était entièrement noir et une seule main à la fois pouvait le saisir . Plus légère qu'il ne l'aurait cru, Aztai fut franchement surpris: la lame devait bien mesurer soixante ou soixante dix centimètres. Sous le regard bienveillant et patient des deux autre woran, il dégaina. A la lueur des bougies, le métal étincela. Epousant la forme du solide fourreau, elle se courbait très légèrement, à la manière d'un sabre. Elle était cependant plus comparable à une épée, ou alors une claymore. Depuis le pommeau, d'où naissait la lame, des gravures en or brillait tout le long, formant des motifs inconnus: pas une langue, ni un dessin... Puis, en suivant le fil avec sa griffe, Aztai su pourquoi Rudy lui avait donné le nom de "fière allure", la qualifiant de "forte": à l'extrémité de la courbe, le tranchant était fin, semblable à une lame ordinaire. Seulement, vers l'intérieur, un travail d'artisan avait creusé le métal: cinq dents d'acier terminaient l'épée, s'étendant sur un tiers du métal.
Aztai n'eut aucun besoin de penser aux dégâts que cette arme pouvait transmettre.
-Enfoncer cet estramaçon dans le corps de l'ennemi est un calvaire... Ressort-là, et il connaîtra l'enfer! fit Waor comme s'il eut lût ses pensées.
-Elle déchire la chair, ajouta Rudy.
Son efficacité est à la hauteur de son barbarisme...Rengainant d'un geste vif la claymore dentée, Aztai s'exclama:
-Je n'ai jamais tué... Du moins jamais porté le coup de grâce. Il avait presque peur...
-Tuer est une épreuve, répondit sagement son père...
Mais tu feras le bon choix le jour venu, car tu n'en auras pas vraiment: ce sera le triomphe et la gloire, ou la mort et le désespoir...-Me voila rassuré, ironisa Aztai.
-N'est-ce pas un triomphe de sauver un ami... ou même son père? Demanda malicieusement Rudy, un sourire au coin des lèvres.
Encore une fois il avait raison. Changeant de sujet, Aztai demanda quand partiraient-ils.
-Tu te sens prêt?-Plus j'attends et plus... Waor et Rudy avaient compris. Ils avaient compris qu'attendre ici, c'était attendre la mort. Rudy alla dans la chambre et revint avec le sac de toile rempli de pièce d'armure. Il versa tout sur le sol dans un bruit à fracasser les tympans du woran neige. Lorsqu'il s'agenouilla pour ramasser les jambières qu'il avait déjà remarquées deux jours plus tôt, il sentit quelque chose dans sa poche: le coffre.
-Dites-moi, vous n'avez jamais entendu parler d'un, hum, artefact pouvant contenir des choses plus grandes qu'il n l'aurait pu naturellement? il se sentit parfaitement idiot, avec sa paire de jambières à la main.
-Pourquoi cette question, demanda Waor après qu'ils eurent répondu non.
-Oh pour rien... Je me disais que ça aurait pu être utile si... nous voyageons, s'empressa-t-il d'ajouter. Rudy fronça ses touffus sourcils blancs.
-Ce genre de magie, c'est tout à fait... N'allant pas plus loin dans son jeu, il sortit la petite boite de sa poche. Rudy s'approcha de la paume que tendait son fils, l'air franchement curieux. Waor l'était un peu moins, scrutant le trou dans le mur.
-C'est pour ça? demanda-t-il en pointant de la griffe la pierre fracassée.
-Oui, mais il y a plus étrange. Rud... Père... (Rudy sourit).
Prononce le mot "Impensable" en te concentrant là-dessus.Rudy s'exécuta. Le coeur d'Aztai fit un bon lorsque rien ne se produisit. Il demanda à Waor: rien!
-Et alors, fit-il en voyant son ami jubiler.
-"Impensable"! Un petit clic et le coffre s'ouvrait devant le regard ébahi des deux autres.
-C'est inouï... murmura Rudy.
J'imagine qu'elle peut cacher des choses plus grosses qu'elle ne peut normalement en contenir? Aztai saisit l'estramaçon par le fourreau. Exécutant le même manège qu'avec la pierre un peu plus tôt, il le ressortit tel quel.
-Son utilité n'a pas de prix! A usage unique en tant que personne! Waor était dément en disant cela.
-Je compte en prendre soin, ne t'inquiète pas, fit Aztai avec toute la vérité du monde...
Une vingtaine de minutes plus tard, Aztai voyait pour (il l'espérait!) la dernière fois ce taudis. Chacun vêtu d'un pardessus à capuche marron terre, de jambières, couteau et autres protections, ils s'enfoncèrent dans la nuit. Le jeune woran avait trouvé de quoi protéger aussi ses avant-bras, un métal semblable à celui qui lui protégeait les jambes... Il portait son épée courte en os de fulminaire partiellement cachée sur son flanc gauche, en revanche, l'épée dentée était visible grâce au fourreau porté en bandoulière. Le woran neige avait rapidement testé sa maniabilité: il était aussi simple de dégainer la lame de flanc que la lame dorsale et avec un peu de pratique, il pourrait même sortir les deux sans soucis. Ainsi armé, il avait l'impression de partir en guerre... Et si...
Tous trois se faisaient silencieux, longeant les murs, tels des ombres, glissant presque sur le sol, tels des serpents... Un seul bruit, et il mettait tous leurs sens en alerte. Le vent de la nuit flanquait de douces caresses les poils du woran blancs, une liberté pour laquelle il combattrait crocs et griffes ressortis.
-Il faut passer par la porte principale, nous avancerons ensuite vers l'ouest, chuchota Rudy.
-Il faut d'abord "passer" la porte, murmura Waor anxieux.
-S'il faut user de nos armes, nous le feront!-Contre la milice entière de cette maudite ville... continua Waor, un peu agaçant.
-Nous somme là pour fuir, coupa Rudy en s'arrêtant.
Pas pour étriper les soldats...-Je m'en chargerai bien s'ils étaient tous sous la coupe de ce pourri d'elfe!-Ils le sont... Contre leur gré. Quelque dix minutes plus tard ils s'engageaient sur la voie principale de Kendrâ Kar. Cent mètres plus loin se dressaient le mur d'enceinte et la porte... garnie de soldats Kendrans. Le feu des torches éclairait assez le groupe qui montait la garde: cinq peut-être six... sans compter les archers postés sur la muraille.
-On ne passera pas en force, dit Aztai, plus pour lui-même.
-Ils ne savent peut-être pas que nous sommes recherchés...Waor éclata d'un rire jaune et Rudy le fit taire d'un faible rugissement.
-Je te laisse tenter ta chance alors...-Il y a peut-être un moyen, tenta Aztai.
Attendant sa proposition il continua:
-Heu... Une diversion?suite