L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 8 Mar 2011 00:56 
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Victoire entra finalement dans la salle à manger, qui était à l'image du reste de la demeure, esthétique et raffinée. Au centre se trouvait une table longue, mais bien moins grande que celles du château de Blanchefort. Dame Odeline, qui était déjà assise à l'une des extrémités de la table, se leva pour aller accueillir Victoire.

Elle s'était changée elle-aussi, arborant à présent un habit de couleur noir, à la texture chatoyante et au grand décolleté. C'eut été considéré comme indécent dans nombre de sphères sociales, mais la magicienne semblait ne pas y prêter attention.

Ses maints gantés de dentelles noire vinrent saisir celles de nouveau propre de Victoire, alors qu'elle s'exprimait de sa voix douce:

"J'ai appris pour votre famille. Je vous présente toutes mes condoléances, votre père était un grand homme et je ne dis pas cela par courtoisie."

Victoire se contenta d'incliner la tête tristement, se demandant comment l'information avait pu filtrer aussi rapidement. La magicienne la guida alors jusqu'à l'autre extrémité de la table, la plaçant ainsi au même niveau qu'elle. La jeune fille s'installa, remarquant aussitôt les couverts nombreux qui étaient disposés autour de l'assiette. Elle n'avait pas l'habitude d'user de ce genre d'ustensiles, les repas au château étant surtout fait de gibier ou de faisan, mais elle avait tout de même appris à les utiliser correctement.

A peine assises, Dame Odeline fit sonner une petite cloche, signalant que le repas pouvait commencer. Victoire ouvrit la discussion:

"Je vous remercie pour votre accueil. Je ferai de mon mieux pour ne pas vous importuner plus de quelques jours.
-Oh non Victoire, vous ne m'importunez pas, je suis même très heureuse de vous avoir en ma demeure, malgré le terrible de la situation. Vous pouvez rester aussi longtemps qu'il vous plaira.
-Vous avez toute ma gratitude."

Un serviteur habillé de noir se présenta, tenant un plateau sur lequel étaient posées deux soupières en argent: la magicienne jouissait visiblement de moyens financiers importants. Victoire n'aurait su dire pour qui elle travaillait, ou même simplement si elle travaillait. Une chose était sûre, pour qu'une femme de son jeune âge dispose d'autant de finances, c'était bien la preuve qu'elle avait su jouer les bonnes cartes au bon moment.

On ouvrit le couvercle devant Victoire, l'odeur de la soupe de poisson atteignant ses narines, lui ouvrant l'appétit. Elle se serait bien jetée sur la nourriture, buvant à même la soupière, mais elle se contenta de saisir la cuiller prévue à cet effet, avant de la tremper dans le potage.

"J'imagine qu'il est un peu tôt, Victoire, mais que comptez-vous faire à partir de maintenant? Avez-vous vu le roi?
-Oui, il m'a reçue avant que je ne vienne. Son discours n'a hélas pas été encourageant, il est prêt à m'aider à reconstruire la demeure, mais pas à prendre des actions contre Valorian.
-J'ai malheureusement peur de ne pas tout saisir. Je ne suis que modérément au fait de la politique des duchés.
-Je l'étais moi-même encore il y a peu. Mon château a été pris de l'intérieur. Nous préparant à une attaque de Valorian, nous avons fait entrer la population entre nos murs. Des meurtriers s'y étaient dissimulés. Ce sont eux qui ont..."

Voyant la gêne de la jeune fille, Dame Odeline coupa court au sujet:

"Je suis désolée, je n'aurais pas du lancer la discussion. Tenez, je voulais garder cela pour plus tard dans la soirée, mais j'ai un cadeau pour vous."

Elle fit un signe à Millana, qui était restée debout près de la porte. La jeune fille s'inclina, s'éclipsant quelques instants. L'idée même d'un présent intriguait la jeune fille.

"Ce n'est trois fois rien, quelque chose que j'avais prévu pour vous, souhaitant vous l'offrir en personne lorsque mes pérégrinations me conduiraient de nouveau sur vos terres. Comme vous êtes là, c'est l'occasion où jamais."

La porte s'ouvrit de nouveau, Millana entrant, tenant entre ses mains un coussin de velours rouge sur lequel étaient posés un arc et son carquois. La servante s'approcha, baissant l'arme au niveau de Victoire qui, incrédule, fixait l'objet. L'arc était plus court que celui de Lydia, plus sobre aussi, d'un rouge foncé qui trahissait le bois utilisé.

Avec respect, la duchesse prit l'arc en main, sentant le doux contact de l'if poli, léger mais solide. Elle remarqua alors que de fines gravures sombres l'ornaient, représentant des vignes, symbole de Beauclair. Le carquois quant à lui, tout aussi sobre mais de bonne qualité néanmoins, arborait le blason de Blanchefort.

Victoire ne put empêcher une larme de couler sur sa joue, touchée par le geste et par la symbolique: elle n'avait pas l'épée de famille, qui avait du tomber entre les mains ignobles de ses ennemis, mais à présent elle aurait une arme à son nom et à ses couleurs. Une nouvelle âme pour sa famille. C'était important et plus porteur de sens aujourd'hui que jamais:

"Je me souvenais que lors de mon séjour vous vous étiez plainte de ne pas avoir votre propre arc et de devoir utiliser le sien.
-Je... Cela me touche vraiment. Je vous en suis reconnaissante. De tout mon cœur."

Dame Odeline se contenta d'un sourire rassurant, tandis que Millana déposait l'arme sur une commode voisine.

"Dame Odeline, je ne saurai pas comment vous remercier. Vous m'accueillez, vous m'offrez une arme aussi magnifique. Je vous suis redevable.
-Point. Si votre père ne m'avait pas accueillie dans votre château, je serais probablement morte dans la nature. Les magiciennes comme moi sont craintes tant qu'elles sont fortes, mais au moindre signe de faiblesse, les hommes les tourmentent ou au mieux les laissent succomber. Croyez moi quand je vous dis cela, peut-être était-ce naturel pour votre père et votre famille, mais cela reste un acte rare et que je n'ai pas oublié. Je ne vous ai pas oubliée non plus Victoire. Vous étiez venue me voir plusieurs fois, parce que vous aviez peur que je me sente seule. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas?
-Oui, bien sûr.
-Ce sont les petits gestes qui sont importants en ce monde. Ce sont les petits gestes qui montrent la nature réelle d'une personne. Faîtes toujours attention, Victoire, à ceux qui font de grandes palabres et de grandes actions. Les plus beaux actes sont souvent intéressés, alors que les petits sont simplement ignorés par ceux qui ne sont pas sincères."

Victoire réfléchit à ce que venait de dire la magicienne. Celle-ci n'avait pas tort en effet, il était plus facile pour tromper la confiance de quelqu'un que de faire beaucoup. Mais la sincérité ne demandait pas de convaincre, elle était, simplement. Une leçon que Victoire se devait de retenir.

On leur servit par la suite un aileron de requin en sauce, plat qui régala la jeune fille encore affamée de son périple.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 8 Mar 2011 10:28 
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Le souper toucha à sa fin, la jeune fille se sentant repue sans pour autant avoir mal au ventre. Elle accompagna la magicienne au salon, celle-ci lui proposant que dès le lendemain, si cela lui convenait, elle lui ferait découvrir les mondanités de la cité.

"C'est très aimable à vous Dame Odeline. J'ai cependant quelques craintes, pour ma sécurité.
-Je comprends. Peut-être serait-ce mieux de ne pas fréquenter le château alors, mais de ne se faire inviter que dans certaines réceptions privées. N'ayez crainte lorsque je suis avec vous. D'autant que si un jour vous comptez redresser la situation, la rumeur de votre survie devrait vous aider.
-Je vous concède ce point. Cela dit, le risque va aussi se porter sur vous, si les rumeurs racontent que vous m'hébergez."

Odeline allait répondre lorsque le serviteur entra, avec un plateau contenant cette fois deux verres en cristal ainsi qu'une carafe du même minerai, remplie de vin. L'homme déposa le tout sur une petite table basse, avant de remplir les deux récipients d liquide, dont la couleur légèrement translucide indiqua aussitôt à Victoire que c'était du vin de Beauclair.

"A Kendra Kâr aussi, Beauclair est connu pour son vin, en tout cas par les connaisseurs. Où en étions nous? Oui, nous disions qu'il était risqué que de jouer la carte mondaine, pour le moment. Que voudriez-vous donc faire?"

Victoire saisit le verre de vin, humant celui-ci, avant de délicatement tremper ses lèvres. Il était bon, en effet.

"Je suis un peu confuse, mais j'ai hélas peur que reprendre possession du duché, pas en titre j'entends, mais bien dans les faits, demandera autre chose que juste de la manœuvre politique. Je me suis rendue compte de ma faiblesse et il est temps pour moi de la corriger et de trouver des appuis, moins traditionnels.
-Vous entendez partir en guerre?
-Non, point pour le moment. Je tiens juste à être sûre que Blanchefort appartienne à Blanchefort et ne devienne pas un protectorat valorianois. Le duc Tristan a bien joué ses cartes, il a tué mon père sans se salir les mains, il ne sera pas assez fou pour prendre la terre par la force.
-Vous avez une vision ma foi fort perspicace de la situation, de ce que je puis en juger. C'est vraiment dommage que votre père ne vous ait pas initiée lui-même à la politique."

La magicienne marqua une pause dans son discours, trempant elle-aussi les lèvres dans le vin, ses lèvres rendues vermeilles par le liquide sombre. Croisant les jambes, simple geste qui à la cour ferait fuser mille et un commentaires navrant, elle se cala dans le fauteuil. Sa question fut plus personnelle:

"Comptez-vous vous venger?"

Victoire se crispa à ce mot, ses doigts serrant le cristal fin. Son regard se perdit un instant dans l'âtre, qui réchauffait doucement la pièce bien moins froide qu'une citadelle de campagne.

"Oui. Est-ce un problème?
-Non, bien sûr que non. Je devrais vous dire que se venger ne résout rien, que cela ne fait qu'accroitre le puits sans fond du désespoir. C'est ce que je devrais vous expliquer, si j'étais de vos ennemis. Non, la vengeance n'est pas une erreur, ceux qui le proclament sont ceux qui méritent le courroux de la justice. La vengeance doit être contrôlée cependant, il est vrai. Elle doit faire partie du plus profond de l'être, mais ne doit pas égarer l'être. Tout comme la peur, elle est bénéfique, si on l'utilise correctement."

La duchesse avait écouté avec attention la magicienne, celle-ci ayant parlé avec une passion non dissimulée, comme si le sentiment était quelque chose de proche. Victoire se garda bien de lui demander des précisions. Dame Odeline reprit:

"Savez-vous que la vengeance, dans un ancien culte de Gaïa, prenait la forme d'une jeune fille, vierge et pure, que l'on priait pour qu'elle apporte la justice quand un crime était impuni? La justice à l'époque était bien plus simple, le coupable vivait exactement ce qu'il avait commis. Le meurtre était puni de mort, le viol était puni de la même façon, ainsi que toutes les violences. Quand la justice ne fonctionnait pas, pour des raisons comme celle que vous vivez, on en appelait à cette jeune fille, qui donnait justice et vengeance."

Elle marqua une courte pause, avant de conclure:

"On l'appelait Tisis."

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Dernière édition par Tisis le Mar 8 Mar 2011 19:21, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 8 Mar 2011 19:21 
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Bien qu'épuisée, Victoire mit beaucoup de temps avant de trouver le sommeil. Son esprit était en pleine agitation, alors qu'elle se demandait qu'elle allait être la marche à suivre, comment elle allait pouvoir, à elle seule, relever son duché. Certes il lui faudrait probablement en passer par les armes, afin que Valorian soit mis en déroute. Il lui faudrait la tête de Tristan et de chaque assassin qu'elle pourrait retrouver.

Mais cela ne se ferait pas sans hommes, pas sans influence, pas sans pouvoir. Dame Odeline lui avait suggéré de jouer la carte de la rumeur, de faire savoir aussi bien à Kendra Kâr qu'à Blanchefort et Valorian que les actions barbares étaient l'œuvre de Tristan. Vu le personnage, ce type de rumeurs prendrait facilement et lui donnerait une légitimité pour ses actions futures.

En attendant, elle ne pouvait compter que sur elle-même et il fallait qu'elle s'endurcisse. Le lendemain elle commencerait son entrainement, pour devenir non plus seulement une duchesse, mais aussi la chef des armées qui lui échoueraient lorsqu'elle irait se rapprocher des comtes de ses terres, leur demandant de lever armer et de partir en guerre sous sa bannière.

Il lui fallait de la légitimé pour cela, il fallait qu'elle soit aussi forte qu'un chevalier, physiquement et moralement, tout en gardant son image de femme et de duchesse. C'était un jeu difficile et il serait difficile de faire accepter qu'elle était les deux.

A moins que...

Victoire se redressa dans son lit, faisant glisser les draps de satin sur ses frêles épaules. En elle vibrait les paroles de Dame Odeline:

"On l'appelait Tisis."

Une âme vengeresse, une jeune fille vierge qui apportait le courroux et la justice divine sur ceux qui échappaient à la loi des hommes. Une image effrayante. Une image qui ne seyait guère à une duchesse, mais qu'une femme d'arme, une guerrière luttant pour son peuple pourrait posséder.

Si la duchesse et la chef des armées se séparaient, en deux femmes bien distinctes. Victoire, la fille de feu le duc de Blanchefort, la duchesse qui rétablirait l'ordre et protégerait son peuple. Et Tisis, la main armée de la duchesse, la vengeresse qui apporterait la mort aux ennemis et aux traitres. Deux femmes différentes, deux âmes différentes, mais un seul et même corps.

Elle n'avait pas encore été introduite à la noblesse Kendranne, seules quelques personnes, dont le Roy, l'avaient vue et pourraient mettre un visage au nom de Victoire. Pour les autres, il lui suffirait d'être Tisis, la dame chevalier de Blanchefort, la vengeresse. Le sang versé ne serait pas sur les épaules de Victoire qui resterait pure et noble, mais sur celles de son alter ego.

Pour cela il fallait qu'elle s'entraine, qu'elle devienne forte, qu'elle devienne, celle que l'on appelait Tisis.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mer 9 Mar 2011 20:40 
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A peine fut-elle rentrée que Victoire fut accueillie par Millana, qui lui fit part de son inquiétude quant à la longue absence de la duchesse. Elle mentionna seulement qu'elle avait eu à faire et qu'il en serait de même les jours suivants. La servante s'en contenta, l'informant que Dame Odeline ne serait pas là pour le souper, rentrant tard, mais qu'elle se ferait un plaisir de discuter avec Victoire dans le salon, si cette dernière n'était encore parti se coucher à son retour.

En attendant, Millana proposa à l'invitée de passer à table quand elle le souhaiterait, ce que bien entendu la jeune fille ne put refuser. Elle confia simplement son arc à la servante, rejoignant la salle à manger et s'y installant. Le simple fait de s'asseoir fut un soulagement pour ses muscles encore tendus par l'effort de toute une journée d'entrainement. Sans les quelques jours bien plus intenses qu'elle avait passé en voyage avec Lydia, elle aurait juré ne pas pouvoir être plus fatiguée que cela.

Il ne fallut pas attendre longtemps pour qu'on lui apporte le potage, qu'elle se força là encore à déguster et à manger lentement, se torturant elle-même. On lui servit ensuite du foie gras mi-cuit en sauce, qui lui prouva une nouvelle fois que le cuisinier de Dame Odeline était vraiment excellent. Victoire demanda d'ailleurs qu'on lui transmette ses félicitations, ce qui sembla mettre de bonne humeur le chargé de service.

Une fois son repas, délicieux certes, mais loin d'être copieux, fini, elle demanda à Millana si elle pouvait emprunter une épée à un garde. La servante parut surprise, Victoire se sentant presque obligée de l'informer que c'était uniquement en vue de s'entrainer. La jeune fille s'exécuta, allant rapidement trouver pour sa nouvelle maîtresse une arme assez rugueuse mais de facture convenable. Elle lui suggéra de s'entrainer dans une salle à l'étage qui était suffisamment spacieuse, y accompagnant la duchesse.

"Désirez-vous autre chose, Mademoiselle Victoire?
-Et bien si vous pouviez me faire préparer un bain avant que Dame Odeline ne revienne de soirée. Vous n'aurez qu'à venir m'interrompre quand il sera prêt.
-Soit Mademoiselle. Dans deux heures, cela vous irait-il?
-C'est parfait. Merci Millana."

La servante s'inclina, repartant en fermant les portes de la salle. L'endroit était en effet assez grand, il s'agissait sûrement d'une ancienne salle d'armes bien qu'aucune décoration martiale n'y soit présente. C'était sans doute là un choix délibéré de Dame Odeline, les magiciennes n'ayant que faire des épées et des armures. C'était d'ailleurs suffisamment étrange pour Victoire qu'une femme puisse vivre seule dans pareil hôtel sans pour autant être veuve. La duchesse doutait en effet qu'il y ait un quelconque veuvage, aucune trace d'un époux n'étant visible, en tout cas dans les endroits où elle s'était rendue.

L'arme en main, les épaules lui tirant et les bras commençant déjà à souffrir de courbatures, elle se mit en garde avant de se lancer dans de douloureuses passe d'armes.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 10 Mar 2011 00:40 
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Après un entrainement simple, Victoire n'ayant guère la force de faire quelque chose d'aussi complet qu'elle le voudrait, elle avait été avertie que son bain était fin prêt. Ruisselante de sueur, ce qui aurait fait hurler feu la duchesse Alienor de Blanchefort, la jeune fille se rendit dans ses quartiers, avant d'aller se glisser dans l'eau fumante.

Lorsqu'elle en ressortit, ce fut à grande peine, chaque parcelle de son corps demandant grâce. Il faisait déjà bien nuit, les bougies étant nécessaires depuis au moins une heure. Elle s'habilla avec soin, dans des habits clairs une nouvelle fois, ayant encore besoin de Millana pour le laçage et un nouvel ourlet. La servante exprima qu'il serait de bon ton de prendre ses mesures et de faire commander quelques vêtements plus à son goût et à sa taille. Victoire n'aimait pas l'idée d'ainsi abuser de l'hospitalité de Dame Odeline, elle qui, il y'a quelques jours encore, craignait de finir dans les rues de Kendra Kâr à mendier pour sa pitance.

Elle accepta de faire ces mesures le lendemain avant de partir s'entrainer à la cour d'archerie. Une fois vêtue et coiffer correctement, elle descendit dans le salon, la servante toujours derrière elle, prête à rendre service. Victoire savait bien entendu que Millana gardait un œil sur la duchesse, donnant très certainement son avis sur l'attitude de celle-ci à la maîtresse des lieux. Cela ne choquait en rien Victoire, qui ne pouvait espérer que l'on lui fasse totalement confiance, tout comme elle ne pouvait que difficilement accorder entièrement sa confiance à qui que ce soit.

La duchesse attendit dans le salon le retour de la magicienne, posant à Millana quelques questions générales sur la demeure et sa propre présence en celle-ci. Elle fut suffisamment subtile pour que la discussion ne prenne pas la tournure d'un interrogatoire et au final apprit plusieurs faits dignes d'intérêt: tout d'abord la demeure n'était en la possession de Dame Odeline que depuis cinq ans, ayant auparavant appartenu à un gentilhomme dont la vie avait été écourtée par un duel fâcheux. Millana, quant à elle, avait toujours été au service de Dame Odeline, qui avant de venir dans cet hôtel avait beaucoup voyagé, ne restant que rarement plus de deux années au même endroit.

Sur ces entre-faits, le son du carrosse se fit entendre, les chevaux s'arrêtant au milieu de la cour. Victoire se leva, entendant l'empressement de l'intendant qui allait accueillir l'hôtesse. Celle-ci ne tarda pas à venir la rejoindre dans le salon, l'air visiblement ravie. Saluant la duchesse en lui saisissant la main, geste qu'elle semblait apprécier, elle s'exprima sans attendre:

"Victoire, je viens avec d'excellentes nouvelles. Votre frère est vivant, il a survécu à l'attaque. Il se dirige actuellement vers Kendra Kâr, il sera là demain matin.
-Roland est vivant?!"

Dame Odeline se pinça les lèvres en entendant la question de Victoire, hésitant un moment. Cette hésitation en dit long à la jeune fille qui comprit, déglutissant en tombant de sa fausse joie.

"Il s'agit d'Anatole, n'est-ce pas?
-Oui, Anatole. Peu de personnes sont au courant de sa venue pour le moment, il est dit qu'il ne s'est pas remis de l'attaque des orques."

Victoire fut soulagée d'apprendre qu'Anatole était en vie, même si cela provoquait en elle un sentiment qu'elle ne voulait pas ressentir, un goût amer qui la faisait culpabiliser. Ce n'est pas qu'elle n'aimait pas son frère, loin de là, mais ils n'avaient jamais été très proches. Anatole était trop différent d'elle, c'était quelqu'un de bien plus réfléchi, qu'elle avait toujours jugé trop passif. Son père lui avait déjà exprimé qu'il aurait plus confiance en la voyant elle sur le trône plutôt que lui, mais qu'heureusement Roland l'empêchait de se poser ce genre de question.

Dame Odeline la sortit de ses pensées:

"Si vous le souhaitez, je pourrai m'arranger pour qu'il reçoive un mot de votre part. Peut-être pourriez vous vous rencontrer, même? Je n'ai pas osé dire que vous alliez bien sans votre accord, mais je suis certaine qu'il se fera une joie de vous revoir.
-Très certainement, je vous en serais une fois encore reconnaissante.
-Et bien soit, je ferai parvenir cela au matin. On dirait que le destin se fait enfin plus clément."

Se faisait-il plus clément? Peut-être, mais pourquoi Victoire se sentait-elle aussi amère, aussi sombre? Quelque chose ne voulait pas ressurgir en elle, quelque chose qu'elle savait là mais ne désirait pas s'avouer.

Les deux femmes discutèrent une partie de la soirée, avant que la fatigue ne rattrape Victoire, dont la journée avait été volontairement rude. Son lit l'accueillit avec délice, le sommeil venant, une fois n'est pas coutume, très rapidement.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 10 Mar 2011 10:18 
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Le lendemain Victoire n'alla pas s'entrainer à l'arc, ne quittant en fait pas la propriété de Dame Odeline. Tôt le matin un messager était parti porter à son frère un message cryptique, lui demandant de se rencontrer de toute urgence pour qu'ensemble ils puissent prendre des mesures adaptées à la situation.

Quant à elle, c'est chaque muscle meurtri qu'elle avait été s'entrainer, convainquant un garde qui ne devait prendre son service que l'après-midi d'échanger des passes avec elle. Ce fut ainsi qu'elle passa la matinée, laissant peu à peu la chaleur décrisper son corps douloureux, ne se concentrant que sur la lame entre ses doigts.

Elle déjeuna avec la maîtresse des lieux, qui de fait était beaucoup moins matinale que la duchesse. Non, plus duchesse: si son frère était vraiment en vie, Victoire n'était alors pas la duchesse de Blanchefort, mais uniquement la sœur du duc. L'idée aurait du enlever un poids des épaules de la jeune fille, mais ce n'était résolument pas le cas. Elle se sentait toujours autant oppressée et ses résolutions guerrières n'étaient pas passées aux oubliettes pour autant.

Il fallut attendre l'après-midi pour que le messager ne revienne, portant avec lui un message là encore des plus sobres:

"Rendez-vous quand le soleil sera juste passé à l'ouest, au temple de Vallyus. Seule, vingt trois."

Elle tendit le message à Dame Odeline, qui bien sûr ne le comprit pas. Victoire lui expliqua:

"C'est un vieux code inventé par père. L'heure détermine en fait la distance, c'est un piège. La vraie heure est le dernier nombre. Pour traduire, je dois me rendre à onze heures du soir à deux cent quarante pas du temple de Vallyus, vers l'est.
-Pourquoi voudrait-il que vous vous y rendiez seule? Ne craint-il pas pour votre vie comme la sienne?
-Cela risque moins d'attirer l'attention, j'imagine."

Victoire n'était pas plus convaincue que cela. Quelque chose n'allait pas, tous ses sens lui criaient qu'il y avait du danger. Peut-être que son frère avait été pris en otage et avait du écrire ce mot sous la menace d'une lame, c'était possible pour ce qu'elle en savait. Connaissant la faiblesse de l'homme, il aurait en effet tout le mal du monde à rester de marbre face telle menace.

Dame Odeline, qui était allé chercher une carte de la ville, montra à Victoire où les deux cent quarante pas la mèneraient, à savoir dans une ruelle au milieu d'habitations. Il n'y avait, d'après l'hôtesse, rien de notable à cet endroit.

La magicienne reprit:

"Je pense qu'il n'est pas sage que vous y alliez seule, quoi qu'en dise votre frère. Peut-être pourrais-je venir avec vous, me faisant simplement passer pour une servante? Une seconde femme n'attirerait pas de soupçons à mon sens."

Victoire réfléchit très vite à la situation. Certes cela la rassurerait et les risques seraient réduits, mais la magicienne se mettrait dans une situation où elle deviendrait indispensable pour la jeune fille. Celle-ci savait que ce n'était pas quelque chose qu'elle voulait, qu'accepter l'accueil de Dame Odeline était convenable, lui demander de risquer sa vie l'était bien moins. Rien n'était jamais gratuit, même entre amies et elle n'était pas en mesure d'accepter de trop nombreuses dettes

"Je vous remercie pour votre offre, mais je n'aimerais pas que vous vous mettiez en danger pour moi. Si mon frère agit ainsi c'est qu'il a ses raisons et je n'aimerais pas qu'il perdre confiance.
-Je vous comprends. Et bien soit, il en sera comme vous le désirez, mais sachez que je trouve toujours l'idée dangereuse.
-Merci Dame Odeline."

Victoire n'aimait pas cacher ses intentions, mas une idée venait de germer dans son esprit, idée qu'elle mettrait en place le soir. En attendant, il lui fallait s'entrainer, encore et toujours.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 10 Mar 2011 19:01 
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Victoire rentra dans le salon, le cœur toujours serré. Elle avait mis du temps à partir de son perchoir, rongée par le remord et la culpabilité. Elle savait pertinemment qu'il y aurait des victimes, des personnes qui souffriraient à cause de sa triste quête, mais cela ne rendait pas la mort de cette jeune femme plus acceptable, ni plus facile à vivre. Non, Victoire était coupable au même titre que l'homme aux cheveux gras qui lui avait tranché la gorge. Le sang était sur ses mains tout autant.

"Victoire! Je me faisais un sang d'encre! Que s'est-il passé?"

La sœur du duc releva la tête, le regard perdu. Elle n'avait pas pleuré, elle ne s'était pas donné le droit de verser des larmes pour une action dont elle était pleinement responsable. La magicienne la guida à l'intérieur, confiant à Millana l'arc et les six flèches, faisant s'asseoir Victoire à côté d'elle, sur un petit sofa.

Elle posa sa main sur celles tremblantes de la jeune fille, dont les pensées s'échappèrent un moment, retournant vers son périple qui semblait déjà loin maintenant. Elle se demanda ce qu'aurait dit Lydia: probablement qu'il fallait qu'elle reste forte, qu'elle garde son courage et fasse face à ses responsabilités. L'archère lui manquait.

On déposa une tasse fumante entre les doigts glacés de Victoire, qui machinalement approcha la tasse de ses lèvres. Elle vit alors un insecte brun dans le récipient, le lâchant par réflexe, la porcelaine se brisant contre le sol de bois. Du sang se répandit, lentement, comme si la tasse en avait été remplie. Victoire ferma les yeux, sentant de nouveau la nausée monter en elle, comme un animal qui tentait de s'extraire en la faisant vomir.

Cela passa cependant et elle rouvrit les paupières, voyant un serviteur s'atteler à éponger du thé. Seulement du thé, sans insecte ni sang, juste du thé.

"Je suis désolée. Je...
-Ce n'est rien Victoire, votre soirée a du être éprouvante. Vous feriez mieux d'aller vous reposer.
-Oui. Ne... N'informez pas mon frère. Il ne doit pas savoir où je suis."

La magicienne répondit, l'air soucieuse par les paroles de la jeune fille:

"Je vois. Ne vous en faîtes pas, je ne révélerai rien."

Victoire la remercia, se levant avec son aide, tant elle se sentait faible. Millana prit la relève, prenant le bras de la sœur du duc et la dirigeant vers ses quartiers. Elle l'aida à se dévêtir, lui demandant s'il y avait quoi que ce soit qu'elle pouvait faire. Sans réponse de la part de la jeune fille, elle lui souhaita la bonne nuit, éteignant toutes les bougies sauf une, qu'elle plaça sur la table de chevet.

Seule, le regard posé sur la flamme vacillante, Victoire sentait les doutes l'assaillir toujours plus. Elle ne savait plus si elle devait continuer. Elle pourrait simplement disparaitre, quitter Nirtim et ne jamais revenir, fuir ce monde qui l'avait brisée et se reconstruire, ailleurs. Il lui suffirait de prendre le premier navire, pourquoi pas de monter un commerce? L'idée n'avait hélas rien de rassurant, ni de réjouissant. Au fond d'elle un feu brûlait, un feu sombre qui la consommait et la faisait souffrir. Elle le savait.

Elle ferma les yeux, repensant au visage de la prostituée. Repensant à sa tête arrachée comme on l'aurait fait d'une vieille poupée. Repensant à son cri de terreur. Repensant à sa mort sordide.

Ses mains étaient couvertes de sang à présent, elle ne pouvait plus faire marche arrière, quoiqu'elle en pensait. Le lendemain, Tisis reprendrait le pas et continuerait l'entraînement. Sans faire marche arrière.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 11 Mar 2011 00:01 
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"Victoire, il y a eu une déclaration à la Cour, concernant Blanchefort. La chute du château est entièrement due à l'attaque des orques, mais grâce à l'aide rapide de Valorian, la menace a été écartée à temps. Anatole se verra remettre le duché dans une cérémonie officielle, qui aura lieu là-bas dans un mois. En attendant il gère de fait le duché, avec le soutien de Tristan."

Voilà ce que Victoire apprit, le surlendemain de la tentative de meurtre, de la bouche d'Odeline. Ainsi ses pires craintes étaient fondées, les faits étant même plus terribles encore que dans son imagination la plus morbide. Non seulement le coup de Tristan avait fonctionné, mais en plus il était à présent en toute légalité sur les terres de Blanchefort, en sauveur. Si la jeune fille était restée au domaine royal, comme lui avait suggéré le roy, elle serait à présent soit morte, soit otage de son pire ennemi.

Comment Anatole avait pu se laisser ainsi faire, elle l'ignorait. Peut-être croyait-il vraiment cette histoire, ou simplement était-il pieds et poings liés par la menace. Peut-être même avait-il simplement accepté, trop heureux de monter sur le trône. L'idée même révoltait Victoire, de savoir le nom de Blanchefort souillé et piétiné par des chiens tels que Tristan.

Les choses étaient cependant claires pour Victoire: elle devait, dans un mois, se trouver au château de Blanchefort, avant le couronnement de son frère. Si elle parvenait à lui faire reprendre conscience, elle pourrait peut-être encore sauver ses terres du mal humain. Pour cela elle devait être forte, elle devait être une guerrière et pas seulement une duchesse.

Après cette nouvelle, l'entrainement reprit de plus belle. Chaque matin elle allait tirer à l'arc, travaillant toujours l'exercice de la pomme et de la faim, s'améliorant au final rapidement, au prix d'immenses efforts. L'après-midi, c'était l'arme blanche qu'elle travaillait, d'abord avec l'épée du garde, puis avec sa propre lame quand le maître forgeron eut achevé son œuvre.

L'arme en question était magnifique, la lame en acier fin et mat, à la base de laquelle apparaissait la tête de loup entouré de vignes, symbole de Blanchefort. L'arme était avant tout extrêmement bien équilibrée, collant à la main de la jeune fille comme le propre prolongement de son corps. Victoire lui donna le nom d'Ordalie, car la lame était née de sa volonté de vengeance et de divine rétribution.

L'écu n'était pas en reste, solide et travaillé, le blason étant cette fois bien plus détaillé. Le loup y était noir, de trois-quart, semblant s'approcher, prêt à mordre. Les vignes étaient vertes et rouges, s'entrecroisant dans un ballet martial. Quant à la maille, là aussi elle était fine et légère; le pourpoint entièrement noir arborait le loup rouge cette fois-ci, l'effet associé à l'écu étant marquant. On ne risquait pas d'ignorer la jeune femme ainsi vêtue.

Elle continua de s'entrainer, encore, de toutes ses forces. Hélas vint assez rapidement un moment où s'améliorer, aussi bien à l'épée qu'à l'arc, devint difficile. Elle sentit que sa technique stagnait, se rendant surtout compte qu'elle n'arriverait pas à aller au-delà seule. La frustration et la rage s'ensuivirent, ne sachant pas où elle pourrait apprendre d'avantage. il n'était pas question d'aller au temple des maîtres, ni d'essayer d'entrer dans la milice pour profiter de l'aide des instructeurs. Non, jamais elle ne ferait partie des troupes de ce roy qu'elle haïssait à présent, hésitant entre le considérer comme un traitre ou comme un lâche.

Non, une seule personne, à sa connaissance, pourrait l'aider à s'améliorer. Une seule personne avait le talent, mais aussi lui inspirait vraiment confiance. La seule personne qu'elle voulait revoir, la seule qui lui manquait, parmi les vivants en tout cas. Une femme qui l'avait rendue forte, qui l'avait fait grandir, qui l'avait aidée. Une dame chevalier, qui avait quitté Kendra Kâr.

Lydia.

Retrouver la trace de la jeune femme ne fut pas aussi délicat qu'elle l'aurait tout d'abord pensé. Il lui suffit de parler à quelques soldats, dans une taverne proche du domaine de Solennel VI et, quelques verres aidant, l'information lui parvint: l'archère avait été nommée à la tête de la garde d'une nouvelle baronne, près de la ville de Bouhen. A en croire les racontars, c'était un lieu reculé et perdu, dans des terres loin d'être hospitalières. Le problème, Victoire mit assez rapidement le doigt dessus, était surtout que la baronne ne participait pas à la vie de la Cour et restait éloignée du roy, comme si ses terres étaient des terres de non droit.

Victoire fut intéressée, quoiqu'étonnée: elle avait eu l'impression que Lydia était plutôt fidèle à la royauté. A moins qu'elle n'ait été envoyée là pour faire de la surveillance et garder sous contrôle un vassal indélicat. Peu importait à la jeune fille, dont l'obsession unique était de se présenter le jour où son frère deviendrait duc. Il faudrait bien sûr qu'elle convainquisse son amie, mais ce ne serait sûrement pas là l'étape la plus difficile de sa vengeance.

Elle ne tarda pas à préparer ses affaires, laissant la plupart des robes que lui avait prêtées, ou plutôt que lui avait données la magicienne. En effet, elle ne comptait pas se rendre là-bas sous sa vraie identité, mais au contraire mettre enfin en place de manière officielle son pseudonyme. Elle serait Tisis, Dame Chevalier aux ordres de Mademoiselle Victoire de Blanchefort et serait envoyée en simple émissaire. Si Lydia jouait le jeu, personne ne saurait jamais qu'elle était la future duchesse. Pour prévenir tout risque d'indélicatesse, elle prévint de la visite par missive, faisant partir un courrier avant elle:

***

"Madame la Baronne,

J'ai entendu le plus grand bien de votre domaine et serais réellement intéressée par une rencontre avec vous. J'ai ouïe dire que votre présence à la Cour n'était pas des plus fréquentes et, de même, il m'est difficile dans mon état que de m'absenter.

Vous ne m'en voudrez très certainement pas, je l'espère, de vous avertir que j'ai envoyé mon plus fidèle chevalier à votre rencontre. Tisis possède toute ma confiance et s'exprime en mon nom. Je vous prierais de bien vouloir croire que chacune de ses paroles est dite par moi-même.

Encore toutes mes excuses pour l'arrivée rapide, mais hélas le temps n'est en ce moment pas en mon loisir.

Vous donnant toutes mes sincères salutations, dans l'attente de nous rencontrer in personae.

Victoire de Blanchefort,
Fille de feu le duc Pierre de Blanchefort."


***

"Vous êtes sûre de vouloir partir, Victoire?
-Oui Odeline, ma décision est prise. Je vous serai éternellement reconnaissante de votre accueil et de votre aide. Sans vous je ne serais plus ici aujourd'hui et je ne l'oublierai pas.
-Vous ne me devez rien, mais j'accepte vos remerciements. Une dernière chose, je serais très heureuse si Millana pouvait vous accompagner.
-Je ne voudrais pas que vous perdiez quelqu'un d'une telle aide.
-Ne vous en faîtes pas Victoire. Et puis Millana est jeune, elle a votre âge. Je pense que ce serait bien pour elle que de voyager et de rester avec vous. Je ne voudrais pas vous encombrer cependant.
-Non point, si c'est le cas ce serait avec plaisir."

Les deux femmes se dirent au revoir, Victoire promettant qu'elle repasserait la voir dès son retour dans la cité blanche. Millana était quant à elle parée, se voyant même confier suffisamment d'argent pour que les deux femmes puissent acheter des montures, un dernier cadeau de la trop généreuse Dame Odeline.

La jeune fille sortit de la demeure, accompagnée de la jeune servante, cette dernière étant rapidement mise au courant de la nouvelle identité de Victoire, promettant de s'en souvenir.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 12 Mar 2011 01:09 
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Localisation: Nirtim, Temple de Meno: Se prépare à la guerre.
En effet, le coffre fut tellement "Impensable" qu'Aztai oublia d'en parler à Rudy et Waor lorsqu'ils rentrèrent un peu après. Un courant d'air froid balaya sa crinière lorsque la porte claqua. Rudy s'avançait pendant que Waor reprenait son souffle, collé à la porte les yeux fermés. Il était bon de les revoir sains et saufs: en cette période, Aztai craignait voir débarquer le Monarque à tous moments!

-Aztai, voici...hum.

Se débarrassant d'une lanière de cuir autour de son torse, le jeune woran comprit qu'il s'agissait d'un fourreau. Et une garde d'épée en dépassait. Curieux comme jamais, il s'en saisit et admira l'objet avant de dégainer. Le pommeau était entièrement noir et une seule main à la fois pouvait le saisir . Plus légère qu'il ne l'aurait cru, Aztai fut franchement surpris: la lame devait bien mesurer soixante ou soixante dix centimètres. Sous le regard bienveillant et patient des deux autre woran, il dégaina. A la lueur des bougies, le métal étincela. Epousant la forme du solide fourreau, elle se courbait très légèrement, à la manière d'un sabre. Elle était cependant plus comparable à une épée, ou alors une claymore. Depuis le pommeau, d'où naissait la lame, des gravures en or brillait tout le long, formant des motifs inconnus: pas une langue, ni un dessin... Puis, en suivant le fil avec sa griffe, Aztai su pourquoi Rudy lui avait donné le nom de "fière allure", la qualifiant de "forte": à l'extrémité de la courbe, le tranchant était fin, semblable à une lame ordinaire. Seulement, vers l'intérieur, un travail d'artisan avait creusé le métal: cinq dents d'acier terminaient l'épée, s'étendant sur un tiers du métal.
Aztai n'eut aucun besoin de penser aux dégâts que cette arme pouvait transmettre.

-Enfoncer cet estramaçon dans le corps de l'ennemi est un calvaire... Ressort-là, et il connaîtra l'enfer! fit Waor comme s'il eut lût ses pensées.

-Elle déchire la chair, ajouta Rudy. Son efficacité est à la hauteur de son barbarisme...

Rengainant d'un geste vif la claymore dentée, Aztai s'exclama:

-Je n'ai jamais tué... Du moins jamais porté le coup de grâce. Il avait presque peur...

-Tuer est une épreuve, répondit sagement son père... Mais tu feras le bon choix le jour venu, car tu n'en auras pas vraiment: ce sera le triomphe et la gloire, ou la mort et le désespoir...

-Me voila rassuré, ironisa Aztai.

-N'est-ce pas un triomphe de sauver un ami... ou même son père? Demanda malicieusement Rudy, un sourire au coin des lèvres.

Encore une fois il avait raison. Changeant de sujet, Aztai demanda quand partiraient-ils.

-Tu te sens prêt?

-Plus j'attends et plus... Waor et Rudy avaient compris. Ils avaient compris qu'attendre ici, c'était attendre la mort. Rudy alla dans la chambre et revint avec le sac de toile rempli de pièce d'armure. Il versa tout sur le sol dans un bruit à fracasser les tympans du woran neige. Lorsqu'il s'agenouilla pour ramasser les jambières qu'il avait déjà remarquées deux jours plus tôt, il sentit quelque chose dans sa poche: le coffre.

-Dites-moi, vous n'avez jamais entendu parler d'un, hum, artefact pouvant contenir des choses plus grandes qu'il n l'aurait pu naturellement? il se sentit parfaitement idiot, avec sa paire de jambières à la main.

-Pourquoi cette question, demanda Waor après qu'ils eurent répondu non.

-Oh pour rien... Je me disais que ça aurait pu être utile si... nous voyageons, s'empressa-t-il d'ajouter. Rudy fronça ses touffus sourcils blancs.

-Ce genre de magie, c'est tout à fait...

N'allant pas plus loin dans son jeu, il sortit la petite boite de sa poche. Rudy s'approcha de la paume que tendait son fils, l'air franchement curieux. Waor l'était un peu moins, scrutant le trou dans le mur.

-C'est pour ça? demanda-t-il en pointant de la griffe la pierre fracassée.

-Oui, mais il y a plus étrange. Rud... Père... (Rudy sourit). Prononce le mot "Impensable" en te concentrant là-dessus.

Rudy s'exécuta. Le coeur d'Aztai fit un bon lorsque rien ne se produisit. Il demanda à Waor: rien!

-Et alors, fit-il en voyant son ami jubiler.

-"Impensable"!

Un petit clic et le coffre s'ouvrait devant le regard ébahi des deux autres.

-C'est inouï... murmura Rudy. J'imagine qu'elle peut cacher des choses plus grosses qu'elle ne peut normalement en contenir?

Aztai saisit l'estramaçon par le fourreau. Exécutant le même manège qu'avec la pierre un peu plus tôt, il le ressortit tel quel.

-Son utilité n'a pas de prix! A usage unique en tant que personne! Waor était dément en disant cela.

-Je compte en prendre soin, ne t'inquiète pas, fit Aztai avec toute la vérité du monde...

Une vingtaine de minutes plus tard, Aztai voyait pour (il l'espérait!) la dernière fois ce taudis. Chacun vêtu d'un pardessus à capuche marron terre, de jambières, couteau et autres protections, ils s'enfoncèrent dans la nuit. Le jeune woran avait trouvé de quoi protéger aussi ses avant-bras, un métal semblable à celui qui lui protégeait les jambes... Il portait son épée courte en os de fulminaire partiellement cachée sur son flanc gauche, en revanche, l'épée dentée était visible grâce au fourreau porté en bandoulière. Le woran neige avait rapidement testé sa maniabilité: il était aussi simple de dégainer la lame de flanc que la lame dorsale et avec un peu de pratique, il pourrait même sortir les deux sans soucis. Ainsi armé, il avait l'impression de partir en guerre... Et si...
Tous trois se faisaient silencieux, longeant les murs, tels des ombres, glissant presque sur le sol, tels des serpents... Un seul bruit, et il mettait tous leurs sens en alerte. Le vent de la nuit flanquait de douces caresses les poils du woran blancs, une liberté pour laquelle il combattrait crocs et griffes ressortis.

-Il faut passer par la porte principale, nous avancerons ensuite vers l'ouest, chuchota Rudy.

-Il faut d'abord "passer" la porte, murmura Waor anxieux.

-S'il faut user de nos armes, nous le feront!

-Contre la milice entière de cette maudite ville... continua Waor, un peu agaçant.

-Nous somme là pour fuir, coupa Rudy en s'arrêtant. Pas pour étriper les soldats...

-Je m'en chargerai bien s'ils étaient tous sous la coupe de ce pourri d'elfe!

-Ils le sont... Contre leur gré.

Quelque dix minutes plus tard ils s'engageaient sur la voie principale de Kendrâ Kar. Cent mètres plus loin se dressaient le mur d'enceinte et la porte... garnie de soldats Kendrans. Le feu des torches éclairait assez le groupe qui montait la garde: cinq peut-être six... sans compter les archers postés sur la muraille.

-On ne passera pas en force, dit Aztai, plus pour lui-même.

-Ils ne savent peut-être pas que nous sommes recherchés...

Waor éclata d'un rire jaune et Rudy le fit taire d'un faible rugissement.

-Je te laisse tenter ta chance alors...

-Il y a peut-être un moyen, tenta Aztai.

Attendant sa proposition il continua:

-Heu... Une diversion?

suite

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 14 Avr 2011 19:45 
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Victoire resta un instant, devant les portes cochères qui menaient à la cour intérieure de l'hôtel particulier qu'occupait la magicienne. Elle avait eu le temps de réfléchir à ce qu'elle dirait sur le chemin. Un prétexte de bonne facture était de mise et elle avait pu en trouver plusieurs, acceptables tout au plus. Elle tira donc la cordelette suspendue devant le guichet pour avertir le majordome de sa présence. L'homme fut assez prompt à ouvrir le petit battant, avant de demander poliment ce que voulait la jeune femme.

Elle se souvenait de la première fois où elle s'était présentée ici, tout de suite après son entrevue avec le roi, habillée comme la dernière des mendiantes après le long et douloureux chemin qu'elle avait parcouru. Cette fois l'attention lui fut immédiatement adressée comme son apparence l'incitait. La jeune fille énonça qu'elle souhaitait rencontrer Dame Odeline, se présentant sous son véritable nom bien évidemment.

L'intendant la fit entrer et la guida jusqu'au logis, dans le même petit cabinet où il l'avait conduite dans son passé, endroit où elle fut invitée à patienter le temps qu'il se renseigne. Par la fenêtre elle avait une vue sur la cour, qui abritait plusieurs voitures et non pas une seule, preuve non seulement qu'Odeline était présente, mais qu'elle accueillait des invités. Ce n'était pas quelque chose que la jeune fille avait souvent constaté dans son passage à l'hôtel, la magicienne sortant bien plus souvent qu'elle ne distribuait d'invitations ou ne donnait de repas.

Victoire n'eut pas à attendre trop longtemps avant que la porte ne s'ouvre et que Dame Odeline, visiblement inquiète, ne vienne s'enquérir de la raison de la présence de la jeune fille:

"Mademoiselle Victoire? Je n'ai pas eu vent de votre venue. Tout va pour le mieux?
-Oui Dame Odeline, n'ayez crainte. J'ai accompagné mon frère pour affaires et j'en ai profité pour vous rendre visite.
-Votre frère? Cela ne m'est pas parvenu, sinon vous vous doutez bien que je me serais fait un plaisir que de vous inviter à dîner.
-Ne vous en faîtes pas, Roland était pressé et a un emploi du temps très chargé. Ce qui me laisse le temps de rendre visite aux amies de la famille."

Le temps, hélas, elle n'en avait guère. Elle ne pouvait cependant pas simplement passer pour réclamer un cadeau dont elle n'avait pas encore eu vent. La magicienne lui posa encore quelques questions, notamment comment se faisait-il que son père la laisse ainsi accompagner son frère aussi loin du domaine familial ou encore où est-ce qu'elle séjournait. La jeune fille eut du mal à lui mentir, mais c'était là une nécessité, les instructions du conseiller royal étant formelles: nul ne devait avoir vent de son voyage. Le fait que la magicienne ne semble pas se souvenir des deux semaines qu'elles avaient passé ensemble était une preuve supplémentaire que la magie avait vraiment modifié le temps.

Finalement la magicienne dit à la duchesse, ou plutôt à la fille du duc:

"Et bien dans tous les cas votre visite est une surprise des plus agréables. Venez avec moi, nous allons passer dans le salon. Quelques amies sont présentes pour l'après-midi, mais nous aurons toute la soirée pour discuter, si vous avez le temps.
-Cela serait avec plaisir, Dame Odeline."

Elle n'avait pas vraiment la tête à discuter, même si cela ne lui ferait pas de mal, le temps qu'elle mette un tri dans ses pensées. Elle ne devait pas se précipiter tête baisser, mais bel et bien profiter de l'occasion inespérée qu'elle avait pour agir au mieux et aider Blanchefort.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 14 Avr 2011 23:29 
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Victoire suivit son hôtesse improvisée dans le salon qui attenait à la salle à manger, pièce que la jeune fille connaissait déjà. Odeline n'était pas seule, deux autres femmes en effet assises dans les sièges confortables, un verre de vin rouge à la main. Toutes deux étaient habillées de manière très légère mais raffinée. La première portait une chevelure rousse coiffée en chignon, probablement une perruque. Drapée d'une robe rouge en soie flottante, elle aurait presque pu passer pour une courtisane. L'autre femme était un peu plus âgée mais encore fort belle, habillée d'une robe un peu plus longue mais aussi plus transparente, ses seins pointant sous le tissu fin.

La discussion que les deux femmes menaient s'étaient arrêtée lorsque Odeline était entrée, posant toutes deux le regard sur la nouvelle arrivante, habillée de maille et de pourpoint. Cela ne collait rigoureusement pas avec les atours de la magicienne et de ses amies. Odeline fit les présentations:

"Victoire je vous présente Loricia et Cassiopée, qui sont toutes deux des magiciennes de talent. Mesdames, voici Victoire de Blanchefort, fille du duc du même nom.
-Blanchefort, reprit Loricia, la magicienne à la robe rouge, n'est-ce pas là où tu as été mordue par une goule?
-Si, c'est bien là. Et la jeune Victoire avait pris grand soin de moi."

Victoire se rendit compte qu'elle n'avait jamais vraiment su ce qui était arrivé à la magicienne, avant que celle-ci ne rejoigne le château, blessée. Elle avait toujours pensé qu'il s'était agi d'un serpent ou d'une maladie, mais pas que c'était là l’œuvre d'une goule. Les légendes racontaient beaucoup de choses sur ce genre de créatures, les victimes finissant en général par mourir et devenir des monstres. Ce n'avait à priori pas été le cas.

Cassiopée, la magicienne plus âgée, prit un verre en argent qu'elle remplit de vin avant de le tendre à la nouvelle arrivante, un sourire aux lèvres. Victoire s'assit sur un siège de libre après avoir adressé un remerciement à la femme. Celle-ci s'enquit de sa présence à Kendra Kâr, un sourire malicieux aux lèvres:

"Et qu'est-ce qui vous amène dans notre cité décadente? Vous êtes venue y trouver un prétendant?
-Pas tout à fait. J'accompagne mon frère, qui a des affaires à y régler.
-Oh quel dommage, je suis sûre qu'une jolie demoiselle comme vous y trouverez son compte. La population masculine de Kendra Kâr est absolument exquise."

Sur ses mots elle avait jeté un regard plein de sous entendu à Odeline, qui avait dissimulé un sourire en prenant un peu de vin. Victoire quant à elle n'avait pu contenir le rouge qui lui montait aux joues. Elle avait beau avoir pris les armes, tué son frère et voyagé dans le temps, elle restait une jeune fille encore chaste.

Elle goûta le vin, s'enfonçant dans le moelleux du fauteuil, ne pouvant hélas en profiter à sa juste valeur par la faute de la cotte de maille. Il n'était vraiment pas évident que de porter cette armure, pourtant légère, au jour le jour. Elle ne l'avait d'ailleurs pas quittée depuis son départ avec le message, quelques deux jours auparavant. Voyant sa gêne, la créature en rouge s'approcha d'elle et lui tendit la main. Victoire resta dubitatif un moment, avant de finalement prendre la main de Loricia qui murmura quelques paroles à voix basse.

La main de la magicienne ne tarda pas à luire, d'une couleur presque aussi rouge que sa tenue. Victoire ressenti une chaleur intense mais agréable lui parcourir les doigts, puis remonter le long de ses bras jusqu'à l'inonder totalement. Elle sentit ses muscles se détendre, les yeux fermés par la douce sensation. Le poids de la maille sembla disparaitre, tandis que la douce chaleur la parcourait.

Victoire était venue là simplement pour récupérer son arc, mais la discussion des trois femmes et l'effet de chaleur que la magie lui avait prodiguée l'aidèrent à se mettre à l'aise. Elle écouta au début les mondanités, apprenant quelques détails croustillants sur la vie de mages et de bourgeois, mais aussi sur les activités de loisir auxquelles s'adonnaient ces femmes. Elle passaient à priori beaucoup de leur temps aux thermes, où tous les ragots circulaient, mais aussi à l'arène où des guerriers aux muscles saillants se donnaient en spectacle devant leurs yeux frivoles.

Elle avait toujours pensé que Dame Odeline était quelqu'un de sérieux, mais à priori elle participait autant que ses amies à leurs activités oisives. Peut-être avait-elle épargnée à Victoire ce côté de sa personnalité quand la jeune fille avait séjourné chez elle, par respect pour les tristes événements que l'adolescente avait affrontés.

L'après-midi s'envola, tout comme une partie des sombres pensées de la jeune fille. Une journée de perdue risquerait de lui coûter cher, mais cela lui évitait aussi d'agir à la hâte. Odeline n'avait pas manqué de lui proposer de rester pour la nuit, tout comme ses amies, qui lui proposèrent une soirée qu'elle n'oublierait pas, sans aucune conséquence. Par aucune conséquence, l'adolescente avait conclu qu'elle n'y aurait pas perdu sa virginité, encore et toujours destinée à son futur époux, mais que les plaisirs ne lui auraient pas été refusés pour autant. Elle déclina toutefois, se sentant certes un peu plus à l'aise, mais pas à ce point.

Un détail assombrit cependant le moment passé en leur compagnie. En effet, Millana vint par deux fois leur servir du vin, aucune lueur de reconnaissance ne passant dans ses yeux lorsque ceux-ci se posèrent sur la jeune fille. Elle n'avait pas non plus de séquelle de sa blessure, mais Victoire se sentit bien seule en ces deux moments. Elle avait partagé des secrets, aussi bien avec Odeline que Lydia, ou encore Millana et Erzébeth. Mais en cet instant, elle était véritablement seule, ne pouvant compter sur qui que ce soit.

Les deux créatures finirent par partir en début de soirée, visiblement déçues que ni Victoire ni Odeline ne les suive dans leurs nocturnes aventures. D'autant que ce soir, Xarick, un ancien champion des phalanges de Fenris devait affronter la bête, surnom donné à un Woran particulièrement vorace.

Lorsque les voitures des deux femmes sortirent de la cour, Dame Odeline proposa à son invitée de passer à table. Elle lui demanda aussi si elle voulait enfiler quelque chose de plus agréable qu'une cotte de maille et un pourpoint, ce à quoi Victoire put difficilement dire non.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 15 Avr 2011 14:11 
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Ce fut Millana qui accompagna la jeune fille pour l'aider à se changer, le temps du repas et de la soirée. Elle se rendit compte ainsi que la servante était bien plus distante, que son visage était fermé et plutôt froid. C'était comme lors de leur première rencontre, ni plus ni moins. Victoire ne s'était pas rendu compte du changement progressif dans l'attitude de Millana, à l'époque où celle-ci l'accompagnait. Il était difficile de constater l'évolution d'une relation lorsque celle-ci se créait, du moins rarement avant que celle-ci ne se termine. Cela ne faisait que donner à l'adolescente un aperçu de ce qu'elle avait perdu.

Une fois débarrassée de la maille, elle fit un brin de toilette avant d'enfiler une robe bleue, bien plus féminine et bien moins guerrière. Elle remercia la servante, feignant l'indifférence, avant de descendre rejoindre Odeline dans la salle à manger. La table avait été dressée, pour deux personnes. Un serviteur fit signe à la jeune fille de bien vouloir s'installer après l'avoir informée que la maîtresse de maison ne saurait tarder.

Dame Odeline ne fut pas longue en effet, le visage habité par un sourire léger et agréable. Elle s'installa en face de Victoire avant de faire signe que le repas pouvait commencer à être servi.

"J'espère que le repas sera à votre goût. Je n'avais pas prévu de dîner ici initialement.
-Je suis désolée d'être venue sans m'être annoncée.
-Ce n'est rien, comme je le disais, votre visite est une agréable surprise. D'ailleurs je pensais à vous l'autre jour.
-Ah oui? En quelle occasion?
-Il s'avère que j'ai un cadeau pour vous, depuis un certain temps déjà, pour vous remercier de votre accueil à Blanchefort. Je ne savais pas quand j'allais pouvoir vous le remettre toutefois, et il y a quelques jours je le contemplais encore. Votre venue est providentielle, pour ainsi dire."

Victoire feignit la surprise alors que l'on lui apportait son arc, vierge de toute utilisation. Ce n'était pas avec celui-ci qu'elle avait passé le cruel test de Lydia, ni qu'elle avait blessé la servante. Elle n'avait pas non plus tué ses poursuivants avec. Pourtant, l'arme était identique, en tout point. C'était son arme, sans l'être. Elle accepta le présent une nouvelle fois, remerciant la magicienne avec autant d'authenticité qu'auparavant. Mais si les remerciements étaient sincères, tout le reste avait un goût de fausseté et de mensonge.

Le reste du repas fut tout aussi teinté d'illusion. Victoire avait peut-être obtenu le pouvoir de modifier le temps, de changer le cours des choses, mais elle n'avait aucun pouvoir sur sa propre personne. Elle était devenue un phantasme, une identité illusoire. Elle n'avait pas de mal à imaginer que nombre d'êtres se laisseraient aller dans pareille situation, pour profiter de toutes les possibilités qui leurs étaient offertes, mais elle ne comprenait que trop l'horreur de la situation. Ce n'était pas idéal, c'était une torture, qu'elle se devait d'endurer, pour son duché, pour sa famille, pour son devoir.

La conversation avec Odeline tourna assez vite court, la magicienne se rendant compte de la gêne de la jeune fille et ne cherchant pas plus loin. Elle ne demanda pas ce qui n'allait pas, ni les raisons profondes de la venue de l'adolescente. Elle se contenta de lui offrir une présence, que Victoire sut malgré tout apprécier.

C'est assez tôt que Victoire rejoignit la chambre qui lui avait été préparée. Il ne s'agissait pas de celle dans laquelle elle avait précédemment séjourné, mais une pièce plus petite, moins agréable. C'était sans doute la preuve que la magicienne prenait moins soin d'elle qu'auparavant. Il faut dire que cette fois elle n'avait pas croisé Victoire sur les routes, épuisée et orpheline. Elle n'était pas moins gentille, bien entendu, mais les conditions étaient différentes.

Pourtant Victoire était toujours la même.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 16 Avr 2011 14:27 
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Victoire resta allongée dans le lit moelleux, une bougie encore allumée sur la table de chevet. Elle était épuisée après le long voyage, car si dans ce monde du passé elle n'avait jamais fait le trajet entre Blanchefort et Kendra Kâr, il demeurait que pour elle cela avait été bien réel. Sa jambe continuait de l'élancer soit dit en passant, bien que la cicatrisation ait été accélérée par le remède magique. Avec de la chance elle n'aurait pas de trace supplémentaire. Son corps avait en effet déjà été marquée par l'opération dangereuse prodiguée par Lydia de nombreuses journées auparavant, tout comme par les coups de dague de la baronne de Keresztur.

Mais malgré son état de fatigue, son esprit travaillait trop pour qu'elle ne se laisse aller aux doux bras de l'oubli. Elle cherchait un moyen de sauver son duché de l'attaque de Valorian, mais aussi de renverser Tristan. Il aurait en effet été aisé de simplement stopper l'attaque: traquer les hommes dissimulés dans Beauclair et les faire exécuter aurait suffit à ce que la prise de Blanchefort soit impossible. Du moins pas à la même date, car si un plan était déjoué, rien n'indiquait que Tristan n'en avait pas d'autre. Non, il ne s’agissait pas d'endiguer cette attaque, de simplement couper une des têtes de l'hydre, mais de toutes les arracher.

Cela elle ne pouvait le faire simplement en traitant les conséquences. Même mettre à mal l'accord entre Anatole et Tristan n'y aurait pas suffi. Anatole était tout juste un prétexte, une opportunité pour Tristan, mais certainement pas un allié. Non, il n'y avait qu'une seule chose à faire: briser le duc félon. Elle n'était pas obligée de le faire au sens propre, il suffisait qu'il perde le pouvoir, mais pour cela il lui faudrait trouver des preuves... ou des alliés.

Dans tous les cas, sa destination ne pouvait pas être Blanchefort. Le rapport unique qu'elle avait reçu d'Adenisio lui avait bien montré que Tristan n'avait jamais quitté son château, même lorsque ses deux mille hommes s'étaient amassés à la frontière. D'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait, c'était le meilleur moment pour agir, lorsque toute son armée serait sur le point d'entrer en Blanchefort. Si elle était déjà à l'intérieur des terres valoriannaises, elle pourrait agir beaucoup plus facilement, avec tant d'hommes en moins.

Une idée lui vint alors: s'il y a une chose à laquelle Tristan n'aurait su s'attendre, c'était probablement à ce que son plan se retourne contre lui. Si elle parvenait à faire entrer des hommes dans son château, alors que tous les regards seraient tournés vers la frontière de Blanchefort et vers Beauclair, elle pourrait peut-être réussir à le prendre de surprise. C'était audacieux, difficile, presque impossible, mais cela retournerait la situation. Il lui fallait simplement trouver des hommes, une poignée efficace, pour l'accompagner. Elle n'avait hélas pas le temps de faire l'aller-retour jusqu'à Keresztur pour convaincre une deuxième fois la baronne de l'aider.

Elle savait cependant que Tristan avait des ennemis internes: peut-être devrait-elle plutôt regarder de ce côté là. Il lui faudrait toujours prévenir Blancherfort de l'attaque, avant que celle-ci ne se produise mais pas trop tôt non plus, pour que Tristan ne se doute pas que son plan fut compromis.

Il lui restait exactement dix neuf jours pour rejoindre Valorian, se rapprocher des ennemis de Tristan, trouver une entrée au château, l'éliminer ou le détrôner tout en prévenant son père à temps.

Une seule chose n'était source d'aucun doute: dès l'aube elle serait partie.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 16 Avr 2011 18:07 
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"Victoire".

"Victoire!"

"VICTOIRE !"


La jeune fille se redressa d'un coup, haletante et le cœur bondissant dans sa poitrine. Elle regarda tout autour d'elle, reprenant peu à peu conscience du monde qui l'entourait. Dame Odeline était là, une main posée sur l'épaule de la jeune fille, visiblement inquiète. Les draps étaient totalement défaits, tout comme sa chemise de nuit qu'elle avait en partie déchirée.

"Respirez. Doucement, tout va bien, ne vous inquiétez pas. Ce n'était qu'un rêve."

Se laissant guider par la voix de la magicienne la jeune fille prit une profonde inspiration alors que des images lui revenaient en tête. Son hôtesse s'était assise sur le lit, juste à côté d'elle. Elle fit un signe à Millana, qui était restée dans l'embrasure de la porte. La servante apporta un verre remplie d'eau, qu'elle tendit à Victoire.

L'adolescente but un peu, l'eau fraiche lui faisant du bien. Elle était encore en sueur, mais le monde autour d'elle redevenait normal, réel. La désorientation de ce cauchemar particulièrement violent n'était presque plus, même si elle doutait de pouvoir retrouver le sommeil. Elle s'excusa auprès d'Odeline de l'avoir réveillée en pleine nuit.

"Ce n'est rien, ne vous en faîtes pas. Vous vous souvenez de ce dont vous avez rêvé? Parfois, en faire le tour aide à se rendre compte de l'irréel des limbes."

Victoire acquiesça avant de suivre le conseil de la magicienne. Elle essaya de remettre les choses à leur place, avant de l'exprimer à voix haute:

"J'étais dans ce lit, je crois que c'était le même dans tous les cas. Il faisait nuit et quelque chose m'a réveillée. Je ne sais pas ce que c'était, juste que cela sentait très mauvais, comme de la chair putréfiée. Je ne pouvais pas bouger, alors qu'elle montait sur le lit. Je ne sais pas ce que c'était, mais j'étais terrifiée, transie. Je crois même qu'il y en avait plusieurs, qui émettaient des crissements, comme des insectes. Des sauterelles peut-être. Et puis cette odeur."


La jeune fille frissonna en repensant à tout cela, buvant une autre gorgée d'eau. Plus elle les exprimait, plus les images se faisaient claires et vives. Elle se frotta les épaules presque machinalement, avant de continuer, regardant toujours Dame Odeline.

"Et puis je les ai senties, elles sont montées sur moi, sur ma peau. Je ne les ai pas vues, mais elles ont commencé à me dévorer vivante. Je n'avais pas mal, mais je sentais ma peau qu'elles arrachaient, c'était terrifiant. Et il y avait cette voix, ce murmure guttural. Ce n'était pas comme un orque, bien plus sombre et discret. La voix me disait quelque chose, je ne sais pas exactement, que j'étais un message du chaos et que je devais me faire dévorer. J'ai crié, mais je n'arrivais pas à me réveiller."

La magicienne se montrait compatissante, caressant les mains de Victoire. La jeune fille reconnut là l'habitude qui lui était propre, de communiquer par le toucher. L'adolescente n'était pas fière de s'être rendue aussi ridicule pour un rêve, mais celui-ci restait très fort, presque palpable. Elle avait vraiment dû hurler fort pour réveiller toute la maisonnée, ce qui ne lui était jamais arrivé avant.

Dame Odeline porta son attention sur l'épaule nue de la jeune fille, repérant un peu de sang. Victoire s'était sûrement grattée dans son sommeil, pour enlever les insectes putrides imaginaires.

"Je vais laver cela, après si vous le voulez, vous pourrez venir dormir avec moi. Je ne voudrais pas que le seul souvenir que vous gardez de votre nuit ici soit cette horreur.
-Je ne voudrais pas abuser de votre bonté.
-Je me permets d'insister."

L'adolescente acquiesça, bien heureuse de la proposition de la magicienne. La femme fit venir un peu d'eau et lui lava l'épaule, enlevant un peu de peau et de sang, ce qui fit frémir la jeune fille. Elle s'était vraiment fait mal en dormant. C'était d'ailleurs étonnant que cela ne l'ait pas réveillée plus tôt...

La magicienne parut d'ailleurs inquiète, mais si elle tenta de n'en rien montrer. Elle emmena la jeune fille dans sa chambre, qui était fort coquette et très féminine, plus cosy que celle qu'avait occupée Victoire. Le cadre ne se prêtait pas aux terreurs nocturnes, pourtant, malgré tout, l'adolescente voyait les ombres se mouvoir d'un mauvais œil. Elle n'était plus une enfant, mais était vraiment chamboulée.

Millana revint à ce moment, s'étant absentée sans que Victoire ne s'en rende compte. Elle déposa un petit bol d'eau frémissante dans lequel Odeline mit quelques herbes. Celle-ci fit ensuite signe à la servante d'aller se recoucher, tendant l'infusion à son invitée:

"Buvez cela Victoire, cela vous aidera à dormir. Ne vous en faîtes pas, je veille sur vous, comme vous aviez veillé sur moi à Blanchefort."

Victoire la remercia, portant le breuvage chaud à ses lèvres. Elle se glissa alors dans les draps de la magicienne. Cela la fit se sentir un peu stupide et puérile, mais au fond ce n'était pas une sensation désagréable. L'infusion fit rapidement effet, si bien que bientôt elle trouva le sommeil. Elle sentit plusieurs fois les douces mains d'Odeline sur sa peau, pour la rassurer et lui montrer qu'on s'occupait d'elle. Qu'elle ne risquait rien.

Un moment, pendant la nuit, l'odeur pestilentielle revint, mais elle fut rapidement chassée. La voix rauque avait en effet été remplacée par celle de la magicienne, qui résonnait doucement à ses oreilles tel un subtil mantra.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 16 Avr 2011 23:09 
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Victoire se réveilla avant que le jour ne se lève. Le bras de Dame Odeline entourait ses épaules, tandis que la magicienne respirait silencieusement. Tout était plus calme au matin, les démons de la nuit disparaissaient et laissaient la place à la sérénité. Elle ferma les yeux, profitant encore un peu de ce contact chaleureux, humain. Elle allait bientôt entamer un voyage vers les ténèbres et il ne serait plus question ni d'amitié ni de réconfort, simplement de complot et de mort.

La jeune fille se retourna lentement, pour ne pas réveiller la magicienne qui dormait encore profondément. Ses yeux se posèrent sur le visage fin et délicat d'Odeline, qui semblait vraiment paisible. Ses lèvres étaient un peu rosées, ses cheveux décoiffés, ce qui lui donnait un air beaucoup moins impressionnant que lorsqu'elle était dans ses beaux atours de magicienne. Elle semblait vulnérable, elle aussi.

Finalement Victoire abandonna le confort et la certitude, se glissant hors du lit. Ses pieds nus trouvèrent le froid de la pierre, la réalité reprenant ses droits. Sans un bruit elle sortit de la chambre avant de se diriger vers celle où elle était censée passer la nuit, somme toute un peu nerveuse. Rien ne vint l'agresser cependant, mis à part le silence de l'avant aube. Elle ôta la chemise de nuit prêtée par son hôtesse et enfila son tricot de corps, puis sa maille et le pourpoint.

Elle s'approcha ensuite du petit meuble à écriture, près de la fenêtre, avant d'en sortir un parchemin vierge, une plume d'oie et un encrier. Elle coucha par écrit ses remerciements pour l'accueil et pour l'arc, ainsi que des excuses pour son comportement de la nuit qui était pour elle impardonnable. Elle y écrit aussi toute son amitié, prouvée par maintes fois. La magicienne ne comprendrait sûrement pas l'allusion à son premier accueil, mais Victoire ne n'oublierait jamais.

Elle posa le mot dans le petit salon, avant de se diriger vers la sortie. Elle sursauta lorsqu'elle vit Odeline qui l'attendait dans le couloir, silencieuse. La magicienne était un peu pâle, certainement à cause de la nuit difficile que la jeune fille lui avait imposée.

"Je ne voulais pas vous réveiller. Je renouvelle mes excuses pour la nuit que je vous ai fait passer.
-Ne vous en faîtes pas, Victoire. Ceci dit, j'aurai quelques conseils à vous donner, pour les jours à venir."

La fille du duc resta interdite un instant, alors que Dame Odeline se rapprochait. La magicienne lui tendit un parchemin, sur lequel un symbole étrange avait été dessiné. Victoire ne put s'empêcher de penser à de la magie.

"Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais j'ai tracé ce symbole sur votre ventre, pendant la nuit. Cela aide à chasser les esprits.
-Les esprits? Quels esprits?
-Vous vous souvenez de votre rêve?"

Victoire n'aimait décidément pas la tournure que prenait la discussion, inquiétée par l'air grave de la magicienne. Elle n'avait pas fait attention en se changeant si un symbole avait été inscrit sur sa chair, mais l'idée la fit frissonner. Quelque chose d'étrange prenait place.

"J'ai bien peur que ce rêve ne soit pas arrivé par hasard. Je ne sais pas exactement de quoi il en retourne et je ne voudrais pas vous alarmer, mais gardez ce symbole intact pendant les nuits à venir. Je vais aussi vous donner quelques plantes, qu'il vous faudra mettra dans de l'eau chaude et boire avant de dormir.
-Est-ce si grave que cela?
-Je ne suis pas sûre, douce Victoire, mais quelque chose rôde et je préfère l'éloigner de vous autant que possible."

Se disant elle lui tendit une petite bourse de cuir remplie de différentes herbes et racines. Les instructions étaient assez simples: il lui fallait prendre un bout de chacune des cinq différentes plantes, les faire macérer quelques minutes et boire le breuvage. Elle en avait mis suffisamment pour que la jeune fille tienne un certain nombre de nuits. Hélas, ces plantes conduisaient au sommeil comme la nuit passée, ce qui n'était pas sans risque sur la route. Mais cela, Dame Odeline ne pouvait pas le savoir.

La magicienne l'assura qu'elle ferait quelque chose de son côté, pour être sûre que rien de mal n'arrive à la jeune fille. Cela ne la rassura pas davantage cependant. Elle avait confiance en Odeline et en ses capacités: si la magicienne disait qu'il y avait un risque, c'est qu'il y en avait un. Le souvenir des rêves de la nuit était toujours vivace. Si la moindre parcelle d'entre eux était vraie...

Ceci dit Victoire n'avait pas le temps de creuser ce mystère, pas maintenant, ce qu'Odeline semblait avoir bien compris. Sur une note plus légère, la magicienne l'informa de changements qu'elle avait opéré sur sa cape:

"J'ai fait broder quelques symboles sur l'encolure de votre cape. Elle vous permettra de disparaitre de la vue des hommes pendant quelques instants, si vous le désirez simplement. Je me suis dit que ça pourrait vous être utile."

La jeune fille sourit puis se laissa prendre dans les bras de son amie, lui rendant une amicale étreinte. Elle lui dit ensuite au-revoir, la remerciant pour tout ce qu'elle avait fait pour elle.

Elle quitta ensuite le logis, loin d'être soulagée et prise d'une inquiétude nouvelle.

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