Le début d'une longue aventure …
[:attention:] Ce RP contient des scènes de la vie quotidienne de mon PJ, qui ne sont pas à la portées des plus jeunes.
« Et merde ! Merde, merde, merde, merde et merde ! » hurlais-je de toute ma voix tandis que d'un revers j'envoyais rageusement voler contre les murs l'établis du parfait petit alchimiste qui jusqu'alors accaparait toute mon attention. Les fioles se brisèrent ça et là, répandant sur le sol de pierre nue leurs liquides colorés. L'atelier que j'avais installé quelques années plus tôt dans une des caves du manoir familial ne tarda pas à embaumer, pestilence doucereuse et âpre qui aurait réveillé un mort, et peut être même tué un vivant, aussi ne tardais-je pas à sortir, du pas rapide de l'homme ivre de colère.
Qu'est-ce qui ne marchait pas ? J'avais suivit très scrupuleusement la recette pourtant, de ce livre en peau humaine que je m'étais procuré à prix d'or le trimestre dernier. Les suppositoires de sangs d'elfe rose des collines de Nessima, les gargarismes de fiente de faera – produit très rare ! - les ablutions de douze heures dans des entrailles de trolls mélangés à de la crème fraîche … et même l’abstinence sexuelle, impérative afin de boucler le rituel d'immortalité !
Et au bout de trois long mois, qu'avais-je obtenu ? Rien. R I E N ! Probablement s'agissait-il encore d'une de ces arnaques ésotériques pour nobliaux en mal de pouvoir qui pullulent sur le marché noir, une succession de pseudo secrets et de procédés scabreux n'ayant pour autre but que de ridiculiser son pratiquant et de lui faire perdre son temps et son argent. Et encore une fois je m'étais fais berner, en beauté. Il faut dire que dès qu'il s'agit d'immortalité, je perd toute notion de discernement et dilapide sans compter …
« Par les dents de Thimoros, je jure que je ferais torturer celui qui a écrit de damné grimoire ! Et celui qui me la vendu par la même occasion !» marmonnais-je entre mes dents serrés.
Toujours furibond, mais surtout frustré d'un énième échec après tant d'années de recherches infructueuses, j'errais dans les couloirs sombres et chichement décorés du manoir An'Dariel, réfléchissant à ma prochaine acquisition : un parchemin très rare en papier de riz intitulé « 107 conseils pratiques pour devenir un demi-dieu ».
Je passait sans les voir devant quelques serviteurs anonymes qui, à ma vue, s'empressèrent de retourner à leurs occupations, trop inquiets qu'ils étaient que je passe mes nerfs sur eux. Ils n'avaient pas tord ; cela dit il n'était pas dans mes habitudes de maltraiter arbitrairement mes laquais, au contraire. M'approchant à grands pas de l'aile nord du bâtiment, réservé aux chambres, je croisais de nouveau une domestique assez jeune sur qui je jetais mon dévolu. La prenant par la main, je l'emmenais avec douceur mais fermeté dans une des multiples chambres d'hôte et la poussa sur le lit à baldaquin. Habituée à ce genre de traitement, elle ne dit rien, délaça son tablier et releva sa robe avant de s'allonger …
Une demi-heure et quelques cris plus tard, en partie soulagé des privations des trois derniers mois, je décidais qu'un bon bain finirait de me délasser – à juste titre, car les relents alchimiques mélangés aux fruits de la luxure m'avaient taxés d'un fumet peu ragoutant. Je me dirigeais alors en direction de la salle d'eau, joyau de l'architecture tuloraine au système complexe de tuyaux et pistons, magiquement enchantés pour générer au besoin vapeur, eau chaude, froide ou tiède, voire même de la neige – quoique cette fonction soit très rarement usitée pour des besoins de toilettages.
Jetant négligemment mes frusques dans une corbeille, je me glissais avec délectation dans l'eau chaude et agréablement parfumée de quelques rares sels exotiques. La baignoire en marbre noir de Mertar veiné d'or brillait d'un éclat sombre dans la moiteur de la pièce d'eau, l'eau distillant des tâches de lumière aux mouvances joueuses désordonnées sur le plafond et les murs. L'atmosphère était relaxante … trop peut être. Le calme et le repos, succédant à la colère et la jouissance, me sapèrent lentement mes forces, et je finis par somnoler, flottant entre rêve et réalité – mais aussi et surtout dans l'eau de mon bain.
Je me réveillais en sursaut, ridé comme un pruneau. J'avais faillis me noyer, après avoir glissé sur le côté. La maisonnée était calme et tranquille, comme à son habitude, et pourtant, un sentiment d'angoisse palpable m'étreignait. J'ignorais combien de temps j'avais dormis, néanmoins je l'estimais à plusieurs heures. Je sortis promptement de l'eau, me saisi d'une serviette et m'essuyais en vitesse, ne pouvant me défaire de cette sensation de danger oppressante qui croissait à chaque seconde. L'air était chaud, bien plus qu'à l'accoutumée même en cette période de sécheresse anormale. Il flottait aussi comme une odeur âcre …
Ne trouvant pas d'habits propres (n'y avait il donc aucun serviteur qui s'en soit préoccupé?) je me persuadais à contre-cœur de rendosser ceux que j'avais délaissés dans la corbeille quelques heures plus tôt, et lorsque ce fut fait, me précipitais en dehors de la salle de bain afin de vérifier mes craintes. A mesure que je remontais, l'air se faisait d'avantage irrespirable, à la fois brûlant et piquant. Le feu ! Je n'osais y croire … Le manoir était en train de cramer !
Au sortir des escaliers, devant moi s'étalait une mer de flammes en furie, engloutissant sans pitié meubles et tentures sur leur passage. J'étais cuit ! Au sens premier du terme ! Impossible de traverser, d'un côté ou de l'autre du couloir, tout était bloqué par l'incendie. Le sentiment d'angoisse qui m'étreignait se faisait de plus en plus oppressant, je sentais poindre en moi les prémices de la panique. Je me forçai alors résolument à redescendre vers la salle de bain, qui m'accorderait à tout le moins un répit … avant de mourir asphyxié ou écrasé sous les gravats. A moins que ce ne soit la longue et lente agonie de l'inanition …
Ces joyeuses pensées ne m'aidèrent cependant pas à retrouver ma sérénité.
(Du calme, il y a sûrement un moyen de sortir d'ici … Oui, sortir d'ici … J'peux pas crever là, je refuse ! Un échappatoire … une sortie … il y a forcément une sortie qui conduit aux égouts !)
Encouragé par cette idée, je commençai à chercher la dalle amovible menant au sous-sol. Je la trouvai sans peine, mais celle-ci était hermétiquement scellée par des années et des années d'immobilité et de calcaire. Dépité, voyant que malgré mes efforts, la dalle se moquait éperdument de moi ainsi que de ma survie, je me laissais choir sur le dallage lustré, pris d'une terreur sans nom. J'allais mourir, cette fois c'était certain. Une mort lente et douloureuse qui plus est, mais surtout idiote, inutile. …
(Je ne veux pas mourir … je ne veux pas mourir … je …)
« … ne veux pas mourir … par pitié … aidez moi... » commençais-je à sangloter. Tremblant, incapable à présent de la moindre pensée cohérente, j'étais totalement dominé par la panique et l'effroi incommensurable que m'inspirait ma rencontre prochaine avec Phaïtos.
« Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses !!! »
Subjugué par l'épouvante, je frappais inlassablement la dalle, espérant follement qu'elle cède son l'impact de mon petit poing de chair et d'os. Encore et encore … et encore, et encore …
« Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses !!! »
Je m'écorchais la peau, du sang commençait à gicler à chacun de mes coups. L’ennemi de branlait pas.
« Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses !!! »
Je n'entend rien d'autre que ma voix vibrante de désespoir, et le bruit écœurant de la chair s'écrasant contre le marbre. Je ne sens pas la douleur. Je ne sens rien d'autre que la peur, et le souffle froid du Dieu des morts dans mon cou.
« Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses ! Casses !!! »
Un bruit sec. Effrayant. Je me suis brisé le poignet. Je n'en ai cure, je frappe, encore et toujours.
« Cèdes putain ! CÈDEEEEEEES !!!!!!!!!! »
La folie. Je n'ai plus de raison. Je ne veux pas mourir. La démence m'envahit, je l'invite à venir, elle ne me fait pas peur. Seule la mort me fait peur. Je ne veux pas mourir. Tout plutôt que la mort. Une main brisée, peut m'importe, c'est un petit prix à payer pour survivre. Je ne veux pas mourir.
Je ne veux pas mourir …
Soudain je m'arrête. Immobile dans le silence le plus total, mes pensées mêmes se sont stoppées. Je ne suis plus qu'une coquille vide, mon âme est déjà morte. Il n'y a plus d'espoir.
Je ne sais combien de temps je suis resté là, sans bouger sur le sol froid et humide. Une minute ? Une heure ? La mort joue avec moi, elle prend son temps pour venir me chercher, elle sait que je ne peux pas m'échapper. Qu'elle vienne donc … qu'on en finisse.
« NOOOOOOOOOON !!!!!! »
Un hurlement bestial. Un cri transcendant l'humanité, ou perce la terreur à l'état pur.
« NON NON NON NON ET NON !! JAMAIS TU NE M'AURAS!! JAMAIS TU M'ENTEND !!!! »
Défiant la mort même de venir me chercher, je repris de plus belle mon martèlement insensé, sentant poindre en moi une nouvelle force. Je me fichais pas mal de savoir d’où elle venait. Peu m'importait. Tout, mais pas la mort. Une rage irrationnelle montait en moi. Je pilonnais la dalle avec une puissance accrue, redoublant d'effort. Elle allait se briser. Elle allait rompre devant ma puissance ! Et moi j'allais sortir !! Vivre !
« LIBÈRES MOI !! LIBÈRES MOIIII !!!! »
Rupture. Un choc violent. La dalle se brise et tombe dans l'espace qu'elle obstruait. Je suis libre !
Je reprend soudain mes esprits … la force étrange me quitte, je me sens faible et fébrile. Ma main n'est qu'un tas amorphe de bouille sanguinolente, et lancinante. La douleur. Ô Dieux, la douleur !
Je serre les dents, c'est le prix à payer. Je vais vivre ! Je m'engage dans le tunnel puant, suintant le nitre et le moisi. L'odeur vive me pique le nez, mais j'avance, toujours tout droit dans les ténèbres, vers le dédale inconnus des égouts de Tulorim ...