Dirigé de Rosa
La femme continuait un long moment à fredonner et à passer ses mains dans la chaux, aucune grimace ne trahissait la douleur qu'elle pouvait subir, seuls ses yeux arrivaient à traduire l'expression ravagée de ses pensées, les yeux perdus dans le vague, la tête légèrement penchée sur le côté comme une poupée désarticulée.
Elle descend. Maladroitement, ses jambes s'enfonçant dans le fumier fumant, maniérée au possible, cette personne sortait d'un univers inimaginable, trop de féminité et d'horreur. L'air de la chansonnette avait changé, la voix était plus paniquée, irritée mais la folie et l'incompréhension y étaient omniprésente.
« Et si cette peau que je pèle n'était plus réelle ?
Voyez, j'ai mangé les vers qui palpitaient dans mes selles
Et sans trop d'eau, elle en raffole, je ne suis pas... »
La tête bascula sur le côté droit, lourdement, tombait en arrière comme si ce corps était mort et épris d'une vie nouvelle qui le déplaçait comme une triste marionnette.
« Folle ! »
Lorsqu'elle prononça ce mot, le monde se brisa encore, tu peux voir en l'espace d'une seule que son visage était changé, la bouche, le regard, comme un animal marin agitant ses tentacules, la bouche de cette femme s'était changée, les lèvres avaient laissé place à des membranes opaques qui retenaient ses tentacules convulsées par l'horreur de sa révélation. Le tableau tomba encore. Tout devient lent, tout devient noir et bientôt, tu ne perçois plus aucun bruit, ni même celui de ton propre coeur.
Ouvre les yeux. Ouvre-les et observe, ta place est sienne, ce sont tes mains qui se trouvent dans les excréments et la chaux au sommet de ton monticule infâme. La chanson provient de tes propres lèvres sans même que tu puisses t'en soustraire, est-ce tes yeux ou une mauvaise illusion ?
Sans même avoir emprise sur ton propre corps, tu sens les caresses brûlants de tes doigts blanchis par la chaux frotter tes poignets. Derrière toi, Rosa venait de passer la théière gigantesque, attirée par ta chanson.