L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Dim 25 Déc 2011 21:34 
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« Assurément, d'ailleurs je me suis levée des deux pieds. Voyez-vous même. » scanda Aurore

« Nous ne sommes jamais assez prudentes »
enchérit Peau-d'Âne « D'ailleurs nous allons faire passer le truc rouge devant nous. »

Le chaperon qui sortait à peine de sa torpeur tenait à peine debout, elle leva la tête d'un air perdu sans avoir la moindre idée de ce qu'on lui voulait.


« On va chez grand ? »

« Absolument maintenant pressez-vous, c'est par ici. »

« Ah quand même failli attendre moi, vous êtes gentilles alors que je pensais que vous étiez que des sales bêcheuses poudrées. »

« Formidable maintenant avancez, c'est par ici vous ai-je dit.»

« Parce que grand' elle aime pas les gabarit de votre genre disant qu'c'est bon qu'à finir une tête sur une pique »

« Incroyable, c'est par ici. »

« Remarquez je vous oblige pas à la rencontrer. On peut se séparer dès que je vois la fumée de la cheminée faut dire aussi qu'elle va vous balancer le moulin à poivre. »

« Maintenant... »

« Je peux marcher derrière vous ? Comprenez à cause du loup. »

« Ah ! Ça c'est hors de question ! »

Un coup bien placé d'un soulier de princesse eut tôt fait de projeter le bambin sur le droit chemin. Le groupe s'aventura alors dans cette forêt. L'endroit se présentait silencieux, Rosa n'entendait que les pas des sabots du chaperon. Les arbres grands et graves observaient l'avancée de ces jeunes femmes, la shaakt se laissait porter par leur engouement car après tout avait-elle un meilleur choix ? Les trois autres s'éloignaient et elle ne parvenait pas à les rattraper. Les troncs remuaient leurs longues branches, un grincement parcourut son crâne puis la lumière du faux jour s'atténuait peu à peu. Un lourd craquement, celui des arbres qui se brisaient lentement, son cœur s'emballa. Vint un horrifiant hurlement, mugissement inhumain qui fit s'hérisser toute l'écorce des arbres. La mage fixa la source du bruit, rien n'apparaissait et pourtant ses jambes se pétrifièrent. Une main ou quelque chose de terriblement fort lui attrapa soudain l'épaule, de longues pointes qui lui firent penser à des griffes lui traversèrent la peau. Elle la renversa à terre pour ensuite tenter de la traîner vers l'obscurité hors du sentier. Rosa cria mais les princesses ne répondaient pas, elle se servit de sa main libre pour s'accrocher à une racine mais un mouvement brusque la fit lâcher. Sa course la cogna contre une souche. La présence hurla une dernière fois, ce son qui fit trembler le paysage entier puis le voile sombre et la mage perdit connaissance.

Rosa se réveilla assise avec un mal de crâne terrible. Cependant, le sentier s'étendait toujours près d'elle, son épaule n'avait rien et la présence ? Son cœur battait encore frénétiquement.


« Alors vous n'êtes pas le prince charmant ? »

« Bien sur qu’il est. Il en a les atouts. »

« Non ! Taisez-vous ! Vous n'êtes que … des mirages. Hors de ma vue ! »

« Il est gonflé celui là ! Quel manque de tact ! Depuis quand les princes nient les princesses qu'ils sauvent ? »

« Sauver de quoi ? »


« Je ne sais pas ça n'avait pas sa place ici. Pas un coup des fées en tout cas. »

« Grand va me gronder, j'suis très en retard. »

« Oh, ta gueule ! Il faut se répéter décidément.»

« Rosa ! Gaïa soit remerciée ! »


Son protecteur réapparut, elle crut à une autre illusion de ce monde mais son air déboussolé ne lui permit aucun doute. Rosa eut un soupire de soulagement, il y avait au moins une bonne nouvelle. L’armure se précipita vers elle pour la redresse de façon un peu brusque, probablement l’inquiétude.

« Qu’est ce que tout ceci ? Cela me dépasse complètement ! Avez-vous idée de ce que j’ai enduré ? Un royaume de fous, voilà où nous sommes ! Et lorsque je vous revois… Vous êtes face à un… Vous… Vous allez bien ? »

« Je suis désolée, je n’aurai pas du t’amener là dedans. »


« Vous plaisantez j’espère ! Heureusement que je suis arrivé au bon moment sinon cette chose vous emportait. »

« Tu as vu à quoi il ressemblait ? »


« Non… Dès que je vous ai vue, j’ai bondi, je vous ai attrapé le bras et sans trop d’effort vous ai ramené vers moi. Pas le moindre monstre à combattre ensuite, juste un cri à pétrifier le plus hardi des guerriers. Mais oublions tout ça ! Ca fait vraiment plaisir de vous revoir ! »

Elle lui accorda un minuscule sourire mais sa description lui arracha très vite. Cet être appartenait à un autre cauchemar pas celui où ils se trouvaient. Les trois autres femmes rejoignirent le couple, Peau-d’Âne s’impatientait :

« Navrée de vous presser mais on ne fait pas attendre les dieux. Ils n’ont pas l’éternité devant eux. »

« En fait si, mais pas les délicieux gâteaux au miel qu’ils servent à leur buffet. »


« C’est vrai ! Vous ne devriez pas leur faire confiance à pourrir subitement alors que vous détournez le regard. Il faut se hâter ! »


Thalo écarquilla les yeux :


« Depuis combien de temps les supportez-vous ? Jusqu’à présent je me suis contenté de pourfendre tous ceux qui se présentaient devant moi. »


« Elles ont une destination. De plus depuis que je suis restée avec elles, le monde est resté en place jusqu’à présent. J’ai le sentiment que nous progressons en les suivant. »


« C’est votre choix. Maintenant que je suis avec vous, je ne risque pas de perdre la tête, alors pour le reste… Nous rendons visite aux Dieux ? Eh bien, voilà qui s'annonce prometteur… »

Son protecteur paraissait pour les moins à cran ? La sorcière lui demanda de rester près d'elle, hors de question que cet univers lui arrache encore sa parcelle de raison.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Mar 27 Déc 2011 16:22 
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La route descendait, ils quittaient la forêt pour admirer une immense vallée fluviale. L’herbe qui fléchissait sous un vent languissant portait un teint écarlate et le ciel à nouveau visible était décoré d’aurores boréales aux teintes vertes. La rivière qui partait vers l’horizon disposait d’immenses colosses de pierre certains partiellement endommagés. Peau-d’Âne indiqua qu’il fallait longer le cours d’eau et que les gardiens ne devraient normalement pas les déranger. Ils avancèrent presque tous calmement, les deux princesses débattaient sur quel meilleur thème pouvait arborer une tapisserie. Rosa leva les yeux vers les géants, ils arboraient un visage terrifié lorsque leur tête était toujours en place. Derrière eux, un des colosses s’effondra jusqu’à l’autre versant. Le choc les souleva mais les deux folles en tête du groupe ne semblaient pas plus intriguée.

« Je pense que l’icône la plus pertinente est une araignée, mise en abyme voyez-vous. »

« Je ne suis pas du tout d’accord avec vous, pour moi il faut un âne rayé. »

« Vous êtes complètement folle. Aucun âne n’a régné dans ce bas monde. »


Un bras s’arracha d’un des gardiens, il ébranla la rivière dans sa violente chute.


« Eh bien nous en profiterons pour questionner les dieux à ce sujet. Ils trancheront. »

« Celle qui aura tort avec. »


« Tout s’écroule… On dirait que ce monde connaît la fin des temps. »


« Cela s’aggrave au fil du voyage. Nous y sommes peut-être pour quelque chose... Thalo, ce qui m’a attaqué toute à l’heure, je pense qu’il appartenait à l’Illhar … Un chasseur innommable qui avait besoin d’un affaiblissement de mon esprit pour me localiser… Cette traversée est l’occasion rêvée. »

« Alors il va revenir ou du moins se rendre à Tulorim… Comment le combattre ? »

« Je ne sais pas vraiment. Lorsqu’on envoyait le Chasseur c’était une mise à mort irrémédiable, j’y ai toujours échappé et jamais je n’ai cherché à savoir. Je ne pense pas qu’il puisse traverser une telle distance. Il vaudrait mieux tout simplement éviter Nirtim quelques temps. »

La shaakt surprit le chaperon qui les épiait les yeux rivés sur le heaume du wiehl. Ce dernier ne lui adressa même pas un regard, la raison voulait probablement ignorer les illusions. Aurore sautilla en annonçant que le palais des dieux se trouvait juste là. Le couple retrouvé observa les alentours, toujours ces statues en proie à la fin à perte de vue.

« D’ailleurs votre valet devrait lever le pied sinon on ne pourra jamais rentrer ! »


Thalo remarqua alors sous sa botte métallique une trappe grossière. La jeune blonde lui somma de se pousser puis ouvrit le passage. Elle s’inclina et leur fit signe de passer devant. Après quelques réflexions inutiles, Rosa descendit suivie de près pas son bouclier puis Peau-d’Âne et enfin le chaperon. Un grondement vint alors que la dernière princesse voulait les rejoindre. Elle fixa le géant tout près qui faisait mine de s’agenouiller, elle resta immobile alors que la deuxième moitié du corps en roche fonçait vers la trappe. Un immense bloc s’écrasa sur le passage, les plongeant dans une obscurité totale. La voix de Peau-d’Âne résonna :

« Voilà qui est fâcheux. Et j’ai oublié la malle ! Pauvre Aurore… Enfin soit ! Il doit y’avoir des torches à disposition quelque part. »

« Qui ose pénétrer en notre domaine ? »


Une lumière éclaira faiblement le couloir, ses parois lisses laissaient tomber de la poussière à chaque statue qui s’écroulait la haut. La nouvelle voix quant à elle s’apparentait à un fou furieux qui s’apprêtait à torturer sans scrupule. Peau-d’Âne et le chaperon avançaient en silence, la shaakt échangea un bref regard à son protecteur pour se rapprocher de cette lueur rougeâtre.

« ASSEZ ! JE SAIS QUI VIENT ! C’EST DE LEUR FAUTE SI NOS ARMÉES S’ENFUIENT ! »

« Approchez… Près de la lumière, oui… C’est ça. »


Sur un socle, une orbe flottait et c’était son éclat qui illuminait la salle.

« Voilà nos petits indésirables. Vous aviez raison. »

« BIEN SUR QUE J’AVAIS RAISON MAINTENANT TUONS LES. »

« Ne soyez pas stupide. Ils vont partir… Mais… Ils veulent quelque chose j’imagine… Ce petit quelque chose… De rien du tout… Mais il faudra le mériter quoiqu’arriver jusqu’ici…Vous avez fait des vagues… Hé héhéhé… »

« Et ceux là qu’est ce qu’on en fait ? »

« Un jeu, deux participants, trois perdants. »

« Non… Ils sont à deux… On ne peut pas les montrer l’un contre l’autre… Quoique… »

« Le temps presse ! Je ne supporte pas cette intrusion ! C’est insoutenable ! Qu’ils s’en aillent ! Qu’ils la fassent partir !!! »

« Arrêtez de geindre ! Vous allez nous faire perdre le fil… ! Des ! CHOSES ! GHk ! Taisez-vous ! Je ne veux plus vous entendre, vous autres faites le taire ! Bien. Ca y’est ? Il est parti… Je vois. Nous allons vous tester une dernière fois… Si vous réussissez, nous songerons à vous laisser le petit quelque chose et si vous perdez… Vous partez sans… D’accord ? Ca peut parler ? Ca n’a pas perdu toute ça tête ? »

Thalo ravala sa crainte et brisa leur mutisme.

« Qu’est ce donc encore que cet objet d'Oaxaca ? »

« Oh pardon… On ne s’est pas présenté ? Nous sommes les… Clefs… Ahahah ! Chacune d’entre nous n’ouvre pas le coffre… A vrai dire j’ignore complètement laquelle d’entre nous est la bonne. Et nous sommes sous la protection de notre bien aimée reine. Bref ! Nous perdons du temps ! Alors ce jeu ? »

« Allez-y. »

« Vous… Vous acceptez ? Bien ! Tuez la princesse ou le gamin ! AHAHAHAHAH ! »

Toutes les voix éclatèrent de rire, l’écho assourdit leurs tympans. Thalo rugit, un genoux à terre. Rosa avait beau se cacher les oreilles de ses deux mains, les rires transperçaient encore son crâne. Elles se stoppèrent lorsqu’un couteau apparut au dessus de l’orbe, flottant aux dessus de la sphère. Peau d’âne se mit en boule pour mieux se recouvrir de son vêtement miteux, le chaperon avançait à reculons les yeux rivés sur la lame brillante.

« Rosa ? »

« Je… Je n’ai aucune envie de faire ça. »

« Ce ne sont que des illusions. »

« Alors ça ne va rien te faire ? »

« Je peux m’en charger. »

« Mais si tu te trompes ? Quand bien même tu aies envie de quitter cet endroit… Prenons le temps d’y réfléchir. »

« DU TEMPS, ON EN A PAS ! »

« Ajoutons un sablier ! Du temps pour ces abrutis d’indécis ! Ils gâchent le jeu… »

« Silence ! Je t’avais dit de TE TAIRE ! »

Le mugissement retentit alors, l’annonce du Chasseur qui trouvait sa proie. Les murs se fissurèrent et ils entendaient tomber des dizaines de colosses à la surface. L’orbe se mit à changer subitement de couleur, sa lueur faiblit de façon conséquente.

« Oh non… Oh non… Oh non… Cette chose va tout détruire.»

« Qu’est ce que vous avez amené avec vous ?! C’est de votre faute si cette horrible chose anéantit notre ordre ! »


« Bien… Ils ont peur. Je préfère ça. »
La shaakt s’avança doucement près de l’orbe et la caressa de deux ongles. « Qu’est ce qui se passerait si je jetais votre petite protection à cet intrus ? »

« NON ! »

« Vous n’oseriez pas ? Jeter la Reine dans les griffes de pareille monstruosité !»

« Cet être me traquera sans fatiguer. Il engloutira votre pitoyable coque simplement pour avoir un minuscule indice de ma position. Maintenant si vous voulez préserver ce pour quoi vous vous inquiétez tant, laissez moi obtenir cette relique ! »


« Il partira… ? »

« Je vous le garantis »

Le décor se brisa une dernière fois, cette fois le wiehl s’accrocha à la mage pour ne plus la lâcher. Le voyage laissa le temps à l’elfe de songer à ce qui lui arrivait. Le chasseur de la matriarche. Pourquoi lui envoyait-elle son plus terrible fléau ? Qu’avait-elle fait si ce n’est vouloir s’échapper de son emprise ? Pourquoi ne voulait-elle pas la laisser en paix ? Ces questions n’étaient pas les plus pertinentes d’autant que l’idée de la savoir en vie peinait à s’instaurer dans ses pensées. Le salon familier les accueillit avec un hôte fou de joie. Il balbutiait des choses incompréhensibles pour des esprits à peine réveillés. Ils avaient réussi, Xehnon montra les chaînes, sorties du coffre complètement dissipé.

La mage les prit dans ces mains, satisfaite mais non sans surprise. Cette relique se constituait de lanières, de minuscules chaînes en argent qui lui faisait ressentir un impressionnant pouvoir. Leur hôte l’invita à les mettre, toujours aussi enjoué. Tandis qu’elle les plaçait doucement sur ses poignets, Thalo lui surveillait par la fenêtre. Un détail à régler plus tard, elle essaya de profiter de ce sentiment de sécurité alors que la puissance de la relique parcourait son corps. Toutes ces peines ne furent pas vaines, mais était-ce suffisant ? Elle en avait trop dit à son protecteur. Maintenant elle sentait sa peur, un profond sentiment de remord car il resterait à ses côtés quoiqu’il arrive. Un soupire. Il fallait ne pas y penser, pas maintenant, le petit weihl pouvait bien se reposer un peu. La shaakt songea ensuite à rejoindre de nouveau Heartless et son équipage, un moyen idéal de rester en mouvement et en mer. Xehnon leur demanda de raconter ce qu’ils avaient vu ou réalisé, l’elfe fit signe à son protecteur de ne rien évoquer qui sortait du coffre fort, il hocha la tête sans enthousiasme. Une fois cette requête satisfaite, ils purent enfin sortir et à nouveau profiter de l’air.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Dim 15 Jan 2012 00:47 
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Lorsqu’il rentra dans l’habitation, Gor Bal’Qar découvrit un intérieur chargé et riche, des meubles sculptés, des tapis, quelques tableaux montrant des paysages. Le vieil homme lui fit signe de prendre une chaise et l’invita à se servir dans la corbeille à fruits posée sur la table.

Il prit une pomme et la mangea à pleine dents, tandis que l’homme le rejoignait à la table. Il attendit qu’il eut finis.

« Depuis que je ne peux plus me déplacer sur de longues distances, je ne peux plus m’adonner à ma passion. Cela dit, j’aime écouter ceux qui partagent ce désire de liberté. »

Le capitaine pirate ne refusait jamais l’occasion de discuter avec des personnes intéressantes.

« Je n’ai pas une très grande expérience mais j’ai déjà eu l’occasion de poser le pied sur chacun des continents d’Aeronland. »

« Vous êtes d’où ? »

« De Dahràm. »

« Une ville dangereuse mais qui peut apporter son lots de surprises. J’y ai combattu, j’y ai fait pas mal de connaissances surprenantes, j’ai également eu l’occasion d’y fréquenter quelques femmes. Si vous deviez résumer ce que vous avez retenu de ces continents vous diriez quoi ? »

« Les sindels de Naora ne sont pas très bavards avec nous, à Nosvéris on se les gèle, à Nirtim on risque constamment de se faire étriper et sur Imiftil c’est la tranquillité. »

Les deux hommes rirent. Gor Bal’Qar ne fit pas attention au temps qu’il passa avec le vieil homme, mais il passa rapidement. Ils parlèrent de leurs mauvaises rencontres, de leurs découvertes, de ce qui les poussaient à toujours vouloir voyager.

Au bout d’un moment, le sang-pourpre annonça poliment qu’il était temps pour lui de partir. Le vieil homme lui demanda d’attendre quelques secondes de plus avant qu’il ne parte. Il l’abandonna un instant et revint les bras encombrés d’un plastron noir légèrement usé et d’une cape vert foncée. Il lui expliqua que cet équipement serait d’une meilleur utilité entre les mains de quelqu’un qui en aurait réellement besoin. Il lui expliqua que le plastron disposait d’une caractéristique qui avait mainte fois sauvé sa vie.

Le capitaine pirate le remercia et partit en espérant pouvoir retrouver rapidement ses compagnons. Il espérait bien le revoir à l'occasion.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Ven 16 Mar 2012 13:11 
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-3 jours plus tard-


Une journée ensoleillée, les rues surpeuplées de passants et de marchand ambulants occupant la place centrale, voilà le type de journée exemplaire selon moi. Je suis enfin sorti du temple, ma guérison est terminée. Après ces quelques jours au calme il faut bien que je reprends du service après tout. C'est donc en descendant les quelques marches devant le temple que je m'engouffre dans les grandes rues de Tulorim, en compagnie de Philippe. Alors, ce dernier en fait c'est mon père, d'ailleurs il ne m'a toujours pas expliqué ce qu'il faisait lui-aussi dans le temple, mais j'ai déjà mon idée-là-dessus. Toujours un air malin est tracé sur son visage marqué par l'âge et la barbe bien taillé ... Si j'en reviens aux sources c'est lui qui m'a appris ce que je sais aujourd'hui, la drague, la bonne connaissance de toutes les formes de rhum possible et bien d'autres choses encore dans le même domaine. Bref, il descend à vive allure les marches puis prend un gros bol d'air frais tandis que moi je saute directement toutes les marches d'un seul bond.

-"Ahhh … Tu vois Warren c'est ça la belle vie ! C'est une journée parfaite pour partir à la chasse, je sens que ce soir nos lits ne vont pas être totalement vide, héhé ..."-


Je souris à cette phrase puis je décide de lui répondre que de toutes façons ça ne marchera que pour lui aujourd'hui puisque moi je dois repartir vers Kendra Kar. Mais je ne crois pas si bien dire puisque dès qu'il entend que mon bateau devrai bientôt prendre le large, il se retourne instantanément vers moi puis écarquille les yeux.

-"Hey là, tu viens d'arriver tu vas pas repartir maintenant ? De toutes façons maintenant que tu es là je vais pas te laisser repartir tout de suite, tu as oublié ma lettre ou quoi ?"-

La lettre ... Je l'avais oublié, ce même papier dans lequel il affirme être mourant alors que là il a l'air d'être en pleine forme devant moi. Je ne me fais pas attendre pour demander des explications là-dessus, ça m'éclairera forcément sur sa présence au temple de toutes les manières. Philippe prend alors un sourire malicieux puis me rétorque sans plus de gêne que cela que ce n'était qu'une grosse supercherie. En fait il avait fait croire qu'il était mourant pour pouvoir être soigné et bien naturellement, que les prêtresses du temple s'occupe de lui ... Et comme je le connais bien il a dû forcément tenté sa chance avec l'une d'entre elles. Il ne changera pas, tel fil tel père ... Non tel père tel fils, enfin ... Ça marche dans les deux sens en fait. J'aurai dû m'en douter plus tôt que ce n'était qu'une petite mascarade cette lettre, je suis 'mort' à cause de ça en quelques sortes, car si je n'avais pas reçu ce maudit papier je n'aurais pas quitté Daio et Adweinna pour rejoindre le port, donc je ne serai pas entré dans ces mines et je n'aurais donc pas risqué ma vie. Mais bon, les choses ont été faites de cette manière c'est pour une raison que je ne connais pas encore. Je grogne alors puis en réfléchissant bien, le meilleur serait effectivement de rester quelques temps à Tulorim.

-"Très bien très bien … Je vais resté un petit moment, après tout, ça ne me ferais pas plus de mal que ça."-

Après quelques minutes de discussions nous commençons à prendre le chemin vers sa maison. Alors, je m'attends à tout de sa part, il pourrait très bien y avoir toute une portée de filles habitants chez lui, mais bien sûr ça ne serait pas des maitresses de maisons, mais des maîtresses tout court ... Quoique je râle, mais en fait je pourrais tout en bénéficier autant que lui, il partagera un peu au pire ... Je reprends donc le sourire aux lèvres puis après un moment de marche on arrive devant sa porte. Là, au lieu de prendre sa clé il tape juste sur le bois composant la façade. Ce qui ne fait que confirmer mon hypothèse sur ce qui habite cette demeure. Elle n'est pas extrêmement grande, mais juste assez pour pouvoir y vivre à plusieurs. À ce moment-là comme je me l'imaginais, la porte s'ouvre puis une 'créature' de rêve apparaît à nous, c'était elle qui avait ouvert. Je reste bouche bée devant un tel 'spectacle' puis Philippe tout en passant le seuil me tire et me dit que je n'ai pas encore vu le meilleur. Lui au moins il sait parfaitement ce que j'attends et mes goûts en la matière.

-"Ah, Tara ! Quel plaisir de te revoir, ça fait du bien de rentrer chez soi … Vous êtes toute là j'espère ? J'ai un petit invité aujourd'hui, je pense que vous aurez au moins envie qu'il se présente."-

Je suis au beau milieu d'un rêve ... Pendant que Philippe referme la porte je vois quatre autres dames, toute aussi belle et mignonne, venir devant nous dans la pièce principale. Avant de commencer la 'discussion' je voudrais en savoir un peu plus sur comment il s'y est pris, car j'ai un peu de mal à y croire.

-"Mais … Mais comment tu as fais ? Même moi je n'arrive pas à ça ! C'est … Pas possible, tu es plus vieux que moi en plus !"-
-"Ah ça Warren … C'est un secret de fabrication, un savoir faire que tu n'as pas encore acquis, et rassures-toi, je ne compte pas te l'apprendre … Elles ont toutes succombé à mon charme, elles sont là de leur plein gré. Rassures-toi elles n'habitent pas là, on va dire que … Elles me rendent visite souvent, héhé ..."-

Je n'ai pas besoin de ça de toutes façons ... Je peux arriver au même résultat si je veux ! Enfin je crois. Donc après quelques minutes de présentation où je ne fais que toutes les regarder une par une tout en essayer d'épeler mon nom tellement je suis déconcentré, Philippe finit par proposer à une de ces jeunes filles de me faire visiter les lieux. Je ne refuse évidemment pas, l'occasion d'être seul à seul avec une de ces magnifiques créatures. Si elles sont si attachées que cela à Philippe, je vais avoir un peu de mal à y arriver, mais j'ai confiance en mes capacités. La visite commence donc, mais la 'guide' semble un peu pressée et finie le tour de maison aussi vite qu'elle a commencée. Bon, ce n'est pas grave j'aurai une peut-être une autre occasion. Seulement quand je reviens dans la pièce principale, je vois mon père seul, assis dans un fauteuil en train de regarder par la vitre. Elles sont passées où ses compagnes ? C'est bizarre ... C'est à ce moment-là, quand moi et la dernière jeune file arrivons devant lui, qu'il pointe son regard vers nous à tour de rôle, puis se lève. Avec un sourire il dit à la fille qu'elle pouvait partir si elle veut, il avait son fils présent et voulait être seul avec lui pour quelques jours, bien sûr elles pouvaient venir si elles le souhaitent, mais elles comprendraient qu'il voulait passer du temps avec Warren. Elle fait donc un signe de tête pour acquiescer puis après quelques minutes elle passe voir Philippe une dernière fois pour lui dire au revoir puis sortie toute souriante de la maison. Je n'aimais pas ça parce que s'il veut qu'on se retrouve seul c'est soit pour m'annoncer quelque chose de pas forcément bien, soit qu'il me prépare quelque chose qui là, n'est pas forcément bien non plus.

-"Warren tu peux t'asseoir si tu veux, tu vas en avoir besoin."-
-"Ok ..."-

Il prend soudainement un air grave puis me fixe droit dans les yeux, comme pour dire que cette fois-ci ce n'était pas pour balancer des stupidités ou des plaisanteries. Quelques secondes passent puis il se décide enfin à parler de ce qui semble le préoccuper de plus en plus.

-"Warren vois-tu, je ne suis pas éternel comme tout autre être humain … Viendra un moment où je quitterai ce monde et te laissera seul à ton sort. Or, tu n'es pas encore prêt, il te manque quelque chose."-


Je lève un sourcil car je suis interloqué par ce qu'il dit, je me demande de quoi il parle.

-"Toi et moi, nous sommes père et fils il est donc de mon devoir de t’instruire … Il est grand temps que tu apprennes réellement la vérité des choses et que tu commences à te battre pour cette cause."-
-"Me battre pour cette cause ? Laquelle ? De quoi tu parles enfin ?"-

Il se lève de son fauteuil puis observe un cadre où figure une peinture relayant le château royal de Kendra Kar. Il prit une grande inspiration puis continua ses dires.

-"Le monde va mal et continue de l'être de plus en plus chaque seconde qui passe. Je suis insignifiant, tu es insignifiant, il est donc logique que nous ne puissions rien faire de concret pour purger le monde de ses souffrances. Mais heureusement y'a un remède à tout, car tout s'apprend et se développe … C'est ça notre force. Il est grand temps qu'on commence à se battre pour, de contribuer à cette bataille 'invisible' mais la tâche est loin d'être simple."-


Je commence peu à peu à comprendre ce qu'il dit et ça ne me plais pas forcément. Après tout qu'est-ce que j'en ai à faire des maux du monde, du moment qu'ils ne touchent pas moi.

-"C'est ta vocation Warren, tu dois apprendre à te battre et te lancer dans la bataille. Si tu ne veux pas je t'y forcerai, acceptes au moins mon aide et entraîne toi le temps que tu restes à Tulorim. Tu dois augmenter tes capacités magiques et physiques, tu as la chance de pouvoir maitriser un peu l'élément de la foudre il faut que tu saches t'en servir, compris ?"-


J'acquiesce de la tête en sachant pertinemment que je vais passer le restant des jours dans cette ville à devoir me battre et m'entraîner ... Mais ... Quelle barbe ! Je n'ai pas le choix en même temps, je dois voir le bon côté de la chose, au moins je serai un peu plus fort qu'avant. Je me lève à mon tour puis lui répond que si je dois améliorer mes capacités je le ferai, du moment que ça ne me fatiguera pas trop. Et c'est cette phrase qui apparemment l'énerve un peu sur le coup puisque se retient de m'en mettre une. Rétorquant que ce n'est pas une partie de plaisir, qu'il parle de choses sérieuses il tourne sa tête vers la fenêtre puis après quelques instants où il tente de se calmer il me demande d'aller chercher en premier lieu tous les fluides dont j'ai besoin pour profiter pleinement de mes sorts. Il me jette une bourse puis m'indique qu'au marché, qui est à deux pas, je devrais trouver ce dont j'ai besoin. Sans dire un mot de plus je me dirige vers la porte, toujours en étant très surpris et interloqué sur ses intentions et sur ce qu'il dit. Ce n'est pas dans son habitude de parler de ce genre de choses, c'est étrange ... Il a changé d'humeur d'un seul coup, c'est aussi bizarre je devrais essayer d'en savoir plus.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Dim 8 Juil 2012 22:28 
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C’est avec toute la suffisance d’un homme du monde que le dit Carlisle contemplait d’un air ennuyé le transbordement du chargement de ses affaires hors des cales de l’Orchidée-Poison. Fort de ses Trois-mâts de belle stature et d'une ligne profilée pour fendre les vagues le navire s’était montré tout à fait redoutable par temps clair comme par forte houle lors du passage du cap de Misène. Homme de l’art le voyageur s’était montré particulièrement convaincu par l’excellente coordination décidée par le capitaine pour juguler les effets contradictoires du souffle de Meno, seigneur des eaux et de Rana, la dame des vents. Caractéristique commune des zones maritimes perturbées par une avancée de terre en mer les navires devaient composer avec des effets de vagues différenciés de l’orientation du vent. En d’autres termes cela revenait à déambuler saoul en tenant un poids à bout de bras ; le corps voulait partir dans une direction pendant que le monde souhaitait se dérober dans une autre.

Et le Capitaine s’en était excellemment tiré. Certes l’exactitude de la manœuvre était sans enjeu réel. Loin des côtes les risques de se voir repoussés vers les récifs restaient faibles et en-dehors de toute poursuite dantesque la précision avec laquelle les gréements se tendaient importait peu ; quelques points d’améliorations auraient pu être notés mais le caractère du Capitaine s’y prêtait peu. Imbu de sa charge et doté de bras épais comme des cuisses ce n’était pas le genre d’homme que l’on contestait face à son équipage ; du moins pas directement et jamais lorsqu’il était présent à moins de dix pas.

Les conditions de transport s’étaient révélées correctes, sans plus. Une cabine de deux mètres sur trois comprenant un lit qu’un enfant aurait trouvé un peu court, une penderie où aucun cocu n’aurait songé à se cacher et une étagère peu propice au rangement ; tout du moins si vous ne souhaitiez pas être estourbi par un objet livré à la vindicte des vagues et la loi la gravité.

Assurément en cas de voyage et de disponibilité de l’Orchidée-Poison Carlisle embarquerait plaisamment à son bord pour une nouvelle traversée.

D’autant que les membres d’équipage jouaient aux cartes comme des manches.

Plusieurs fois des accusations de tricherie avaient fusé mais face à l’incapacité chronique de ses détracteurs à prouver une quelconque malversation les hommes du bord s’étaient résolus à la solution envisageable : une chance insolente doublée de faveurs dues par les dieux envers le dit Carlisle. Bon gré mal gré cette chance inconvenante était devenue un amusement collectif entretenant la bonne humeur parmi l’équipage.

« Assurément le seigneur des océans ne pouvait pas envoyer par le fond un homme réserviste d’une telle chance ! » avait déclaré l’un des officiers de pont en commuant presque Monsieur de Ferra comme une assurance contre les tempêtes et les aléas de la vie en mer. Au même titre que les chats, les pattes de lapin et les colifichets dédiés aux esprits marins, Carlisle était devenu au fil des jours la mascotte officielle du trajet. Les hommes rivalisaient aux cartes pour lui arracher les secrets de son talent et les rares dames, sous la tutelle de leurs chaperons, se plaisaient à diner en sa compagnie dans la cabine du Capitaine.

Foulant les quais en long en large et en travers pendant les opérations de débarquement et de transvasement des marchandises Carlisle affectait l’indifférence. Pour autant son œil averti et sans cesse mouvant appréciait à leur juste valeur les mesquineries d’usage pratiquées à l’encontre des autorités. Déjà plusieurs caisses d’épices rares avaient trouvé refuge dans des malles estampillées comme étant des possessions de particuliers et non de marchands. Plus loin deux matelots échangeaient discrètement quelques pots de vin en compagnie de représentants des autorités sous couvert du paiement des taxes. Les premiers arrangeaient un débarquement au mieux disant de la cargaison pendant que les seconds négociaient des embarquements de substances illicites.

Affectant toujours l’indifférence mais notant scrupuleusement les visages et les références des échanges procédés Carlisle ne retrouva pied dans le réel que pour admirer la superbe malle de Saratoga actuellement déposée au sol par les subsides rattachés au service des docks. Longue, large et haute, toute de cuir doublée de clous métalliques et ornée de poignées cuivrées, la malle du voyageur sentait bon le cirage de qualité et les bois rares ; malgré la puanteur d’une cargaison de dorades fluviales n’ayant visiblement pas vu la mer depuis longtemps.

Dispendieux lorsqu’il le fallait Carlisle confia quelques valeurs monétaires à deux porteurs avachis sur les quais. L’argent passa de main gantée à main cornée avec une aisance dépassant les disparités sociales de ces trois hères. Sans mot dire les deux nouveaux employés de Monsieur de Ferra s’emparèrent des montants de la malle et la hissèrent au-dessus du sol et d’un pas chaloupé s’inscrivirent dans le pas de leur employeur du jour.

Véritable maréchal en campagne se déplaçant au pas de charge Carlisle traversa la ville d’un pas rapide et décidé en ne faisant halte que pour permettre à ses porteurs de refaire leur retard sur lui. Connaissant le poids du chargement qu’il leur avait confié il n’avait aucun doute sur les chances qu’ils avaient de lui échapper si l’idée leur était venue de décamper avec leur chargement. En réalité sa seule crainte était qu’ils renoncent à leurs engagements et n’abandonnent la malle en cours de route. Pour les rasséréner il dépensa quelques centiras pour s’offrir un pichet d’un vin rosé et léger qu’il partagea avec ses séides pour s’attirer leur sympathie. Après une pause circonspecte les trois compères reprirent leur route de concert.

« Êtes-vous certain de vouloir entrer là-dedans monsieur de Ferra ? » conseilla l’un des porteurs d’une voix caverneuse possiblement due à une consommation excessive de Hâga noir.

« Rah ; c’est qu’il le faut bien » commenta Carlisle en observant la devanture de l'« Aiguille du Péché ». Demeure à la façade quasi-monacale, seule une pancarte aux teintes d’or et de carmin permettait de jauger la haute teneur en vicissitudes que proposait le lieu. Cinq étages proposaient tout ce que des joueurs imaginatifs avaient pu inventer pour gagner et perdre des mises plus errantes qu’une putain en fin de bal. Et bien que les clients se déplacent librement seuls les riches, puissants ou solvables avaient le droit de venir tester leur bonne fortune en ce lieu de débauche. Par une entrée latérale, discrète et empreinte d’humilité, les demandeurs en quête de crédits se déplaçaient en longeant les murs, peu curieux d’être connus ou reconnus.

« Vous n’aurez qu’à m’attendre à l’extérieur, Messieurs. Si vous êtes toujours là à mon retour, votre solde sera triplée » conclût-il en entamant la traversée de la rue.

« Et oui mais si vous n’en ressortez pas messire ? » osa le plus jeune des deux manœuvres.

« Voilà un fin comptable et un connaisseur de la nature humaine » pérora Carlisle en leur versant d’avance une part de leur prime finale. Puis il les abandonna en affichant un air confiant.

L’entrée de l’Aiguille du Péché se voulait neutre. Des murs à nu marquaient une transition lente entre la rudesse des rues de Tulorim et les promesses suaves des salles seulement placées à quelques pas d’où provenaient déjà éclats de rires et bruits de verres entrechoqués.

Une dame en livrée stricte s’approcha d’un air peu amène.

« Monsieur semble s’être égaré » entama-t-elle d’une voix que Carlisle jugea immédiatement agaçante.

« Annoncez Monsieur de Ferra, séance tenante » trancha-t-il d’un ton léger.

Elle hoqueta de stupeur.

« Immédiatement, monsieur » ferma-t-elle en tournant des talons.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Dim 8 Juil 2012 23:56 
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Le dernier étage de l'Aiguille était composé d'une seule pièce vaste comme les appétits de son propriétaire pour le monde. On ne pouvait parler d'un lieu de vie. L'endroit avait des allures de cabinet de curiosité avec ses vitrines, ses tableaux et ses bibelots.
Pour ce qu'elle en savait, monsieur de Rhyllan était pourtant loin d'être un amateur d'art. Plutôt un investisseur éclairé.

Elle hésita un instant, figée à l'entrée. Il fallait annoncer l'arrivée de ce "de Ferra" et la tâche s'annonçait d'ores et déjà déplaisante. Les trois années au service du maître l'avait renseigné sur son caractère. Travailler pour lui n'avait rien de désagréable, au contraire. La paie était bonne et bon nombre de femmes auraient été prêtes à se battre pour obtenir une place à ses côtés. Seulement voilà, monsieur de Rhyllan possédait des humeurs sombres et des heures cruelles.

Et monsieur de Ferra se trouvait être un des catalyseurs de celles-ci.

Si elle avait beaucoup entendu à son sujet, il venait de se présenter pour la première fois à l'établissement. A écouter monsieur de Rhyllan, elle s'était imaginée une figure mesquine appuyée par des yeux de fouine et des dents de rongeurs. Elle découvrait un visage aux harmonies féminines, de longs et soyeux cheveux du blond subtil d'un soleil venant mourir dans la mer au crépuscule.

Elle ne put réprimer un soupir.

" Roxane, avez-vous une raison de venir me déranger ? " La voix claqua.

Derrière son bureau, Esteban avait laissé de côté ses papiers et observait de son regard d'aigle la jeune femme en livrée plantée à l'entrée de la pièce.

Elle s'approcha. Sa voix haut perchée jugée désagréable, il ne lui permettait que de murmurer. Elle se pencha pour amener sa bouche près de l'oreille de son maître.

" Monsieur de Ferra demande à vous rencontrer, monsieur. "
- Qu'il prenne son mal en patience. Faites-lui remettre un courrier où vous préciserez d'éventuelles dispositions pour la semaine prochaine. Non, pour dans deux semaines.
- Monsieur, c'est que monsieur de Ferra est déjà ici. "

D'une main ne connaissant pas le ménagement, il repoussa Roxane et se leva de son fauteuil. Une guêpe venant lui piquer le flanc n'aurait pas obtenu de meilleur résultat. L'insolent venait poser pied sur son territoire !

Lentement, ne s'autorisant pas plus longuement une inutile manifestation de colère, il passa une main sur son front et plaqua ses cheveux en arrière. Roxane sur ses talons, il quitta son bureau pour rejoindre les hauteurs des formidables escaliers qui menaient jusqu'à son sanctuaire.

Le regard plongé vers le bas, Esteban scruta les profondeurs de l'établissement. C'est Roxane qui le lui indiqua d'un chuchotement. Une des hôtesses de la maison était déjà à son bras.

" Faites le monter.
- Bien, monsieur. "

Elle s'écarta, prête à s'exécuter mais il l'arrêta.

" Et faites apporter des fraises. "

Les fraises étaient scandaleusement hors de prix, un privilège à la portée de très peu de nantis. Esteban retourna à son bureau, et, par simple mesure, vérifia le mécanisme qui lui permettait l'accès à la dague dissimulée dans sa manche. Ainsi que celle de sa botte. Prudence étant mère de sûreté, il s'assura que l'arbalète pointée en direction du siège des invités était toujours dotée d'un carreau.

Il hésita à faire venir les jumeaux worans mais jugea qu'une trop grande démonstration de force pourrait être interprétée comme une faiblesse. Et, il n'avait rien de faible.
En bas, dans le premier salon, Merlinda fit une moue en voyant revenir Roxane prête à lui arracher son client.

" Monsieur de Rhyllan est prêt à vous recevoir. " Clama cette dernière sur un ton aigue. " Si monsieur veut bien me suivre. "

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Dernière édition par Esteban de Rhyllan le Lun 9 Juil 2012 17:26, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Lun 9 Juil 2012 14:04 
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Le rez-de-chaussée de l’Aiguille du Péché ne présentait aux visiteurs qu’une multitude de petits salons, d’antichambres et de jardins embellis de fontaines qui permettaient aux gens importants de se retrouver en toute quiétude en zone neutre et sous la belle autorité du maitre des lieux. Autorité relayée en son absence par la seule présence de deux Worans si semblables d’apparence que plusieurs émissaires de la très haute académie philosophique de Kendra-Kâr harcelaient leur donneur d’ordre pour pouvoir les étudier au regard de leur supposée gémellité ; preuve que l’on pouvait être un scientifique et dopé à l’adrénaline.

L’étage supérieur rassemblait plusieurs salles de jeux dont la réputation d’inviolabilité était avérée. Le personnel était bien payé, les croupiers particulièrement compétents et le service d’ordre particulièrement peu porté sur la compassion. En d’autres termes compter sur une complicité interne pour parfaire une arnaque relevait d’une prise de pari aux risques insensés.

Merlinda avait tout de la chic fille. Avenante à souhait et assez fine de la nature humaine elle déployait un discours adapté à son interlocuteur, plein d’esprit et d’humour. Lui prêtant une oreille attentive Carlisle lui rendait parfois un compliment, commentait un point de précis de l’histoire locale ou relançait la conversation sur la sagesse des auteurs classiques.

« Merle, puis-je vous appeler Merle ? » la tança Carlisle tout en sachant que contre une poignée d’excuses sonnantes et trébuchantes il aurait pu la nommer par n’importe quel prénom composé depuis la création de ce monde.

Avant qu’elle n’ait pu répondre la dite Roxane lui coupa la parole et l’invita à la suivre vers les étages privés où Esteban tenait ses offices les plus secrets. Il lui emboita le pas tout en saluant Merlinda de la main et seulement après s’être excusé de devoir interrompre leur conciliabule. Gravissant les marches à la suite du sbire de l’huissier d’injustice, Carlisle examina le déhanché tout à fait statique de la jeune femme : une taille trop étroite couvait des fesses raides et de longues jambes bottées alors que des épaules aussi fines ne peinaient guère à porter une poitrine interdite par la veste à jabot qu’elle portait présentement.

L’escalier était recouvert en son centre d’un tapis carmin, épais et sentant le frais, tranchant tout à fait avec les dorures des montants. A l’orée du premier étage deux statues d’hommes-tigres – enfin présentement plus de tigres que d’hommes – remuèrent légèrement à son passage. Et si quelqu’un tiqua au port d’un sabre d’apparat ceint à sa hanche gauche personne n’avait oublié que le « cousin » du tenancier bénéficiait dans la limite du raisonnable de certains privilèges. Aussi ne fut-il nullement inquiété en passant le premier étage et en poursuivant vers les hauteurs. Il abandonna le second étage avec une pointe de regrets car il savait que son démon du jeu finirait par faire des siennes pour revenir s’adonner à ses vices. Histoire de se faire remarquer et de perdre quelques centaines de centiras pour mettre en confiance des joueurs riches de trop de métaux dorés.

Mais le véritable appel au crime se tenait au troisième étage. Ici les jeux ne se faisaient que contre la banque et le croupier. Aussi la réputation d’inviolabilité des jeux était totale et les mises pouvaient aller jusqu’à engager la vie des parieurs trop téméraires. Il marqua une pause dans sa progression et fut immédiatement repris par sa guide. Si elle ne l’avait jamais rencontré personnellement les instructions le concernant lui avaient été distribuées dès son entrée en fonction : ne jamais le laisser rôder trop près des jeux sans surveillance.

Le quatrième étage fut délaissé sans une seule marque d’intérêt, ce dernier ne rassemblant qu’un ensemble de suites luxueuses destinées aux clients les plus en manque de jeux. Rapidement et fort heureusement car il commençait à s’essouffler Carlisle et Roxane se présentèrent au cinquième étage. La jeune femme repoussa une porte d’un bois épais, doublée de clous métalliques dont certains avaient une couleur laissant supposer un traitement alchimique particulièrement peu engageant.

Passant le premier à l’invite de Roxane le visiteur s’engagea dans la pièce sans fioritures et ne tiqua que très légèrement lorsqu’elle referma derrière lui. Il haussa les épaules et souffla légèrement puis se défit de son baudrier et de son sabre qu’il fixa à un crochet sur lequel il passa ensuite sa veste longue. Le bureau tranchait avec la décoration du reste du bâtiment. Si l’apparence générale de l’Aiguille du Péché sombrait souvent dans l’ostentatoire - tout en évitant le mauvais gout – celle du bureau personnel du prêteur sur gage semblait plus sobre et circonspecte. Rien ici ne pouvait renseigner le visiteur sur les préférences et gouts du propriétaire : aucun bibelot ou marque d’estime pour un quelconque style de mobilier ne transparaissait.

Si ce n’était ce fichu tableau de deux mètres sur deux incarnant Esteban de Rhyllan en grandeur nature. Habillé à la mode des antiques, portant une tenue de grand bâtonnier, de maréchal ou de capitaine de l’amirauté, Esteban de Rhyllan toisait le lointain d’un air peu engageant. Un instant Carlisle songea qu’il toisait des horizons inconnus, qu’il défiait le destin ou tentait de lire l’avenir puis trancha sur l’opinion que lui inspirait le sujet de l’œuvre. Cet enfoiré de prêteur sur gage toisait juste ses visiteurs.

Carlisle se pencha en avant et examina l’œuvre de plus près. Il apprécia la qualité du grain, la finesse du trait et le talent de l’artiste ; assurément un maitre de son art.

« Cette reproduction est si pédante que je suis étonné qu’aucun visiteur ne l’ait encore poignardée » commenta sobrement Carlisle à mi-voix. La tentation se fit grande de sortir son stylet et d’apporter une touche mortelle à l’œuvre en pointant le cœur, un rein ou la gorge.

Une fragrance particulière attira son attention et il révisa son humeur d’un instant à l’autre.

« Des fraises ; que voilà une délicate attention » grinça-t-il en s’orientant vers son péché mignon.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Lun 9 Juil 2012 19:03 
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« Certains s’y sont essayés sur l’original. Seulement, voyez-vous, il est toujours plus aisé de fantasmer ses envies que d’avoir les moyens de les réaliser. »

Esteban concéda un sourire poli et enfonça son dos dans les replis de cuir de son fauteuil.

« Servez-vous. »

Remarque parfaitement inutile, son invité n’ayant pas attendu l’offre pour faire preuve de ses qualités de parasite. Il observa longuement le profil bourgeois offert à sa contemplation.

La généalogie de monsieur de Ferra n’était pas celles gravées dans le marbre. Tout se trouvait sujet à caution chez cet homme. Pourtant, son frère avait été formel, l’individu avait été placé à la sororité de Selhinae avant de disparaître plusieurs années sous le possible couvert d’une carrière de corsaire. Et voilà qu’il refaisait surface.

Esteban plissa le nez. Comment son aîné pouvait-il savoir cela, il l’ignorait. Il avait en revanche la certitude qu’il était dans l’erreur sur au moins un point. Dans son dernier courrier, il présentait Carlisle comme un homme riche. Un homme « à prendre en charge » selon le jargon consacré.

Mais Esteban ne s’était pas hissé là où il se trouvait sur les bases d’une intuition défaillante. Tout au contraire, il aimait se comparer à un limier. Il sentait l’argent comme certains sourciers pouvaient dénicher les poches d’eau. Or, la belle mise fringante de monsieur de Ferra ne le trompait pas.

Son cousin était pauvre. Pire encore, il empestait la créance. Etat de fait qui ne suffisait pas à troubler son appétit à en juger par sa façon de picorer allègrement les fraises placées à sa disposition.

« Je vous pensais en voyage. » entama-t-il en quittant son fauteuil pour rejoindre la commode. Il en ouvrit le battant et dégagea de ses ombres une bouteille ainsi que deux verres.

« Auriez-vous changé d’avis concernant l’offre qui vous fut concédée lors de votre arrivée à Tulorim ? Sous mon patronage, vous pourriez mener une existence tout à fait satisfaisante. Je ne suis pas aussi généreux avec tous. Surtout ceux qui entrent sournoisement dans mon établissement pour y tromper mon personnel de la plus frauduleuse manière. »

Il remplit un premier verre et l’offrit à Carlisle avec en guise de glaçon un sourire de menace.

Esteban le fixait et entendait bien lui faire comprendre sans la moindre ambigüité possible être au courant de sa dernière visite, celle avant son départ en mer. Si L’Aiguille du Péché était une maison honnête, son altruisme trouvait ses limites dans sa constance à faire chaque nuit des bénéfices substantiels. Cette mécanique bien huilée offrait à chacun sa part de satisfaction, et, plus que tout, assurait à Esteban de pouvoir apprécier l’existence à son acmé.

« Il fut fin de votre part, monsieur mon cousin, de profiter d’un soir où j’étais invité au bal de charité donné par mademoiselle de Jarnois, pour venir jouer votre chance. On m’a rapporté combien mon absence fit votre fortune. Quel hasard, et comme vous devez être aimé des dieux, pour que la banque cède si facilement en votre faveur. Si vous avez autant de talent avec les femmes, vous devez être la nouvelle hantise de tous les pères de cette cité. »

Il se servit à son tour sans interrompre sa verve.

« Votre visite ne fut pas vaine, suite à votre expertise, je pus congédier bon nombre d’incompétents. Je regrette toutefois le coût excessif de l’opération. »

Le coin de ses lèvres n’était plus qu’un pli froid et amer. Son menton volontaire remonta de quelques degrés avant d’épingler Carlisle d’un regard qu’on aurait dit exercé à pourfendre la pierre.

Son déplaisir était palpable.

Et il ne s’agissait pas seulement d’argent. L’Aiguille de Péché suffisait à elle seule à clamer qu’il n’en manquait pas. Non, il n’était pas question ici de simple et mesquine vénalité.

Simplement, il n’aimait pas l’homme. Il n’aimait pas ses cheveux d’un vilain roux, son sourire d’imbécile, son aisance de freluquet qui arrivait à faire battre des cils à Roxane. Roxane et sa fidélité de vieille hongre qui jusque là avait offert un service irréprochable.

Mais voilà, Carlisle était un agent du désordre, un messager de l’entropie, la promesse d’ennuis.

Un…

Misère, cela le tuait de l’intérieur de seulement le penser.

Un rival.

Il avait envie de le gifler. Passant avec un soin extrême sa main de son front jusqu’au haut de son crâne, il demanda de son ton le plus plat et le plus neutre de son large éventail :

« Or donc, monsieur, que me vaut le plaisir en ce jour ? »

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Jeu 12 Juil 2012 16:11 
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La grande famille des voleurs se décomposait en de nombreuses catégories plus ou moins classieuses. Leurs membres d’appartenance s’y retrouvaient bon gré mal gré affectés selon les aléas de leurs débuts, la qualité de leurs instructeurs et la force, le potentiel et l’astuce qu’ils pouvaient solliciter dans leurs illégales entreprises. Détrousseurs et coupe-jarrets en tous genres récoltaient la plus grande masse, au sens propre comme au littéral, des membres de la honnie profession. Les escamoteurs prônaient l’assouvissement de leur curiosité de ce qui se trouvait dans les poches de leurs voisins et les faux-monnayeurs cumulaient bien souvent un réel potentiel d’artiste malheureusement totalement soumis à la cupidité et au profit. Le bien connu cambrioleur – le rat des villes - s’échinait à escalader les façades les plus impropres et les bandits de grands chemins – ou rat des champs dans le jardon – volaient le riche pour donner aux pauvres et détroussaient le pauvre pour se donner à eux-mêmes.
Monsieur de Ferra lui était un aigrefin.

Carlisle avala la dernière fraise et reporta sa pleine attention sur la scène.

« Ne me remercie pas, Esteban ; l’opération s’est déroulée toute en rondeurs et c’est avec plaisir que j’ai un aidé à l’amélioration de la sécurité des jeux pour la modeste somme que tu sais » dit-il en cherchant une nouvelle coupelle de douceurs du regard et sans succès.

« A ce propos, tu te demandes peut-être encore comment j’ai pu remporter de si belles mises à la « roue de l’infortune ? » pérora-t-il en s’engageant sur le tracé d’une conversation dont le sujet était pour le moins houleux. « Comme tu le sais, il est usuellement considéré comme impossible de tricher contre un jeu de banque sans complicité humaine ; du croupier, d’un joueur ou d’un complice extérieure. Les règles de la « Roue » sont simples : les cartes sont distribuées par le croupier comme dans une partie habituelle mais divers expédients viennent s’ajouter aux mains, distribuées par une machinerie incorruptible. Si une carte supplémentaire peut apparaitre les soirs de chances, chaque main gagnée introduit dans le jeu une fiole contre trois pour une main perdue. Alcools, drogues et poisons divers viennent modifier la donne et l’esprit affuté des joueurs… » Compléta-t-il d’une voix neutre.

« Il est impossible de tricher aux cartes à cause des croupiers et s’intéresser à la machine semble être une voie sans issue ; à moins d’être horloger et d’avoir un charme inouï. » Poursuivit-il en se redressant sur son siège.

« Bien que je sois parti au pied levé et que certains aient parlé de fuite la vérité serait plus proche d’un départ enjoué pour aller faire bamboche et dépenser une gloire aussi immodeste qu’immodérée entre les bras de douces jouvencelles. Note néanmoins que j’ai bien pris le temps de te laisser un message écrit par ma main malgré l’empressement des belles qui me pressaient d’aller perdre ma bonne fortune entre leurs bras. N’ai-je pas rédigé en ces termes que ‘La Roue est un jeu élégant’ ? » Dit-il en baissant le ton.

« Et les gants ? » reprit-il. « Si j’ai eu une complice ce fut contre son gré. Te souviens-tu qu’à l’époque la mode culinaire de Tulorim avait porté des thés d’éther à la mode de la haute société ? Une substance aux saveurs puissantes à ne consommer qu’une fois refroidie pour éviter de sévères brulures. La mode néanmoins consistait à servir ces thés au point d’embrasement afin de donner quelques sueurs froides à ces dames. C’est là qu’en place publique et devant témoin, ma main gauche se trouva brûlée par une maladresse involontaire » badina-t-il.

« Douloureux en apparence mais ma main était déjà enduite de substances apaisantes. En tout cas personne ne tiqua à ce que je porte des gants à table lors de mes parties ; assurément pour éviter le disgracieux spectacle d’une paume cloquée. Et les gants me diras-tu ? » Dit-il en se penchant en avant pour achever sa confession.

« Mes gants étaient saupoudrés de Hâga rouge et c’est par cet intermédiaire que j’ai pu introduire le poison sur les cartes. Tes croupiers sont élégants et portent tous des gants ; ce qui en l’occurrence leur a interdit toute analyse correcte de la situation. Et mes deux adversaires du soir ont connu au bout de quelques passes un sévère coup de fatigue que tout le monde a attribué aux fioles qu’ils ont ingéré » Précisa-t-il en se massant le menton et en goutant visiblement l’évocation de ce souvenir à sa juste valeur.

« Le seul moyen de tricher à la roue de l’infortune est justement d’amplifier son fonctionnement propre et d’en profiter à sa juste valeur. » ferma-t-il temporairement.

Il offrit un sourire désarmant qui aurait peut être fait faire quelques écarts à la première Roxane venue.

« Tu m’as demandé la raison de ma visite. Au-delà du plaisir extatique qu’occasionnent souvent nos retrouvailles c’est à mon tour de te soumettre une proposition que tu ne manqueras pas d’apprécier. »

Il remua son bras gauche d’un mouvement anodin pour positionner son stylet en bonne place ; Esteban de Rhyllan n’étant pas connu pour la modération de ses réactions, surtout placé en position de spontanéité.

« Tulorim me plait et mon bon plaisir est de m’en emparer. C’est dans un esprit de partage que je te cède la moitié de la cité et me contenterai de l’autre. Pour ce faire, un prêt à un taux ne dépassant pas un intérêt de vingt-et-un pour cent à trente jours serait particulièrement apprécié » annonça-t-il, attentif à la moindre réaction de son interlocuteur et au moindre bruit en provenance ces pièces attenantes.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Ven 13 Juil 2012 00:13 
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Voila maintenant plusieurs heures que Kallig patientait du haut du toit d'une habitation délabrée,attendant patiemment que sa cible arrive. C'est sur les coup de 23h00 que le paysan d'une quarantaine d'années arriva enfin. Le jeune homme attendit encore un peu et se plaça sur le rebord de la fenêtre de la chambre à coucher de la personne vivant en ces lieux. Lorsque la lumière s'éteignit, c'était le signal qu'il pouvait désormais agir en toute liberté.

Il ouvrit lentement la fenêtre et s'introduisit dans la salle encrée dans les ténèbres. Sa cible était coucher dans le lit, il dégainât un de ses Tanto et s'approcha du lit. C'est alors qu'une planche se mit a grincer. Le paysan leva la tête mais il était trop tard, il se fit égorger par la lame du jeune homme.

Le tueur partit de l'habitation sous le regard vide de la victime.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Mer 18 Juil 2012 21:54 
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Le temps est agréable, c'est une belle après midi de printemps, un peu chaude pour la saison, ce qui me fait légèrement transpirer dans mon manteau de cuir, en même temps je ne sais pas pourquoi je l'ai emporté, faut il être bête ! Heureusement le vent souffle, de façon intermittente, mais la légère brise fraiche qui se lève de temps en temps est très agréable. Je suis parti de l'académie en emportant ma besace, je ne sais pourquoi. Sans doute à cause du livre, je ne veux m'en séparer surtout après en avoir appris un peu plus ce matin.

Je continue de marcher dans les rues en direction de la maison d'Aelra. Les rues sont bondées en cette période, mais j'arrive malgré tout assez bien à éviter de bousculer les gens, malgré que je ne fasse pas beaucoup attention à mon entourage parce que je suis plongé dans mes réflexions. Je met de plus en plus en doute le bienfondé du suivi des conseils du livres, surtout qu'il ne m'a encore rien demandé en échange, et il reste silencieux sur la nature des taches qu'il dit avoir à me confier à l'avenir. Ce mage est il vraiment lié à Thimoros et a t il donc tué des centaines de personnes dans sa quête, il m'a affirmé sans détour que oui, il semble fou, et pourtant je ne crois pas qu'il le soit, il me semble parfaitement lucide à moi, même peut être trop lucide. Mais après tout cette histoire de réussir à combiner des éléments opposés. Tout le monde sait que tout ce qui se passe quand deux fluides opposés se rencontrent c'est, dans le moindre des cas, une petite explosion. Et je le crois quand il me dit pouvoir me léguer son pouvoir, il l'a déjà fait dans cette salle de classe. Ce dilemme est insoluble, et je sais qu'il ne voudra pas le résoudre pour moi, alors je vais le garder pour l'instant, après tout je pourrais le jeter comme je veux ce bouquin. Bon je vais arreter de penser à ça, je suis devant la maison d'Aelra.

Je toque à la porte banale, d'une maison de pierre banale, d'un seul étage peu spacieuse. M'ouvre alors Aelra, les yeux rougies d'avoir pleuré, et deux sillons mouillés sur les joues, mais je m'y attendais, ce qui m'étonne c'est de voir que sur le côté droit de son visage, elle possède désormais un tatouage, une ronce, enfin plusieurs de ses branches y sont représentés.

« Ah salut c'est toi Aanok ! »

« Oui salut Aëlra. Tiens c'est nouveau ça ! »

Et je montre du doigts le tatouage. Elle a une bouffé de rire, mais de rire forcé, triste, et un peu surprise aussi par le fait que je ne souhaite pas parler de sa récente séparation.

« Oh ça ? C'est pour fêter ma liberté récemment acquise. »

J'hésite à dire « je croyais que c'était parce que tu étais fleur bleue », car cela me semble déplacé en la circonstance et qu'elle n'est sans doute pas en état d'apprécier la plaisanterie, et alors qu'elle referme la porte derrière moi, qui suis rentré dans une pièce récemment mise sens dessus-dessous sans doute dans un accès de colère de sa propriétaire, le silence s'installe alors que je réfléchis à ce que je pourrais répondre.

« Ah, je savais pas que tu aimais ce genre de chose. »

« Moi non plus, mais je l'ai fais sur les conseilles d'une amie. »

Je me sens un peu gêné là.

« Il te va très bien ! Je voulais pas dire que ça ne te va pas ou quelque chose du genre ! »

Elle exhale un soupire, et à un petit sourire navré, mais en même temps amusé.

« Merci ! »

C'est à ce moment que trois coups sourds se font entendre sur la porte. Aëlra prends un air affolé et se tourne vers moi, pose ses mains sur mon dos et me pousse vers sa chambre en expliquant que c'était sans doute ses parents qui lui avaient dit qu'ils passeraient dans le mois. Je lâche alors une plaisanterie douteuse et passe dans sa chambre dont je ferme la porte.

Sa chambre est contrairement à la pièce principale, bien ordonné et rangé, mis à part le lit qui est défait. Je m'assois sur un coin de celui-ci et attends que le temps passe. Je sors de mon sac le livre qui me tourmente tant. J'hésite un moment avant de le faire, mais je me dis que ce n'est pas si grave qu'Aëlra découvre cela. Le livre ne fait pas de commentaire dessus, et se contente de me dévoiler les connaissances qu'il renferme.

A peine ais-je lu trois lignes que j'entends un bruit de claquement, suivi d'un bruit sourd, comme une gifle suivi d'un corps qui tombe au sol. Je referme le livre d'un coup, et sans prendre la peine de le ranger dans le sac, le gardant à la main, je me jette sur la porte et l'ouvre d'un coup ce qui me dévoile la scène.

Aëlra git, à terre, sur ses genoux, la main porté à sa joue. Devant elle se tiennent trois adolescent que je connais. Deux entres eux, plus gros que grand tiennent à la main de long bout de bois, et le troisième, un blondinet plus prétentieux que moi, d'une taille respectable, au visage angélique déformé par un sourire sadique se tient au dessus d'Aëlra. Je connais très bien son nom, Raan, il voie mon irruption, se retourne vers moi et lâche ces mots acides, autant à Aelra qu'a moi.

« Sale catin, déjà dans les bras d'un autre, et dans celui d'un rat de bibliothèque en plus ! C'est pour lui que tu m'as quitté ! Hein allez réponds salope ! »

Il lui prends la tête par le menton et la force à se relever en lui débitant ses insultes avec nombres de postillons.

« Si c'est ça ta réaction face aux filles qui te plaquent je comprends qu'elle t'ait quitté ! »

Elle la lâche et elle s'effondre au sol avec un petit cri de douleur. Cela me fends le mien, et en même temps je commence à prendre peur car ils sont trois en face de moi, et Raan a même une dague de belle facture à la ceinture, je l'aurai admiré si je ne m'étais pas mis dans le pétrin.

« Ah oui nabot, parce que tu sais comment ça réagit une fille ? »

Ses deux acolytes éclatent d'un rire gras et forcé pour contenter leur « chef »

« Sans doute mieux que toi, au moins n'en ais je pas blessé par mes actes, et ne suis aller puérilement les attaquer après qu'elle m'ait repoussées. Et puis quelle courage tu as là ! Trois hommes contre une fille en pleur, t'es sûr de toi là ? Tu risque pas d'être débordé ? Tu prends des risques avec si peu de moyens, tu sais ? »

Fanfaronner c'est tout ce que je peux faire, surtout que si je ne connais pas les loubards, je sais que Raan est quelqu'un d'assez doué dans le lancer d'éclair.

« Oui c'est ça, causes tu m'amuses. Je vais te faire ton compte ! »

« Ahahaha. C'est la meilleure de l'année celle là, déjà que t'es pas capable de créer des étincelles ! »

Il commence à voir rouge et s'approche de moi.

« Je sais parfaitement produire des éclairs ! Et y a pas que la magie dans la vie ! Tu vas faire quoi ici en si peu de temps ? Tu va nous frapper à coup de bouquins ? Ouh, j'ai peur ! »

Même rire gras et forcé des deux lèches-bottes.

« Joli dague que tu as là, mais à part pour la décoration, elle sert à quoi ? »

« Tu vas voir à quoi elle sert ! »

Et il porte la main a la ceinture pour la prendre. Et alors qu'il lève sa dague pour me frapper, Aëlra se met à pousser un cri suraigu, et même les deux acolytes se mettent à blêmirent, ne pensant sans doute pas voir un meurtre et ne voulant pas y être mêlés. Je lève le livre devant ma tête pour me protéger du coup de dague. Celle-ci vient d'ailleurs profondément m'entailler l'annulaire de la main droite, et je lâche un cri de douleur. Je secoue ma main et quelques gouttes de sang s'en échappent, certaines venant atterrir sur mes vêtement, d'autres sur ceux de mon agresseur, et enfin certaines viennent tacher le livre qui s'est ouvert du fait de mon mouvement brusque. Celui-ci attire d'ailleurs mon attention, et il est écrit en gros et en majuscule dessus.

« UTILISES MOI ! »

Le visage de Raan est déformé par la rage, et il raffermit la prise sur sa dague, la brandit de nouveau au dessus de sa tête et s'apprête à m'assener un autre coup. Je fais fi de ma douleur, avec une grimace, et je me met à crier avec toute l'énergie du désespoir en élançant ma paume ouverte en avant. La bague à mon doigt se met à surchauffer et à briller, tandis que les pages de mon livres se mettent à défiler à toute vitesse, comme sous l'effet d'un vent violent.

Raan se porte alors la main gauche à son bras droit alors qu'il lâche la dague. Il à la bouche ouverte comme si il essayait de crier, mais il ne semble pas y arriver. J'observe alors son avant bras qui est en train de se nécroser, et la corruption se répands rapidement vers la main dont la peau toute entière noirci. Je sais qu'il s'agit de mon œuvre, et je trouve un plaisir sadique à le voir mettre genoux à terre et finalement à hurleur sa souffrance. Les pages du livres s'arrêtent alors de tourner, et de nouveau une inscription apparaît.

« Tu as fait ton offrande à Thimoros, délivre donc maintenant celle à Phaïtos »

Je compris vite que le livres m'ordonnait de tuer. Je ne suis pas un instant rebuté, alors que je me dis que je devrais l'être, mais ce porc vient de tenter de me tuer, et pire que tout il a blessé Aëlra ! Il doit expier ses fautes.

Et alors qu'un sourire mauvais se dessine sur mon visage, je tends la paume de ma main en l'air, et forme une boule d'énergie noire au creux de ma main. Je la soulève bien haut pour que tout le monde la voie, puis je ramène ma main en arrière, et me prépare à lâcher tout mon pouvoir en une seule décharge sur Raan.

« Aanok ! Non ! »

Je ne l'avais pas vu ! Celle pour qui j'ai lancé ce combat, celle que je tentais de protéger, celle pour qui j'ai risqué ma vie, je l'avais complètement oublié. Elle s'était relevé et se jeta entre Raan et moi, et je comprenais son geste, elle ne voulait pas que je m'attire des ennuis en tuant. Mais je n'arrive pas à arrêter mon bras qui continue son chemin, il ne réponds plus à mes injonctions. Le monde autour de moi semble disparaître, il n'y a plus que mon bras au bout duquel se trouve un instrument de mort sous la forme d'une boule d'énergie obscure, et Aëlra. Le temps ralentit, et mes ordres mentaux se multiplie, mais mon bras continue sa course, jusqu'à atteindre le point fatidique, et il relâche mon sort. Celui ci vient frapper Aëlra dans le bas-ventre provoquant son mutisme instantané. Elle se met alors à trébucher vers moi et elle tombe dans mes bras. Sa tête dans mes mains, elle la relève et ses yeux à la fois accusateurs et surpris cherche les miens tandis que sa bouche n'émet plus de son que celui de l'air qui passe. Sa peau se met à pâlir à toute vitesse et elle devient de plus en plus froide. Sa tête tombe alors brutalement sur mon épaule, et son corps entier se fait soudain très lourd.

« Non ! Non ! NOOOOOOOOON ! »

Une immense chaleur m'envahit, celle du désespoir et de la tristesse, et alors que je me met à pleurer et à bercer la fille que j'aimais et que je viens de tuer dans mes bras, il me semble que quelqu'un tente de broyer mon cœur et de le percer d'une multitude de lame en même temps. Je n'ai jamais ressenti une telle souffrance auparavant, et ce n'est qu'a grand peine que je me retiens de porter ma main à mon cœur que je sens maintenant brûlé à vif.

Je descend lentement sur mes appuis, sous les regards des trois autres, figés devant cette scène, et je les comprends. Arrivé sur mes genoux, je pose doucement Aëlra à terre, tournant sa tête vers le ciel, et je lui ferme doucement les yeux. Puis toute trace de tristesse disparaît de mon visage, remplacé par de la haine pure. J'en suis très vite venu à la conclusion que c'est de leur faute, à eux, et ils le paieront, ils le paieront très cher !

Je m'empare de la dague qu'a lâché Raan,et avec un cri de rage, je me relève et tente de lui planter dans le torse. Il oppose son bras valide en opposition, mais la dague à tôt fait d'entamer ses chairs, et il est forcé par la douleur de se retirer, se laissant exposer à un coup de ma part, mortel, précis, en plein cœur. Je sens sur la lame le palpitement de ce muscle dans lequel elle s'enfonce, et même dans mon état de colère et de tristesse j'y trouve un plaisir, amer certes, mais un plaisir tout de même. Le sang se met à éclabousser mes vêtement et les siens alors que je retire mon arme de son corps qui tombe au sol. Je pose alors un regard dément sur les deux compagnons de l'homme qui meurt à mes pieds. Ils sont apeuré, et leurs genoux tremblent. A la simple vision de moi en train de les regarder, ils se mettent à prendre la fuite, mais je n'ai pas de temps à leur accorder.

Je tombe à terre épuisé lorsque la colère me quitte enfin, et il ne me reste plus que la tristesse, la tristesse et un cœur en miette. J'ai tué Aëlra. Comment ? Pourquoi ? Pourquoi mon bras ne s'est pas arrêté ? J'ai beau rejeté ma faute sur les autres je suis le seul responsable, c'est moi qui l'ai fais. Je l'ai tué ! Je frappe le sol de rage, et détourne mes yeux du cadavre, même ainsi et pâle à l'extrême elle reste la plus belle fille que j'ai jamais vu. Et mes yeux se mettent à nouveau à pleurer, car jamais je ne lui ai avoué mon amour, et elle se souviendra de moi comme de son meurtrier dans le royaume de Phaïtos.

Pourquoi ?

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Sam 27 Oct 2012 18:42 
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Alistair n'en revenait pas d'avoir autant de chance. Cette soirée était parfaite. C'était un signe. Il avait non seulement retrouvé parfaitement par hasard son ancien abri, mais en plus la jeune fille trimbalait une énorme miche de pain – sans doute fraîchement volée – dans sa besace. Sans compter qu'il avait trouvé l'endroit idéal pour établir son empire. Car c'était là ce qu'il voulait, créer le plus grand réseau hors-la-loi de Yuimen. Et il lui fallait un siège, un endroit où tout le monde viendrait lui rendre des comptes. Et ce manoir était lieu parfait. Difficile à trouver, aucune demeure habitée aux alentours, une grande cour à l'abri des regards... Toutes les conditions étaient là. Il ne restait plus qu'à en déloger les parasites. Et pour cela, il devrait commencer dès maintenant à recruter. Mais il avait un plan, et celui-ci prenait forme grâce à l'adolescente qu'il avait ramenée avec lui. Il n'avait plus qu'à prier pour avoir eu toute la chance qu'il espérait, mais il ne le saurait qu'à son réveil.

Tout en réfléchissant, il grignotait lentement le pain de la petite, calmant son estomac affamé. Il restait quelque interrogations à élucider avant de se mettre à l'attaque. Premièrement, combien d'inhumains peuplaient le manoir et ses environs ? Deuxièmement, qui les dirigeaient, et combien étaient-ils ? Et enfin, combien d'alliés pourrait-il compter au moment de démanteler cette organisation ? Tout ce basait sur des chiffres. Si les ennemis étaient beaucoup plus nombreux qu'eux, il devrait établir un plan, quelque chose de plus concret que de déclencher une guerre ouverte. Mais là encore, il se posait d'autres problèmes : est-ce que ses alliés – s'il en avait – saurait attendre sagement et obéir à ses ordres ? Mais il ne servait à rien de ruminer, tant qu'il n'avait pas régler le problème du ''recrutement'' et du comptage des membres ennemis, il ne pourrait savoir comment procéder. Pour le second, il lui suffirait de faire un peu de repérage, tout seul, dès le lendemain. Pour le premier, tout reposait sur la petite femme aux cheveux bleus.

Celle-ci commençait à s'agiter, d'ailleurs. Ses gesticulations se faisaient de plus en plus fréquentes, et elle ponctuait certains de ses mouvements par des marmonnements indistincts. Alistair l'observa un moment. Il l'avait recouverte des quelques légères couvertures qu'il gardait dans son sac, pour la mettre en confiance au réveil. Les nuits n'étaient pas très froides à Tulorim, mais il ne doutait pas qu'elle serait réceptive au geste lorsqu'elle ouvrirait les yeux. Il avait été tenté d'en profiter pour la déshabiller légèrement au passage, d'autant que son corps déjà très courbé n'était pas sans charme, mais il devait à tout prix s'attirer ses faveurs et il ne devait rien laisser au hasard ; elle pourrait en prendre ombrage. Et puis, rien ne lui interdisait de chercher à la dénuder avec son consentement d'ici quelques semaines, peut-être mêmes quelques jours. Il fallait dire qu'elle était très à son goût. Ses formes étaient généreuses, sa longue chevelure lui tombait au milieu du dos et son nez à peine trop petit donnait à son visage ce genre de défaut qui rend un visage si attractif. Après tout, qu'était une qualité si aucun défaut ne la mettait en valeur ? Il n'avait pas encore pu voir ses yeux de près mais il ne doutait pas qu'ils seraient tout aussi séduisants. Il aurait parié sur verts.

Ne pouvant plus tenir, Alistair s'assit dans un coin de la pièce en ruine et décida de s'assoupir quelques instants. Il aurait aimé être là à son réveil, pour pouvoir immédiatement se donner un rôle de protecteur et pour être sûr qu'elle ne partirait pas, mais il doutait qu'elle s'en aille sans même savoir où elle se trouvait, et s'il ne donnerait pas une image de lui d'un homme indestructible, il savait néanmoins qu'en tant que femme, elle remarquerait qu'il se privait de couvertures pour lui laisser ce confort, et c'était par ce genre de petits geste qu'il pourrait en faire une alliée fidèle.


Le soleil se levait à peine lorsqu'Alistair se réveilla. Face à lui, assise contre le mur opposé, la jeune fille le fixait intensément, toujours emmitouflée dans les couvertures. Elle lui laissa le temps de se lever et se dégourdir les jambes sans l'interrompre, mais dès qu'il eu finit elle explosa.


''Bon, vous pourriez au moins avoir la politesse de m'expliquer ce que je fais ici, et puis qui vous êtes d'abord ? Où sont passés mes amis ? C'est le gros débile qui m'a amené ici ? Vous feriez mieux de parler, j'ai toujours ma dague et je saurais m'en servir si nécessaire, alors ne tentez rien, compris ?''


Alistair fut sidéré par le débit de mots qu'elle venait de sortir en quelques secondes à peine. Et sa réaction n'était pas vraiment celle qu'il attendait. Il pensait avoir droit à quelques questions timides, suivit de remerciements pour les couvertures, mais sûrement pas à ce flot de paroles agressives et absurdes que son esprit encore embrumé avait du mal à comprendre. Il faillit s'énerver, mais réussit à se contrôler et à afficher un sourire apaisant avant de prendre la parole.


''Tout d'abord, je me nomme Alistair. Sache que je ne t'ai pas amené ici pour te faire du mal, au contraire. Et si cela avait été le cas, je ne t'aurais certainement pas laissé tes armes, ni mes couvertures, et je ne serais pas aller me coucher en te laissant la liberté de t'éclipser si tu en avais l'envie.''


Il avait prit soin de glisser quelques rappels dans sa tirade, pour pointer du doigt les sacrifices qu'il avait soi-disant fait pour elle. Il laissa à son petit discours le temps de faire son effet dans la tête de son ''invitée'' avant de le continuer.


''Je t'ai trouvé dans les bras d'un géant qui, semble-t-il, venait de tuer deux hommes. J'ai été contraint de l'égorger, et je t'ai amené dans la première maison inhabitée que j'ai trouvé pour te permettre de te reposer.''

(Si là elle ne n'est pas reconnaissante, je ne sais plus quoi faire,) pensa-t-il.


Sa réaction ne se fit pas attendre. Elle se redressa vivement, faisant tomber les couvertures à terre, et afficha une mine désespérée.


''Quoi ? Ils sont morts ? Tous les deux ?'' questionna-t-elle vivement. ''Même Afhor ?''
''Le grand brun ?'' demanda Alistair en adoptant une mine sombre mais en jubilant intérieurement. ''Oui, lui aussi...'' acheva-t-il quand la jeune fille le lui confirma d'un signe de tête.


La petite scélérate se rassit brusquement, et, après les quelques secondes de choc passées, elle enfouit son visage dans ses genoux pour sangloter. Alistair, triomphant, laissa un répit à la jeune femme. Il fallait lui donner le temps d'assimiler la perte de ses amis – et même sûrement de son amant – avant de revenir à la charge plus subtilement. Ainsi, il lui laissa quelques instants avant de s'asseoir près d'elle et de murmurer quelques mots de réconfort. Elle finit par subitement s'affaler dans ses bras pour pleurer de plus belle. Lui caressant doucement les cheveux, Alistair choisit ce moment pour repartir à l'attaque.


''Vous étiez proche ?'' demanda-t-il doucement.
''Très,'' marmonna-t-elle après s'être forcée à stopper ses larmes. ''Il était le chef de notre bande. Et mon frère.''

(Un frère ? Intéressant. On ne remplace pas un frère, alors qu'un qu'une amourette d'adolescents peut facilement s'oublier.)

''Chef de bande tu dis ? Quel genre de bande ?''
''Un petit groupe de voleurs des rues,'' fit-elle en se redressant, comme gênée par sa faiblesse. ''On n'est pas très influent, on se contente de survivre.''
''Vous êtes nombreux ?''
''Nous ne sommes plus que six.''


Le voleur feint de réfléchir quelques instants avant de répondre.


''Est-ce que tu veux te venger ?''
''Je pensais que vous l'aviez tué ,'' rétorqua-t-elle.
''Lui oui, mais les hommes à qui il obéit non.''


Son visage plein de larmes s’obscurcit. Alistair lui expliqua alors les événements de la veille, et sa première rencontre avec un homme sans émotion, en se gardant bien sûr de parler de son rôle dans la mort de son frère et même de sa présence lors du massacre. Mentir faisait parti de la nature du voleur. Il avait feint la gentillesse depuis sa petite enfance jusqu'à bien après sa majorité. Il pouvait se faire passer pour n'importe qui auprès de quiconque, et berner la jeune fille s'avéra être un jeu d'enfant. Il lui suffit après cela de parler de ses projets d'anéantir le groupe pour la rallier à sa cause.


''Je veux en être !'' s'exclama-t-elle, soudain pleine d'énergie. ''Je veux qu'ils crèvent tous.''
''Je comprends,'' répondit Alistair. ''Mais sache que ce sera dangereux.''
''Je me fiche de ça. Ce chien a assassiné mon frère à cause d'eux, je les tuerais tous.''


Le voleur s'attendait à une réaction de sa part, mais il était loin de se douter qu'une si jeune femme ferait montre d'autant de force de caractère et de détermination. C'était une qualité à double-tranchant pour lui ; elle lui serait certes plus utile qu'une petite idiote naïve, mais se montrerait bien plus difficile à manipuler. Mais il se félicitait néanmoins intérieurement d'avoir su trouver une gamine qui n'hésiterait pas à se salir les mains – bien que la chance était plus méritante que lui sur ce dernier point.


''C'est d'accord. Mais il y a certaines conditions. Je suis le chef, c'est compris ? J'ai déjà mes plans et je ne compte pas te laisser les chambouler. De plus, pas d'attaques avant que l'on soit assez nombreux et que l'on ai plus d'informations. Pour ce qui est du reste, on verra plus tard.''


La jeune femme le regarda intensément quelques secondes de ses grands yeux verts aux contours rougis par les larmes avant de déclarer :


''Nous serons bientôt assez nombreux. Je vais chercher le reste de la bande immédiatement.''


Alistair sourit intérieurement. Si tout se passait comme prévue – et les choses avaient tendances à aller encore mieux que ça ces derniers temps – il contrôlerait bientôt cette ville. Très bientôt.


''Au fait,'' fit-elle en lui tendant la main. ''Moi c'est Saphir... Chef.''

(On dirait bien que la machine est en marche,) pensa-t-il en la lui serrant.

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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Sam 27 Oct 2012 18:47 
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Ils étaient quatre en comptant Saphir. Apparemment, les deux autres n'avaient pas voulu se joindre à eux, sans doute moins attacher à leur chef que ceux qui se tenaient devant Alistair. Ils n'étaient pas très disciplinés, et cela irritait leur nouveau chef, mais il savait que c'était une mauvaise habitude héritée de son père adoptif que d'attendre d'un malandrin qu'il soit à cheval sur le protocole. Néanmoins, cette mauvaise habitude pourrait s'avérer nécessaire lorsque son empire hors-la-loi aurait la taille souhaitée. On ne pouvait commander avec laxisme que quand on avait seulement quelques personnes sous ses ordres. Les nouveaux-venus n'avaient pas l'air enchanté d'être là. Ils ne semblaient pas vraiment comprendre pourquoi ils devraient lui obéir, et Alistair savait que l'un d'eux ne tarderait pas à poser la question, sans grande finesse bien sûr. Et c'était là exactement ce qu'il attendait. Lorsque Saphir était arrivée avec ses amis, il lui avait ordonné de les faire patienter près de l'escalier sans faire de bruit et s'était positionné en face, presque dos à eux, observant le quartier à travers la fenêtre fracassée de l'étage. Il avait sentit que la jeune fille ne comprenait pas pourquoi il ne venait pas leur parler et se contentait de rester assis sur sa chaise bancale, aussi lui avait il demandé de n'être dérangé sous aucun prétexte. Tout ceci avait un seul et unique but, un but qui s'approchait à grands pas. Et preuve en était que les trois garçons du groupe n'arrêtaient pas de gesticuler. Seule Saphir ne bougeait pas. Elle n'avait pas l'air très à l'aise et semblait bouillir intérieurement, mais elle avait promis au voleur de lui obéir et preuve en était faite qu'elle n'avait qu'une parole.

Après une quinzaine de minutes d'attente, le petit blond du groupe craqua. Il se dirigea vers Saphir et ''murmura'' – d'un ton qui aurait été audible du rez-de-chaussée – son énervement.


''Pourquoi devrait-on obéir à cet idiot, hein ? On n'a pas besoin de lui pour se venger ! Depuis quand une bataille entre quartiers a besoin d'un inconnu pour se régler ?!''


Alistair choisit ce moment pour se lever et se diriger vers le groupe. Alors qu'il avait tout fait pour paraître frêle et empoté jusqu'à présent, il adopta cette fois un pas dynamique et décidé, imposant sa haute silhouette à ses hôtes. Le blondinet esquissa un mouvement de recul avant de se rendre compte que la balustrade derrière lui semblait sur le point de lâcher. Il toisa les trois autres hommes de la salle d'un regard glacial, dominateur. Il avait en face de lui trois adultes tout juste sortis de l'adolescence. Le blondinet qui venait de prendre la parole était le plus petit et chétif de la bande ; il était de la même taille que Saphir, mais semblait encore moins musclé. A sa droite se tenait un Ynorien d'une taille étonnamment grande pour son origine : il égalait presque le bon mètre quatre-vingt d'Alistair. Ses cheveux noirs étaient en bataille, mais ses yeux étaient moins bridés que la plupart des siens, ce qui laissa penser au voleur qu'un seul de ses parents devait venir d'Oranan. Le troisième, légèrement plus petit et moins musclé, paraissait également le plus jeune. Il n'avait sûrement guère plus que l'âge de Saphir, qu'il avait d'ailleurs intensément observé durant tout le temps qu'avait duré l'attente. Ses cheveux bruns étaient presque aussi longs que ceux d'Alistair – qui atteignaient maintenant le bas de son dos – et ses yeux, bizarrement rouges, semblaient reluire d'une envie de vengeance encore plus ancrée que chez la jeune fille aux cheveux bleues, pourtant plus directement touchée par la perte de leur chef. Le voleur voyait en lui un potentiel à exploiter, mais à manier avec délicatesse, plus encore qu'avec la demoiselle du groupe. Encore une arme à double-tranchant. Mais il aimait jouer avec le feu.

Après un silence assez long pour impressionner l'équipée mais pas assez pour leur permettre de prendre la parole, le nouveau chef prit la parole, s'adressant directement au blondinet.


''Alors comme ça tu penses pouvoir te débarrasser d'eux tout seul ?'' commença-t-il. ''Tu crois être dans une stupide guerre entre deux bandes de petits voleurs de quartier ?'' continua-t-il sans lui laisser le temps de répondre, chose qu'il ne semblait de toute manière pas avoir particulièrement envie de faire. ''Sache que pour eux vous n'êtes qu'une goutte d'eau. Il leur suffirait d'envoyer deux de leurs hommes pour se débarrasser de vous. Sais-tu au moins de quoi ils sont capables ? Combien ils sont ? Où est leur base ? Que sais-tu réellement d'eux, hein ? Rien, strictement rien, et si je vous laissez faire, vous ne feriez que vous faire exterminer sans avoir eu le temps de blesser un seul de leurs subordonnés. Mais tu as de la chance, gamin. Parce que j'ai besoin de toi. Et c'est pour ça que je vais te permettre de rester en vie au moins assez longtemps pour que l'on s'occupe d'eux. Après ça tu seras libre de partir te suicider sur n'importe quel ennemi trop fort pour toi que tu croiseras.''


Sa tirade achevée, le voleur toisa chacun des membres du groupe, s'assurant que personne n'avait rien à ajouter, mais il eut la satisfaction de voir que son discours avait fait mouche. Saphir semblait plutôt subjuguée, quant à l'homme aux yeux rouges, une étrange lueur admirative semblait s'être insinuée dans son regard. Le blond, lui, avait l'air bien trop terrorisé pour oser émettre le moindre son, et l'Ynorien paraissait désapprobateur mais semblait bien trop impressionné pour s'opposer à lui.


(Bien. Très bien. Je suis débarrassé du blond pour un petit bout de temps. Et quelque chose me dit que tant que Saphir me restera fidèle le gars bizarre ne me dérangera pas.)

''Puisque tout le monde a l'air d'accord, il me semblerait judicieux de se mettre au travail tout de suite,'' reprit-il. ''Je me prénomme Alistair. Je ne m'étendrais pas sur moi-même et n'attendrais pas de vous que vous n'en disiez plus que vous en avez envie. Nous partageons un désir commun, et tant que celui-ci ne sera pas achevé je serais votre chef. Je ne tolérerais aucune insubordination. Maintenant présentez-vous, tour à tour. Je veux connaître vos noms, vos armes de prédilection et vos compétences.


Au vu de leur faible nombre, une désobéissance ou une désertion ne pourrait avoir aucune conséquence, mais l'important n'était pas ce qui était vrai mais ce qui leur paraissait vrai. Et Alistair tirait parti de la crainte nouvelle qu'il leur insufflait pour jouer avec cette barrière.

La jeune fille fut la première à s'avancer, donnant l'exemple. Son regard semblait bien plus doux et discipliné que plus tôt dans la matinée, mais il n'avait rien perdu de sa combativité. Le nouveau chef se moqua intérieurement du groupe en remarquant qu'elle était, malgré une taille particulièrement ridicule, (elle n'arrivait même pas aux épaules du voleur) la plus impressionnante en matière de charisme et de volonté.


''Je m'appelle Saphir, je sais à peu près manier les dagues et l'épée courte, je me débrouille avec un crochet entre le main et je sais être plutôt discrète.''
''Archibald,'' continua l'homme aux yeux rouges. ''Je suis bon avec une dague et personne ne peut me repérer la nuit tombée.''
''Lin,'' fit l'Ynorien à mi-voix. ''Je suis bretteur. Je ne sais que manier l'épée mais ça suffira amplement.''


Alistair hocha la tête sans tenir compte de l'air suffisant du bâtard bridé et tourna son regard en direction du blond. Celui-ci réfléchit quelques secondes, avant de prendre la parole.


''Hé bien... Je m'appelle Fitz. Et je... Je ne me suis jamais battu.''


Le nouveau chef haussa un sourcil, perplexe.


''Tu ne t'es jamais servis d'une arme ?''
''Une fois, si. Sur un rondin de bois.''
''On verra ça une autre fois. Bien, maintenant, dites moi combien vous avez sur vous.''
''Comment ça ?'' s'exclama Lin. ''Tu veux nous prendre notre argent maintenant ? Et vous là, qu'est-ce que vous faites ? Pourquoi vous acceptez d'obéir à un type pareil ? Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il peut nous être d'une quelconque utilité ?''


Alistair l'avait laisser s'énerver sans mot dire, faisant mine de ne s'y intéresser que vaguement. Lorsque l'Ynorien eut fini sa tirade, il sortit ses deux armes de poing et lui fit signe de dégainer. Il savait déjà exactement de quelle manière il allait expédier ça. Il ne se considérait pas comme un spécialement bon combattant, mais il avait, sur une idée spontanée eue exactement au même endroit deux ans plus tôt, élaboré une botte qui expédiait tout épéiste mal entraîné au tapis. Et une victoire facile, méritée ou non, restait toujours gravée dans l'esprit des gens qui y avaient assisté.

Le bretteur tira sa lame de son fourreau et bondit immédiatement sur son supérieur. Il était plus rapide qu'Alistair ne l'avait imaginé, mais il était bien préparé. Il esquiva la première attaque, latérale, d'un bond en arrière, la seconde fut déviée par sa grande dague, et, au troisième coup, que Lin avait porté de haut en bas, le voleur croisa ses armes au dessus de lui, et, mettant un genou à terre, bloqua l'épée entre ses propres armes. Le choc se répercuta tout le long de ses bras, mais il y était préparé, et l'Ynorien avait reçu pareil traitement. Sans laisser le temps à son adversaire de se remettre du coup, Alistair se redressa vivement, dressant par la même le sabre de son adversaire vers le plafond. Il obligea le rebelle à reculer, et, passant sa jambe droite derrière le pied de son assaillant, le fit tomber en arrière. Il en profita pour éjecter son arme d'un coup de pied et appuya la pointe de son poignard sur la gorge du bretteur, faisant perler une goutte de sang sur la pointe de celui-ci.

''Satisfait ?''

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MessagePosté: Dim 25 Nov 2012 01:23 
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Le son du bois heurté se répercutait continuellement entre les murs serrés de cette ruelle. Chacun de mes pas faisait grincer ma peau d'écorce avec plus ou moins d'intensité, ou peut-être était-ce simplement le contact avec les pierres émergeant du sol qui en était responsable. Grimoire serré contre mon torse, une main déroulée en partie pour retenir ma chevelure végétale, je suivais le demi-elfe comme je le pouvais. Nahöriel avançait avec une telle facilité entre les bâtiments qu'il ressemblait davantage à un animal sauvage qu'à une personne. Tout son être trahissait une inquiétude croissante, expression que je n'avais encore jamais vu sur son visage. Certes, je ne le connaissais que depuis une poignée de jours, mais je l'avais suffisamment côtoyé pour commencer à le comprendre.

Le voleur allongeait continuellement les foulées, au point qu'il me fallut me mettre à courir pour ne pas être distancée. Il fit tant et si bien que je manquai le perdre à la troisième intersection. Lorsqu'il réalisa la chose, un sifflement agacé lui échappa, et il reprit mon poignet droit en main. Je retins de justesse un souffle douloureux tandis que sa prise se raffermissait sur mon écorce. Nahöriel semblait si obnubilé par sa destination qu'il avait l'air de ne pas voir le reste. Jusqu'à ce que nous ayons quitté la ruelle, ma sève resta glacée à l'idée de faire une mauvaise rencontre. Dans un lieu aussi étroit, nul doute que nous serions désavantagés.

Vivement, je chassai cette idée de mon esprit, craignant que le fait d'y penser puisse attirer les ennuis.

(Par Moura, jusqu'où comptes-tu m'emmener Nahöriel ?)

J'avais déjà fait lâcher prise à cet être brun plus tôt à l'auberge, et je pouvais certainement recommencer. Déroulant mes longs doigts d'oudio, je tentai de positionner ma main pour réduire la pression sur mon poignet. La présence de mon bracelet de cuir me fut d'une certaine aide, m'assistant pour faire pivoter mon membre. Il ne me restait plus qu'à donner un coup sec vers le bas pour me libérer.

Mais je ne le fis pas.

Je n'avais aucunement l'intention de le contrarier, ni de le pousser à imaginer que j'allais l'abandonner. D'accord, j'avais encore des raisons de me méfier de lui, mais entre le voyage depuis Yarthiss et son cadeau destiné à rembourser sa dette, j'avais développé un certain attachement envers lui. Cela me conduisit à placer ma main paume en l'air, apposant ensuite mes doigts sans phalanges contre son épiderme. Mon geste provoqua une réaction immédiate. Il regarda par-dessus son épaule, mettant légèrement en évidence sa boucle d'oreille dorée. Je m'apprêtais à lui parler quand il fit glisser ses doigts dans les miens, lâchant une brève excuse. Je la considérai comme sa prise de conscience de l'inconfort qu'il me causait, et esquissai un petit sourire compréhensif.

Bientôt, tout en nous faisant éviter des passages étroits, le voleur nous mena à une habitation. Plus mes yeux clairs tentaient de la scruter dans la pénombre naissante, moins elle se distinguait des constructions voisines. S'il y avait eu du parement sur ces murs pratiquement sans fenêtres, il n'en restait guère plus que quelques traces. Le cadre des ouvertures se parait de nombreuses marques, comme cicatrices d'effractions passées. Sans attendre, le semi-elfe cogna rudement, et sur un rythme étrange, le panneau de bois. Peu après, les gonds fatigués émirent un grondement inquiétant, faisant pivoter la porte.

À la suite de l'être elfique, je m'engageai dans le bâtiment. Lorsque mon camarade apposa la main sur quelque chose, je sentis mon visage se parer d'une expression surprise en en découvrant la nature. Il s'agissait d'une humaine de petite taille, à l'air jeune, mais surtout d'apparence fragile. Sa peau pâle était rendue plus claire encore par l'éclat d'une lampe proche, et il me fallut quelques secondes pour réaliser que son habit ressemblait beaucoup au mien. Il était constitué d'une bande de tissu large, cousue d'un épais fil, et dont un pan flottait mollement derrière elle. Sa chevelure courte et mal coupée avait un air sale. Pourtant, tout son être sembla rayonner quand Nahöriel lui tapota gentiment la tête.

Sans prononcer un mot, il m'incita à le suivre plus loin, et bifurqua dans une pièce sur la droite. Avant même d'y entrer, je fus saisie par une odeur répugnante et piquante, le genre de puanteur synonyme de pourriture ou de maladie. Un violent frisson agita ma crinière végétale quand j'en découvris l'origine.

Face à un Nahöriel ayant posé le genou à terre, un matelas de fortune était coincé dans un angle, et faiblement éclairé par une lampe à huile. Assis dessus, dos contre le mur, une forme humanoïde et vaguement féline se trouvait. Le pelage, qui avait du être clair, était recouvert de saletés. À force de regarder, je manquai de peu avoir un haut-le-cœur. La fourrure blanche manquait en de nombreux endroits, et laissait place à de vilaines plaies plus ou moins étendues. Le semi-elfe agita la main, chassant quelques insectes volants. Lorsque le félin bipède ouvrit les yeux, il ne les dirigea pas vers le jeune voleur. Il semblait contempler le vide, ou plutôt ne rien contempler du tout.

Lorsque le semi-elfe prit la parole, les babines craquelées se relevèrent en un étrange sourire animal.

"Me revoilà, Shaa'Nod."

"Cette voix... Lui qui croyait tout à l'heure que la maladie l'avait rendu fou. Parle encore. Dis à ce woran qu'il ne rêve pas. Dis-lui que son petit Nahöriel est bien en vie."

Serrant un moment les dents, l'hybride acquiesça, puis il prit la main griffue entre les siennes.

"Oui, oui je suis bien là. Tu te demandais toujours quel goût peut avoir de l'eau magique, tu te souviens ?"

Le woran émit un grondement de gorge affirmatif avant qu'une brusque quinte de toux n'y mette fin. Mon écorce se serra devant ce spectacle. Je n'avais pas à poser de question pour comprendre qu'un lien important existait entre ces deux êtres. Malgré son état, l'humanoïde félin semblait heureux, tendant ses oreilles pour capter chaque son émit par le voleur. Quand ce dernier me fit signe, je m'avançai vers le matelas, cherchant à ne pas froncer le nez plus que nécessaire face à l'odeur. Un bref coup d'oeil me suffit pour comprendre que le dénommé Shaa'Nod était perdu. Toutes ses plaies suintaient, et sa maigreur ne laissait place à aucun doute concernant son alimentation.

Une certaine pitié mêlée de peine naquit dans ma poitrine, se changeant violemment en tristesse quand le félin, suite à quelques tâtonnements hasardeux, posa sa patte sur l'épaule du brun. À la demande de ce dernier, je maniai mes fluides d'eau, faisant jaillir un peu de ce liquide dans les mains serrées de l'hybride. En silence, j'observai le blessé laper lentement l'eau créée.

"Ne bois pas trop à la fois, tu risques de..."

"Son petit Nahö' n'est pas idiot. Il sait que ce woran doit partir."

Les babines humides se relevèrent un peu alors que le regard vide cherchait en vain celui de son interlocuteur. Le semi-elfe secoua vigoureusement la tête, la mâchoire serrée. Ses mains allèrent chercher l'une des grandes pattes du woran.

"Plusieurs fois déjà, Shaa'Nod a su qu'il devait partir... Mais ce woran s'est accroché. Il pensait au petit. Il refusait l'idée que Nahö' avait été trahi par la sindel. Dis-lui. "

Malgré sa voix tremblante, Nahöriel résuma au félin ce qui s'était produit à l'auberge de Yarthiss, puis notre voyage jusqu'à Tulorim. Il termina par une question.

"Et la Troupe ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?"

Le félin toussa longuement et peina de longues secondes pour retrouver son souffle. Doucement, il accola l'arrière de son crâne au mur puis secoua négativement la tête.

"Disparue. Tous dispersés... Depuis la nuit du Châtiment, tout a changé... Les cris de la sindel dans sa tête. Tout le temps. Tout le monde..."

Plus le temps s'écoulait, et moins les propos du woran étaient cohérents. Pourtant, il fit des efforts pour continuer, brisé dans ses élans par une toux sapant ses forces. J'avais déjà vu un cadavre dans un horrible état auparavant, et même un être cher décédé, mais l'Ancien s'était déjà éteint bien avant que je l'ai découvert. Ici, debout, dans cette habitation qui peinait à justifier son nom, j'assistais avec impuissance à l'agonie d'un inconnu. Nahöriel affichait un air dévasté, et il luttait visiblement contre sa douleur intérieure.

"Le petit doit faire... Attention. La Grande... La Chef... La Voix a monté les amis les uns contre... Les autres. La Troupe... Détruite de l'intérieur... Nahö' ?"

"Oui ?"

"Pas de vengeance... La Grande est dangereuse. Trop. Son petit a compris ?"

Mes yeux furent attirés par la personne du semi-elfe. Sa peine fit écho en moi, vrillant mon être, et ravivant mon sentiment d'impuissance. Il acquiesça plusieurs fois, enserrant avec une tendresse certaine cette main griffue faisant le quadruple de la sienne. Devant cette scène, même la puanteur ne me gênait plus. J'avais l'impression de ne pas être à ma place, et pourtant je me devais d'être là. La respiration du félin devenait de plus en plus faible, mais il fit des efforts pour parler encore un peu.

"Shaa'Nod... Est heureux... Nahö' est un bon petit... Ce woran te le confie, personne silencieuse."

Mes yeux s'écarquillèrent et mes lèvres s'ouvrirent. Je croyais n'avoir plus aucun lien avec le voleur, mais je me trompais. Ces simples paroles prenaient une toute autre importance dans la bouche d'un mourant. Avant même de le réaliser, j'avais pris place aux côtés du voleur et enroulé ma main autour des leurs. Mes paupières piquèrent puis, lorsque je perçus le sourire soulagé du woran, ma vue se brouilla quelque peu.

Je ne connaissais pas cet être, mais le lien perceptible entre eux me rappelait celui que j'entretenais avec Païvhane. Pendant un instant, l'image de mon amie canidé se substitua à celle du woran. Ma sève ralentit et mes larmes glissèrent lentement sur ma peau d'écorce.

Combien de temps s'écoula ? Difficile à dire dans cette pièce sombre. Finalement, la voix du félidé se tut. Son corps s'affaissa légèrement, calé dans l'angle de la salle, sa main griffue retenue par le demi-elfe affligé. Je n'avais rien à voir avec le trépas de cet être. Il était un parfait étranger pour moi. Pourtant, en cet instant, je le pleurais avec sincérité aux côtés de Nahöriel, sentant l'épaule de ce dernier accolée à la mienne.


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 Sujet du message: Re: Les Habitations
MessagePosté: Lun 26 Nov 2012 14:56 
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*2*



Pendant de longues minutes, il me fut impossible de calmer les ruisseaux de larmes dévalant mes joues. Je n'arrivais pas à réaliser ou à accepter qu'une flamme de vie venait de s'éteindre sous mes yeux, sans que je puisse tenter quoi que ce soit pour l'en empêcher. Je fus d'ailleurs surprise de cette émotion. Encore quelques semaines auparavant, j'aurais sans doute accepté ce trépas sans me poser la moindre question. Je savais pertinemment que tout ce qui vivait devait périr, et jamais je n'avais eu l'idée de chercher à entraver ce processus. Mais là, c'était différent. Moi qui me félicitais de ma neutralité et de mes capacités d'analyse me rendant distante, j'étais incapable de relativiser.

À la place d'un soulagement à l'idée qu'il ne souffrait plus, ce fut un tas de questions qui me vint. Chaque fois que l'une d'entre elles me venait, la frustration et la peine croissaient. Qu'est-ce qui avait bien pu arriver à ce félin pour le mettre dans un état pareil ? Pourquoi ne pas avoir cherché à se faire soigner ? Parlait-il de l'elfe dont nous avions retrouvé le corps atrocement mutilé en chemin ? Comment ce groupe dont Nahöriel m'avait vanté les qualités et la cohésion avait pu se briser ainsi ? Et surtout, le semi-elfe parviendrait-il à se remettre de cette perte ?

Après avoir écarté ma cape, je me servis du revers de ma main pour effacer les traces humides. Mes yeux clairs se rivèrent au profil tremblant du voleur. Assis sur les talons, il serrait les poings et les dents, le visage crispé par la peine. Il ne pleurait pas, mais peut-être que c'était là sa fierté qui l'en empêchait. Résolument, je me levai puis le regardai. Tout mon être était réticent au geste que mon cœur et mon esprit cherchaient à me faire faire. Aussi, lorsque je le fis, j'eus la sensation de briser quelque chose qui me bridait. Faisant fi de ma timidité, j'apposai lentement mes doigts sans phalanges sur l'épaule droite du semi-elfe.

Dans la pénombre à peine soulagée par l'éclat de la lampe à huile, le profil marqué par la cicatrice se tourna vers moi. Quand mon regard rencontra celui de mon camarade, mon écorce sembla se resserrer, occasionnant une sensation d'inconfort remontant jusqu'à mes yeux. La douleur que j'y lus avait balayé l'air joueur et presque insouciant qui s'y trouvait habituellement. Sa main opposée se servit de la mienne comme guide quand il se leva. Pendant de longues secondes, il resta muet, debout et immobile, à contempler le corps de Shaa'Nod. Il se décida bientôt, et avec toute la délicatesse et la tendresse qu'un parent proche pourrait avoir, me donnant une sensation d'infinie tristesse, il referma les paupières du félin. Ses doigts glissèrent ensuite sur le crâne de ce dernier, lissant tendrement la fourrure terne. Je souffris à cette vision, sans bien m'en expliquer la raison.

Soudain, il stoppa son mouvement, et avant que je puisse réagir, il s'était retourné, m'étreignant avec force.

Mon grimoire faillit m'échapper quand tout mon être se raidit, pris par surprise. Quand je réalisai ce qu'il se passait, mon calme me revint. Le semi-elfe faisant une tête de plus que moi me serrait contre lui, mais malgré mes capacités d'analyse, impossible d'arrêter une raison justifiant son comportement. La seule chose que je compris était qu'il avait besoin de moi, de mon soutien. Passant mon grimoire d'un bras à l'autre, je le rangeai temporairement dans ma sacoche, percevant l'étreinte se resserrer un peu. Son profil à cicatrice se colla contre ma tempe. Je pouvais le sentir trembler, mais la tristesse surgit à un simple détail. Nahöriel souffla le nom du woran à plusieurs reprises, sa voix s'étranglant soudainement.

Le voleur n'était pas ma liykore d'amie, ni même un proche. Pourtant, en percevant sa détresse, je me vis faire un geste dont je ne me serais jamais pensée capable. Mes bras entourèrent son buste lentement, puis mes mains se déroulèrent, venant se poser contre ses omoplates. Le contact à peine établi, Nahöriel se mit à trembler violemment. J'avais beau chercher des mots pour le réconforter, aucun d'entre eux ne me semblait assez fort pour être prononcé. À la place, ma main gauche se mit à frotter légèrement le dos du voleur, provoquant une chaleur inhabituelle. Il n'en fallut pas plus. Un long sanglot lui échappa, suivi par une respiration saccadée. Aussi inconcevable que cela puisse sembler, il pleurait et sanglotait, sans parvenir à s'arrêter.

Et moi, je ne pouvais rien dire, rien faire, sauf partager sa douleur. Peu à peu, un sentiment nouveau prit place. Le voir aussi vulnérable me confortait dans l'idée qu'il me fallait mûrir et changer, juste pour pouvoir le protéger. L'ironie manqua de peu me faire esquisser un sourire. Moi qui avais tout fait pour ne pas m'impliquer, j'étais résolue à ne pas le laisser seul. Sans prononcer un mot, je le laissai évacuer sa peine, faisant au mieux pour le soutenir.

Plus tard dans la soirée, ses larmes finalement taries, Nahöriel rassembla les affaires du woran tandis que je restais près de la porte. Maigres effets puisqu'il ne s'agissait que d'un sac abimé, d'une tunique, de jambières qu'il n'hésita pas à me confier, et d'une arme courte. À bien y regarder, il s'agissait d'un stylet en métal sombre que le voleur rangea avec précaution dans sa sacoche. Pendant qu'il s'affairait, et après avoir examiné ces protections étrange, semblant faites d'écorce, je décidai de briser le silence.

"Que vas-tu faire, maintenant ?"

Le semi-elfe demeura quelques secondes immobile, puis après m'avoir incité à m'équiper des jambières de son ami, il jeta un regard au corps du félin. Ses épaules se haussèrent lentement.

"Je n'sais pas... La Troupe était comme ma famille. J'voulais la retrouver et qu'tout r'devienne comme avant. Mais maint'nant..."

Un sourire blessé orna ses traits.

"J'crois qu'les dieux n'souhaient pas qu'j'ai une famille... C'est d'jà la deuxième fois."

"Deuxième ?"

Nahöriel n'avait jamais voulu en dire trop sur lui pendant le voyage, aussi je ne m'attendais pas à ce qu'il s'explique. Il m'offrit une expression peinée et distante alors qu'il me narrait ses souvenirs.

"Tu veux vraiment l'savoir ? D'accord. J'suis né dans un p'tit village de pêcheurs, pas très loin d'Tulorim. "

Il croisa les bras, m'offrant un visage par moments calme, et à d'autres crispé. Le premier genre venait quand il me parlait de sa mère. Cette femme qu'il aimait beaucoup, et envers laquelle il se sentait coupable. Son existence lui avait causé bien des ennuis, les villageois voyant d'un très mauvais oeil la présence d'un rejeton non seulement issu d'un elfe, mais en prime conçu dans le dos de l'époux parti en mer. Une vive colère s'empara du voleur alors qu'il me narrait la fuite de l'elfe une fois la grossesse découverte. J'acquiesçai, comprenant enfin d'où la haine des elfes lui venait. Pendant quelques minutes, il réfléchit, semblant peser ses paroles.

Il finit par me faire face, un pâle sourire au visage pendant qu'il lissait du pouce sa cicatrice.

"J'ai vieilli moins vite qu'mon frère aîné, qui a eu l'temps d'avoir lui-même un fils. J'pensais qu'ils avaient fini par m'accepter, quand ils m'ont proposé d'travailler sur leur navire... J'me trompais. Ils ont voulu m'tuer, et m'ont jeté à la mer après. J'sais pas comment j'ai réussi à pas m'noyer. Moura d'vait m'avoir à la bonne. "

Ses yeux se plissèrent puis se fermèrent.

"La première chose qu'j'ai vu quand j'me suis réveillé, c'était... C'était la fourrure d'Shaa'Nod. Il m'serrait contre lui... Pour m'réchauffer."

Le voleur se mordit férocement la lèvre inférieure, la faisant saigner. Je haussai brièvement les sourcils, curieuse quant au but de son geste, mais il ne s'expliqua pas. Ses poings se serrèrent, tout comme sa mâchoire. Sa peine semblait se changer en autre chose, et il ne fallut qu'une poignée de secondes pour qu'il me fasse part de ses intentions, tout en se tournant résolument vers son ami décédé.

"J'le vengerai."

"Pardon ?"

"Shaa'Nod... J'sais pas c'qui s'est passé, mais j'compte bien l'savoir. Et si c'est c'te tête d'hinïon qu'a détruit la Troupe, j'lui f'rai la peau !"

La soudaine violence dans les mots du voleur me laissa sans voix. Lui qui pleurait la perte d'un être cher, le voilà à souhaiter la mort de quelqu'un d'autre. Les paroles du woran me revinrent en tête. La meneuse paraissait redoutable, et à voir l'état du félin, si c'était bien un affrontement avec elle qui l'avait blessé ainsi, les chances de Nahöriel me semblaient bien faibles. Je ne pouvais pas lui accorder mon soutien à ce sujet. Aussi, brisant une nouvelle fois cette barrière de timidité, j'étendis une main sur le côté.

Résolue, je cherchai les yeux marrons du semi-elfe.

"Non. Je refuse de te laisser faire."

La colère du voleur persista dans son regard, au point que je redoutai un instant qu'il ne s'en prenne à moi. Il allait me falloir être persuasive si je voulais parvenir à lui faire entendre raison.

Et rapidement.


*-->*


[Acquisition RP des jambières souples en écorce]

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Dernière édition par Mythanorië le Dim 9 Déc 2012 02:35, édité 2 fois.

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