>> Les Ruelles

(Je te l'avais bien dit que cela ne marcherait pas ! Te faire voler est une chose, faire voler un homme ou un elfe, c'en est une autre...)
(Oui je suis assez déçu de tes pouvoirs ma chère, je dois dire !)
(Non mais dis donc... Puisque c'est comme çà, je boude...)
(Tu voudrais pas plutôt regarder qui sont ces gens avec des noms bizarres ?)
(Non , je boude...)

Dans le sac, posé sur une surface plane qu'Eucalyptus jugea être du bois et certainement une table, une commode ou une chaise, le jeune lutin fouillait dans son fourreau-fourretout à la recherche de ce qui pourrait l'aider. Runes, fioles, parchemin, petits pétards d'Oranan qu'il regarda avec tendresse tout en les caressant et en leur promettant une mort mémorable, canard de bain, appeaux en tout genre, non, rien ne pouvait l'aider. Il savait qu'il aurait du faire expertiser ces runes et se demandait même si une d'elles pouvait lui être utile à ce moment.

"Aïeeeuuh ! Mais c'est dangereux, ce machin... Oh !"

En sortant encore un objet de son fourreau sans fond, il se coupa un peu le doigt et le suçota pendant que son autre main parcourait la grâce des courbes de cet objet venant tout droit d'Oranan. Un magnifique shuriken, presque aussi grand que lui et très coupant. Ah Oranan, pensa le lutin ! Ces cerisiers, sa volupté, son charme et ses jardins, son amie Plume la luthière, le vieil Ume et son apprenti, la jeune Rose et ses talents culinaires certains...

(Je rêve ou tu n'as pas encore fait le lien entre cette étoile de ninja et le moyen de sortir de ce sac ?)
(Tu boudes plus toi ? Ah, les femmes...)
(Très drôle... Eucalyptus, ma petite noisette des bois, je crains que la situation échappe à ton contrôle. Allez fais moi plaisir et essaie de découper le sac que l'on puisse sortir d'ici...)
(Oui mais pendant que je découpe le tissu, sors du sac pour voir à qui nous avons à faire ma jolie... Je veux un rapport détaillé et visuel !)

Ce fut donc pendant que Bidouille faisait traverser sa tête hors du sac pour voir qui était donc ces mystérieux Prout, Mium et Moustache qu'Eucalyptus entreprit, la langue pendante, de découper une fente dans le sac pour pouvoir en sortir...

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"Ma parole mais tu as raison Bidouille ! On se croirait dans le Bric à Mac, mais en plus grand ! Ohlala... Il devrait ouvrir un magasin au lieu d'enlever des lutins, celui-là..."
"Cet endroit ne me dit rien qui vaille... "

Sur la table, le lutin marchait en rond pour regarder tout ce qu'il y avait tandis que Bidouille s'approchait du bord pour observer plus en détail un des rats empaillés. Pots, tableaux, clés et livres mais pas le moindre lutin en ces lieux. Il aurait été trop facile, pensa le lutin, de trouver directement ces pauvres lutins ravis. Droite comme un i, un index sur son menton, le sourcil en hauteur, Bidouille regardait toujours le rat empaillé du mur des pots qui dominait la pièce. Eucalyptus, lui, sembla plus s'intéresser au livre ouvert à la page quarante-neuf. Il y jeta un rapide coup d'oeil puis s'intéressa à l'orbe noir à ses côtés.

"Prout, Mium, Moustache... Hummm... Protège, surveille, dévore... Hummm..."
"Ne me dis pas que tu essaies de trouver qui sont les gardiens de la maison..."
"Je suis ton assistante, ma petite noisette, c'est mon devoir..."
"Hihi, moi je dis, Moustache, c'est le rat du haut, pour protéger une maison, mieux vaut avoir une vue d'ensemble ! Mium, c'est le rat du bas, normal pour un rat de vouloir manger un lutin et enfin Prout, le voici. C'est cet orbe qui est sûrement magique et empreint de fluides aériens. A moins que ce ne soit ce livre..."
"Oui, ca parait logique en effet..."
"Détends-toi Bidouille... Mais reviens dans ton bijou, s'il te plaît, on ne sait jamais, je ne voudrais pas que ce voleur soit aussi un voleur de faera."

D'un petit haussement de mâchoire, Bidouille acquiesça et se dispersa en une multitude de petites lucioles avant de disparaître dans le petit totem qu'Eucalyptus avait dans les cheveux. Le jeune lutin, lui, se tapota le menton puis décida enfin de regarder de plus près ce livre ouvert sur la table...

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"par Rana ! Ecoute çà Bidouille !"

Vautré sur le livre ouvert, Eucalyptus venait de terminer sa lecture et voulait donc faire partager sa découverte à son assistante faérique dévouée. Il se releva et s'emmitoufla dans sa cape, ne laissant que dépasser sa frimousse taquine. Il fronça les sourcils et prit un air sérieux et sage...

"Jadis..."
"Je l'ai lu, tu sais..."
"Oui mais sors, on va rigoler un peu..."

Bidouille sortit du petit totem et se matérialisa sur la table. Elle s'assit sur le rebord du livre et reposa son visage sur mes mains pour mieux profiter de lecture de son compagnon. Lorsqu'elle fut installée, Eucalyptus reprit son air sage et sérieux et continua la lecture...

"Jadis donc... Ca commence bien hein ! J'adore les histoires de jadis ! Celle de naguère aussi d'ailleurs..."
"Tu oublies les aventures de Pimpon le hérisson..."
"Houhouhou, Pimpon le hérisson ! Ah non mais il est trop tordant, ce petit hérisson ! Il mériterait sa place chez les lutins, celui-là ! Bref ! Jadis, un puissant mage, dont le nom à été oublié depuis longtemps, appelons le... Hummm, comment on va l'appeler... Oh, je sais ! Pimpon ! Un puissant mage, Pimpon, aurait perdu la vie en cherchant un moyen de contrôler la totalité des éléments..."
"Tu m'étonnes... Il a dû souffrir le pauvre..."
"Il ne subsista de lui que deux puissants bijoux, les orbes élémentaires ! Chacun d’eux étant l’exact opposé de l’autre. Les deux sphères traversèrent les âges, apparaissant ça et là dans l’histoire entre les mains de personnages importants. "
"Un peu comme Lumbo en fait... Tu devrais lui demander de lui parler de sa vie, c'est vraiment épique !"

Eucalyptus enleva sa cape et regarda Bidouille avec un air circonspect.

"Dis le si je t'ennuie !"
"Oh je t'ai vexé désolé... Tu es un formidable conteur Eucalyptus, tu le sais ! Je suis désolée, je me tais..."
"Bah j'ai plus le goût de le faire maintenant..."
"Allez..."

Le lutin se remit à sourire et remit sa cape illico presto avant de regarder une nouvelle fois la page en question pour bien tout mémoriser.

"A l’époque, ils délivraient leur savoir d’un simple contact. Mais ces reliques disparurent il y a bien des siècles, leur puissance se serait amoindrie, endormie avec le temps... Oh mais dis-donc, c'est exactement comme Lumbo, t'avais raison..."
"J'ai toujours raison, hihi !"
"Elles reposeraient quelque part, à l’abri des hommes, inutiles dans leur état actuel. Une ancienne légende raconte toutefois qu'un rituel sanglant... C'est bien fait, hein, ca fout les chocottes, là ! Je devrais l'apprendre par coeur, ca peut faire son effet pendant les soirées autour d'un feu ! ... un rituel sanglant, donc, le même qui les avait engendrés, pourrait les ramener à la vie en les liants à de nouvelles âmes. C'est donc ce qu'il reste à faire pour les réactiver, une fois qu'ils sont tous les deux réunis. Le rituel doit se faire en possession des deux bijoux magiques."
"Avec toute la camelote qu'il y a ici, si ca trouve, l'autre pierre est ici..."
"Qu... Quoi ? Hihi, mais non c'est une histoire ! C'est pas pour de vrai !"
"Ah si je pense... Nostrad, je l'ai connu. Très grand, très bête, avec un rire qui ressemblait un peu à çà. Mouaaahmouahmouahmouah..."
"Arrête, Bidouille, tu me fous la trouille... Puis pourquoi tu dis l'autre pierre d'abord ?"

Eucalyptus regarda un instant Bidouille, puis le livre, encore Bidouille, puis la pierre dans son socle à côté puis encore Bidouille. Un frisson lui parcourut l'échine...

"J'ai compris ! C'est moi le complément. Ce voleur veut arracher mon coeur si pur de petit lutin malin et réactiver le pouvoir de ces pierres ! Gloups... Faut que j'en sache plus..."

Fébrilement, Eucalyptus s'approcha du livre et de tout son corps encore frémissant, il tourna la page...

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Si pour un homme ou un elfe, tourner une page était un geste tout aussi banal qu'éplucher une banane, il en était tout autrement pour un lutin. Aussi, alors qu'Eucalyptus œuvrait avec adresse et ingéniosité pour tourner la page du gros volume intitulé "Recueil d'objets insolites de Ti-Jean", il perdit le contrôle de son action lorsque la grosse voix sortie de nulle part retentit dans la pièce et se retrouva sur les fesses, recouvert par la page 49. Heureusement, il eut plus peur que de mal et recommença son entreprise en veillant bien à ne plus se faire surprendre par la mystérieuse voix.

"Bidouille, tu vois quelque chose ?"
"Heu... Un rat dans un pot..."
"Oh non... J'en ai marre des rats... On a fait que çà depuis notre arrivée à Tulorim ! Je commence à regretter les soeurs squiamoises ! Bon, lis-moi la page 50 pendant que je m'occupe de lui..."

Décidé à ne pas se laisser embêter, Eucalyptus sortit sa flûte en bambou et la fit tournoyer agilement entre ses doigts avant de s'éloigner du livre pour s'approcher, toujours sur la table, du rat en pot. Bidouille, elle, s'approcha donc du livre et commença à lire les lignes précieuses.

"Alors voyons voir... Ah ! L'âme Pure d'Amalia, rien que çà !"
"Tu connais ?"
"Oui j'ai rencontré la dame en question. Très sympathique, d'ailleurs. Les gens l'appelaient la Sainte en Armure, les orques et les gobelins, l'Eviscéreuse Compulsive. Les deux clans avaient raison. Elle était très dévouée pour sa cause, un peu trop selon les les Peaux Vertes. De ce que j'ai vu d'elle en tout cas, elle ne faisait pas vraiment dans la dentelle, un boucher n'aurait pas pu mieux faire sur un champ de bataille. Même en s'appliquant beaucoup... Les membres volaient, le sang giclait, la foule l'acclamait... Ah Amalia la Sage... Si tu veux mon avis, elle était plutôt une fanatique avide de chair meurtrie et de boyaux déversés sur le sol. Je crois même qu'elle rendait jaloux certains monstres... En revanche, elle faisait les tartes au citron comme personne !"
"J'ai envie de dire Beeeeuuuuurk et Miammm..."
"Oui, tu résumes assez bien le contexte de cette "Pacificatrice"... Bref, il est dit dans ce texte qu'elle possédait le second bijou, qui porte son nom d'ailleurs... D'après le gros idiot qui a gribouillé ce livre, je crois qu'un certain Oudini serait en sa possession. A priori, notre voleur souhaiterait avoir les deux et je te parie ma jarretière que cette orbe noire est celle de Nostrad."
"Donc si j'ai bien tout compris, Mossieur le voleur pourrait vouloir réactiver ces pierres et donc faire un massacre sanglant... On doit l'arrêter !"
"C'est une possibilité en effet... Il peut aussi simplement vouloir faire la collection, c'est possible aussi, mais tu as raison, nous devrions faire quelque chose et éviter qu'un gars pareil ait en sa possession des objets aussi destructeurs..."
"Bon, bah ce rat n'a pas l'air de vouloir bouger... Allez, on récupère l'orbe de Nosrad et on file d'ici. On trouvera bien quelqu'un qui connaît ce Oudini..."

Ainsi fut dit, fut fait, ou presque. Eucalyptus rengaina son flutiau et s'approcha de l'orbe noire pour la mettre dans son sac...

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"Héhé..."

La main prête à commettre ce léger larcin, Eucalyptus tourna la tête, dévisagea la souris de ses gros yeux ronds, émit un petit rire et s'évanouit comme une demoiselle en détresse. Bidouille, affolée, accourut auprès du lutin et regarda la souris avec un air qui en disait long si le Code Multiversel des Faeras permettait de mettre une raclée à quelque souris dans un entrepôt d'objets volés. Heureusement pour tout le monde, le CMF était clair sur le sujet et Bidouille n'était pas du genre à transgresser l'Ordre, surtout quand il venait du grand chef parmi les chefs. Mais bien qu'elle était tatillonne sur le règlement, elle n'en pensait pas moins et à cet instant précis, elle médit méchamment l'article 75, alinéa 6, "Tu ne commettras point de meurtre, même sous la colère", expressis verbis.

"Oh tu as de la chance, toi..."

Sur cet entrefait, Eucalyptus reprit ses esprits et toujours aussi affolé qu'avant sa pâmoison de princesse en détresse, il réagit comme tout bon lutin aéromancien réagirait en présence d'un rongeur assoiffé de sang. Ce fut ainsi que devant cet horrible monstre, il n'eut qu'une idée en tête, se protéger et au plus vite. Il ne réfléchit pas un seul instant et sortit son flutiau en bambou de son étui avant de le faire tournoyer et de siffloter avec insistance un petit air qui s'annonçait menaçant...

(( Je convoque le Mur de Sylphes, sort de niveau 3 )))

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Et la magie opéra. Un puissant vent balaya les quelques poussières qu'il y avait sur la table puis s'enroula autour du lutin, jouant dans ses cheveux attachés en queue de cheval. Ses longues tresses ballotèrent plus que de raison et enfin, l'apparition prit une forme défensive, enfin presque. Une toute jeune sylphe, assise comme une dame de compagnie de la Maison Rouge d'Oranan, les jambes croisées, le dos cambré et l'air résolu, se matérialisa et tourna progressivement la tête vers la petite souris avec des yeux menaçant. Lorsque cette dernière vit que l'incroyable assaillant de son petit protégé aérophile n'était autre qu'une souris très jolie, elle roula ses yeux vers le ciel et souffla sur son front pour évacuer une mèche de ses cheveux de nuées un peu revêche. Eucalyptus, lui, fit un gros o avec sa bouche bientôt suivi de son onomatopée homophonique.

"Tu crois pas que t'en fais un peu trop, là ?"
"Mais c'est une souris ! Une espèce carnivore qui n'a aucune pitié pour les miens ! Et je n'aurais pas de pitié non plus !"

La sylphe, elle, cligna des yeux à plusieurs reprises et détourna son regard du terrible rongeur pour les plonger dans ceux d'Eucalyptus. Le jeune lutin lui fit un énorme sourire et la sylphe se pencha, l'index vaporeux en avant, comme pour le sermonner de l'avoir dérangé pour si peu. Eucalyptus se rendit compte alors que et la sylphe et sa faera avait peut-être raison, aussi, d'un geste qui exprimait à la fois son remerciement, son pardon et sa demande, il salua la sylphe humblement. Cette dernière, perplexe, fronça des sourcils, mit ses mains sur la table et entama une pirouette qui lui fit enjamber la table pour se retrouver toujours assise sur la table, à califourchon à présent. Elle se contenta ensuite de croiser les bras et de regarder la souris avec un air méchant mais pas trop. Sans vraiment l'avouer, Eucalyptus comprenait la réaction de sa convoquée. Comment pouvait-on un seul instant penser qu'un être aussi mignon et duveteux pouvait être un danger. Mais alors pourquoi cette demoiselle de nuées était-elle restée ? Peut-être à cause du bruit non identifié qui provenait des bocaux un peu plus haut...

Dubitatif sur tant de questions qui n'avaient pas encore de réponses précises, Eucalyptus se mit tout à coup à repenser à ce qu'il venait de vivre. Ces voix ne seraient-elles pas celles des lutins qu'il était venu sauver ici-même ? En était-il vraiment sûr d'ailleurs, qu'il y avait des lutins emprisonnés ici ? Pour l'instant, bien que sa curiosité naturelle lui suppliait d'aller farfouiller dans les pots pour y découvrir leurs secrets, Eucalyptus fit une pirouette par dessus la jambe de sa protectrice et s'approcha de la souris, son pipeau toujours en main.

"Je suis Safari, terrible chasseur de monstres et sans pitié ! Qui es-tu ? Et pourquoi parles-tu ? Et qui est ce Oudini ? Et qui sont ces gens dans les bocaux ?"

Sa voix se voulait menaçante et se trouva en fait plus amusée qu'autre chose...

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