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Finalement, il était sortit de cette ville... Azra se sentait respirer, loin de tous ces mortels qui haïssaient, et sans doute enviaient, sa condition. C'était sans importance. Il était un héros. Il avait triomphé de bien des dangers et sauvé cette ville. L'ironie d'une telle situation formait une bonne compensation. Maintenant, son chemin était tout tracé... vers Zéphanie, vers les Messagers du Corbeau, cet ordre qui l'attendait... vers l'avenir.
Le soir tomba bientôt, mais il ne s'arrêta pas pour autant. Il n'aurait besoin que de quelques heures de méditation, et il voyait dans le noir. Il avait pris soin d'invoquer Rendrak, son compagnon mort-vivant, pour lui tenir compagnie, car le voyage serait long. C'était une bonne chose car les sens aiguisés du liykor lui firent entendre ce que le nécromancien ne perçut pas. Quelqu'un les suivait !
« Un liykor noir ! Je savais qu'il y en avait par ici, mais pas qu'ils approchaient à ce point de la ville. » grogna l'âme damnée.
Azra dirigea son regard qui perçait l'obscurité naissante pour examiner l'imposante silhouette qui se détachait, un colossale homme-loup dont la fourrure, contrairement à celle de Rendrak, était noire.
« Qui es-tu, pour suivre ainsi la mort ? Ce sont des pas qu'il est dangereux d’emboîter... »
Pour toute réponse, le liykor enchaîna une série de gestes étranges, incompréhensibles. Rendrak fronça les sourcils.
« Oulà, langage des signes ? Je n'y connais pas grand chose. Je ne suis pas un noir, moi ! Je suis Rendrak, ranimé de la mort par Azra, ici présent, si c'est bien ta question... Il y en a beaucoup, des comme toi, par ici ? »
Le liykor sembla soudain très intéressé. Il ne pouvait visiblement pas parler mais c'est avec une hâte presque enfantine, amusante pour une créature qui dépassait Azra de plus d'une tête, qu'il griffonna sur un papier ses questions sur l'origine de son pouvoir de nécromancien. Quelque peu flatté, la liche entreprit d'expliquer :
« Pour ranimer les morts, il faut être né avec le don de Phaïtos, gardien des enfers. La nécromancie nous est accordée pour apaiser les âmes en leur donnant une nouvelle vie, un nouveau but... mais le don à ses limites : un seul mort peut réellement retrouver sa conscience, dans mon cas, c'est Rendrak. Les autres sont des pantins inconscients qui, une fois ranimés, auront au moins le bénéfice de ne plus gêner le travail de Phaïtos. »
Il fit un large geste de la main, englobant la nuit tombante :
« Le pouvoir est là, tout autour de nous, dans les ténèbres... si tu sais le maîtriser, tu pourras apprendre la voie, comme moi. »
De plus en plus excité, le liykor continua à poser ses questions. Azra sentait un étrange sentiment d'importance monter en lui... un apprenti. Quelqu'un à qui il pourrait enseigner... cela faisait peur, mais en même temps, l'expérience pourrait valoir le coup.
Comme la créature lui demandait, il entreprit d'expliquer les bases, comme les âmes répondaient à l'appel des fluides d'ombre, et pouvaient même être incarnées dans des squelettes faits de terre, car au fond, les ossements n'étaient que du calcaire.
« Mais souviens-toi, le vrai pouvoir d'un nécromancien, c'est la peur. L'obscurité, la mort... ce ne sont rien, que des absences de vie et de lumière... notre vrai pouvoir est lié au fait que les gens ont peur de choses dont ils n'ont pas de raisons d'avoir peur. Il faut savoir jouer de ça, sans cela, nous n'avons aucune chance de vaincre. »
Comme il posait une question à Rendrak, sur sa condition, ce dernier rumina :
« Si je suis heureux... sache... Algaries, c'est ça ? Sache que je ne suis pas libre, et que c'est forcément une ombre sur mon âme. Mais au moins, je continue à vivre, et je traverse bien des aventures ! Au côté d'un maître plutôt tolérant... »
Azra n'y prêtait guère attention, car une idée avait déjà germé dans son esprit. Oui... un bon moyen de faire tout ce qu'il avait à faire en même temps !
« Écoute, Algaries. Je viens d'Oranan, et plus particulièrement d'Aliaénon. Il s'agit d'un autre monde comme... un autre continent mais qui serait au-delà des étoiles et non au-delà de la mer. La milice de la ville en détient les clés. J'ai dû le quitter et laisser un travail inachevé, car un ordre voué à Phaïtos, les Messagers du Corbeaux, m'attend. Si tu le souhaites, tu peux intégrer mon ordre et partir terminer ce que j'ai commencé sur Aliaénon. Là-bas, tu pourras trouver des gens pour t'aider à développer ta compréhension des âmes... Ce sera difficile, et risqué, mais ce que tu pourras en retiré pourrait être inestimable... »
Il releva son masque, dévoilant son visage d'ossements.
« Moi, j'en ai retiré la vie éternelle, pour servir au mieux Phaïtos et l'équilibre entre la vie et la mort. »
Étrangement, ses réponses semblèrent perturber, et presque décevoir, le liykor noir, mais pourtant, il acquiesça à la demande. Parfait ! Cela retirait un poids des épaules du nécromancien. Il entreprit donc d'expliquer ce qu'il attendait de lui :
« Alors sache qu'il y a, en Aliaénon, un peuple que tous considèrent comme maudit et éteint : les Ol'Toga, de la ville de Jesuir. Il n'en est rien, et ils m'ont accepté parmi eux et j'ai mené les spectres de leurs ancêtres à la bataille. Va les trouver, et dis-leur que je m'inquiète de leur isolationnisme dans un monde en plein changement, car nous, aventuriers, y avons éveillé les antiques titans. S'ils veulent s'y tenir, alors aide les en tout ce dont ils auraient besoin. En échange, peut-être accepteront-ils de t'enseigner sur les âmes, si tu viens de la part d'Azra, l'ami des ombres qui mena la bataille d'Esseroth et leur est toujours redevable. Ensuite, va aussi trouver Thensoor Val'Crooh, l'archisorcier déposé d'Elscar'Olth. Je n'ai pas pu l'aider à reprendre sa ville aux forces d'Oaxaca. Il en sait long sur les pouvoirs de la mort et des ténèbres, c'est lui qui a fait de moi ce que je suis. Là aussi, tu lui diras que je m'excuse d'être retenue mais qu'à travers toi, je souhaite lui apporter tout le soutien que je peux. Prend garde, cependant. Il y a en Aliaénon un être étrange, sans visage, qui cherche à manipuler ce monde, et un autre, Naral Shaam, le dragon mauve, qui le combat. Aucun des deux ne sont dignes de confiance... »
Il écarta les bras pour signaler qu'il avait fini :
« Va, maintenant, Messager du Corbeau, porte ma volonté, apprend et élève toi ! Respecte la vie et la mort, ne cause pas de souffrance inutile et soit l'ombre qui rappelle au monde que la mort est l'ultime justice qui met les forts comme les faibles à égalité. »
Le liykor griffonna hâtivement tout ça, visiblement enthousiaste.Voilà au moins une lourde épine retiré du pied... Azra ignorait s'il ferait du bon boulot, mais c'était le mieux qu'il puisse faire, et il sentait qu'il pouvait avoir confiance au moins dans le fait qu'il essaierait.
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David le nerd
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