Dans le chapitre précédent…Interarc : Lame & Faera
Chapitre V : Ce qu'est le Courage
Akihito s'accrochait fermement à la paroi alors que la corde remontait rapidement, lui coupant toute possibilité de réviser son jugement. La corniche se poursuivait autant sur la gauche que sur la droite et n'était épaisse que d'une vingtaine de centimètres. Le jeune homme se déplaça lentement sur la gauche, s'éloignant de par ce fait un peu de son objectif. Il avait en effet vu lors de son repérage qu'un rocher relativement plat saillait de la falaise et offrirait un espace pour faire une pause relativement fiable. Le problème qu'il n'avait pas anticipé, c'était que le vent allait se lever. Sur les bords de la mer, les ynoriens avaient l'habitude de qualifier les vents côtiers « d'Humeur de Rana », ce qui entraînait souvent des disputes voir des rixes avec les fidèles de Moura dans le port. Rana avait en tout cas l'air particulièrement agitée puisque les vents soufflaient de manière complètement irrégulière. Akihito devait donc composer avec ce facteur supplémentaire.
Il arriva alors au bout de la corniche où il commença à descendre le long de la paroi. Le marteau de Valyus qui battait sa cuisse le dérangeait quelques peu, mais rien de bien grave. Les mitaines de cuir qui composaient ses gantelets de Faerunne l'aidait cependant à attraper des prises sans se faire trop de blessures aux mains. Une aspérité dans la paroi, un rocher pour son pied gauche, une faille un peu plus loin sur la droite... Akihito observait minutieusement son parcours et prenait son temps pour descendre la paroi. Il faisait attention de ne pas regarder trop bas pour ne pas avoir les jambes qui lâchent sous la peur de tomber.
D'aucun auraient essayé de rejoindre le rocher le plus vite possible : ce n'était pas le cas de Akihito. Depuis tout petit, il n'avait pas une grande confiance en ses jambes et l'équilibre qu'elles pouvaient lui fournir, préférant compter davantage sur la puissance de ses bras. Ainsi lorsqu'il grimpait aux arbres dans son enfance, Akihito évoluait principalement sur des chemins de grimpe qui nécessitait surtout une utilisation de ses bras. Bien sûr, il s'aidait également de ses jambes pour se stabiliser, mais préférai tracter sur ses bras plutôt que pousser avec ses jambes. Couplé à l'entrainement martial de son père, c'était des bras musclés que Akihito avait acquis. Il se permettait dès lors dans cette descente de pouvoir choisir avec précaution les prises qu'il utilisait pour ses pieds. A un moment, une pierre se déroba sous ses pieds et il ne dût sa survie qu'à ses muscles qu'il banda sur instantanément pour ne pas tomber de toute sa hauteur. Il arriva finalement au rocher et s'y arrêta un moment. La mousse qui le recouvrait semblai rongé par les vents salés et n'était donc pas très glissante. Akihito pu profiter de sa pause et de ce nouvel angle de vue pour étudier son chemin. Il apparut bien moins facile que ce que laissait présager lorsqu'il avait regardé du haut de la falaise, mais restait néanmoins faisable. La plateforme de pierre ne se trouvait plus qu'à une grosse quinzaine de mètres de lui, puisqu'il avait dû s'écarter un peu dans son chemin.
Au moment de repartir après s'être reposé les bras, une puissante bourrasque de vent le surpris et le déséquilibra. Il tenta d'agripper une aspérité dans la falaise mais la mousse ne lui offrit pas un support assez stable. Dans un cri, Akihito glissa et tomba à plein ventre sur la pierre avant de se mettre lentement à glisser vers le vide et la mer, trente mètres plus bas. Il arriva à se rattraper à un trou présent sous la mousse, mais celui-ci était gorgé d'eau et donc glissant. Avec les jambes battant dans le vide, Akihito ne pouvait pas atteindre une prise avec elles.
(Et cette prise est trop glissante ! impossible que je me remonte en tirant sur les bras, je glisserai trop facilement.)(Chercok ! Rana toute puissante, fait attention !)(Amy ! Tu tombes bien, j'ai besoin de toi !)(Dis moi !)(Je veux que quand je lèverai ma jambe gauche, tu matérialises ton fameux socle d'air sous mon pied pour que je puisse m'en servir d'appui et remonter. Tu peux faire ça ?)
(Oui sans problème !) assura la Faëra.
(Ok, je compte sur toi !)(Fait moi confiance.)Akihito n'était cependant pas très confiant. S'il avait pu garder un calme ranaïque, il n'en menait pas large pour autant. Il allait lâcher prise d'ici quelques secondes et il devait se fier à une capacité qu'il n'avait jamais vue à l'oeuvre, d'une Faëra qu'il ne connaissait que depuis ce matin. Mais bon, ce n'est pas comme s'il avait le choix. Raffermissant sa prise précaire, l'enchanteur leva la jambe gauche sur le côté en faisant remonter le genou aussi haut qu'il le pouvait au niveau de ses côtes.
(Vas y !)Sans attendre la confirmation de la Faëra, Akihito abaissa son pied comme s'il prenait appui sur une marche. A sa plus grande surprise, il sentit quelque chose de plat et de solide sous la plante de son pied. Il ne perdit pas une seconde et s'appuya sur sa jambe pour se mettre droit sur la plateforme d'air. Il s'en jeta sur le rocher et sentit que la pointe de son pied gauche chutait dans le vide alors que le socle se dissipait ; Néanmoins, il se sauva de cette situation mortelle en s'accrochant à la paroi. Le coeur battant à toute vitesse, Akihito recommença enfin à respirer. Il avait retenu la respiration sans s'en rendre compte.
(Merci Amy.)
(Eheh, pas de quoi ! Je suis ta Faëra, j'allais pas déjà te laisser tomber.)(Joli le jeu de mots, sachant qu'on a faillit devoir me ramasser à la petite cuillère trente mètres plus bas.) répondit le fulguromancien en souriant.
Il se releva et pensant au petit Evan, recommença sa descente vers la plateforme. La progression se faisait en diagonale, puisque Akihito descendait aussi bien qu'il se déplaçait sur la droite pour rejoindre la plateforme. Ayant pris l'habitude avec le début de la descente, Akihito prit moins de temps pour chercher ses appuis, plus sûr de lui à mesure qu'il progressait. Il profitait des rares corniches pour diminuer l'effort qu'il imposait à ses bras, avant d'arriver à un passage qu'il n'avait pas prévu.
Au bout d'une corniche, il se rendit compte que ce qu'il avait pris pour une faille lui permettant de passer au-dessus de la caverne dans la roche était en fait de la mousse. Il ne pouvait donc pas s'y accrocher. Et aucune prise ne semblait pouvoir être utilisable à partir de la corniche.
(Enfin, il y a bien celles-ci... Mais les prises sont trop petites, j'ai pas le niveau pour ce genre de truc.)Les seules prises convenables qu'il avait à disposition se trouvait après la fausse faille.
(Tu peux faire encore combien de plateforme aérienne Amy ?)(2, pas plus.)(Mmmh, un peu juste pour me laisser tomber jusqu'en bas...)(Oui, n'oublie pas surtout que mes plateformes ne sont pas si grandes que ça.)(Bon, on va faire le grand saut alors.)(Hein ?)Akihito pointa la falaise plus loin. A travers les visions que lui transmet Akihito de ses yeux, Amy vit une fissure horizontale d'une vingtaine de centimètres pour un bon mètre de largeur... A plus de trois mètres de là où il se trouvait.
(... Tu n'es pas sérieux.)(Eh, c'est pas comme si j'avais beaucoup de choix. A vivre sans péril...)(On meurt sans courage. Soit, faisons comme ça. Si jamais ça marche, je serai presque tentée de te donner les pétales du Courage de la Kizoku Hana.)(Mais ?) demanda Akihito, essayant de ne pas penser au vide vertigineux qu'il s'apprêtait à franchir.
(Mais on voit d'abord si tu atterris en un seul morceau de l'autre côté. Quand tu veux !!) lui répondit la sphère colorée dans son esprit.
Respirant à fond, Akihito jeta un coup d'oeil en l'air pour voir si les soldats suivaient toujours sa progression depuis le haut de la falaise. C'était évidemment le cas.
(Ils vont me voir marcher dans les airs, j'espère qu'ils ne me demanderont pas comment j'ai fait.) Il se focalisa ensuite sur ce qu'il avait à faire. Une tâche qui reposait une fois de plus sur l'aide d'Amy. La seule différence, c'est que là il se mettait réellement en danger, volontairement. Il devait cependant le faire.
Il cessa de penser et prit la plus grosse impulsion qu'il pouvait sans avoir d'élan. Il entendit des exclamations de peur mais n'y prêta pas attention. Au terme de son saut, il commençait déjà à chuter.
(Amy !)(Ay !)Une fois de plus, Akihito senti sous son pied droit une sensation de dureté qu'il n'aurait pas dû trouver en plein milieu de l'air. Il ne s'y attarda pas et se propulsa de plus belle vers la faille, tendant sa main gauche le plus loin possible. Le temps ralentit alors et il vit lentement la main rentrer avec succès dans la fissure, puis senti plusieurs de ses ongles se briser en percutant le fond de la paroi. La douleur lui fit grincer des dents puis grogner quand tout son corps percuta la paroi, lui coupant le souffle et manquant de lui faire lâcher prise. Il tint cependant bon en s'accrochant également avec sa main droite et en plaçant son pied droit sur une excroissance rocheuse. Les exclamations se muèrent en surprise puis en vivats, saluant le courage du jeune fulguromancien.
(.. Si je ne te donne pas tout de suite la Kizoku Hana, c'est parce qu'il faut que tu montres que ton courage n'est pas égal à ta folie. Le porteur de la lame doit être courageux, pas suicidaire.)(j'ai bien trop de choses à faire pour mourir maintenant.) répliqua le jeune homme en suçant ses doigts pour retirer le sang qui commençait à couler. Il se remit de nouveau en route et termina de descendre jusqu'en bas. Les dernières prises s'avérèrent ardues, autant à cause du vent qui longeait les parois pour s'engouffrer sous son corps que le sang qui rendait parfois des rochers peu stables. En posant le pied sur la plateforme en face de la caverne, il se rendit compte que son origine était sans aucun doute magique : bien trop lisse pour être naturelle et elle semblait se fondre dans la paroi, comme si elle en sortait. Essuyant une dernière fois ongles meurtris, Akihito pris une grande inspiration. Tout le stress que lui avait procuré cette escalade, toute cette tension s'évacuait.
(Et tout ça en cinq minutes seulement... Un peu plus et j'aurai pété les plombs. Mes bras n'auraient pas supporté plus également.) constatât-il.
Sortant l'éclat de San-Divyna qui ne le quittait plus depuis qu'il l'avait récupéré chez la comtesse Cédure et pénétra dans la caverne obscure. Il profita de l'éclairage solaire pendant la première dizaine de mètres, puis un double tournant dans le tunnel lui en priva. Il progressait dans la caverne et fort de son expérience à Mertar, évolua avec une certaine aisance dans l'obscurité.
Au bout d'une minute, il sentit une curieuse odeur. Une odeur de moisissure végétale, comme des champignons ou du lichen qui aurait prit l'humidité. Ne s'en inquiétant pas outre mesure, il continua son chemin. La moisissure au fond d'une caverne, proche de l'humidité de la mer, cela lui paraissait logique. Il aperçut alors une lueur jaune au fond, comme celle d'une pièce éclairée à la torche. Il ralentit alors le pas et étouffa à moitié la lueur du métal de lumière. Mais quelque chose de bizarre se passa. La lueur au fond du tunnel vacilla, puis devint floue. Perturbé, Akihito regarda la lumière de sa main pour focaliser son attention et faire en sorte que sa vue ne soit plus brouillée. Mais encore plus étrange, la lueur de la lumière de la San-Divyna s'estompa elle aussi jusqu'à le plonger dans le noir.
(Mais il se passe quoi ? J'ai pas fermé les yeux pourtant !)Akihito ouvrit alors la main, la pierre se remit à briller de son plein éclat. Satisfait, il releva les yeux et réaperçut la lueur flamboyante au fond. Elle lui paraissait plus forte même. Le vent souffla alors dans ses cheveux, faisant bruisser l'herbe autour de lui. La lueur des étoiles dans cette nuit sans Lune éclairait faiblement la plaine qui...
(Du vent ? De l'herbe ?! La nuit ???)(Amy, qu'est ce qui se passe ?)
(Amy ?)
(AMY ?!)Sa Faëra ne lui répondait pas et Akihito était passé d'une caverne en pleine journée à une plaine en pleine nuit. Quelque chose ne tournait décidément pas rond.
(Je dois délirer c'est pas possible !). Akihito se pinça très fort le bras, jusqu'au sang. Le sang coula le long de sa peau et la douleur le fit jurer. Quel que soit l'illusion que Akihito était en train de subir, elle lui paraissait très réelle, bien qu'il n'y connaisse rien. Une question le tarauda cependant.
(Si je ne suis plus dans la caverne, c'est quoi cette lueur ?)Une brusque bourrasque de vent le frappa. Avec lui, il charria de petits grains qui piquèrent les yeux de Akihito, lui griffèrent la gorge et une odeur de brûlé. Après avoir toussé pour nettoyer ses poumons et sa gorge, l'enchanteur se concentra d'avantage sur la lueur lointaine. Une lueur qui illuminait le ciel. Un feu si imposant qu'il faudrait faire brûler une forêt entière pour obtenir pareil spectacle. Une forêt ou...
Une ville.
Le sang de Akihito se glaça. Il courut immédiatement en direction de l'incendie, redoutant de toute son âme ce qu'il pourrait découvrir. Et à mesure qu'il approchait, ses craintes se confirmèrent. Lorsqu'il trébucha sur le premier corps étendu sur le sol, il réalisa ce qu'il se passait vraiment. Horriblement saccagé, le Samourai oranais étreignait une hampe brisée entre les mains. Plus loin gisait un Garzok qui, éclairé par la lumière de l'incendie, rendait son sourire plus cruel, malgré l'absence de vie dans son regard et la lame de naginata plantée dans son torse. Sa main étreignait toujours quant à elle la tête d'un homme, ou d'une femme, Akihito n'aurait su le dire.
Il leva des yeux qui se remplirent de larmes de rage, de peur, de tristesse.
Oranan avait été attaqué.
Oranan avait été saccagé.
Oranan brûlait.
Oranan avait chuté.
Prenant le marteau dans sa main, Akihito courut et entra dans la ville par des portes arrachées de leurs gonds. Partout, les maisons brûlaient. Des corps sans vie jonchaient le sol, Garzoks ou ynoriens, mais bien trop souvent le deuxième plutôt que le premier. Femmes, enfants, vieillards : personne ne semblait épargner. La chaleur du brasier géant brûlait la gorge du jeune homme qui se couvrit le visage avec un pan de sa cape alors qu'il progressait dans les rues. Il n'en croyait pas ses yeux. Des lieux dans lesquels il avait grandi, des endroits qu'il avait adorés, des visages parfois familiers... Le spectacle de désolation choquait tellement Akihito, l'écoeurait au-delà de toute idée qu'il avait pu imaginer, qu'il ne pouvait même pas vomir. Il errait dans une ville en ruine. Il passa devant la boutique des Himatori : le père de Hïo était empalé par sa propre javeline, sa Pièce de Forge, contre la porte de sa forge avec une dizaine de corps de Garzoks morts devant lui. Au moment où Akihito l'approcha pour voir s'il respirait encore, les madriers de bois cédèrent et le bâtiment s'écroula en écrasant le corps du malheureux.
Les larmes qu'auraient voulu verser Akihito s'évaporaient après avoir quitté ses yeux, les asséchant par la même occasion. Alors qu'il s'éloignait de là, un Garzok surgit par hasard d'une ruelle. Il aperçut le jeune homme et avec un sombre sourire, leva sa hache en chargeant. Akihito le fixa, les yeux brûlant de haine. Un puissant arc électrique sorti de ses doigts et vinrent frapper le torse du monstrueux humanoïde de plus de deux mètres, qui grogna sous l'impact mais continua sa charge. Akihito enveloppa le marteau de fluide de foudre et envoya un puissant coup fracasser la rotule du Garzok en glissant pour esquiver son coup. La jambe se tordit dans un angle improbable et le monstre s'écroula au sol en lâchant son arme. Akihito se retourna vers lui et voulu l'achever d'un coup sur le crâne, mais une contre-attaque désespérée du Garzok de son poing bardé d'acier le manqua de peu. En représailles, l'enchanteur fit voler d'un coup sec la hache grâce au magnétisme : elle entailla profondément le biceps du Gareok qui tentait de se relever, le remettant à terre. Sans aucune autre forme de procès, Akihito s'approcha de nouveau de lui et dans un cri de rage muet, explosa la boite crânienne du Garzok contre le pavé.
La mort dans l'âme, Akihito se dirigea désespérément vers sa maison, espérant sans trop y croire. Pourtant, pour la première fois, il entendit des cris. Des cris humains. Des cris de sa mère. Il courut encore plus vite et assista à un spectacle horrible. Les habitants de sa rue étaient tous morts, éventrés dans la rue. Devant chez lui, à une vingtaine de mètres, une dizaine de Garzoks encerclaient son père, qui protégeait avec le seul bras qui lui restait sa femme. Un Garzok tenta de l'attaquer, mais un rapide coup de katana tranchant sa main le fit reculer. Akihito voulut crier, interpeler son père, attirer les Garzoks, faire quelque chose. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Son père le remarqua alors, au coin de la rue. D'un secouement de la tête, il refusa l'aide muette de son fils. Tout de suite après, une demi-douzaine de Garzoks les rejoignirent.
(Je ne peux pas les affronter tous. Mais je dois sauver mes parents ! Ils ont besoin de moi !)(Akihito...)
(Akihito...)
(AKIHITO !)La voix d'Amy résonna dans sa tête. Elle semblait étouffer, comme si elle parlait à travers un voile d'eau.
(Akihito, tu dois te ressaisir ! Ce que tu vois n'est pas réel ! C'est une illusion !)
Au fond de lui, il le savait. Il savait que c'était une illusion, que c'était un tour de son esprit. Mais tout lui semblait si réel, les bruits, les odeurs, le toucher les sensations les émotions le craquement du crâne du Garzok contre la pierre le regard désespéré de son père !
(Tu ne dois pas mourir, tu m'entends ? Si tu mourais, ton véritable corps en souffrirait aussi !)(Mais comment sortir ?) Cette question resta sans réponse, peut être que la communication ne passait que dans un sens. Mais déjà les Garzoks avaient lancé l'assaut sur son père, qui en tua un, en blessa deux autres avant de disparaitre sous les coups, non sans un dernier regard à son fils.
« Ne viens pas. » disait ce regard.
Le cri déchirant de sa mère remplit alors l'espace et se poursuivit tandis qu'un Garzok la traînait par les cheveux. Akihito voulait intervenir, de toute son âme. Mais le combat serait trop inéquitable. Il allait mourir, sans l'ombre d'un doute. Un sacrifice inutile. Akihito s'enfonça dans une ruelle où il s'écroula dos au mur, derrière un tonneau. Il se demanda pourquoi il ressentait tout ça. Pourquoi cette vision de cauchemar lui était imposée. C'était sûrement ce qui était à l'origine du délire du soldat qui s'était jeté dans le vide en confondant ses compagnons avec des Garzoks. Mais pourquoi lui, sa vision était-elle ainsi ? Il en souffrait énormément. Mais il ne voyait pas une vision déformée de la réalité, son véritable corps ne devait pas s'être déplacé physiquement vu la distance qu'il avait parcourue pour rejoindre la ville.
(Je ne vois pas tout ça pour me suicider. Je vois tout ça pour que j'ai mal. On veut me faire souffrir.)Et quel meilleur moyen de le faire souffrir que de lui montrer sa ville natale à feu et à sang, son père mourir sauvagement et sa mère enlevée ? On voulait lui infliger le maximum de dommage mental. Le pousser à vouloir sauver ceux qui lui étaient chers. Et c'était difficile, si difficile de ne pas courir à la rescousse de sa mère. De ses amis, peut être encore en vie. Ou de simples habitants, tremblant chez eux qu'on les sauve. Mais Akihito n'avait pas cette force. Il ne ferait que courir à sa perte.
(J'ai abandonné ma mère.)L'enchanteur se leva et d'un pas chancelant, se dirigea vers la porte de la ville la plus proche.
(Je ne peux sauver personne.)Il arriva en vue de la porte.
(Je ne suis pas pas assez courageux, non...)
Et alors qu'il franchissait les portes...
(... Je ne suis pas assez fort.)Dès lors qu'il franchit la porte, l'air sembla se fissurer. Puis, tout le paysage vola en éclat, plongeant le monde dans les ténèbres. Akihito tomba à genoux, le souffle haletant. Sa vue se corrigea et il aperçut devant ses yeux la San-Divyna qui éclairait un sol de pierre.
(Akihito ! Tu as repris tes esprits !)(... Amy ?)(Oui ! Rana soit louée, quand je t'ai senti te figer comme ça et que tu ne me répondais plus, j'ai paniqué. Mais j'ai détecté le sort de torture mentale qui t'affectait, et j'ai essayé de forcer le passage à travers le sort, je ne sais même pas si j'ai réussi. Qu'est ce qui a bien pu t'arriver ? Tu...)Amy se tut quand Akihito lui partagea la vision de son cauchemar. La lumière du globe d'Amy oscilla longuement entre le rouge et le bleu, avant de prendre une teinte noire auréolée de cramoisie.
(Le fumier...)(Je sens des odeurs de champignons depuis que je suis entré. Sûrement hallucinogènes. Cela a rendu le sort bien plus puissant... Le soldat d'avant a dû devenir fou juste avec leurs émanations, c'est pour ça qu'il pouvait encore bouger.)(Akihito, tu détiens la Sagesse de la Kizoku Hana, tu es bien assez sage pour savoir te contrôler. Mais si Rana prône la tolérance, elle sait se montrer impitoyable avec ses ennemis. Et ta Voie est bien la Loi de Valyus non ? Sur cet aspect-là, Rana et Valyus se rejoignent.)Une colère bouillonnante brûlait en Akihito alors qu'il se levait. Il la réprima pour la remplacer par une froide détermination.
(Justice sera rendu pour le soldat mort et pour que jamais plus personne ne subisse la vision d'horreur que j'ai subis.)D'un pas rapide et en retenant sa respiration, Akihito traversa le couloir et arriva dans une grande salle éclairée par de nombreuses torches. La pièce était aménagée et comportait plusieurs meubles fait de pierre, comme une étagère à même la roche, une table de pierre fondue avec le sol. Il y avait également des chaises, des livres éparpillés un peu partout, une cage à oiseau en osier vide et un lit sur lequel le petit Evan était roulé en boule, sanglotant. Hiwa, lui, terminait de préparer un sac de voyage lorsqu'il se retourna, entendant Akihito approcher.
« Oh ? Tu as su te libérer de ma torture mentale ? Eh bien eh bien, tu n'es pas banal comme garçon. Je pensais que tu souffrirais encore un peu jusqu'à ce que je vienne t'achever, mais...- Relâche Hiwa tout de suite et rends toi. Je ne te le demanderai qu'une fois.- Je te trouve bien présomptueux, siffla l'homme en dégainant une rapière et en décrochant son bouclier du sac.
Tu peux toujours courir pour que j'abandonne ce gosse.
- J'espérais que tu répondrais ça. » répondit Akihito en se mettant en position de combat.
Trois secondes s'égrenèrent avant que Akihito et Hiwa ne se fonce dessus simultanément.
Ce qui allait être l'épreuve de Force de Akihito venait, sans qu'il s'en rende compte, de commencer.
A suivre…