Précédent : La libération
La moitié du trajet avait été effectuée sans nouvelles d'Hikar que déjà le crépuscule commençait à tirer sa révérence. Peu importe la luminosité, Hild avait appris à vivre dans l'obscurité. Elle continua ses recherches, tout en se remémorant la découverte qu'elle fut dans le laboratoire du guérisseur... Un tel poison n'avait pas sa place dans ce lieu. Elle ne connaissait que trop bien ses effets pour savoir que cette substance n'avait rien de bénéfique.
Tandis qu'elle continuait à se triturer l'esprit, ses pas la guidèrent vers un bateau échoué sur la rive. L'embarcation était assez élémentaire, douée d'un mat simple avec une voile solide. Dans une partie de la coque, Hild trouva deux mallettes en cuir ainsi qu'un sac en toile. Tandis que le sac contenait des vivres pour tenir encore deux jours, les malettes détenaient un contenu bien plus spécifique. L'une contenait des flacons en verre, certains pleins et d'autres vides, ainsi que quelques carnets où des illustrations de végétaux ornaient les feuilles de parchemin, soulignées par quelques mots. L'autre malette, quant à elle, gardait précieusement dans des tissus ou du papier des plantes entières, des morceaux d'écorces ou encore des pétales de fleurs. Aucun doute possible, ce bateau était celui du guérisseur : il était donc dans les parages. Hild reprit de plus belle sa recherche sachant que quelque soit l'issue, les mystères seront bientôt levés.
Elle parcourut à peine une demi lieue à travers arbres et buissons avant d'apercevoir une lumière semblant provenir d'un feu. Hild s'approcha farouchement de la source de cette luminosité, tachant de se camoufler derrière les arbustes, ne sachant sur quoi tomber. Au fur et à mesure qu'elle s'avançait, des grommèlements se faisaient de plus en fort, se transformant en une cacophonie de voix rauques. Et l'odeur... Hild ne connaissaient que trop bien cette puanteur qui rendait l'atmosphère presque irrespirable. Omyre pullulait de cette espèce maléfique. Elle jeta tout de même un rapide coup d'œil afin de vérifier ses suppositions. Trois êtres massifs et sombres se trouvaient là à faire ripaille autour du feu, un gigot pour repas et une tonnelet d'alcool tournant de mains en mains pour boisson. Leur peau épaisse avait la couleur du charbon et leur visage était déformé par d'immenses crocs proéminants. Des garzoks, cela ne faisait aucun doute.
Le coeur d'Hild se mit à s'agiter.
(Pourquoi ai-je encore peur ?) Elle tenta de reprendre son calme rapidement. Elle chercha des yeux un moyen de partir discrètement. Seulement, à peine une dizaine de mètres sur sa gauche, un individu vraisemblablement inconscient était enchainé au tronc d'un arbre. Qui était ce pauvre homme ? Tandis que les immondes créatures du mal continuaient leur festin, la milicienne tentait d'arriver à la hauteur du prisonnier se cachant derrière les troncs d'arbres.
Elle arriva finalement à son niveau sans se faire repérer. Le teint de l'homme était livide et les ecchymoses récentes bleutaient certaines parties de son corps. Du sang séché tachait sa barbe blonde de trois jours, il devait avoir à peu près 40 ans. Hild tenta de le réanimer en lui claquant la joue, essayant de ne pas faire trop de bruit. Comme par miracle, l'homme se réveilla en un sursaut, les yeux horrifiés. Hild mit immédiatement sa main sur la bouche du prisonnier, en indiquant d'un doigt sur ses lèvres qu'il fallait faire silence.
"Dites moi seulement votre nom"Hild retira prudemment sa main de la bouche de l'inconnu, qui eut besoin de se concentrer pour respirer avant de lui répondre en chuchotant.
"Hikar"C'était lui, elle l'avait enfin trouvé. Mais comment le sortir de là ?
"Qui êtes vous ?""Peu importe, je vais vous sortir de là."Le guérisseur fit tomber sa tête de fatigue contre l'arbre. Hild regarda attentivement les chaînes. Malgré la rouille présente sur les maillons, ils étaient solides et accrochés à un énorme cadenas, la clé se trouvant autour du cou d'un des garzoks. Pour délivrer Hikar, il lui fallait cette clé mais il n'y avait qu'un unique moyen pour la récupérer : neutraliser les geôliers. Il n'était pas aisé de tuer un garzok : ces bêtes étaient endurantes et fortes. Utiliser son arc n'était pas la bonne option : même si elle arrivait à en tuer un en une flèche (ce qui était peu probable), les deux autres la massacreraient avant même d'avoir le temps de dégainer un autre projectile. Les éléments autour d'elle ne lui serviraient en rien. Elle se souvint subitement qu'elle possédait dans son sac un flacon de la fameuse strychnine. Une fois la dose administrée, même le plus puissant des grazoks mourrait dans la demi-heure. C'était la seule solution qu'elle avait. Il lui fallait alors verser le liquide dans le tonnelet commun d'alcool.
Elle s'approcha au plus près du campement, et se cacha derrière un fourré, à un mètre d'un des garzoks. Maitrisant sa respiration, elle chercha un moyen de les divertir afin d'exécuter son plan. Inspectant les alentours, elle remarqua qu'un immense arbre comportait de nombreux oiseaux paisiblement endormis... La jeune femme trouva sa diversion. Elle attendit patiemment que le tonnelet arrive vers le garzok se trouvant près d'elle. Il but deux gorgées et posa le précieux récipient à sa gauche, tout près de la milicienne.
Le moment était venu. Elle bandit lentement son arc et ferma un oeil. Elle visa le tronc d'arbre avec précision, respirant lentement. Puis elle prit une longue inspiration, bloqua ses poumons, ouvrit grands ses yeux et tira. La flèche trancha l'air avant de se loger dans l'écorce de l'arbre-cible. Les oiseaux, par pur réflexe de survie, s'envolèrent bruyamment de leur branche. En un instant, les trois créatures tournèrent leur tête à la recherche de ce qui avait troublé leur repas.
" C'est quoi c'bordel ?"Interloqués par cette envolée, ils se levèrent un instant scrutant l'horizon.
"Ils sont malades ou quoi ?""Abrutis d'oiseaux...""C'était à cause de quoi ?""On s'en fout. Mangeons, ça va r'froidir"Hild eut tout juste le temps de vider le contenu de la fiole dans le tonnelet avant qu'ils ne se rassoient.
"A boire !"Le tonnelet fit le tour des trois garzoks et, en à peine deux minutes, il était vide. Hild n'avait plus qu'à attendre non trop longtemps que le poison fasse effet.
Après 10 minutes, les premiers symptômes commençaient à apparaître : les monstres commençaient à avoir des spasmes au cou et à la tête.
(Enfin... Vous allez mourir, créatures démoniaques)"Putain mais qu'est-ce j'ai ?""J'ai l'impression que ma tête va s'arracher ! Ça fait un mal de chien !"Plus les minutes passaient et plus leurs cris de lamentation augmentaient. Leurs mouvements devenaient incontrôlables. Ils s'écroulèrent par terre en hurlant à la mort, tentant vainement de se maîtriser. Mais leur corps se contractait chaque fois un peu plus, les convulsions étaient impressionnantes et de plus en plus fortes. Hild regardait attentivement le spectacle macabre derrière son buisson, attendant patiemment la fin de leur agonie. Les yeux des garzoks devenaient livides, la vie les quittait petit à petit. Se tenant la gorge, les créatures tentaient d'avoir un ultime souffle d'air. Malgré leur lutte, Phaïtos eût raison d'eux. En un instant les convulsions cessèrent et le silence revint.
Hild se releva lentement, regardant d’un air dédaigneux les cadavres des monstres. Elle s’avança lentement vers la gardien de la clé et se pencha vers sa nuque, limitant sa respiration car l'odeur était insupportable. Après avoir sorti une flèche de son carquois, Hild utilisa le tranchant du projectile pour couper la ficelle autour du cou du garzok, délivrant ainsi la précieuse clé. Elle ramassa le petit objet et se dirigea vers le guérisseur pour le délivrer. Accroupie à ses côtés, elle mit la clé dans la serrure rongée par la rouille et le cadenas s'ouvrit.
« Vous les avez... »« Dépêchons, on ne doit pas s'attarder ici. »Hild aida Hikar à se débarrasser de ses chaînes. Une fois libre, il tenta de se relever mais s'écroula aussitôt. Hild passa alors le bras du pauvre homme autour de ses épaules et tenta de le relever. Tremblant, il arriva tout de même à se mettre debout. L'aide d'Hild lui était nécessaire pour avancer : ses pas étaient hasardeux et fébriles. La jeune femme essayait de forcer la cadence mais la fuite était d'autant plus ralentie par Hikar qui regardait épouvanté le spectacle macabre.
« Ne regardez pas, concentrez vous sur vos pieds. »Le guérisseur s'exécuta et fixa ses pieds, permettant au binôme d'accélérer.
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