<--- Il n'y avait que deux choses que je ne supportais pas. La bière tiède et les enfants. La première était une pure aberration, un gâchis total du goût. Quant aux enfants... Ils couraient, criaient et pleuraient partout. Je n'arrivais pas à imaginer que j'eus été ainsi pendant un temps. Et j'arrivais encore moins à imaginer comment, en sachant qu'ils seraient ainsi, des parents pouvaient vouloir des enfants ! Et bien évidemment, il fallut que le village que je traversais en fut rempli ! Accélérant la cadence pour sortir au plus vite de ce hameau braillard et irritant, je ne fis pas attention à là où je mettais les pieds. Lorsqu'un craquement se fit entendre et qu'en baissant les yeux, je vis que je venais de briser une espèce de bâton long de deux pieds, je ne compris pas immédiatement ce que je venais de faire. Ce fut en croisant le regard du petit garçon qui me regardait que je compris :
"Mon... Mon épée !"Le mioche se mit à pleurer toutes les larmes de son corps, sans que je ne sus quoi faire. J'étais désemparé face à cette petite chose désespérée par la perte de son jouet favori.
"Je... Je suis désolé petit ! Je ne savais pas que c'était ton épée ! Mais ne t'inquiète pas, tu en trouveras une autre, hein ?"
"Vous comprenez pas ! C'était une épée magique ! On m'avait choisi pour la recevoir, on m'avait désigné comme son porteur ! Je n'ai pas été capable de la protéger..."Tandis qu'il partait dans son histoire complètement imaginée, je me demandai que faire. Il était clair que ce gamin croyait dur comme fer à ce qu'on lui avait dit. Le seul moyen de me sortir de ce pétrin était de lui inventer une nouvelle histoire à laquelle il croirait suffisamment pour ne plus s'inquiéter de l'ancienne. Avisant une pierre noire qui se trouvait derrière ma chaussure, je fis semblant de la sortir de ma poche.
"Tu m'as l'air d'un garçon intelligent. Comme tu as déjà été au contact de la magie avec ton épée, je pense que je peux compter sur toi pour la tâche que je vais te confier. La pierre qui est dans ma main est une pierre magique. Elle sert à ouvrir une porte vers un autre monde et j'en suis le gardien. Des hommes sont à mes trousses. Ils veulent s'emparer de la pierre afin d'avoir accès à ce monde et le contrôler."Le petit avait pris un air sérieux et semblait très concentré sur ce que je disais.
"Je comprends, mais qu'est-ce que je viens faire là-dedans ?""Je vais te confier la pierre et mener mes poursuivants sur une fausse piste. Ensuite, je reviendrais chercher la pierre. Mais ne te fais pas d'illusions, ce ne sera pas une tâche facile ! Tu pourrais avoir à combattre d'affreux monstres pour la défendre ou attendre plusieurs mois que je revienne ! T'en sens-tu capable ?"
"Oui, enfin je crois. Vous pensez que je vais y arriver ?""On m'a dit que tu étais l'homme le plus brave du village, m'aurait-on menti ?""Non monsieur !""Très bien, alors je veux que tu réunisses tout le courage que tu as en toi et que tu tiennes sur tes gardes dorénavant. C'est compris ?""Oui monsieur !""Très bien, voici la pierre, prends-en grand soin !"Je déposai délicatement la pierre dans sa main et reculai d'un pas.
"Je dois maintenant te laisser, ils ne doivent pas savoir que la pierre a changé de main. Au revoir, j'espère que nous nous reverrons un jour ! Et si ce n'était pas le cas, tu seras désormais le gardien de cette pierre"Sans lui laisser le temps de me répondre, je repris la direction de la forêt au pas de course. Puis avant de tourner au coin de la rue, je jetai un dernier coup d’œil. Il était encore debout au milieu de la rue, serrant la pierre dans sa main et arborant l'air fier d'un homme qui se sait destiné à un grand avenir.
En un sens, je me sentais un peu mal de lui avoir menti comme ça mais, en même temps, il serait heureux en croyant avoir une telle destinée et surtout, je serais débarrassé de lui.
Quand j'eus atteint l'autre bout du village, je pus apercevoir la forêt. À cette vue, j'émis un long sifflement.
(Et ben ça ! Elle est gigantesque... Comment est-ce que je vais pouvoir retrouver ma Faera là-dedans ? )Pourtant, je n'avais guère le choix. Les deux jours de quartiers libres que m'avait donné mon maître ne seraient apparemment pas de trop pour cette recherche.
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