Inscription: Lun 6 Déc 2010 20:42 Messages: 754 Localisation: Oranan
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L'antique temple (Partie II)
Il gravissait lentement la volée de marches menant au piédestal. L'escalier avait souffert avec les années et quelques bons bouts manquaient à l'appel. Il se concentra sur l'endroit où il mettait les pieds pour ne pas se tordre une cheville. Il s'arrêta et leva le nez d'un mouvement vif, tendant l'oreille. Il avait entendu quelque chose. Il resta immobile et silencieux, mais le son ne se reproduisit pas. Il mit cela sur le compte de la vieillerie des pierres et des animaux qui avaient dû élire domicile dans cet ancien temple magique. Il fit un pas de plus et sentit un fil se tendre contre son tibia. Avec une vivacité sans pareil, il effectua une roulade vers l'avant. La boule de feu frôla ses cheveux émettant une odeur nauséabonde de viande carbonisée. Il avait eu chaud. Quand finiraient enfin ses satanés pièges !?
Il observa le sol devant lui pendant une bonne minute mais ne détecta rien, ni plaque, ni fil, ni trou. Peut-être était-ce enfin la fin. Il s'approcha du piédestal. Ils étaient là, enfermés sous une cloche de verre les protégeant de l'usure du temps et de la poussière. Il tendit une main vers la cloche, puis se ravisa soudainement. Il avait senti une aura de fluide, elle aussi était piégée.
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La nouvelle pièce était étonnamment bien éclairée, à contrario du vestibule d'où je venais. Un froid glacial l'envahissait cependant, bien plus qu'à l'extérieur où l'hiver régnait. Je resserrai mon manteau autour de mes épaules et avançai un peu plus. Je glissai alors et chutai violemment. Ma tête cogna brutalement le sol glacé. Je grognai et frottai l'arrière de mon crâne où je sentais déjà une bosse commencer à germer. J'observais alors plus amplement les lieux, assis sur mes fesses. Les murs et le sol étaient de glace, se reflétant l'un dans l'autre tels d'immenses miroirs. Je comprenais alors pourquoi j'avais atterri par terre.
La salle était presque vide mis à part un bloc de glace, carré, d'une dizaine de pieds de côté en son centre. De l'autre côté de cet amas gelé, une autre porte au beau milieu du mur du fond, symétrique à celle que je venais d'emprunter. Je me relevai et tenta de la rejoindre tant bien que mal, glissant et marchant simultanément. Dans une dernière cabriole dotée d'un mouvement de hanche des plus improbables, j'atteignis enfin l'ouverture. À ma grande surprise, celle-ci ne comportait aucune poignée. Je poussai alors, puis tirai, puis poussai de nouveau, je soufflai, donnai un coup de pied dans le métal, me fit mal, puis abandonnai. Je savais que c'était vain. Il devait y avoir un autre moyen de passer outre ce maudit portail de métal.
Retournant près de l'immense bloc de glace, j'en fis le tour, observant ses moindres recoins, mais rien de spécial ne parvint à mes yeux. De la glace, de la glace et encore de la glace, voilà ce que réservait cette salle. Je me questionnai sur l'intérêt de cette pièce quand Toal prit la parole.
"Peut-être que tu pourrais essayer de défoncer la porte avec le bloc de glace ?" "Ahah ! Très drôle ! Et comment je le déplace ce machin, ça doit peser des tonnes !" "C'est vrai, mais, comme t'as vu, la glace, ça glisse." "Ouais, merci de me le rappeler ..." "Et la glace sur la glace, ça glisse encore plus. Je suis sûr qu'il suffirait d'un tout petit élan dans la bonne direction pour que le bloc n'atteigne la porte." continua-t-il comme si de rien n'était. "Même un tout petit élan comme tu dis, je vais jamais y arriver !" "Pfff ! T'as aucune volonté !" "Très bien ! J'essaie !"
Je m'arquai alors contre le mur gelé et poussai de toutes mes forces. Le bloc ne bougea pas d'un poil, je poussai alors encore plus fort, m'inclinant de plus en plus. Mes pieds perdirent leur appui dans une nouvelle glissade et je m'étalai face contre terre.
"Non mais quelle idée de mer..." "Le feu !" me coupa Toal. "Et beh ? Quoi, le feu ?" "Si tu chauffes la glace, ça glissera tout seul, t'auras même pas besoin de pousser ! Enfin, peut-être un peu, mais même ta force de mouche suffira." "C'est moi qui vais te cramer, tu vas voir !"
Je m'attelai tout de même à mettre en oeuvre l'idée de Toal. Me plaçant entre la montagne carrée et gelée et la porte, je m'efforçai de ressentir les fluides qui dansaient à l'intérieur de mon corps et captai une partie de ceux de l'élément du feu. J'élevai alors mon bâton pour l'abaisser ensuite. Un chemin enflammé se dressa du bloc de glace jusqu'à la porte. Je laissais la chaleur agir une dizaine de secondes puis interrompais mon sort. La montagne de glace bougea de quelques centimètres, puis prit de la vitesse. Je m'empressai de fuir, m'écartant de son passage. Après avoir avalé les derniers mètres qui la séparait de l'accès, la glace s'y écrasa violemment, faisant trembler les murs et le sol, mais la porte ne céda pas pour autant.
"Et voilà ! C'était vraiment une idée de bouse de Brok’nud ! Maintenant, on ne peut même plus espérer passer par la porte !"
Cependant au moment même où j'admonestais mon faera, je pus voir, à travers la glace, le métal de la porte se geler, émettant un cliquetis étrange. Puis, finalement, la montagne de glace explosa en un magnifique nuage de neige qui se reposa lentement sur le sol. La porte, toujours en état de gel, s'ouvrit alors toute seule, laissant le chemin libre vers un nouveau couloir ennuyeux.
"Je retire, c'était une excellente idée, digne d'une faera !"
Je me mis alors à cabrioler "lutinement", riant et glissant sur le ventre jusqu'au nouveau couloir.
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Il faisait les cents pas autour de la cloche de verre. Aucun système n'était visible. Aucune énigme n'était à résoudre. Il fit le tour de la pièce entière une énième fois, mais rien. Il jura et donna un coup de pied dans l'une des colonnades. Celle-ci, en équilibre encore instable perdit l'une de ses pierres qui s'écroula sur le sol à un mètre à peine de lui dans un bruit assourdissant.
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Alors que j'allais découvrir la nouvelle salle en actionnant la poignée, le sol se mit à trembler et un bruit d'éboulement sembla s'élever du sous-sol. Je tendis l'oreille, mais aucun nouveau son n'y parvint.
(Bon, faudrait se dépêcher avant que ce temple ne nous tombe sur le coin de la figure !) (Je suis tout à fait d'accord, allons-y.)
Les gonds grincèrent et un vent frais s'évacua de la pièce, m'ébouriffant les cheveux et m'obligeant à retenir mon bonnet de lutin. J'entrai et m'arrêtai presque instantanément. Je me trouvais sur une minuscule plateforme et devant moi s'étendait un immense gouffre sans fond. À une vingtaine de mètres de l'autre côté, une autre plateforme soutenait une autre porte. Le vent qui remontait de l'intérieur du gouffre était puissant.
"Bon ... Et bien, c'est là que je regrette de ne pas avoir appris à léviter avec Isilmas, c'est ça ?" "Euh ..." "Et toi ? Tu ne peux pas me faire voler ? T'as des ailes, non ?" "Bah, moi je peux y aller, mais je peux pas t'emmener. Je suis juste fait de fluides, donc je ne suis pas physiquement réel. Enfin, je suis pas dur, si tu préfères. Si j'essaie de t'attraper, bah je passe à travers." "Surtout n'essaie jamais de faire ça t'entends !?" dis-je en grimaçant. "Héhé ! On verra ! Et, au fait, les ailes, c'est juste pour faire joli, on n'en a pas besoin pour léviter." "Mouais, bah ça m'arrange pas !"
Je penchai la tête par-dessus le bout de la plateforme pour m'assurer de la profondeur du gouffre. Le vent souleva mes cheveux et fit s'envoler mon bonnet.
"Hé !"
S'engouffrant dans le vêtement en forme de cône, l'air le fit léviter au niveau de mes yeux et je n'eus aucun mal à le récupérer. Remettant mon précieux bonnet or sur ma tête, je souriais soudainement.
"J'ai une idée ! Le vent qui souffle va me permettre de traverser ! Il suffit que je fasse une sorte de toile en forme de cône, comme mon bonnet et ça me permettra de léviter au-dessus de ce trou. En plus, je suis pas très lourd, donc ça devrait aller ..." "Mouais, c'est pas mal, mais comment tu vas faire pour te déplacer jusqu'à là-bas ?" dit-il en voletant en direction de la plateforme en face. "Ah ouais, euh ..." dis-je en me grattant le menton. "Je sais ! Je vais lancer un jet d'eau dans la direction opposée, avec la pression, ça me fera avancer. Par contre, je ne pourrais pas utiliser mes mains, car je devrais tenir ma toile. Faudra que je fasse passer le jet par mes pieds ... Bon, construisons cette toile déjà."
Je me défis alors de mon manteau puis de ma tunique. Les liant ensemble, je parvins à construire un ensemble assez solide en forme de cône.
"Voilà, un ... pare ... pare-chute !" "Ahem !" "Quoi ?" "Non rien, je t'attends là-bas." rétorqua-t-il en s'envolant jusqu'à la plateforme suivante. "C'est pas la peine de me narguer, hein ! Bon, aller, j'y vais."
Fourrant mon bonnet dans ma poche et mes bottes dans mon sac, je tins ma construction par deux manches et m'élançai alors dans le vide sans plus d'anxiété. Comme je l'avais prévu, le vent souffla et fit gonfler ma voile improvisée, je lévitais alors sur place. Puis, tendant mes deux pieds vers la porte que j'avais empruntée, j'y concentrais mes fluides d'eau et relâchais le tout. Deux jets d'eau jaillirent de mes orteils pour aller s'écraser contre le mur et je fus propulsé en arrière à une vitesse fulgurante.
"Waaaaaaaaah"
Mon dos se cogna violemment contre le portail visé et j'atterris enfin sur la plateforme.
"Aouch"
Je soufrai de plusieurs contusions mais j'avais atteint mon but. Sentant que mon objectif n'était plus très loin, je m'empressai de franchir cette nouvelle ouverture après m'être rhabillé convenablement.
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Aucun sort de fonctionnait. Il tenta de lancer une pierre sur la cloche de verre, mais le projectile rebondit et retourna à l'envoyeur, le frappant en plein visage. Il s'affala. Cela faisait presque une heure que cette foutue cloche le faisait tourner en bourrique. Après tout, il allait peut-être tenter de l'enlever à la main. Avec un peu de chance, il ne perdrait qu'une main ou un bras ...
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Le bruit assourdissant d'une énorme cascade se fit entendre lorsque la porte s'ouvrit. Poussant un peu plus le panneau métallique, je restai estomaqué devant cette nouvelle pièce. Je me trouvais sur une nouvelle plateforme qui, contrairement à la précédente ne surplombait pas un gouffre, mais une rivière au courant rapide. Chaque pan des quatre murs de la salle était dissimulé derrière une cascade qui entourait alors la pièce, ne laissant une ouverture dans ce mur aquatique que pour découvrir les deux portes, celle que je venais de franchir ainsi qu'une autre, en face, toujours.
Le sol de la pièce était recouvert d'eau et au-dessus, flottait une immense plateforme carrée. En son centre trônait une balance qui était complètement penchée sur le côté gauche. Je sautai au-dessus de la rivière artificielle pour atterrir sur la plateforme principale puis je m'approchai de la porte en face. Comme je m'y attendais, celle-ci non plus ne comportait aucune poignée. J'imaginai que l'énigme à résoudre avait un rapport avec cette balance puisque c'était la seule chose qui se trouvait dans cette pièce, à part cet incessant flot aquatique.
Je rebroussai donc chemin et scrutai de plus près cette fameuse balance. Elle était faite du même métal doré et argenté que les portes, et étonnamment, malgré l'imposante humidité de la pièce, elle ne semblait pas avoir rouillé d'un pouce. Sur la pesette de gauche, un superbe vase en terre peint de frises extravagantes avait été posé. Il était rempli d'eau et au fond, en lorgnant à travers le liquide transparent, on pouvait lire un "4" gravé. Aux pieds de la balance, deux autres vases décorés de la même façon étaient rangés. L'un était plus petit que celui posé sur la balance et exhibait un "3" en son fond tandis que l'autre était plus grand et on pouvait y lire un "5". Je devinai sans mal que la porte s'ouvrirait lorsque la balance serait en équilibre parfait.
"Bah ! C'est pas difficile, il suffit de prendre le vase de quatre galons et de le vider dans celui de cinq. Ensuite, on remplit de nouveau celui de quatre galons et on pose chacun des deux vases de chaque côtés. Il sert à rien le vase de trois galons !" "Hmmm ... Je doute que ce soit aussi simple." "Tu sais, parfois tu pourrais me féliciter pour mon ingéniosité, hein !"
Sur ces mots, j'empoignai le vase de quatre galons et tirai, mais tous mes efforts furent vains, ce fichu récipient ne voulait pas bouger, il était collé à la pesette. Je grinçai des dents.
"Rah ! Mais pourquoi tu as toujours raison !?"
Toal ne répondit pas mais émit un petit ricanement cristallin qui eut le don de m'agacer au plus haut point.
"Bon alors, ça veut dire qu'il faut que je me débrouille avec les vases de trois et cinq galons pour en faire quatre. Réfléchissons ... Il est évident que ce sera le vase de cinq qui ira sur la balance, car celui de trois galons ne pourra jamais contenir quatre galons." "Jusqu'ici, t'as pas inventé l'eau chaude !" dit mon faera en ricanant de nouveau. "Ahah ! Mais t'es poilant ! Tu veux pas m'aider plutôt ?" "Non, j'aime bien te voir te creuser la tête. Peut-être que si tu y passes la nuit, je t'aiderai." "Grmblbl. Bon, alors, je peux tenter de remplir le vase de trois galons à peu près aux deux tiers, deux fois et je verse à chaque fois dans le vase de cinq. J'aurais alors quatre galons, qu'est ce que tu en penses ?" "J'en pense que si tu fais comme ça, t'es bien parti pour y passer la nuit ..." "Et alors ? T'as une meilleure idée ?" "Oui, mais t'es capable de la trouver toi-même."
Je grognai d'exaspération. En plus de ne pas m'aider d'un iota, cette saloperie de faera ne m'encourageait pas non plus des masses. Je devais me concentrer sur ma tâche, tout ceci n'était que mathématique et me rappelait la longue étude que j'avais dû faire pour trouver le nombre de noisettes de Mammy Ray. J’attrapai les deux vases libres et me dirigeai vers le mur-cascade sur ma droite.
(Bon, c'est déjà un début. Si je remplis le vase de cinq galons et que je le verse dans le vase de trois, j'obtiens exactement trois galons et deux galons dans chaque.)
Ce que je fis, prenant bien soin de remplir les vases à ras-bord et de ne verser aucune goutte à côté.
(Bon, et maintenant, il faudrait que j'arrive à ajouter deux galons dans celui de cinq ...)
Je me grattai la tête un bon moment avant de comprendre que cela était impossible à réaliser sans de nouveau toucher au vase de cinq galons. Rageant, je vidais les deux vasques dans la rivière.
"Bordel ! Bon, reprenons tout depuis le début. Ce qui serait bien, ce serait que je réussisse à avoir un galon dans le vase de cinq, comme ça je rajoute juste le contenu du deuxième vase et c'est gagné." murmurai-je à moi-même. "Mais, si ! Si je verse deux fois le petit dans le grand ... Voilà. Maintenant j'ai un galon dans le petit ... Et ... Ahah !"
J'accourais vers la balance, le grand vase dans les mains. Je faillis glisser sur une flaque d'eau et m'étaler, brisant le vase et toutes mes chances d'arriver à mon but, mais par un heureux coup du sort, je réussis à tenir sur mes deux jambes. Fébrilement, je déposais le vase de cinq galon qui en contenait quatre sur la pesette vide. Tandis que la balance tanguait d'un côté, puis de l'autre, puis de nouveau d'un côté, Toal m'argua d'une critique tout à fait pertinente :
"Tu as pensé au poids des vases ?" "Heu ..."
Mais déjà la balance s'était équilibrée, faisant disparaître la sueur froide qui m'avait parcourue quelques centièmes de secondes plus tôt. Un cliquetis se fit alors entendre et le son d'un chaîne s'enroulant autour d'une poulie s'amplifia. La porte disparut derrière le mur en s'élevant telle la grille d'un donjon. Elle s'ouvrit sur un escalier en colimaçon qui descendait encore un peu plus dans les entrailles du temple.
"Bien sûr que j'y avais pensé ! Heu ... Tu as vu d'autres vases de toute façon ?" "Mouais ..." "Tu peux faire ta grosse tête, n'empêche que j'ai réussi ! Bon, allons-y, j'espère que c'était la dernière énigme avant ce fameux objet, j'en ai marre !"
Je sautillai alors gaiement jusqu’à l'escalier tout en prenant bien soin d'enjamber une dernière fois la rivière synthétique.
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