Partir au petit matin n’est pas la meilleure idée que j’ai eue, encore une fois maison fait avec…qui plus est ce matin, une brume étrange enveloppe la forêt, comme si un voile épais était tombé pendant la nuit, comme si on avait voulu dissimuler la vie de la forêt. Ce qui est étrange c’est qu’au village, on voyait percer les premiers rayons de lumière de la journée naissante, ce sera un beau souvenir dans les heures sombres de ces recherches que je m’apprête à entamer de penser ainsi à notre petit peuple et à notre petite tribu.
C’était les pensées qui l’agitaient à la sortie du village forestier où il avait grandi. Quand on est lutin, les départs n’ont normalement rien de définitif, départ rime avec retour, les lutins des Sylves se rassuraient généralement comme cela. D’ailleurs, c’est une créature étrange que le lutin, anxieuse au moment du départ mais toujours prête à partir et une fois partie jamais envie de rentrer préférant prolonger les aventures. C’est une créature qui sort dont ne sait trop où comptant sur la chance, priant Zewen à chaque pas et jurant au suivant ! Enfin, ce matin, on ne pouvait pas se rassurer, le retour ne se ferait pas de lui-même, faudrait le provoquer si on voulait revoir les huttes perchées et les sentiers bordées de mousse, et puis il partait seul, rare, si rare que de mémoire de lutin ça n’arrivait jamais. A la sortie de la tribu il y avait le chemin qui mène à la ville des hommes, c’est long mais ça y arrive, on évite les gobelins, les hiboux, les araignées, on contourne un peu tout ça, puis le chemin se fait route et de la route on entr’aperçoit à deux trois milles les remparts gigantesques de la ville. Malgré les précautions qu’on pouvait prendre, ce chemin s’avérait tout de même dangereux, on n’est pas à l’abri d’une embûche gobeline…Mais il n’en était pas à des conjectures de la sorte. Il fallait qu’il s’équipe, qu’il trouve encore une monture…Il se remémore les derniers mots de son maître :
« Tu sais qu’il faut que tu partes, n’y revenons plus. Tu pourrais te joindre directement à la cité des hommes libres mais ce ne serait pas sage équipé comme tu l’es. Les lutins ne te donneront rien de plus que tout ce que tu as reçu pendant ces dix années d’apprentissages » (Cela fait quinze ans que je suis ici, quinze ans…)
« Les lutins ça veut pas apprendre, ça veut rire et chanter et jouer encore, et là-dessus on a raison personne ne pourrait venir nous en faire démordre ! Tu as ta baguette d’églantier et quelques habits que tu as déniché personne ne saurait dire où et tu partiras comme ça ! Dès demain ! » (Pour qu’il parle autant, c’est que l’heure est vraiment venue que je m’en aille…)Soupir.
Et le matin était venu comme ça, implacable et froid d’humeur au creux du grand chêne, le poussant à prolonger son apprentissage plus loin dans les terres, bien plus loin de sa forêt.
« Tu as réussi à posséder Poudre cristalline, c’est grande magie pour un être si petit que toi et tu auras à t’en servir dès la sortie du village » Le vieux comme un dément lutin se mit à rire et à railler la taille du jeune lutin comparée à la puissance des sorts qu’il pourra un jour détenir. Le vieux était comme ça, un rien l’amusait et encore plus les contradictions, c’est dans la race ce jeu sur les contradictions ! Mais fallait partir alors il lui a botté le derrière avec sa grande pousse de houx et dehors tonitruant sans plus d’au revoir. « Quand faut y aller faut y aller ! J’ai besoin de quoi dans un premier temps ? Ca serait bien d’apprivoiser un lapin ou un oiseau qui pourrait me porter un peu…Oh oui ça serait bien ! Hutcha aux oiseaux, Hutcha au lapin ! Ca claque ! »
Il parlait tout haut pour se donner du courage et on s’aperçoit que bien vite le lutin oublie dans quelle panade il s’engouffre…C’est bien gentil un lutin et malgré ce qu’on pourrait croire, enfin malgré ce qu’en pense Hutcha, il était tout pareil à ses comparses de sous les bois. Il avait décidé de commencer par se trouver un lapin, chose aisé par ici où les garennes n’étaient que chassé par les gobelins et les orcs et par la protection mystique et magiques des Faera, par ici ils n’osaient guère s’y aventurer pour la chasse. A la sortie de la tribu qui regarde le soleil se lever, il prit le nord, se glissant entre quelques fourrés d’épineux qui ne le mordirent guère, l’avantage d’être si petit dans une forêt si vieille, qui avait eu le temps de se développer vers les hauteurs, prendre une place colossale dans tous les sens, tant terrestres qu’aériens. Il s’approcha d’une garenne qu’il connaissait bien à l’époque pour y avoir taquiné les lapereaux avec Vatar, l’ami d’enfance de toujours qui le prit dans ses bras des les premiers moments de leurs arrivées avec ces parents.
« Pmfpfmpfm » Imitant le bruit du lapin pour se faire accepter ! (Si on me voyait, enfin je sais pas comment font les autres mais moi je vois que ça) Petit rire strident et étouffé aussitôt pour ne pas se faire remarquer. « Pmfpfmpfm »
Il s’approche encore un peu et peut voir à l’intérieur de la garenne. Rien n’avait changé, il y avait encore du petit monde dans ce trou là ! Le trou béant ressemblait à une gueule géante d’un animal endormi la bouche ouverte, bouche édentée aussi…Une odeur peu commune exhalait de l’endroit, pas de lapin, enfin peut-être que les lapins ont changé d’odeurs, en quinze ans des choses changent. La brume ne pénétrait pas dans le trou, il y faisait bien trop chaud pour cela ! « Punaise que ça creuse ses bestioles là, on en pas idée de faire des bifurcations comme ça ! Je vais où moi là ! Par là ça sent fort, on va y voir ! »
C’était à sa gauche et ça descendait légèrement, serpentant entre des racines d’arbre. A ce moment là, un petit bruit aigu se fait entendre, paralysé il ne bouge plus d’un pouce pour ne pas effrayer les lapins. Et le coquin de lutin se met à siffler une vieille sérénade murmurer par les arbres d’apaisement des créatures, de légères trilles et beaucoup d’harmonies, mais cela il l’ignorait, la musique c’est fait pour être jouer par pour être sérieux ! Foi de lutin !
« Fi, ça pue carrément ici pas possible que cela soit des lapins ! Oh Zemer !Des rats ! Ca pue le rat là dedans… »
Évidemment la fuite paraissait la meilleure échappatoire mais avec ces petites pattes de lutin ça ne serait pas des plus facile…Dépendait aussi du nombre de rats. Les rats aiment les lutins, la chair tendre et douce du lutin…
« Pfff ! On court !!!!!!!!!!!!!! »
Mais le rat ça court vite sur quatre pattes…Et pour faciliter la fuite, il fait aussi noir que dans le derrière d’un lutin des champs, que le nez pour s’en sortir de là dedans, va surement falloir qu’il improvise pour s’échapper en un seul morceau de ce trou…à rat ! Le rat court trop vite tout de même et il les sent de plus en plus proche de lui, une haleine fétide pleine de sang donne aux lieux une odeur de mort qu’il n’avait pas encore sentie jusqu’alors dans le terrier…
(ils ont du profiter de l’absence des gros lapins pour venir manger les petits, saloperie de rats, je risque de me faire croquer et j’aurai pas mes lapins porteurs !!!!)
Il en décompte trois…S’il sort, s’il y arrive un seul viendra lui chatoyer la couâne et avec un peu de chance il l’enverra au tapis…Mais la sortie ne se fait pas voir, c’est pas par ici qu’il était passé pour rentrer, la terreur monte et il se dirige vers une autre sortie qui semble bien, bien, bien plus loin. Les crocs des rats lui claquent aux fesses. Ses yeux vont sortir de ses orbites et la frousse le gagne complètement ! Encore une galerie ! Encore à droite ! Encore tout droit !
(Ca sent la forêt par là ! oh Punaise j’en peux plus, la forêt est juste là ! je vais sortir !)
Et il sort ! Cœur battant, cheveux encore en bataille que de coutume, pieds meurtris par les petits cailloux qu’il ne put éviter, soulagé il grimpe sur le tronc d’un arbre, juste de quoi empêcher ses prédateurs de le chiquer.
« Mais dégagez de là sales bêtes ! Dégagez de là bon sang ! Mais bon Dieu de Zémer fait quelque chose ! Rana nom de nom de toutes les déesses qui occupent le monde vire moi ces saloperies puantes ! »
Un charretier le lutin, mais rien y fait ! Un rat abandonne tout de même ayant senti ailleurs une proie plus facile à attraper !
(C’est un peu mieux, pourrait pas faire un effort ces Dieux là !!!!!! Sinon j’essaye de les repousser…Enfin euh j’y crois pas à mort, dans la poche un morceau de bois d’églantier…ça fait pas lourd, faudra trouver un coutelas si j’en ressors de cette affaire !!! Oh un sort !!!)
« Une incantation accrochée à un arbre…J’y crois à mort…on essaye… »
Accroché comme un papillon à une toile d’araignée, il commence une incantation de Poudres cristallines des plus étranges, les mots se mélangent…Il attend qu’il se passe quelque chose !! il s’accroche à toutes les branches qu’il peut attraper les arrache et les jettent sur les bestioles…Un nuage d’azur se forme au dessus de la forêt qu’il aperçoit au travers du feuillage dense. Un des deux restants s’en retourne avec le premier parti. Le troisième semble accroché aux pieds du lutin qui se sent vaciller dans un autre plan, la nausée le gagne. Se brouille sa vision. Se mélange ses pensées.
(Je vais tomber…je vais tomber…)
Contrit de peur et par manque de force, il s’évanouit ! Paroles de lutin, rarement, on voit pareilles choses se produire, d’accoutumée, le lutin est capable de se défendre soit par malice, soit par force mais il s’en sort toujours même parfois par coup de chance, comme ça, un caillou une chute et les poursuivants se prennent une branche basse, normalement ça se passe comme ça ou à peu près…
Cette brume qui paraissait si malveillante, si infâme, s’est levée, sûrement sous l’effet d’un sort elfique, ce peuple détestant par-dessus tout la brume, si mauvais présage annonciateur de grands malheurs, la conjuration de cette brume avait en épuisé plus d’un, car si malveillante elle était, il fallait non seulement la dissiper physiquement ici et intervenir aussi dans le désordre émanant d’elle. Ce genre de passe magique où les elfes tentent de résoudre par anticipation la venue d’un grand danger demande une énergie colossale que peu de communautés peuvent se permettre d’engager. Il cligna des yeux et ne la vit plus, confiant dans le survenir du reste de la journée ou de la nuit, impossible de dire où en était le soleil dans sa course céleste. Il se ré-effondra presque aussitôt, sa fatigue ne pouvait être que plus profonde qu’une course bien qu’éreintante et une incantation d’un sort si longuement répété et mesuré, cette faiblesse sortait de ces quinze dernières années où pour farcir une tête de lutin, une tête de pierre en somme, il fallait beaucoup de travail et de patience. C’était ce genre de chose qui se dégageait en ces heures un peu sombre du début de son périple. Gêné au ventre, il finit par se réveiller totalement mais le soleil ne faisait maintenant que pâle figure en dardant des rayons qui s’attardent dans un ciel mauve et saumon. Les montagnes environnantes les empêchant de donner une dernière fois de la journée leur lumière quotidienne. Il se trouvait sur quelque chose de dur et souple à la fois, nauséabond et froid et chaud en même temps. Ca grattait au niveau du bassin. L’effet du repos forcé se faisait ressentir encore et se remémorer ce qui s’était passé semblait demander un effort bien plus grand qu’il ne pourrait donner actuellement.
Étouffant un haut de cœur : « Pouah mais qu’est-ce qui se passe à la fin ! »
Se roulant sur son côté, il comprit instantanément ce qui gisait sous lui…Un des trois rats infâmes étaient mort…A savoir comment se faisait-il qu’il se trouve dans cette posture, qu’il soit mort, il ne pourrait assurément pas dire comment cela s’était produit. Il faudra encore un peu de temps pour retrouver totalement ses esprits et comprendre les tenants de la bataille contre ce rat qui, d’aussi loin il se rappelle, écumait en grattant de ses griffes grises l’écorce de l’arbre sur lequel il s’était hissé, non sans mal. « Un nuage bleuté…et puis quoi après !? » Fronçant sa bobine pour se donner un air de rechercher la solution…C’était complètement ridicule de le voir comme ça. Et l’insouciance lutin de le rattraper « Bref, il s’en est retourné à la mort ! Faut se remettre en route malgré la nuit tombante »
Difficilement tout de même, le lutin se relève. « Ehh mais ça fait mal ! Ce rat m’a mordu à la jambe »
Un lutin n’aime guère réellement la solitude, préférant la compagnie de petits animaux que de souffrir d’être seul, si une telle compagnie ne lui est pas permise, il parle tout seul, piaillant tout le temps une injure, un rire…
« Fichu rat par Zemer et Rana ! Vais me choper une maladie de marais ! Faut me trouver de quoi me faire un pansement et fissa ! »
Hutcha reçut durant l’apprentissage le savoir de quelques plantes médicinales pouvant servir d’onguents, de diurétique…Il lui suffit de se mettre en chasse de feuille qui parfois sont bien plus grande que lui et se les appliquer, ce genre de savoir l’avait intéressé, y trouvant une plus grande avec la forêt qu’il aimait tant, un savant mélange de savoir échangé entre eux deux, c’est ce qu’il s’imaginait. Cette forêt n’est pas une compagne fidèle se jetant parfois du côté plus sombre de l’existence que ce qu’il pouvait imaginer.
Naviguant entre les feuilles mortes et vivantes, soulevant de sa force de moustiques de lourdes feuilles d’arbustes nains mais robustes, en quête de cette feuille qu’il a vu tant de fois séchant dans le local de repos, diffusant une odeur reposante au moment du coucher. Un suave mélange herbeux, mentholé, frais, impossible de ne pas la retrouver. La blessure ne lui faisait pas grand mal, la morsure n’ayant pu être réellement profonde et inquiétante. Il découvrit, par contre, assez rapidement des champignons qu’on mangeait toute l’année à la tribu, cette fichue tribu…Des girolles, un festin à savourer avec la tribu mitonné par la mère des petites mères qui sait leur faire sortir tout leur bon jus. Des images comme celles-ci se dessinent par centaines dans son esprit tout de même embué par cette drôle expérience, quand il se rendit compte que ses souvenirs l’assaillaient (Ca ne peut-être que cette plante)
Fouillant encore un peu à sa droite et à sa gauche, dégageant des brindilles qui l’empêchait de passer, il la trouve, une plante à la feuille aux cinq dents, d’un vert profond et sensuel, cette plante est une invitation à se prélasser et à sombrer dans la mélancolie imperméable des moments qui fuient. Il en prend un peu en bouche pour faire ressortir de la sève, prenant garde de ne pas succomber à des joies faciles et inopportunes pour l’instant. Se passant la feuille mâchouillée sur la plaie, il sentit ses effets immédiatement, recouvrant par la même occasion une clairvoyance salutaire !
« Bon maintenant, assez joué avec les rats-rats assez cherché les petites plantes qui font rire, assez été dans le coltard le plus total, faut trouver ce fichu lapin qui me servira de monture pour sortir de cette forêt, aller où ? Rien ne sert de savoir, il a dit qu’il fallait chercher les Hommes de Sagesse…Sur un lapin, un lutin ne peut que les trouver ! »
Et de se relever et partir dans un rire cristallin. Il n’est pas dit qu’Hucha perdra sa bonhomie ! Ah ça non !!!!! Sifflotant au grès des bises toutes légères qui passent si proche du sol, il hume l’air à la recherche d’une garenne libre pour y trouver ce lapinot ainsi qu’un abri pour la nuit !
« Mon vieux, n’oublie pas que les lapins c’est craintif mais une fois qu’il a compris comment ça allait se jouer, il bouge plus et même il obéit ! Tu t’approches, tu l’embobines dans sa langue de lapin et c’est parti ! Hutcha le lutin qui parlait aux lapins… »
Nouveau rire ! Le rire de Hutcha était strident, si petit qu’il était ! « Ca sent le lapin ! Laaapiiinnn !!!Non chut !!! Lapinoux pmfpmfpmfpfmpfm… »
Un bruit de réponse survient de derrière lui, retournement immédiat, recherche avec ses oreilles de la provenance et enfin mouvement vers le dit bruit. Un murmure dans l’air passe, Hutcha cherche les paroles d’apprivoisement des animaux…Les petits se terrent immédiatement. La mère les suit pour les protéger. Une discussion qui ne pourrait être ramené ici s’engage entre le père belliqueux et Hutcha confiant de lui et de ses capacités.
Ce qui peut être encore rapporté est que la nuit d’Hutcha se passerait calmement au sein d’un terrier protecteur, suffisamment enfoncé dans la terre pour ne pas être inquiété par un hululement ou un glapissement de renard. La nuit tombée lentement comme une caresse sur la forêt qui se cherche calme et tendresse après la venue de cette triste brume, au loin les Faera entonnent des chants de félicité comme un bruissement de feuilles mues par un vent chaud et protecteur… Hutcha s’endormit paisiblement.
_________________ Hutcha, le lutin nabot
---------------------------Niveau 2--------------------------- En passe de se faire mettre en charpies
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