Therion observa attentivement l’elfe, la toisa de haut en bas, s’efforçant de trouver en elle quelque chose qui prouve qu’il s’agissait bien d’une envoyée du Père. Ses paroles étaient tentantes, elle parlait le langage des Liykors, certes, mais elle parlait surtout avec des mots qui allaient droit dans l’esprit du prédateur, et Therion comprenait parfaitement le sens.

(Même si elle n’est pas vraiment une envoyée du Père… Même si elle ment, ou crois être ce qu’elle n’est pas… Peut-être est-ce quand même la volonté du Père et de la Mère que je sois libre… Et que fait un Liykor libre ? … Il retourne étendre son territoire de chasse… Mais je connais les territoires des marais, les territoires où les Garzoks viendront me chercher… Elle parle de chasses, des chasses dignes d’un Liykor, des chasses au cours desquelles je pourrai prouver ma force, mon habileté… Et puis Oaxaca… J’ai été emprisonné… J’ai été contraint de servir ces Garzoks… Les Liykors ne se vengent pas, c’est une chose pour les autres races… Mais j’ai été chassé, et c’est à mon tour de redevenir le prédateur… Oui, je chasserai pour le Père, pour la Mère, pour que leurs Enfants n’aient plus à être des proies… Voilà une bonne chasse…)

« Tu chasses bien, et tes mots sont des bons mots. Tu parles de ce qu’un des Enfants du Père et de la Mère peut comprendre, pas comme les Garzoks et les humains… J’irai chasser avec toi ! Et nos proies redouteront notre venue ! Et nos crocs déchireront la chair ! Et nos estomacs seront pleins ! Montre-moi le chemin de ces territoires de chasse, si tu le connais. »


(((Hrp : si tu veux RP le voyage jusqu'à Oranan, pas de souci, considère que Therion va récupérer un des chevaux là où les Garzoks les ont attachés et qu'il t'accompagne)))

Nous décidons de se retrouver dans dix minutes devant ce qu'il reste de la porte du village. Je vais vers les habitants des lieux, pendant que le liykor en sort.

"C'est fini. Avec une défaite comme celle-là, ils ne devraient pas revenir avant quelques temps. Nous vous laissons les chevaux, les armes et les armures de ces rustres, cela devrait permettre de couvrir en partie les dégâts. Et pour vos femmes et vos enfants, rassurez-vous, ils ont pu fuir, ils sont à l'Est avec une amie à moi. Elle se nomme Saraki et fait partie des ermites de Yuimen. Vous n'avez rien à craindre pour eux."

Sans m'attendre à des remerciements, et ne voulant certainement pas qu'ils se ruinent pour payer une quelconque dette, je laisse Astinor prendre mon corps et passer la barrière de bois, sans la moindre difficulté. Je vais récupérer Harniän, mon étalon est calme, habitué à ma forme animale, comme s'il m'avait toujours connu ainsi. Je récupère mon corps, Astinor n'appréciant finalement que moyennement le cheval, ne sachant où placer sa queue sur la selle.

Au petit galop, je rejoins mon compagnon, qui lui aussi a trouvé une monture, celle d'un des garzoks sans doute. Ensemble, nous traversons les champs, longeant le lac de Nostyla en direction d'Oranan.

"Je me nomme Lothindil. Et mon autre moi, la panthère, c'est Astinor. Tu t'appelles comment ?"

(Ah au fait, y aura un soucis à Oranan.)
(Ah ? Lesquels ?)
(Sa langue. Il ne parle que le Liykor noir et le Garzok.)

En effet, cela risque d'être un problème...

Therion était retourné au point d’attache des chevaux pour récupérer une monture. Les Garzoks n’avaient pas pris la peine de laisser un garde auprès des animaux, ils espéraient procéder rapidement à la razzia et repartir aussitôt. Mais tout n’avait pas tourné comme prévu. Le Liykor noir eut pitié des chevaux, même s’il n’avait guère de considération pour ces bêtes en temps normal : il les libéra, trancha les sangles des selles, des bribes et des mors, puis les dispersa à grand renforts de grognements, de crocs dévoilés et de tapes griffues sur les croupes.

Juché sur la seule bête qu’il avait récupéré, il rejoignit le village en prenant soin de le contourner tout de même, et opéra une jonction avec Lotindil un peu à l’écart. Jugeant qu’elle avait la place de celle qui connaissait le chemin, il régla le pas de son cheval sur celui du sien, et observa un mutisme respectueux, jusqu’à ce qu’elle s’adresse à lui.

(Lothindil… Astinor… Un corps et deux corps en même temps… L’animal et l’autre… Il faudra que je m’en souvienne si nous sommes amenés à chasser ensemble…)

« Mon nom dans les langues que peuvent comprendre les humains, les Garzoks et les autres races est Therion. Pour moi il n’a guère de sens. Je reconnais les miens à leur odeur, à leurs traits, et nous n’avons pas besoin de nous nommer en dehors des chasses. Mais Therion est ce qui peut le mieux faire comprendre ce que je suis. »

J'hésite sur comment aborder la question du langage, sachant que s'il me le demande, je risque d'avoir du mal à justifier que je parle le Liykor. Mais Astinor décide de s'exprimer à ma place, coupant court à toutes mes réflexions.

"Tu connais la langue commune ?"

Simple, rapide, clair et très direct comme manière de poser sa question. Cette panthère m'étonnera toujours. Nous suivons la route, si j'ai bien retenu les explications de Saraki, nous ne devrions pas tarder à croiser une route qui va vers le sud et le temple de Moura.

Therion marque une pause pensive à la suite de la question de l’elfe. Il se souvient du babil des habitants de Dahràm, du langage employé par les humains entre eux à Omyre, et avec d’autres races. L’interrogation de Lothindil lui permet de faire le lien entre ses éléments épars dans sa mémoire, éléments auxquels il n’avait porté aucune attention tant ils étaient éloignés de ses préoccupations communes.

« Je n’ai appris que la langue des Garzoks à Omyre, je n’ai parlé qu’avec des Garzoks, et les étrangers de ma troupe parlaient la langue des Garzoks. Je crois comprendre ce que c’est, la langue commune, mais je ne la parle pas. Est-ce grave ? En aurons nous besoin pour chasser ? »

Anouar a donc raison, le Liykor ne connait que le Garzok et la langue de son peuple.

(Mais, j'ai toujours raison...)

"Oui, cela pourrait causer problème. Là où nous allons chasser, la langue des Liykors et celle des Garzoks sont mal vues. C'est la langue des ennemis."

Nous croisons la route du temple de Moura, d'ici quelques heures au maximum, nous arriverons aux portes d'Oranan. J'ignore encore comment je vais faire passer mon compagnon, je vais sans doute y aller au culot, au plutôt laisser Astinor le faire. J'espère que les gardes seront aussi peu regardant que moi ou que ma réputation suffira pour nous deux.

La plaine se déroule aux alentours à mesure que les chevaux avancent à bonne allure, et avec elle des habitations, des champs, des signes de la vie dans cette contrée pourtant si proche de la guerre et de ses ravages. Les deux voyageurs dépassent un temple qui laisse Therion indifférent : peu lui importent ces constructions, si belles soient-elles, fixes, de cultivateurs. Il a la nostalgie de sa hutte de branchages et de mousse, détruite par les intempéries sitôt qu’il l’a quittée pour gagner d’autres territoires de chasse.

La réponse de l’elfe le laisse perplexe. Jusque là il avait compris à quoi pouvait bien servir le parler des Garzoks, pour donner des ordres, mener des troupes, discuter avec d’autres troupes, faire référence au grade de chacun. Mais tous ces bavardages ne servent plus à rien dès lors qu’il devient nécessaire d’aller chasser.

« Je comprends qu’on n’aime pas la langue des Garzoks : c’est une langue qui ne me plaît pas non plus, je n’aime pas la parler. Et je comprends aussi qu’on craigne la langue des Liykors : nous sommes des prédateurs, les proies nous redoutent, et c’est bien. Si toi tu connais la langue commune, parle. Je suivrai encore le chemin, jusqu’à ce que nous puissions chasser. Toi qui chasse bien et parle la langue des Enfants, connais-tu aussi le langage des mains ? »

Le Liykor aborde sans le vouloir la seule limite que je connaisse à ma faera : la gestuelle. Elle est capable de traduire mes paroles, mais pas de me donner les gestes qui vont avec. Ca serait tellement simple et ça m'aiderait vraiment sur ce coup-là, mais non.

Au loin dans la plaine, Oranan, capitale de l'Ynorie se dresse devant nous, tandis que les fermes se multiplient autour de la route, étrangement, les fermiers eux s'écartent...

"Non, je ne maîtrise pas la langue des mains. Mais si elle permet de simplifier la chasse, tu pourras me l'apprendre ?"

« Je pourrai t’apprendre, lorsque nous aurons le temps, lorsque nous attendrons que le gibier quitte sa tanière, ou lorsque nous aurons le ventre plein de chair et que viendra le temps du repos. D’abord la chasse, ensuite apprendre. C’est là que nous allons ? »

Therion désigna d’un petit coup de museau vers l’avant la capitale ynorienne qui se profilait à l’horizon. Il goûtait la crainte qu’il voyait dans le comportement des ynoriens que les deux cavaliers croisaient chemin faisant qui n’avait pour la plupart qu’entendu parler des Liykors noirs, ou en avaient vu dans des circonstances qui ne devaient pas leur donner envie de croiser à nouveau un représentant de cette race. Mais la perspective de se retrouver encore dans des rues, entre des murs, dans ces espaces clos et réduits comme des cavernes, ne lui plaisait guère.

« Encore une cité… »

Ces paroles furent crachées avec un mépris non dissimulé, dans un grognement hargneux qui en disait long sur ce qu’il pensait de ce mode d’habitat si étranger à ceux de sa race.

Oranan est désormais à vraie portée de vue, même sans utiliser mes capacités. Les murailles sont de celles qui ont dû voir des invasions et qui sont faites pour s'en prémunir à l'avenir. De grandes portes, des gardes, des meurtrières,... A tel point qu'on se demanderait presque pourquoi les Ynoriens ont besoin de l'aide d'aventuriers. Mon compagnon n'est manifestement pas enchanté de retrouver une ville comme terrain de chasse, j'avoue que ça ne me plaît pas non plus et Astinor semble avoir le même avis.

(Dans quel guêpier Yuimen m'a-t-il encore envoyé ?)

Je refuse d'exprimer mes craintes à mon compagnon, je l'ai embarqué là-dedans sans réfléchir, j'assume, pour changer !

"Je doute que le père m'envoie chasser en ville."

Il m'a envoyé faire tellement de choses étranges, que de chasser en ville n'aurait rien de plus surprenant que d'aller me suicider ou pas loin dans un désert perdu de l'autre coté de volcans.

« Si le Père nous a envoyé dans une cité, il doit avoir ces raisons. Mais peut-être ne voyons nous pas ce que le Père attend vraiment de nous. J’attendrai : le chasseur qui se précipite est un chasseur qui rentre le ventre vide. Ou un chasseur mort. »

Malgré cette conviction fermement ancrée dans ses tripes, sa foi dans le Père, l’Ultime Chef de Meute, le dernier à mener les Enfants sur les pistes de gibiers légendaires, il éprouvait quand même de l’appréhension à mesure que le chemin les rapprochait des portes de la cité. Bientôt il put voir les gardes aux portes, sentir l’odeur plus forte du large, percevoir la rumeur de la cité. Therion ne put s’empêcher de glisser lentement la main qui ne tenait pas la bride de son cheval vers la Lame Sombre. Non pas qu’il souhaitait se battre, mais il commençait à se faire jour dans son esprit qu’il ne serait probablement pas le bienvenu chez des humains qui avaient eu depuis des années maille à partir avec les armées d’Oaxaca. Et puis il fallait être prêt à tout avec des gens assez fous pour vivre enfermés derrière des murs de pierre. Quand ils atteignirent les portes, Therion se demandant si son voyage touchait à sa fin, ou s'il ne faisait que commencer.

La sente traçait une courbe qui disparaissait derrière le bosquet. Je réfléchis un instant tout en marchant pour rassembler ce dont je me souvenais d'Oranan. J'ignorais à vrai dire à quelle distance nous pouvions nous en trouver et renâclai déjà à l'idée de marcher plusieurs heures voire plusieurs jours pour nous y rendre.

- Tu as une idée de la distance qui nous sépare d'Oranan ?

- J'suis pirate, pas cartographe. Mais tu sais, si t'arrêtais de faire la gueule deux minutes, peut-être que le voyage te semblerait moins long... Dis-moi plutôt... Tu faisais quoi avant qu'on te mette un collier ?

Je fis un arrêt et lâchai un soupire avant de me retourner.

- J'étais en prison, lui répondis-je avec un sourire intentionnellement forcé. J'espérais que ce genre de chose le ferait taire mais quelque part je savais déjà qu'il n'en serait rien. Et j'arrêterais peut-être de faire la gueule, comme tu dis, si tu arrêtais de me seriner de tes bavasseries, repris-je en reprenant ma route.

Nous arrivions dans le plein du virage qui devait nous faire passer au-delà du bosquet. Les pins, les chênes verts et les ronciers laissèrent place à une plaine couverte de la végétation basse des landes. On distinguait déjà des champs, plus bas, et au loin, à peut-être une demi-heure de marche, se dressait la petite cité d'Oranan. Je soupirai, d'aise cette fois-ci. Des toits d'allures improbables dépassaient des hautes murailles de pierres qui encerclaient la ville. D'impressionnants soldats caparaçonnés de cuir et armés de longs sabres allaient et venaient devant les portes Nord. Les quelques rayons de soleils se reflétaient sur les pièces de métal de leur attirail et donnaient des couleur d'or à leurs cultures, manifestement du blé. Bizarrement, il n'y avait aucun paysan dehors et les portes semblaient fermées. Inquiète, je jetai un œil alentours. Des raids de Garzoks descendaient régulièrement dans ces terres, à ce que j'avais entendu. Avec un retard, je repensai à Hrist et ses troupes à bord de la Veuve des Mers. J'ignorais encore ce que j'allais faire à ce sujet.

Je m'étais stoppée et me remis donc en marche, accélérant le pas puisque nous étions sur une douce pente. Le plus tôt nous serions arrivés, le mieux ce serait.