« A la bonne heure ! »

Sa proposition se montra judicieuse, il se présentait comme un vieil ermite gâteux. La shaakt s'amusa à resserrer les lacets de ses bracelets alors qu'il réfléchissait pour prendre une décision. Cette dernière fut positive, un léger soulagement se fit ressentir. Quoique pouvait-on vraiment se fier à un bouloum ? Ces sales petites bêtes revenaient trop souvent dans les conversations. Le lutin lui refit face alors qu'il s'apprêtait à regagner ce qu'il appelait sa maison puis posa une question impertinente.

« Comment ça, ce qu'on cherche ? Mais... Hm. Eh bien cet endroit anciennement habité par un dieu, pourrait éventuellement abriter un objet rare qui nous intéresse fortement. N'y aurait-il pas ce qu'on appelle une « relique » en ces murs ? »

« Vous tenez toujours la discussion ? Bigre ! Je pensais suivre les flammes pour vous retrouver. »

Habituée à entendre l'arrivée métallique de son acolyte, Rosa fut surprise d'entendre la voix de Thalo sans un seul bruit d'armure. Elle se redressa pour observer le guerrier qui ramenait Miurah, toujours aussi lent avec ou sans harnois sur le dos.

« Vous revoilà. Ce lutin que tu as terriblement dérangé, a accepté de nous guider dans ce temple abandonné en échange de quoi nous partirons à jamais pour préserver sa tranquillité. »

Il fut surpris de voir que le lutin en avait dit autant et toujours en parfaite santé.

« C'est très aimable. Et qu'est ce que vous avez appris d'autre à part que ce soit un temple ? »

« Il appartenait probablement à celui que vous appelez Thimoros. »

Le Wiehl grogna :

« Évidemment, cela ne pouvait pas être le dieu de l'alcool ou de la sérénité. Gaïa nous préserve. Eh bien messire nouveau guide, nous vous suivons... Et tachez de nous garder en un seul morceau. »

Dirigé de Rosa

(((HRP : imagine une cour péristyle grecque ou egyptienne pour le décor mais avec les divinités et les matériaux de Yuimen, tu fais des études d'histoire, je pense que c'est dans tes cordes !)))

« Oui. Mais je ne sais pas si on peut le qualifier de drôle. Surtout quand il nous traîne dans des marécages. »

« Voyez le bon côté des choses, il amuse notre guide. »

Rosa n'eut pas le temps de lever les yeux au plafond que déjà le lutin perdit sa jovialité pour regagner son aigreur alors qu'il s'impatientait. Ainsi était-ce l'antichambre, ce temple devait avoir eu une importance pour une telle grandeur, déchue et qui pourtant donnait encore un goût de sa gloire d'antan. Cette importance allait être vérifiée lorsqu'ils atteindraient l'autel, lieu cérémoniel où les pires rituels s'accomplissaient. Plus les traces de souffrances persistaient sur les parois, sur le sol et plus Thimoros avait été honoré dans son lieu de culte. La shaakt se souvint alors de sa visite de Caix Imoros, le temple de la déesse Valshabarath , odieux lieux de vices et de douleur, ses marches ruisselaient perpétuellement de sangs de cérémonies monumentales. Ce culte répugnant excellait dans la répression des populations, les prêtresses terrorisaient les habitants.

« Miurah ? Nous avançons, ne prenez pas trop de retard. »

Son protecteur et elle, qui gardaient encore toute leur tête, finirent pas suivre Grip'sou. Après tout, le sindel finirait bien par les rejoindre. Quelques pas plus tard, ils purent voir leur petit guide peinait à atteindre une cavité. La mage s'en remit à Thalo :

« C'est clairement une tâche qui te revient. »

« Il vous suffit de claquer des doigts pour la lumière et vous avez besoin de mon aide ? » s'adressa t-il au petit être avec étonnement.

« Cesse de gronder, on ne s'en sortira jamais. Et ce n'est clairement pas le moment. ». Le ton ne lui plaisait pas, il allait encore vexer le lutin.

Il soupira puis passa ensuite son bras dans le trou. Le guerrier chercha alors le mécanisme à actionner non sans montrer une certaine méfiance.

« Si ça mord je vous en tiens unique responsable. »

La shaakt murmura à son protecteur :

« C'est triste de voir que je me débrouille mieux que toi pour ne pas le courroucer. »

« Attendez... Je crois que je tiens quelque chose... Oui oui je le tiens bien ! Pardonnez ma défiance, c'est juste que pour obtenir quelque chose dans un temple de Thimoros la rumeur veut qu'on en ait toujours une blessure en échange. »

Leur guide visiblement impatienté par l'impudence du guerrier se mit à le menacer. Ce dernier voulut répliquer mais la shaakt l’interrompit, un geste de la main et quelques mots :

« Non.Tu ravales l'orgueil du peuple de Wiehl jusqu'à ce que je t'en donne l'autorisation de le cracher. »

Une porte s'ouvrit alors, le temple se dotait même de mécanismes secrets qui marchaient encore. Si la poussière ne trahissait pas le temps, le passage s'ouvrit sans problème comme s'il avait toujours servi. L'obscurité fut chassé par le lutin qui avançait sans crainte, dévoilant une salle qui même secrète se montrait aussi richement ornée. Rosa avança suivit de Thalo qui vérifiait l'état de son bras. La salle semblait vide hormis les décorations et une statue en centre aussi petite que leur guide. Grip'sou cria le nom de quelqu'un, un collègue ermite peut être ? Aussitôt, la statut fit tomber la couche de poussière qui la recouvrait et se dévoila être un lutin aussi crasseux que son confrère, sortant de ce qui s’apparentait à une simple sieste.

« Je pense que si les fanatiques du dieu morbide voyaient ça ils s'arracheraient les cheveux. » le protecteur prit soin de parler bas, pour éviter les représailles des petits hargneux.  «  Cinquante ans vraiment ? Ma foi... »

« Bonjour, monsieur Grip'Sec. J'espère que nous ne vous dérangeons pas, et si c'est le cas nous vous prions de nous excuser. Cependant votre ami s'est proposé de nous indiquer le chemin dans ce temple afin de retrouver un objet sacré dont nous avons entendu parlé. »

Une breloque ? L'ébahissement du minuscule eut de quoi consterner. Soit il estimait mal l'objet soit ils cherchaient une chimère. La première hypothèse se présentait mieux car les deux lutins avaient été chargés de la protéger. Eux, des protecteurs ? Que pouvaient-ils bien cacher d'aussi puissant qui pourrait compenser leur apparence risible ? Elle devait délirer, les prêtres de Thimoros qui chargeaient deux petits affreux, crasseux et poussiéreux de protéger une relique de leur dieu ? Thalo semblait déjà avoir abandonné toute réflexion, occupé à constater que son épée avait été rongée par la vase. La shaakt réussit à garder son calme, les choses se dessinaient peu à peu après tout. Pour avoir vécu dans un endroit où ses semblables étaient enclin à devenir fous les uns après les autres, où la mort obscurcissait la raison, elle n'allait pas se mettre à frapper ces deux là.

« Et quelle est cette condition ? »

A leur réponse, le guerrier réagit subitement :

« Il fallait s'y attendre, des énigmes ! Pouah ! Je suis bien mauvais à ce jeu là. »

Les lutins les toisaient, comme s'ils doutaient de leur volonté de relever leur défi. Thalo n'aimait guère leur comportement, si ceux là travaillaient pour le dieu mauvais, alors ils devaient nécessairement être comme lui. Et que se passerait-il s'ils ne répondaient pas correctement à leurs devinettes ? L'erreur allait sûrement s'accompagner d'une terrible douleur, voire pire encore. Et Miurah qui les avait laissés, trois têtes ça n'aurait pas été de trop !

« Qu'en penses-tu ? »

« Je doute que ce soit un simple petit concours de divertissement. N'oublions pas à qui appartenait ces murs. Et... Vous vous y connaissez en énigme ? »

« Nous verrons bien. Je n'ai pas conscience du danger mais je refuse de reculer maintenant. »

« Je suppose, oui. Ne comptez pas trop sur moi hm ? »

« Nous acceptons votre épreuve, messieurs. »

« Cela n'a pas l'air si terrible que ça... Une seule énigme résolue et nous pouvons passer. » Thalo laissa résonner un bref souffle à l'intérieur de son heaume puis continua à murmurer à la mage «  Je m'attendais à être précipité dans un ravin rien qu'en me trompant sur ma couleur préférée. Nous avons tout notre temps pour répondre n'est ce pas ?»

« Mieux vaut ne pas se réjouir trop vite, veux-tu? » Rosa se mit alors à chercher dans son sac, en sorti quelques parchemins vierges et un fusain. Elle lui tendit alors tous les objets : «  Tiens, tu prends en note tout ce qui te semble important... Ça nous permettra de mieux réfléchir. »

« Ahah bonne idée. » Il enleva ses gantelets pour ensuite imiter la position de Grip'sec , un véritable scribe de fortune. «  Vous êtes prête ? »

Rosa fit signe de la tête aux deux gardiens, et la première énigme retentit. La shaakt empressa Thalo de tout noter puis se mit à réfléchir à voix haute. Quelques instants après, ils s'isolèrent des deux confrères pour penser en paix.

« Soit. Le nombre doit nous guider... »

« Quel genre d'animal vit dans l'eau et dans l'air sans jamais poser un pied sur terre ? Une bête de l'océan ? » Il tentait de l'aider, le guerrier ne voulait pas laisser la protégée seule. «  Hm... Un genre de... Poissons volants ? »

« On risque de s'égarer. Ce n'est peut-être pas un animal que l'on cherche. Trouvons d'abord la signification de ce nombre... Vingt-six frères et sœurs. Qu'est ce que cela t'évoque ? »

« Je note vingt-six donc... Et je ne connais aucune famille aussi nombreuse ni aucune légende à ce propos. » La réponse ne lui convenait pas du tout.

Cela paraissait tellement idiot, être coincé par de petites machinations stupides d'êtres repoussants et minuscules. Ils s'amusaient à les voir se torturer le crâne. Rosa se surprit à commencer les cent pas, lentement elle se dirigea vers un mur de la pièce, y'avait-il un lien avec la mort ? Une scène mythologique la détourna de sa pensée, Phaïtos furieux et faible, Thimoros grand et souriant, une suggestion du rire, la rare représentation du dieu du chaos en train de rire était celle de sa naissance, lorsqu'il contempla la dépouille de sa mère. La représentation consistait en tant qu'ode à la destruction, la création de la magie noire et la toute puissance d'un dieu qui dès son existence raillait la vie. Un message d'un nouvel équilibre, un dieu blême qui faisait flétrir tout ce qu'il l'entourait. Non ça n'avait rien à voir avec ce dieu cruel. La shaakt agacée rejoignit le wiehl, le visage bloquait sur ses dernières notes : Air et eau.

Il ne souhaitait pas la décevoir mais son esprit semblait tourner en rond. Ce nombre ne lui disait absolument rien et pourtant cela devait être la clef de la réponse. Elle n'avait pas l'air de s'amuser non plus, elle passait de temps à autre pour jeter de rapides coups d’œil sur les parchemins qu'il peinait à remplir. Pour ne pas l'exaspérer, Thalo tentait parfois d'écrire quelques réflexions mais rien de brillant. La pauvre allait se rendre les cheveux d'avantage blancs, seul le bruit de son bâton tapant sur le sol brisait le silence.

« Vous me rappelez mon précepteur. A se désespérer de me voir ignorant face à ses exercices.»

« Vraiment ? » Elle n'écoutait visiblement que d'une oreille.

« Il marchait sans cesse dans toute la salle pour essayer de trouver le moyen de m'apprendre à écrire. Ce genre de choses... Ah l'alphabet pour un enfant c'est une corvée. Hm. Eh... Attendez... Oh non c'est idiot.»

« Qu'est ce qui est idiot ? »

« Non je pensais au fait qu'il y avait vingt-six lettres dans notre alphabet mais ça n'a rien avoir. »

Le guerrier surprit alors une vive shaakt lui foncer dessus pour lui arracher ses notes.

« Oh comme c'est brillant. Et vicieux. »

« Quelque chose ne va pas ? »

« Cette énigme a de quoi nous perdre. »

« Expliquez moi à la fin ! »

« Écris moi votre alphabet. »

« Je ne vois pas en quoi ça a un lien avec l'... »

« Écris ! »

Le guerrier se mit alors à écrire la première lettre et fut immédiatement interrompue.

« Ça ! »

« Eh bien quoi ? C'est un A ça n'a rien d'extraordinaire. »

« Ah ! »

« Oui A et je l'ai parfaitement fait. »

« C'est la première, donc une sorte de lettre aînée, aux vingt-cinq autres. Et maintenant esprit borné regarde les mots que tu as écrits précédemment. »

« Air... Eau...Et il n'y a pas de a quand on écrit... Oh les sales petits … Hm ! Si je m'y attendais. »

« La formule égare l'esprit... Un poisson volant ! Heureusement pour nous, tu as reçu une bonne éducation. »

« Vous me gênez... Allez donc leur rabattre le claquet à ces poseurs d'énigme ! » Les dernières paroles furent donner d'un ton plus bas, de peur de se faire insulter par Grip'sou.

Rosa passa outre la provocation, quoiqu'elle fut toute aussi soulagée que lui et s'avança de nouveau vers Grip'sec. Les deux lutins devinèrent avant même qu'elle n'ouvre la bouche que l'elfe sombre revenait avec une réponse. Peut-être avaient-ils tout entendu.

« Nous pensons avoir trouver la réponse à votre énigme. La réponse est selon nous, la première lettre de l'alphabet commun, le A. »

Le lutin fut surpris presque admiratif, ce qui pour un lutin n'était pas banal. La jeune shaakt avait marqué un point et le guerrier pouvait respirer. Maintenant qu'ils avaient une bonne réponse, le pire semblait évité et les deux aventuriers ne jouaient plus que pour la mystérieuse récompense promise. Cette dernière avait sans doute piqué autant la curiosité de Thalo que celle de la mage qui cachait mal son enthousiasme. Pour avoir trouvé la première réponse, celle ci adoptait une mine beaucoup plus éveillée et impatiente. La deuxième question n'avait qu'à bien se tenir.

« Bravo, nous avons sûrement évité une mort atroce ! »

« J'aurai bien aimé savoir ce qu'ils nous réservaient si nous avions échoué. Enfin, tu as ton mérite également. Quelque chose basé sur une langue qui n'est pas celle de mon peuple, tu sers peut-être à quelque chose finalement. Nous allons voir qui trouvera la réponse pour la deuxième énigme.»

« Vous savez à ce genre de mondanité, je tombe toujours dans les pièges. Vous avez bien vu avec mes poissons volants. » A cette réplique, Rosa eut un léger sourire évadé.

Grip'sec s'éclaircit la gorge en guise de signal, ils se turent alors pour l'écoute, Thalo avec son écritoire improvisé. Chaque vers de ce poème mystérieux fit grimacer un peu plus l'homme derrière son casque. Ca empestait le paradoxe ! Quelque chose qu'on pouvait tenir sans le toucher, mouiller sans rouiller... Cette partie faisait probablement ce que la shaakt avait découvert dans la précédente, embrouiller leurs esprits peu amateurs d'énigmes. Il se mit à écrire une nouvelle fois l'énigme dans sa totalité et songea à tout ce qui lui venait à l'esprit pour une telle chose.

« Je la connais. C'est à Caix Imoros que j'ai pu l'entendre. »

«  Quoi ? Formidable ! Quelle est la réponse ? »

« J'ai malheureusement envie que tu trouves. »

« Vous... Pardon ? »

« Nous avons tout notre temps. J'ai envie que tu te tortures un peu l'esprit. »

« Ça c'est la meilleure ! »

« Allez. Et aucun indice bien sur. A part sur le fait que tu t'en sers sans arrêt peut-être. » 

« Bon, bon. Quelque chose dont je me sers sans y toucher mais en le tenant ; attention ; ça ne peut pas être mon armure qui est en train de rouiller dans le fond des marais comme nouvel abri pour les sangsues. Quelque chose que je perds et que je mords parfois.... Vous auriez du vous trouver un esclave plus érudit. » La belle affaire ! Être sujet à torture d'une shaakt torturée par des lutins, Gaïa et sa miséricorde !

« Ne t'arrête pas sur un vers. Tu dois voir la chose dans sa totalité donc dans tout le texte. »

« J'ai beau lire et relire rien ne me vient à l'esprit de pertinent. »

« Tu l'utilises trop en ce moment même. » dit-elle d'un ton qui se voulait presque aussi espiègle que les lutins

« Vous allez rendre la chose encore plus floue ! » Il regarda alors tout ce qu'il avait sur lui. «  Ce n'est ni un fusain, ni un parchemin puisque je les tiens. Ah mais j'aimerai en avoir un d'esprit vif... Attendez. » Il s'arrêta pour lever les yeux et sa bouche fit des mouvements nerveux , ce fut à ce moment que son regard s'éclaircit. «  Les lèvres ! Non... ! La langue ! Oui c'est ça, on tient sa langue... Elle ne rouille pas et on la mord... »

« Petit génie. Celle là ne compte pas car je t'ai bien trop aidé. » Elle se tourna alors vers le petit être«  Est-ce la langue comme réponse ? »

« Bien sur que nous sommes prêts » Rosa se tourna alors vers son protecteur «  Tu as entendu ? Messieurs sont impressionnés. Plus qu'une énigme et tu seras libre de reposer ton petite crâne tant sollicité. »

« J'en soupire d'avance mais je m'attends au pire pour cette dernière. Qu'entends t-il pas notre imagination, avons-nous le droit à plusieurs réponses ? »

« Apparemment. Allez-y posez là votre énigme, le suspens est presque palpable. »

Le troisième et dernier jeu d'esprit se posa alors et cette fois même la shaakt en resta muette.

« Cela ressemble à un début de boutade. Vous ne la connaissez pas celle là ? »

« Non, il va falloir se creuser la tête. Cela ne t'évoque rien non plus ? »

« Pas le moins du monde, je ne connais personne qui se soit donné la mort après avoir mangé de l'oiseau. »

« Du pigeon, pigeon... Je ne vois pas ce que cet animal là symbolise. »

« On le trouve partout et c'est parfaitement mangeable. »

Rosa perdit quelque peu son fébrile enthousiasme, celle là aussi posait un sérieux problème. L’énoncé semblait lacunaire, comment se donner la mort pour un simple repas. Cela paraissait absurde, complètement idiot. Les minutes passèrent et la seule chose qui résonnait dans sa tête était cette maudite devinette. Parfois, il sortait par un murmure, qu'elle étouffa avant de le réciter entièrement. La shaakt s'assit à côté du guerrier qui lui commençait à être sérieusement agacé. Cet homme s'attendait-il à autre chose ? Pour une simple bouché, il n'y avait que le goût qui comptait. Ce n'était pas du poison. Quelle chose pouvait choquer un homme au point de s'empresser de mettre fin à ses jours dans l'établissement où il comptait se restaurer. Le récit décrit un homme pressé … Des indices temporels «  quelques instants plus tard  »... Non il ne venait pas pour manger mais pour goûter le plat.

« Quelle serait la chose la plus déshonorante à manger  pour ton peuple, Thalo ? »

Cela faisait plusieurs dizaines de minutes qu'ils cherchaient, le guerrier fut surpris d'entendre le silence se briser ainsi.

« Le crime qui nous corrompt le plus est de manger sa propre chair. Le cannibalisme est un crime grave et terriblement honteux. D'ailleurs nos chroniqueurs ont une fâcheuse tendance à accuser nos ennemis anthropophages pour les rendre inhumains. Cela vous aide t-il ? »

«  Ce n'était peut-être pas du pigeon dans l'assiette... Hm non rien ne permet de décerner un tel piège. »

« La piste n'est pas du tout mauvaise, pour moi c'est la seule chose qui pourrait pousser au suicide après en avoir mangé sans le savoir... »

« Et comment aurait-il reconnu le goût ? Je suppose qu'avec un tel interdit le goût devrait être inconnu... Enfin si ça peut interloquer, il ne se serait pas suicidé en « quelques instants » ».

« Le problème est très certainement autour de ça, j'en suis certain maintenant que vous le dites. Reste à savoir dans quelles circonstances, cet homme en a goûté. »

« Ils nous jugent sur notre réponse après tout, qu'importe si c'est la bonne. J'en ai assez de ce petit jeu. » Elle se replaça lentement vers Grip'sec, le toisa du regard, trop content qu'il devait être de les avoir piégés, puis prit une inspiration : « Alors voilà notre hypothèse : votre homme a mangé auparavant de la chair humaine en pensant que c'était du pigeon. Pris d'un doute, il vérifie et voyant qu'il s'était trompé, se donne la mort. Est ce la réponse exacte ? »