Je ferme la porte et m’y adosse pendant quelques secondes. Un frisson me parcourt l’échine et je secoue les épaules pour m’en débarrasser. Entre l’ambiance inquiétante qui se dégageait du lieu et le comportement étrange de cette femme, il y avait de quoi être servi ! Le temps que je me remette de mes émotions, j’avise en face une petite boutique insolite. De grands étals recouverts de vieux grimoires et autres parchemins poussiéreux sont entreposés dans la rue. Des signes étranges sont inscrits sur la devanture et je me sens étrangement attiré par ce lieu.

Je traverse la place et entre de la petite boutique. Un léger tintement de clochette accompagne mon arrivée et un petit homme grassouillet, au visage rond et au crâne poli émerge de derrière le comptoir. Je jette un coup d’œil pour évaluer les marchandises proposées pendant que le vendeur continue d’en sortir de caisses de bois. Des centaines de babioles recouvrent les étagères de l’échoppe et attirent mon regard curieux mais je sens que certaines doivent posséder plus de valeurs qu’elles n’en paraissent. Je me rapproche d’une étagère et commence à fouiller parmi les bracelets, bagues et autres bijoux aux couleurs irisées. De l’autre côté de la pièce, des vêtements typiques de la ville sont entreposés, soigneusement pliés. Des bâtons noueux sont rangés derrière le comptoir qui est recouvert d'orbes de tailles diverses. Je ne sais trop où donner de la tête. C’est la première fois que je vois entreposés autant d’objets intrigants dans une boutique et que mon solde me permet d’en acheter certains.

Le marchand observe mon manège de loin. Je rougis comme un enfant gourmand laissé à lui seul dans une boutique de confiseries. Je me rapproche de lui et lui adresse la parole.

« Bonjour, je pense que je suis au bon endroit. Je cherche à faire identifier des runes trouvées récemment. »

Je sors les deux petites pierres polies de ma besace et les pose sur le comptoir. L’homme s’en empare avec délicatesse de ses petits doigts et commence à les examiner avec attention.

« Je cherchais aussi des fluides de lumières, si vous aviez cela en votre possession ? »

Il m’indique un tiroir proche de la caisse d’un mouvement de main, sans pour autant quitter les pierres des yeux. Je m’en approche et le tire. Des fioles de couleurs et de tailles différentes y sont soigneusement rangées. Je peux dénombrer au total sept couleurs : un rouge flamboyant, un bleu froid, un gris aérien, un brun terreux, un jaune électrique, un indigo ondin et un blanc lumineux. Je me remémore des leçons de mon ancien mentor. La magie sur Yuimen est séparée en huit fluides complémentaires et opposés. J’arrive ainsi sans difficulté à associer chaque fiole à son fluide correspondant. Seul celui d’obscurité manque à l’appel. Je remarque avec amusement que chaque élément influence sur le comportement de son fluide correspondant : la fiole contenant le fluide de terre est particulièrement lourde tandis que je manque de me brûler avec celle contenant le fluide de feu. J’avise deux fioles contenant le fluide désiré, une de grande taille et une de taille moyenne et les apporte au marchand. Je remarque au passage qu’elles luisent toutes deux d’un bel éclat malgré la grande luminosité déjà présente dans la pièce.

Au passage, je remarque sur une étagère à ma gauche un long collier de perle qui attire mon regard. En le saisissant, je remarque qu’il s’agit en réalité d’un chapelet dont les prêtres s’entourent les poignets et les mains. Celui-ci est composé de perles de bois clair alternant régulièrement avec des perles dans une matière minérale d’un vert laiteux. Je remarque aussi qu’il est dépourvu de symbole divin particulier et qu’à la place une petite figurine dans la même matière minérale représentant un cerf l’orne. Je me remémore instantanément l’événement qui s’était déroulé dans la forêt aux alentours de Bouhen : la rencontre avec le grand cerf blanc et la course-jeu dans les bois. Cette première sensation de véritable liberté depuis ma fuite de la milice. Peut-être est-ce un signe ? Ne sachant trop comment interpréter tout ceci pour le moment, je décide aussi de faire l'acquisition de cet objet.

Arrivé au comptoir, je dépose les deux fioles et le chapelet ainsi que ma bourse alourdie de yus pour montrer que je peux acheter l’ensemble.

« Combien pour tout ça ? »





(((HRP : Demande d'identifications des runes Ter et Xu de mon inventaire. Achat de fluides de lumière 1/8e (110 yus) et 1/4e (250 yus). Achat en plus d'un long chapelet en perles de bois et de jade (arme magique une main, Mag +6, à mettre en main secondaire) pour 184 yus. Le total fait donc 544 yus. Merci bien !)))

Ces pérégrinations au sein de la cité principale d’Ynorie m’amenèrent, un jour, à la boutique d’un jeune humain dont on m’avait vanté les connaissances arcaniques et les vertus de sage malgré son jeune âge, trente ans à peine. « A la belle Aura », un magasin de magie sans prétention, dont le tintement de la porte me donna un léger frisson de surprise lorsqu’il retentit à mon irruption dans la salle principale de la boutique. Aussitôt, l’homme dont j’avais entendu parler mais qui ne me connaissait guère se présenta, et je vis sur son visage la perplexité et la stupeur. Aucun être semblable n’avait dû passer le pas de la porte de son établissement depuis belle lurette, si l’occurrence avait d’ailleurs eu lieu un jour. Afin de ne pas l’effrayer plus que de rigueur, et ainsi m’attirer ses foudres commerçantes en me voyant refuser l’accès à ses denrées rares et précieuses, je le rassurai en levant les mains doucement. J’évitai de sourire, de peur de lui montrer mes canines protubérantes, plus que celles d’un humain ou d’un elfe dont j’avais quelques traits.

« N’ayez crainte, mon bon monsieur. Je me nomme Vadokan Og’Elend et mes intentions sont ici uniquement la connaissance et le savoir. Deux denrées dont on m’a dit que vous n’étiez pas avare. »

Vu qu’il sembla se détendre et ainsi ne pas me mettre à la porte de son magasin, je m’avançai vers lui pour poursuivre.

« Je suis le chanceux détenteur des puissances magiques du gel et de la foudre, mais mes réserves de ces éléments sont pour le moment fort limitées. Il me faudrait trois de ces grosses fioles de fluide de chacun de ces deux éléments que vous possédez là. »

Je désignai l’étagère où les contenants de verre translucide variaient de teintes selon l’élément qu’elles possédaient. Des ambrées flamboyantes, des bleues d’une profondeur abyssale, ou au contraire claires et cristallines. Des brunâtre, épaisses comme de la boue, des noires comme la nuit. Tout un panel de choix et de puissance concentrée là en un étalage qui eut été explosif si toutes n’avaient pas été fermement séparées par leurs flacons de verre. De celles-là, il me fallait celles de foudre et celles de glace. Les deux éléments qui dominaient mon être. Reportant mon attention sur le marchand, je poursuivis néanmoins.

« J’ai pris ouï dire que vous vendiez également de précieux parchemins contenant le secret des arcanes de ces éléments, les formules pour concevoir et maîtriser de nouvelles manières d’appréhender les fluides. Pourriez-vous me les montrer ? »

Je m’approchai alors du comptoir. De toute évidence, j’étais maintenant pour lui un client sérieux. Je fouillai un instant ma bourse pour déposer devant lui deux petites pierres marquées d’une rune.

« Je ne suis pas étranger aux runes et à leurs utilisations, mais j’ignore la signification de ces deux-ci. Auriez-vous les connaissances pour me les identifier ? »

Et, comme pour être certain qu’il ne me prendrait pas pour un hurluberlu du plus mauvais calibre, je précisai :

« J’ai bien entendu de quoi payer. Et même troquer. Je gage que ceci pourrait vous intéresser… »

Je déposai l’arme qui traînait dans ma besace, dont j’ignorais la provenance tout comme le reste de mon équipement, mais dont l’utilisation me semblait acquise pourtant. Et je sus lui expliquer.

« Il s’agit d’un catalyseur magique. Un peu comme une baguette, qui absorbe les fluides de son porteur pour les libérer sous la forme d’un sortilège. Sa forme est pour le moins originale, vous en conviendrez. C'est un objet rare et de qualité dont vous ne trouverez pas le pareil dans nos contrées. »

Et c’était vrai. Mais où donc avais-je bien pu dénicher cette chose ? Cette amnésie me courait sur les nerfs, mais je tâchai pour l’heure de préserver mon calme et toute mon attention sur la transaction en cours.