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Alistair passa par l'ogive mais resta dans l'encadrement de la fenêtre pour écouter ce qu'il se passait.
« S’il est tel que vous le dites, Vallel ne saura trouver du sérieux en nous que si nous lui envoyons la tête de son serviteur et traître dans une boite d’or. Il saura notre force, et il saura notre part du marché respectée. Il n’a jamais été question de tuer les Esserothéens retenus ici. Le Dragon ne nous a guère demandé de nous en charger. Nous les retenons prisonniers ici jusqu’à ce qu’il revienne les chercher, lui ou un autre servant de ce Vallel. »
Le voleur ne voyait ni qui parlait ni à qui cette personne s'adressait, mais s'il avait à choisir un allié, il parierait plutôt sur l'interlocuteur de la personne qui venait de s'exprimer que sur celle-ci.
« Et que proposez-vous, en échange de ces vies ? Avez-vous quelque artefact pour grandir notre collection, des savoirs secrets pour compléter notre bibliothèque ? Le plus offrant reste ce dragon. Et si l’envoyé de Vallel rechigne à les tuer, j’administrerai moi-même sa volonté. »
C'était toujours le même homme qui parlait, mais il semblait cette fois s'adresser à une autre personne, un autre allié potentiel pour l'assassin, donc.
Alistair observa les alentours ; l'encadrement de la fenêtre sur laquelle il était toujours posté l'empêchait de voir une grande partie de la pièce qui s'offrait à lui, mais le peu qu'il apercevait le laissait perplexe. Une... créature étrange trônait sur un autel au fond du temple – ou plutôt flottait – et des gens aux yeux camouflés détenaient d'autres personnes, à l'aspect bien moins singulier.
( Je suppose que ce sont les Esserothéens, ) devina Alistair. ( Mais est-ce qu'ils voient à travers leurs masques ? Ils ont l'air tournés vers l'orateur mais c'est peut être un réflexe, s'ils ont perdus la vue tard dans leur vie... Mais je ferais bien de partir du principe qu'ils voient. )
L'ébauche d'un plan commençait à émerger dans l'esprit de l'assassin, mais il subsistait plusieurs problématiques. Premièrement, il n'avait aucune idée du degré de conscience de l'être au fond de la salle, ni s'il voyait. Deuxièmement, il ne savait pas si, dans la probabilité où tout le monde voyait malgré les linges et masques, tout le monde se connaissait ou s'il pouvait passer inaperçu. Et troisièmement, le plan était tout simplement d'une témérité qui ne ressemblait pas même à Alistair, qui se targuait de s'y connaître en plan voués à l'échec.
Seulement Alistair était pressé : s'ils se débarrassaient de leurs interlocuteurs, le voleur perdait deux alliés potentiels, et il n'était pas certain de pouvoir se le permettre, d'autant plus qu'ils venait d'en laisser trois autres derrière lui pour entrer dans le temple, et qu'il aurait été idiot de reculer maintenant.
( C'est con, c'est fou, mais je dois le tenter. Au pire, j'ai une idée pour survivre si ça ne fonctionne pas. )
Alistair prit quelques secondes supplémentaires pour observer les personnages masqués : aucun d'eux ne portait le même bandeau, certains avaient des masques, d'autres de simple bouts de tissus. Il trouvait ce détail problématique, mais l'avantage était qu'aucun n'avait le même accoutrement.
( Le truc du fond doit être un genre de divinité. Je suppose qu'ils portent des masques pour lui ressembler, ou une connerie du genre. )
Prenant son courage à deux mains, l'assassin déchira un morceau du dos de sa tunique, la plia en plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle ne fasse plus qu'un bandeau, y fit deux trous très discrets pour les yeux et se le ceint autour de la tête.
( J'aurais l'air doublement con si ça ne marche pas. )
Il sauta le plus discrètement possible au bas de la fenêtre et s'avança vers le groupe retenant ce qu'il supposait être les Esserothéens prisonniers et tenta d'avancer comme si de rien n'était. Les trous qu'il avait fait étaient minuscules et il ne voyait pas très bien, mais il apercevait vaguement celui qui semblait avoir parlé un peu plus tôt. Il faisait face à ce qui semblait être un Humoran et qu'Alistair avait identifié comme un potentiel allié.
Passant proche du groupe de gens masqués, il tenta d'avoir l'air le plus naturel possible et, pensant soudainement à une éventualité qui lui avait échappé, tenta de calmer son stress pour réguler la vitesse de ses battements de cœur.
( S'ils se repèrent avec une ouïe hors norme je suis cuit. )
Il avança le plus près possible de l'orateur principal, qu'il estimait être le chef ou au moins un personnage important, et, sortant son poignard, s'apprêta à le prendre en otage en se glissant derrière lui et en passant son arme sous sa gorge.
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