Le rêve de Mathis 3eme partie
Cette fois, c’est en exprimant une mine renfrognée que le jeune homme se retourna une fois de plus dans sa couche, jouissant d’un sommeil trop profond pour être perturbé par les bruits de la maisonnée.
Une autre trame sonore à écouter*******
Un bruit sourd, grave, semblable à un hurlement me tira de mon sommeil. Toujours dans les embruns de mon dernier rêve, instinctivement et avec dégoût, mon regard se posa sur mes mains pour constater avec soulagement qu'elles étaient blanches, fines et délicates. J'étais bien le séduisant et charmant Mathis et non cette brute manipulatrice de sang aux gros doigts boudineux. Cette sordide promenade dans laquelle je gambadais sous l'apparence de l'Essothérien n'était qu'un affreux cauchemar.
Un petit coup d’œil circulaire me fit constater que tous mes autres compagnons sans exception dormaient dans la yourte. Je ne pus retenir une exclamation de surprise lorsque je vis la sombre shaakt dormir, le sourire aux lèvres, bien calée contre l'estomac osseux du jeune chétif nécromant qui affichait une expression niaise de contentement. Un bruyant ronflement attira mon attention vers Egregor dont la bouche ouverte servait de gite à de minuscules araignées rouges et velues. À sa droite, la couche du peureux sinari s'avérait vide puisqu'il s'était réfugié en dessous.
HouuuuuuuuuuuuuuuuuCet angoissant hurlement, le même qui m'avait extirpé de mon sommeil, se fit de nouveau entendre. Ne suivant que mon courage légendaire, je me levai et me dirigeai vers la sortie de la yourte afin de connaitre l'origine de ce cri qui glaçait le sang de tous ceux qui en étaient pourvus. En empruntant la porte de sortie, je passai tout près de Rosie qui dormait elle aussi poing fermée, son bras droit entourant le cou de son immense ursidé.
Alors que je m'attendais à voir une bête féroce aux crocs bien aiguisés, je ne vis que la délicate et douce princesse assise près du feu accompagnée de sa non moins charmante garde du corps. De peur de la faire sursauter inutilement, je m'approchai d'elle en toussant poliment. Son employée s'écarta alors légèrement à la demande de sa maitresse, qui tapota de sa frêle main le banc tout près d'elle m'invitant ainsi à prendre place à ses côtés. Ce que je fis sans tarder.
A mon approche, je remarquai qu'elle s'essuyait la bouche à la dérobé. Intimidée par ma beauté, elle voulait sans doute tenter d'en être à la hauteur.
« Vous n'avez pas sommeil ?» questionnai-je de mon agréable voix de ténor.
«C'est la faim qui m'a réveillée » me répondit-elle sans pour autant oser lever son regard sur moi, de peur sans doute de rougir à ma vue.
Et puis, les événements prirent une tournure inattendue. La garde du corps, qui se trouvait dans mon dos, plaça ses douces mains sur mes épaules et entreprit de me masser les muscles endoloris me susurrant à l'oreille d'une voix suave de me relaxer et de me laisser faire. J'obtempérai de bonne grâce. Honoka, qui semblait tout à coup perdre toute trace de timidité, déposa sa main sur ma cuisse et la flatta tendrement. Surpris, mais réjoui, je demeurai silencieux, attendant la suite. Les mains expertes de la servante quittèrent mon dos pour poursuivre l'agréable massage le long de ma nuque. Sans lâcher ma cuisse, la princesse se pencha la tête et déposa sa joue brulante contre ma jambe, puis se tourna rapidement pour y mordre à belles dents. J'eus beau tenter de crier, aucun son ne sortait de ma bouche, les douces menottes qui me massaient le cou s'étaient transformées en solides serres qui m'immobilisaient.
Crispé de douleur, je vis Honoka se relever, me regardant à présent bien en face, un petit bout de ma chair rouge entre ses dents, me dardant de ses yeux désormais jaunes. C'est alors que je compris pourquoi la petite sacoche que j'avais ramassée s'était retrouvée vide à mon réveil.
Le menton pointé vers la lune, la gorge déployée, mon geôlier fit entendre un troisième hurlement de victoire pendant que sa maitresse poursuivait de plus belle son festin.
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C'est sur cette fin sanglante que se réveilla Mathis au petit matin.