La porte à peine franchie, une rafale fraîche vient saluer ma peau bleutée. J'inspire profondément, expirant sans ménagement. Je n'agis pas ainsi pour me réveiller, mais pour purifier mes poumons de la puanteur de ces femelles et de cette créature verdâtre, sans oublier l'odeur nauséabonde émanant du feu. Scrutant le paysage, je découvre un univers digne d'un conte pour larve. De grandes cascades, de la végétation luxuriante et des bâtisses de bois, apparemment sur piliers. Pendant un moment, j'ai du mal à croire être encore dans un livre. L'endroit a un aspect parfaitement naturel, mais définitivement non familier.
Et bien évidemment, il faut qu'il y ait des structures pour géants venant ruiner le paysage. Toujours là où il ne le faut pas, ces fichus humains. Cela ne m'étonnerait pas qu'ils fassent la même chose avec toutes les forêts d'ici quelques décennies.
Bientôt, le shaakt s'agite, fouillant dans ses affaires. Il en tire un yû qu'il fait voltiger, avant de le camoufler. Lorsqu'il se tourne vers moi, évoquant des directions, je comprends où il veut en venir. Effectivement, deux chemins terrestres s'offrent à nous, et nulle trace visible de l'elfe voleur de tableau. Hekell annonce le résultat, mais prend la direction opposée à ce qu'il a annoncé. Croisant les bras et les chevilles, je hausse légèrement un sourcil. Je n'ai pas le temps de lui demander d'explications ou de me moquer de son sens de l'orientation quand il se justifie de lui-même.
Apparemment, il a bien entendu ma remarque sur son manque de chance, faisant en conséquence l'inverse de ce que lui suggère le hasard. Alors qu'il entame une montée, il s'arrête, remarquant que je suis libre en extérieur.
"
Et crois-moi, ce n'est pas trop tôt."
Une brève esquisse de sourire s'efface de mes traits, alors que je songe à quelque chose. Je suis effectivement libre, et un tas de questions est resté sans réponses dans mon esprit. Le shaakt souhaite aller à gauche ? Très bien. Mais si je m'élève un peu, peut-être pourrais-je nous faire gagner du temps en voyant si ce chemin mène quelque part. D'ailleurs, ma curiosité est toujours insatisfaite concernant l'étrange chose verte aperçue dans la chambre. Je veux savoir à quoi ressemble cet endroit, et avec un peu de chance, peut-être que l'autre elfe entrera dans mon champ de vision.
Rien n'est moins sûr vu le couvert végétal.
Décroisant les bras, je m'étire, puis scrute mon camarade d'infortune.
"
Il y a quelque chose que je veux vérifier. Je vais devoir te laisser seul quelques instants, mais je m'arrangerai pour rester dans ton champ de vision."
En voyant la teinte violine de son regard, je ne parviens pas à m'empêcher de lui lancer une pique moqueuse.
"
Pense quand même à cligner des yeux, cela peut servir."
Battant des ailes, je m'avance au-dessus du précipice, puis me retourne pour faire face à la porte empruntée. J'observe l'auberge quelques instants, puis je vole un peu en arrière pour avoir une meilleure vue d'ensemble. Suite à cela, je lève le nez, sentant avec une certaine joie le vent frais et humide. Mes mèches blondes flottent dans la brise comme le premier soir de ma liberté. Colère et amertume décroissent sans pour autant disparaitre.
Je plisse les yeux, puis prends de l'altitude petit à petit. Mon but est simple : je veux savoir ce qui attend le shaakt à pied sur ce chemin, mais aussi si je peux apercevoir les autres sorties du bâtiment. En hauteur, je verrai peut-être où donnent les diverses portes. Qui sait ? Peut-être que le trio étrange de l'auberge est en train de servir de repas pour une bête informe.
Je tourne doucement la tête, cherchant aussi à voir si, de là où je suis, je peux déterminer l'origine de la chose verte bloquant la fenêtre. Je reste toutefois attentif, la main prête à sortir la sarbacane, vérifiant avoir Hekell dans mon propre champ de vision.
Ce n'est pas parce qu'un paysage semble paisible qu'il est sûr pour autant. Après tout, naïveté rime parfois avec mortalité.