L'organisation du spectacle est impressionnante, il faut dire que la troupe itinérante n'est pas n'importe laquelle. Haured me signale que se sont les armes de Cuilnen, la troupe est donc tout simplement la troupe royale de Cuilnen, réputée sur les trois continents, jusqu'au Naora même. Je suis présenté à un des hinions en armes qui accompagnent la troupe.
"Honorable milicien de Kendra Kâr, je me présente à vous. Je me nomme Qalimar Desûnami Okroneh, Capitaine de la garde de la troupe royale de Cuilnen, gradé milicien de la royale capitale des Hinions. Ce soir vous pouvez vous reposer et profiter du spectacle, notre troupe gardera le campement, nul ne saura causer de problèmes."
"Capitaine Qalimar, je suis enchanté de faire votre connaissance. Je suis Lelma Noteema, milicien de Kendra Kâr, responsable de ce camp... Nous avons eu quelques soucis voyez-vous... Voici ma fille Seyra, elle aussi milicienne malgré son jeune âge, elle est la plus douée de nous tous. Voici Haured, noble de Kendra Kâr et plus loin près du tonneau, notre compagnon torkin Kagnar... Attention il n'est pas commode... Plus loin vous avez la petite aniathy Keynthara avec son compagnon garde Shaakt dont j'ai oublié le nom... Il n'est pas très bavard."
"Vous avez des compagnons d'origines fort diverses, signe de la richesses de nos peuples sur Yuimen. Ah Lelma Noteema, vous voici enfin... Profitez de la soirée."
Après avoir salué le capitaine pour prendre congé, nous entrons dans le chapiteau. L'intérieur semble bien plus grand que l'extérieur, sans doute un effet d'optique... Ou de magie ? Nous prenons place au second rang, après une courte colère de notre aniathy favorite, vite réprimée par son garde shaakt, qui, pour une fois, s'impose sur la petite furie, et arrive à ce sortir d'une situation gênante, le spectacle commence.
La féerie prend vite place, le début est une magie des sens, un enchantement de couleurs et de corps entremêlés dans une danse fascinante, au son magnifique, entrainant et harmonieux. Nous sommes directement pris par les sentiments, étant totalement dans le spectacle d'émerveillement. Ce n'est que beauté et volupté, l'instant d'un rêve éveillé.
La seconde partie s'enchaine sans nous laisser de répit, un conte ancien nous est raconté de façon théâtrale, mêlant les acteurs, la musique et les effets de magie pour une danse de couleurs liant le tout. L'histoire remonte au fin fond des âges, à la naissance des hinions, alors que les Dieux combattaient entre eux, provoquant cataclysmes et furies des éléments. A l'abri dans une dense forêt, est née de l'amour d'une rivière et d'un chêne millénaire, la toute première hinion. Dans cet havre de paix, la petite hinion est seule et abandonné, sa mère est froide et humide, son père lourd et imposant, seul le bruissement des feuilles et le clapotis des eaux bercent l'enfant à longueur de journée. Quand un beau matin, le soleil majestueux arrive à percer l'impressionnant amas végétal, amenant avec lui une personne superbe, aux cheveux d'or et au regard émeraude. La femme prit l'enfant comme le sien et l'éleva. Les années passent tel un rêve, d'autres enfants hinions arrivent dans la forêt, et l'un deux, le plus créatif battit la première chose, et la plus importante de tout : une grande fontaine, aux propriétés magiques. L'eau étant issue de la rivière qui a enfanté la première de tous.
Un jour, la grande personne convia l'enfant qui avait bien grandit, elle lui donna un nom, celui de Nestyr Tawarist, elle lui dit qu'il était temps que les hinions se réveillent et peuplent la terre. Elle lui indique qu'elle sera la grande Reine lorsqu'elle aura forgée une couronne que chacun reconnaitra comme sienne. Puis elle lui donne un compagnon étrange : une faera de feu. Nomme-la dit la femme divine. Tuilinnaur sera le nom de la faera. Pars à l'Ouest dans les montagnes et revient quand tu auras ce pourquoi tu dois aller. Commence alors un grand périple, un affrontement des éléments. La violence de l'eau, la cruauté de l'air, le mordant de la glace, l'hystérie de l'éclair, le maléfice de l'ombre, la dureté de la terre, la brutalité de la lumière, et plus que tout la furie du feu. A chaque étape, aidé de sa faera et d'alliés sur le chemin, elle passera les épreuves et récoltera une pierre de métal différente, jusqu'à pénétrer dans l'antre du grand volcan où après une énigme des plus raffinées édicté par un grand être de feu, elle trouvera le dernier des métaux. Cet être révèle être Méno, le Dieu du Feu, du métal et des forges. Il lui prend les 8 métaux et forge alors une couronne d'un alliage des plus improbables et il rajoute au sommet une impressionnante pierre d'une rouge vif et éclatant, taillée en étoiles à 8 branches.
L'histoire se finit quand la jeune fille coiffée de sa couronne revient au point d'origine, les hinions ont grandit, une ville est née de leur effort. Et c'est ainsi que la Grande Reine Nestyr Tawarist entra à Cuilnen, première des cités de Yuimen.
Un tonnerre d'applaudissement, le spectacle était d'une beauté à couper le souffle, par la magie des ménestrels, une ambiance et des images ont su jouer de nos yeux pour dérouler ce rêve éveillé. Sans nul doute l'art hinion est au delà de tout ce qu'on pouvait penser. Nous sommes tous bouleversés d'avoir assisté à cette féerie, ce moment intense de bonheur qui nous a tous touché d'une manière différente. Ma fille est en pleurs, moi même je sens des larmes sur mes joues. Mes compagnons ne sont pas mieux, même le torkin est tout retourné par ce qu'il vient de vivre. Nous mettons plusieurs minutes avant de décrocher de nos sièges, nous accrochant encore au moment qui vient de filer, à cet instant de plénitude ou nous avons touché du doigt le divin.
Finalement nous sortons du chapiteau, nous avons tous envie de raconter, d'expliquer ce que nous avons vu, chacun va de son avis, mais nous sommes tous unanime, c'était exceptionnel. Nous allons nous restaurer tous ensemble, bavardant, chahutant. Nous avons l'honneur de partager le repas avec les artistes. La petite incarnant la future reine s'amuse avec Keynthara et Seyra, tandis que les deux incarnant les dieux Gaïa et Méno expliquent la légende de Nestyr Tawarist et toute les implications que cela implique sur notre monde actuel. Les magiciens des effets de lumière et d'éléments, vidés par leur prestation sont moins bavards, alors que les musiciens, eux, reprennent leur harmonieuse musique pour le régal de nous tous.
Le capitaine Qalimar vient alors nous rejoindre, me lançant en souriant.
"J'espère que cela vous a plût, divine tuilinnaur."
Je reste interloqué. (Que veut-il dire ?)
"Euh pardonnez-moi ?"
Il éclate de rire et m'entraine loin de la vue des autres. De son haut casque sort alors une faera de feu, Aakia sort alors aussi de sa cachette et joue avec la nouvelle venue.
"Je vous ai reconnu par ma faera, Lelma, je sais qui est votre faera, sans doute ne vous as-t-elle rien dit de tout cela, mais vous avez, je pense, deviné, que la faera du spectacle est votre faera... Tuilinnaur a été la faera de Nestyr Tawarist au premier temps de notre peuple, elle lui a été donné par Gaïa elle même. Grand est l'honneur que vous avez auprès de vous. Nul doute que vous êtes quelqu'un d'extraordinaire, je suis fier de faire votre connaissance."
"Ah euh... et bien... Je ne sais pas quoi dire... Je connais des bribes de son histoire, mais c'est si complexe que j'ai bien peur de ne pas tout comprendre. Vous me voyez fort honoré, c'est tout ce que je puis dire..."
Ce n'était pas tout ce que nous avions à nous dire, une bonne partie de la nuit nous avons parlé tout les deux, de beaucoup de sujets : mon origine, ma planète, mes coutumes, pourquoi je suis là, qui est ma fille, pourquoi j'étais devenu un milicien de Kendra Kâr, mes aspirations, mes peurs, ce que je veux faire... Tout en parlant de moi, Qalimar se confia, racontant son histoire, ses exploits, les mondes qu'il a pû visiter...
Très tard je part me coucher auprès de ma fille, ne me réveillant que tard dans la matinée, ma fille me tirant des mes rêves.
"Des cavaliers papa, des cavaliers !"
Je me relève prestement et regarde ce qui arrive. Une dizaine de cavaliers viennent d'arriver, à leur tête un shaakt que je reconnais : Dalhar !
Je lui crie : "Hé Dalhar !" d'un signe de la main.
Il dirige son cheval vers moi et descend pour me saluer chaleureusement. Je lui explique à nouveau la situation, lui montre les prisonniers et les personnes présentes. Les troubadours plient le chapiteau, mais le capitaine Qalimar vient se présenter spontanément. Normalement entre un hinion et un shaakt, ce n'est pas le grand amour, mais l'intelligence des deux passe au dessus des haines ancestrales. Après une bonne discussion sur la situation actuelle, la décision est prise, Dalhar prend le commandement du campement, ce qui nous permet de repartir... la route nous attend.