Le vieil homme demeura silencieux pendant toutes tes explications et même après. Puis, il rompit enfin le silence :

(Pour l’instant, je ne sais pas comment le réveiller. Il a dû subir un choc, le temps devrait régler les choses, mais rien n’est certain et puis d’après ce que tu m’as raconté, il vous faut déguerpir au plus vite. Fenouil a une fois de plus été chanceux malgré tout, tu sembles bon et pleins d’astuces. Creuse ton imagination, Fenouil est différent des autres humains, le moyen de le réveiller doit coller à sa personnalité. En attendant que tu trouves une solution, il faut par contre vous éloigner de cet autre gobelin. Par chance, Fenouil n’est qu’un petit gobelin qui ne pèse pas bien lourd sur les épaules d’un homme. Tu n’auras qu’à le porter.)
La voix se tut alors te laissant le silence pour réfléchir.

(((Tu as sûrement compris que ta tâche consiste à trouver un moyen de réveiller Fenouil, à moins que tu penses le porter ! )))

Suite à ta remarque sur la taille de Fenouil, Ti-Jean répondit incrédule:

(Lui, énorme ?)

Après un petit moment de silence, tu pus l’entendre de nouveau.

(Alors c’est que toi tu es tout petit…il faut trouver une solution)

Et il cessa de nouveau de parler, réfléchissant sans doute à un moyen de vous sortir de là.

Dès que tu humectas les lèvres de Fenouil, tu pus voir sa petite langue sortir et venir récolter ce doux miel. Était-ce un simple réflexe de glouton ? Peut-être puisque c’est yeux demeura clos. L’odeur du miel fit d’abord bouger une narine, puis une seconde. Puis l’œil gauche s’ouvrit, puis l’œil droit. Fenouil se réveilla enfin. A présent assis, il mit son doigt dans le pot, doigt qu’il enfila rapidement dans sa bouche. Après avoir envalé sa première bouchée, il te tendit le pot.

« Tiens, il fait jour à présent ! Goûte à mon miel il est excellent ! »

Puis tout content, il se mit à chantonner

(Rien de tel qu’un peu de miel pour… pour…. Rien de tel qu’un peu de miel !)

Il cessa soudainement de chanter réalisant la présence de l'autre gobelin tout ficelé à un arbre.

" C'est mon écharpe... mais elle lui va bien.. .je vais lui laisser ! "

Le segtek attaché au chêne n’apprécia pas ton geste, bien qu’il fut plein de délicatesse. De colère il bougea ses genoux et fit tomber les tranches de pain par terre. Alors que vous vous éloigniez, il vous cria :

« Gaffe à toi sale lutin, si je te revois sur mon chemin, je te mangerai. »

Fenouil qui sembla apeuré par les paroles de la peau verte attachée, acquiesça à ta demande et se mit à marcher à bon rythme dès que tu fus bien installé sur son épaule.

Il jeta un dernier regard derrière lui avant de te déclarer.

« Je n’aime pas les gobelins, c’est plus fort que moi, je n’y peux rien. »

Puis tout souriant ayant déjà oublié cet incident, il se mit à chantonner dans sa tête comme toujours :

(Mon nouvel ami, matantirelirelire,
Mon nouvel ami, matantirelirelo,
Il est tout petit, matantirelirelire,
Il est tout petit, matantirelirelo,
Et je l’aime bien, matantirelirelire,
Et je l’aime bien, matantirelirelo )

Et c’est ainsi que vous marchèrent le reste de la journée, jusqu’à ce que la nuit tombe, sans que Fenouil ne songe à s’arrêter.

À ta demande Fenouil acquiesce positivement en s'arrêtant tout simplement de marcher pour s’asseoir sur le sol en plein milieu de la chaussée. Puis regardant autour de lui, il te dit:

« Mais il n’est pas prudent de s’arrêter ici dans le chemin petit lutin, il serait plus sage de dégager la voie. »

Ce disant, il se leva et alla s’asseoir dans l’herbe à côté du chemin tout en rajoutant :

« Ici, sur cette herbe haute, nous serons beaucoup mieux ! »

Il flatta l’herbe de sa main verte, puis se coucha sur l’herbe grasse. Les yeux fermés, il répondit à ta question.

« Ti-Jean, c’est mon parrain, c’est lui qui m’a trouvé des parents. À leur mort, il m’a trouvé un boulot. Mais Azalée, je l’ai trouvé tout seul. Il est gentil, mais mon parrain a tendance à trop s’inquiéter pour moi, je suis presque un adulte à présent, je suis capable de prendre soin de moi sans son aide. »


Il bailla lui aussi un coup.

(Bonne nuit Ti-Jean)
(Bonne nuit Fenouil !)

Si Psylo veut poursuivre la conversation, il a intérêt à ne pas perdre de temps, car Fenouil risque de s'endormir assez rapidement.

Fenouil ouvrit un oeil pour te regarder, puis le ferma aussitôt. Il laissa écouler les secondes avant de te répondre, la voix chargée d'émotion et quelque peu irritée.

« Ti-Jean m’a trouvé mes parents et puis j’ai vécu avec eux jusqu’à leur mort et ce sont les seuls que j’ai eu. Et ensuite j’ai travaillé dans une auberge jusqu’à ce que je rencontre Azalée. »

Il se tut puis simula un gros ronflement. Il n’y avait pas de doutes à avoir, il était bel et bien réveillé, mais feignait l'inverse.

Suite à tes souhaits, tu pus entendre un autre simili ronflement, mais c'est dans ta tête que parvient la vrai réponse.

( Je suis le plus chanceux des Fenouils, je suis heureux depuis ma naissance, c'est à dire dès le moment que Ti-Jean m'a donné à mes parents, avant je n'existais pas.)

Il y eut un bref silence, puis la voix retentit à nouveau dans ta tête.

(Bonne nuit petit lutin ! )

Fenouil avait retrouvé sa bonne humeur et juste avant de t'endormir, tu pus entendre d'authentiques ronflements.


La nuit se passa sans incident.

A ton réveil, ce sera le tout début de la matinée et tu constateras que vous n’êtes plus étendus dans l’herbe grasse, mais que vous êtes plutôt à l’arrière d’une charrette qui vous trimbale. Fenouil bien installé sur des sacs de farines, dort encore.

Cette fois-ci, Fenouil ne fut pas difficile à réveiller. Il se gratta tout d'abord l'oreille que tu lui avais tiré, puis ouvrit l'oeil droit, attendit un peu et ouvrit le gauche.

Il chuchota à son tour : « Quoi, ils nous ont tous kidnappés ?...Il faut prévenir les autres.

Ce disant il s’assit promptement et se tourna vers la banquette avant et émit un petit sifflement. Aussitôt, le petit garçon roux se retourna vers vous, te fixant, les yeux ronds comme des grosses piécettes.

Puis Fenouil lui dit :

« On a été kidnappé ! Heureusement, ils n’ont pas pris notre nourriture » Dit-il en tapotant les sac de grains sur lesquels il était assis.

Le petit garçon ne semblant pas trop comprendre les propos du gobelin, répéta :

« Kina quoi ? »

Ce fut alors la petite fille, qui tournée à son tour, te fixa de ses beaux yeux bleus tout en demeurant silencieuse.

Fenouil qui semble bien à son aise avec ces gens qu’il ne connaissait pas quelques heures auparavant te répondit tout calmement :


« De nouveaux amis, ils ont acceptés de nous prendre avec eux, en échange d’un tout petit service. »

À ce même moment le petit garçon aux yeux tout ronds, tira sur la jupe de la dame, sans pourtant te quitter des yeux.

« Hé Mammy Ray, le p’tit homme est réveillé. »

D’un voix douce et légèrement enroué la femme lui répondit :

« Merci, mon petit Jacob. Ne t’en fais pas, tu n’as pas fait expres. Fenouil nous a dit que son ami était très intelligent et qu’il allait nous aider. »

Puis elle s’adressa à toi.

« J’espère que tu as bien dormi et que tu es en forme pour nous aider à résoudre notre petit problème. »

« J’ai pas fait exprès. » Expliqua le petit rouquin.

« Bon voilà, je transporte de la marchandise que je vais vendre à Oranan. J’avais deux gros sacs contenant de belles grosses noisettes. »

« Et moi, je les ai renversés et ils se sont mélangés. » de rajouter le petit garçon.

La petite fille, pour sa part, reste muette et ne cesse de t’observer, en fait, c’est bien plus ton bonnet jaune que ta petite binette de lutin qui semble l’intéresser.

« Le souci, c’est que le marchand à qui je les apporte, a payé à l’avance. Lui il sait combien de noisettes devait contenir le sac qui lui était destiné. »

« Bah, j’ai trouvé la solution » dit Fenouil tout fier de lui, « il suffit de lui demander combien il en a acheté. »

La dame aux cheveux très courts, quitta momentanément sa route des yeux pour se tourner vers vous et faire un petit sourire à Fenouil.

« Malheureusement, il n’est pas très honnête. Et pingre comme il est, il va les compter une à une, s’il en manque, il va s’empresser de me le dire, mais s’il en a trop, il va dire que le compte est bon. »

«Moi, je regardais Lily faire des paquets de noisettes. Je voulais jouer moi aussi, mais moi j’ai tombé et l’autre sac a tombé et toutes les noisettes sont mélangés. »

En terminant sa phrase, le petit garçon avait les yeux pleins d’eau.

La petite fille regarda Mammy Ray et lui montra ses deux mains ouvertes auxquelles elles avaient repliées, ses deux pouces, et son index droit.

« Oui, Lily, avant l’incident, tu avais réussi à séparer toutes les noisettes en sept beaux tas. Chaque tas contenait le même nombre de noisettes. »
Dit la dame tout en souriant.
Puis elle rajouta à ton intention :
« Elle a d’abord tenté des les diviser, en deux, puis en trois, en quatre, en cinq et en six, mais ça ne marchait pas, il y avait toujours une noisette de trop ! »

Ce fut au tour de Fenouil de mettre son petit grain de sel.
« Mon ami est intelligent, il va vous trouver la réponse tout de suite, hein Psylo ? »

Tu avais à présent trois paires d’yeux rivés sur toi. Car la dame regardait sa route et les bœufs n’avait pas d’intérêt à regarder autre chose que devant eux.