Aucune réaction notable de la part de la femelle, à part celle de donner un ordre discret à un aldryde. Mâle, ailes peintes en bleu, protections en cuir, tignasse brune sur les yeux. En bref, un type qui ne risque pas de me casser les spirales par une conversation en flot continu. Un éclaireur, Fad'aran, connaisseur des terres ynoriennes. Tant mieux, parce que la rouquine est totalement avare en indications, à se demander si elle a vraiment envie que je la trouve son aiguille. Au moins, pas d'adieux faussement tristes ni de piailleries inutiles. Notre duo se met en vol rapidement, le gars aux ailes coloris flotte légèrement au-devant. J'ai une subtile envie de jeter un oeil derrière moi, mais mon orgueil m'interdit de le faire. Et pour une fois, j'obéis.
Aux dires, sobres, du mâle, nous en avons pour une poignée de jours. Ce trajet est étonnamment calme. Pas de grandes gens sur les routes, pas de rafales de vent désagréables, pas de prédateur imbécile, un boulet à ailes qui sait suffisamment de choses pour ne pas être gênant et des chants d'oiseau tranquilles. Tout concourt à ne pas me mettre en rogne, pour une fois. Mais quelque part, je ressens comme un vide. Une petite gêne de rien du tout, mais que je n'arrive pas à m'ôter de l'esprit. Je sais en vérité ce qui me chagrine, quand bien même je refuse d'y songer.
Fort heureusement, des problèmes viennent perturber le semblant de calme du voyage. Des patrouilles ynoriennes, pointant le ciel du doigt dans ma direction. Rapidement dépassée, cette soi-disant menace fait quand même réagir l'éclaireur. Il s'attend à ce que l'on prenne des mesures pour ne pas être inquiété par de mauvaises rencontres.
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Des mesures ?", sifflé-je. "
Les ynoriens ont autre chose à faire que de garder le pif en l'air à longueur de temps."
Je jette un bref regard vers l'arrière, de nouveau agacé, reporte ensuite mon attention vers la silhouette de mon voisin puis notre destination.
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On prend les courants ascendants, on gagne de l'altitude et on se mêle aux oiseaux de passage.", dis-je sur un ton presque blasé tant cela me parait évident. "
Aucun humain n'a d'assez bon yeux pour distinguer la paire d'ailes d'un aldryde de celles d'un volatile de bonne taille."
Et quand bien même, ils auront beau tirer en l'air, à part gaspiller des munitions voire se crever les yeux avec à force d'en lancer au-dessus d'eux, ils n'auront aucun résultat. Gagner deux ou trois centaines de mètres en s'aidant des vents devrait largement suffire à écarter le problème des piétons. Je n'en reviens pas qu'un éclaireur soi-disant qualifié sur ce terrain n'y ait pas songé tout seul, ni ne l'ait proposé plus tôt. Faut vraiment que je fasse tout par moi-même ! Jamais je n'aurais eu à évoquer l'évidence de cette façon si j'avais voyagé avec Dae'ron !
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... )
Non mais ce n'est pas vrai... Mais bien sûr que si, idiot d'aldron blond ! Il a suffit d'une foutue comparaison et voilà ! Toute cette auto-persuasion pour ne pas penser à lui qui vole en éclat aux simples échos de son nom dans mon crâne ! Et c'est encore la faute de ces saloperies d'humains ! Sans eux, jamais je n'aurais eu à m'expliquer ! À m'indigner !
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Raaaah, par mes ailes !", persifflé-je en fronçant durement les sourcils tout en cherchant à attraper les courants ascendants. "
C'est encore loin ?"
Il a intérêt à savoir ce qu'il fait celui-là, ou je le plume moi-même !
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