Cette ville était étrange : bien différente de la sereine Oranan et plus salubre que la ténébreuse Dahràm, elle sentait à plein nez la pourriture issue de l'humidité omniprésente mais transpirait la vitalité économique et sociale saine.
Les seuls trafics visibles étaient ceux des éternels commerçants bradant leur marchandises colorées sur des étals en pleine rue, et les seules preuves matérielles de l'invasion de rats qu'avait pu constater la lyikor étaient la vision de petits groupes de ces rongeurs trottant le long des canaux de la cité. Rien de menaçant en somme, même si elle commençait à se faire une raison quant à l'absence de salubrité des villes humaines.

Comme elle commençait à en avoir l'habitude, Parnalia promena sa fière silhouette largement dénudée de par les rues en évitant autant que possible l'eau jetée par les fenêtres autant que celle projetée par le passage des embarcations sillonnant les canaux et en se renseignant sur l'itinéraire à prendre vers l'académie de magie.
Lorsqu'elle y parvint enfin, elle fut plus qu'étonnée par la différence que l'édifice présentait avec son pendant d'Oranan : il s'agissait ici d'un ensemble de bâtiments aussi larges que haut en pierre dorée et dotée de tours imposantes.
Elle passa sous une arche de pierre aux contours stylisés encadrant une porte de chêne monumentale à moitié ouverte, et pénétra dans l'édifice proprement dit où elle emprunta plusieurs corridors vides avant d'aboutir à un guichet.
Derrière celui-ci se tenait une humaine blonde au physique agréable qui leva la tête de ses papiers au moment où la lyikor pénétrait dans la pièce. Après un moment d'hésitation cette dernière se présenta verbalement tout en glissant un doigt dans la lanière de cuir de son colifichet, qui n'était autre que la chevalière d'identification donnée par maître Shitashima et qui présentait les armoiries de la guilde.

- Bonjour, mademoiselle. Je me nomme parnalia et j'ai été envoyée par maître Shitashima de l'académie d'Oranan pour délivrer des documents à maître Alianoff, directeur de cette université. Normalement, vous avez été prévenue de mon arrivée.
Pourriez-vous me conduire à lui, je vous prie ?

-Message Guilde pour Azdren-

Alianof sourit, même s'il était difficile de dire ce qui se cachait derrière ce sourire. Il se contenta de répondre, sans fioritures:

"La mort est définitive. Quand un être en revient, ce n'est jamais naturel. Pour le reste, je ne saurais que vous conseiller de vous présenter aux cours que je dispense, c'est en effet là un point qui mérite de solides bases."

A ce moment, Yvan sembla percevoir quelque chose, ses yeux te quittant pour se poser sur la porte du cabinet.

"Maintenant si vous vouliez bien m'excuser, j'attends un messager de la plus haute importance. En sortant vous pourrez directement accompagner Lidiania dans vos quartiers."

-Message Guilde pour Parnalia-

La jeune femme était en effet au courant de ta visite et, après un coup d'oeil vers l'étui de cuir, t'invita à la suivre.

Les lieux étaient encore plus différents du temple de Maître Tanaka à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il n'était plus question de sobriété ni de rusticité. En effet, les lieux étaient beaucoup plus citadins et organisés pour l'Homme, alors que l'école d'Oranan respirait davantage l'harmonie avec la nature.

Vous passâtes devant diverses salles, remplies d'étudiants qui non, ne pratiquaient pas un art du corps dans le jardin. La magie semblait ici beaucoup plus formalisée, plus théorique et loin de ce que Maître Tanaka avait su crée. Autre mauvaise nouvelle, ici les écrits avaient l'air bien plus importants qu'à Oranan, nombre d'étudiants en transportant ou en lisant dans de petites salles d'études.

Finalement vous arrivâtes devant une porte lourde et ornée de plusieurs symboles, probablement magiques. La guide y passa la main, rendant un instant les dessins plus ternes. La porte ne tarda pas à s'ouvrir, laissant sortir un homme masqué...

Alianof ne répondit pas de façon précise à la question d'Azdren sur la nécromancie, se contentant de prononcer quelques paroles sibyllines agrémentées du conseil d'assister aux cours donnés par lui-même sur ce sujet.
Puis, semblant ressentir quelque chose d'invisible mais qu'Azdren devina comme étant un signal émis par la porte du bureau, le directeur de l'école de magie congédia poliment son invité.
Le fanatique comprit qu'il ne pourrait espérer de réponse plus explicite dans l'immédiat et obéit à l'invite : il se leva de son siège, accrocha sa cage de fer à sa ceinture, remis son masque et sa capuche puis s'éclipsa non sans avoir remercié Alianof.

Il fondait beaucoup d'espoirs sur la capacité de cet homme à répondre à ses questions quant à ses nouvelles relations spirituelles avec sa défunte sœur, et ce fut l'esprit songeur qu'il passa la porte ouvragée du bureau.
Il tomba nez à museau avec une étrange apparition : une jeune femme-louve presque nue si l'on excluait quelques bijoux et des bandes de cuir éparses escortée par Lidiania, la jeune hôtesse blonde.
Un instant troublé, il s'inclina légèrement devant les deux femmes puis s'écarta de l'ouverture pour laisser la femelle poilue. Est-il nécessaire de préciser qu'il n'avait jamais rencontré de lyikor et que cela augmenta d'autant plus le charme de la rencontre pour lui ? Il ne pouvait néanmoins se douter que celle-ci allait avoir partie liée avec lui pour un moment.
Azdren attendit donc qu'elle referme la porte du bureau derrière elle avant de demander à sa guide de le conduire au dortoir. la journée avait été longue et riche en émotion, et il n'aspirait maintenant qu'au calme.
Il lui fut attribuée une chambre au mobilier sommaire, guère différent de celui auquel il avait été habitué sur les navires qu'il avait emprunté mais tout de même plus luxueux que celui des cellules monacales : une couchette, une armoire, une table de chevet, des bougies pour l'éclairage posées sur une table de travail et une fenêtre munie de barreaux dont la vue donnait sur les toits de la ville.
Pour s'approprier les lieux, le fanatique commença par changer les draps de sa couchette imprégnée d'humidité avant de s'y asseoir en tailleur pour méditer sur les options qui s'ouvraient devant lui. Malheureusement, troublé à la fois par la perturbation de sa perception des flux magiques divins et par les paroles de maître Alianof, il ne put trouver aucune sérénité et décida de sortir pour s'aérer aller voir les salles d'études entr'aperçues auparavant.

Après quelques instants de déambulations sans rencontrer âme qui vive, Azdren entra dans la première salle d'étude qui se présenta à lui et eut le bonheur de tomber sur une pièce quasi-déserte mais généreusement dotée d'ouvrages sur la "magie des ténèbres", comme semblaient l'appeler les mages non-croyants.
Constatant qu'il ne semblait y avoir aucun bibliothécaire pour surveiller les étudiants, le fanatique passa en revue les rayonnages et fit main-basse sur un ouvrage s'intitulant sobrement : "étude sur la magie des ténèbres à l'usage des nouveaux mages, par le maestre J. Kaervin". Loin de véhiculer un tas d'idées reçues concernant les pratiques des prêtres de Thimoros et de Phaïtos, l'auteur de se manuel se contentait de donner des conseils basiques mais de bon aloi quant à l'appréhension et la compréhension des fluides magiques sombres ainsi que sur la façon de lancer quelques sorts basiques s'y rattachant.
Contre toute attente, Azdren trouva cet ouvrage passionant et se plongea dedans tout l'après-midi, jusqu'à ce qu'il soit obligé de battre en retraite à cause de la baisse de luminosité, les bases d'un nouveau sort en tête. N'ayant pas le coeur de se rendre au réfectoire, il rentra directement dans sa chambre où il dîna frugalement de ses propres provisions avant de se lancer dans des expériences magiques.

L'article ayant le plus retenu son attention dans le manuel de J. Kaervin se référait à la formation d'un sort appelé la "Main d'Ombre", originalement prévu pour baillonner les victimes des prêtres lors d'antiques sacrifices humains mais plus actuellement prévu pour étouffer une cible, voire lui briser la nuque.
La difficulté provenait principalement du fait qu'il fallait donner une forme précise au sort pour faire naître de l'ombre deux mains magiques que l'on puisse presque manipuler comme si elles étaient les siennes.
Le fanatique tenta vaille que vaille de modeler les flux de magie divine, combinant le savoir étudié dans l'opus à ce qu'il avait déjà expérimenté avec la forme de mana de son sort "Bouclier d'Ombre" qui lui avait déjà sauvé la vie : concentration, prélèvement de fragments de ténèbres dans son environnement, modélisation...
Arrivé à ce stade, de grosses gouttes de sueur perlaient à son front à cause de sa concentration et des mouvements chaotique du mana autour de lui. Il visualisa des griffes, mais celle-ci se décomposèrent prestement; puis il imagina des bras fins mais forts comme des bras de femme gantés de satin noir... des bras doux et soyeux comme du fil d'araignée, mais tout aussi mortels.
Enfin le fanatique les fit apparaître pour leur ordonna mentalement de se tendre vers une pomme qu'il avait posé sur une table, puis de s'en saisir. Les extensions magiques hésitèrent un instant, puis obtempérèrent... avant de réduire le fruit en pulpe par simple pression.
Azdren sourit douloureusement de son petit triomphe, puis brisa le sort précautionneusement avant de s'effondrer sur sa couchette, épuisé, mais satisfait d'avoir fait un pas en avant dans sa maîtrise de la magie de Thimoros.

La jeune femme assise derrière son bureau se montra d'une grande amabilité, d'autant plus qu'elle reconnut aisément les armoiries présente sur la bague qui pendait au cou de Parnalia, et elle se leva gracieusement.

- En effet, maître Alianof attendait ces documents avec impatience. Suivez-moi, je vais vous conduire à lui.

La lyikor suivit sa guide le long de grands couloirs et de corridors, longeant de nombreuses salles d'études pour la plupart occupées mais où ne bruissaient rien d'autre que les pages tournées et les griffures de la plume en activité.
Elle devina néanmoins que certaines pièces aux portes fermées devaient servir de salle d'expérimentation et d'entraînement, si on se fait aux mouvements de flux magiques contradictoires qui s'en échappaient.
Mais ce qui la choqua le plus fut l'omniprésence des livres : dans toutes les salles, dans tous les formats et de toutes les apparences... il y avait de quoi choquer une illettrée comme elle et elle ne put s'empêcher de ressentir un frisson lui parcourir l'échine en pensant qu'elle devrait peut-être un jour les lire.
Ainsi, cette université n'était pas seulement le contraire de celle d'Oranan sur le plan de l'architecture, mais également sur celui des méthodes de travail ? Voilà qui était intéressant, même si pour l'instant Parnalia savait pertinemment vers laquelle des deux institutions allaient ses préférences.

Après de nombreux détours, les deux femelles arrivèrent devant une porte ouvragée devant laquelle la guide fit un geste complexe mais rapide de la main. Celle-ci ne tarda pas à s'ouvrir, comme en réponse à une commande magique, laissant sortir un individu en robe noire et au visage masqué de blanc.
L'homme sembla tomber en expectative devant le couple féminin pendant quelques instants, avant de s'incliner sans dire un mot et de prendre congé d'une démarche tordue. Parnalia n'eut cependant pas le temps de s'interroger sur ce sombre individu car déjà sa guide l'invitait à entrer dans la pièce.
Il s'agissait d'un vrai cabinet de curiosités contenant aussi bien des ouvrages que des artefacts éclectiques... la lyikor aurait pu comparer cet endroit à la cabane du Rebouteux de Dahràm, car il devait y avoir dans les deux endroits tout autant de trésors cachés, mais la différence résidait dans le fait que le bureau du directeur était rangé avec un soin presque maniaque.
le maître des lieux se manifesta sous la forme d'un humain élancé que ses semblables pouvaient définir comme très séduisant, avec son costume bien taillé et son physique harmonieux. Mais il ne fallait pas s'y tromper, car la lyikor sentit percer derrière le regard de cet homme une intelligence acérée et une grande autorité, même s'il ne semblait pas aussi autoritaire que maître Tanaka et qu'il lui souriait pour l'instant.

Parnalia s'approcha à pas lents du bureau derrière lequel se trouvait le directeur de l'académie de magie et s'inclina poliment avant de prendre dans son baluchon l'étui de bois contenant les documents tant convoités et de les tendre à son vis-à-vis.

- Je suis honorée de vous rencontrer, maître Alianof. Comme vous devez vous en douter, je vous apporte les documents que vous aviez demandé à maître Tanaka.
Les voici.

-Message Guilde pour Parnalia-

Sans piper mot, l'homme saisit avec précaution l'étui, apposant son index sur le sceau de cire. Celui-ci sembla fondre presque instantanément, libérant les documents que Maître Alianof put extraire doucement. Il y avait plusieurs écrits, sur de longues pages volantes. L'écriture se composait d'une myriade de dessins de quelques traits à peine, ne représentant rien de concret.

Alianof se défaussa de l'étui, étalant les parchemins sur la table, sans te congédier pour autant. Il parcouru du doigt les nombreux caractères, mais lui aussi semblait dubitatif face à tous ces signes.

Il se redressa dans son siège, portant cette fois son attention sur toi:

"Bien, je vous remercie pour votre rapidité. Ces écrits comme vous pouvez vous en douter sont très précieux, bien que particulièrement cryptiques. Ceci dit, ils ne sont guère d'utilité seuls, et j'aurais de nouveau besoin de bras efficaces pour pouvoir les déchiffrer."

Il marqua une pause dans sa phrase. Ses yeux étaient rivés sur toi, tandis qu'une aura étrange émanait de lui. Il semblait scruter le fond de ton âme, comme s'il s'agissait d'un simple livre.

"Mais cela peut attendre demain, vous devez être épuisée. Allez donc prendre du repos, Lidiana, là jeune femme qui vous a reçue, s'occupera de vous. Demandez lui aussi que l'on vous trouve des vêtements plus amples. Il vous faudra de la discrétion pour cette affaire, et je crains que vos atours, bien que charmants, ne soient pas de circonstance."

Il l'avait dit courtoisement certes, mais avec son autorité naturelle.

Alianof s'empara de l'étui sans prendre la peine de remercier la messagère et fit disparaître d'un geste le cachet de cire scellant ce dernier avant de se plonger dans l'étude minutieuse des feuilles de parchemin qu'il contenait.
N'ayant reçu aucune indication formelle ou indirecte, Parnalia se contenta d'attendre debout que son vis-à-vis veuille bien se souvenir de sa présence, mettant en application le rudiment de patience qu'elle avait apprise au contact de maître Tanaka.
L'étude de ces anciens documents rédigés en pattes de mouches sembla pourtant le laisser l'humain perplexe, et il ne tarda pas à reporter son attention vers la lyikor, à la fois pour la remercier et pour lui proposer indirectement de l'aider à les traduire.
Parnalia fut intérieurement effarée : elle qui n'y connaissait rien aux écritures, comment pourrait-elle espérer réussir là où le maître de cette académie de magie s'était cassé les dents ? Elle opina néanmoins du chef.

- Si vous pensez que je peux vous être d'une quelconque aide, maître Alianof, n'hésitez pas à user de moi.

Désormais totalement détaché de ses papiers, l'humain raffiné avait porté son entière attention sur Parnalia, semblant la fouiller jusqu'à l'âme de son regard pénétrant. Une sensation pour le moins désagréable qui força la jeune femelle à détourner le sien.
Puis l'étrange personnage reprit la parole pour la congédier et l'inciter à s'adresser à la jeune femme blonde qui l'avait conduit à ce bureau, à la fois pour prendre du repos et pour faire l'acquisition d'une tenue plus correcte.
Bien que la lyikor s'insurgea en elle-même de la seconde remarque, elle acquiesça, remercia son hôte et sortit du bureau son baluchon sur l'épaule. Comme par magie, sa guide appelée Lidiana se trouvait déjà dans le couloir à l'attendre et la conduisit directement à l'officine où était lavé et rangé le linge de toute l'université pour qu'elle choisisse une tenue. Parnalia, qui ne comprenait pas le pourquoi de cette mascarade, refusa catégoriquement d'enfiler une robe peu pratique et se décida pour une chemise et des chausses de lin dissimulant un peu sa silhouette mais qui lui donnait selon elle l'air d'un épouvantail.
Puis Lidiana lui fit toujours aussi aimablement faire le tour du propriétaire en lui montrant différentes salles de cours, des bibliothèques, le réfectoire, l'infirmerie... tout autant d'endroits qui, s'ils sentaient passablement le renfermé, semblaient miraculeusement échapper à l'humidité stagnante régnant en ville.
Enfin, la lyikor fut menée à la porte d'une chambre spartiate dans laquelle elle pénétra après avoir remercié sa guide. Elle s'écroula ensuite comme une masse sur sa couchette après s'être dépouillée de ses horripilants et inutiles oripeaux pour s'endormir d'un sommeil de brute.

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Le lendemain en fin de matinée vous serez convoqués en même temps dans le bureau de Maître Alianof. En attendant, n'hésitez surtout pas à faire connaissance.

Azdren se réveilla de bonne humeur en constatant avec plaisir que la pulpe de pomme maculait toujours sa table de travail, preuve évidente que son succès de la veille pour maîtriser son nouveau sort était bien réel.
Il commença par nettoyer les traces de son activité nocturne, avant d'étirer longuement ses muscles atrophiés et douloureux et de se rendre tranquillement au réfectoire après s'être sommairement aspergé avec l'eau d'une cuvette.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il se mêla à la plèbe chamarrée se sustentant de fruits et de pain en même temps que lui ni même qu'il apprécia leur voisinage, mais sa bonne humeur rendit simplement cette proximité de tablée supportable.
La seule chose qu'il retint de ce bain de foule fut la vision de la lyikor croisée la veille devant le bureau de maître Alianof, habillée d'une manière certes très masculine mais qui avait au moins l'avantage de dissimuler un peu ses appâts naturels. C'était à la fois appréciable pour l'entourage de la femelle qui pouvait ainsi se concentrer sur ce qu'elle disait, mais également regrettable pour elle car elle semblait être à l'étroit dans ces vêtements.

Azdren extirpa rapidement l'image de la femme-louve de son esprit avant que celle-ci ne se modifie vers quelque chose de répréhensible pour un prêtre et de potentiellement douloureux pour un mâle, expédia sa collation et retourna vers la bibliothèque qu'il avait déniché la veille.
L'endroit était aussi désert que la veille et il se remit à parcourir les rayons jusqu'à tomber sur un traité de nécromancie à la couverture noircie et écornée qu'il tira à lui.
Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir une fiole cachée derrière le livre à l'intérieur du rayonnage ! Le fanatique jeta un rapide coup d'œil autour de lui avant de s'en emparer et de la glisser promptement dans la large manche de son aube.
Il se rendit ensuite à la même table que la veille et ouvrit négligemment l'épais ouvrage devant lui pour cacher un peu sa découverte et extrait la fiole de sa cachette.
Il s'agissait d'un flacon de verre on ne peut plus banal bouché d'un sceau de cire dans lequel tourbillonnait une matière à moitié liquide et à moitié gazeuse noire qui semblait dégager une forte aura magique. Le sang d'Azdren ne fit qu'un tour lorsqu'il reconnu l'empreinte d'un fluide de Thimoros prisonnier, semblable à celui qu'il avait déjà absorbé par mégarde lors d'une transe méditative à Dahràm.
Cette chose constituait peut-être le moyen de régler les problèmes de concentration et de manipulation des fluides divins dont il était victime depuis les évènements de l'Aube Écarlate !

- Qui ne tente rien n'a rien, comme on dit ! Allez, cul-sec !

Sans prendre la peine de jeter un coup d'œil aux rares étudiants présents dans la salle, le fanatique brisa le cachet de cire et porta la fiole à ses lèvres. Il eut l'impression d'ingérer un baquet d'eau glacée où se serait mêlé une flottille d'algue et eut une brève mais rude sensation d'étouffement qui le fit hoqueter.
Lorsqu'il reprit ses esprits, Azdren était en sueur mais il se sentait curieusement ragaillardi, comme si un voile s'était levé sur son esprit. Il tenta de reprendre une attitude studieuse normale, mais fut brutalement interrompu par l'irruption de Lidiana, l'hôtesse d'accueil blonde qui lui fit savoir que maître Alianof le faisait mander.
D'une démarche encore légèrement incertaine, il se rendit à nouveau jusqu'à la porte ouvragée du directeur de l'académie de magie devant laquelle patientait la jeune lyikor. En homme du monde, le fanatique masqué s'inclina devant elle sans dire un mot puis attendit.

Parnalia ne fit pas grand-chose de sa journée : elle se contenta de s'habiller avec les vêtements qu'elle s'était choisie et d'aller prendre son petit déjeuner au réfectoire où elle s'aperçut que le caractère des étudiants du cru, s'il s'avérait plus studieux, était par contre le même que ceux d'Oranan car elle fut accueillie avec le même enthousiasme à la table principale.
Cette popularité soudaine lui permit de se servir abondamment en pain, fruits et beurre qui parsemaient la table tout en se mettant au courant des principales activités et recherches en cours. Non quelle y attacha une importance particulière, mais cela pouvait toujours lui donner des indices sur ce que Alianof désirerait d'elle... Hélas, tous ses voisins se claquemurèrent au moment d'entrer dans le vif du sujet.
Si elle remarqua la personne masquée à la toge noir corbeau dans un coin du réfectoire, elle ne fit rien pour s'approcher de lui car elle le trouvait sinistre.

Une fois sa collation terminée, elle partie explorer les recoins de l'académie pour s'en faire une meilleure idée, avant d'aboutir à l'infirmerie où elle tenta de lier connaissance avec la responsable des lieux, Misania, et de discuter sur les remèdes et potions. Malheureusement, les soins de victimes prises dans une explosion dans une salle d'expérience monopolisa toute l'attention de la guérisseuse et de ses assistants, si bien que la lyikor se contenta de les observer et des les aider du mieux qu'elle pu, comme elle l'avait déjà fait par le passé dans la cabane du Rebouteux à Dahràm.
Alors qu'elle était en train de passer une compresse humide sur le front d'un mage légèrement brûlé et inconscient, l'hôtesse d'accueil blonde nommée Lidiana vint trouver la lyikor pour lui faire savoir que le directeur de l'académie requérait sa présence.

Parnalia abandonna donc les guérisseurs en s'excusant vivement puis se rendit seule au bureau de maître d'Alianof, devant lequel patientait déjà le sinistre individu masqué qui ne cessait de croiser son chemin. Celui-ci se fendit d'une courbette silencieuse à son égard à laquelle elle répondit par un signe de tête accompagnée d'un sourire mal assuré. Puis, constatant qu'il ne prenait pas d'autre initiative, la lyikor prit les devant et frappa poliment à la porte.

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Après que Parnalia eut frappé, la porte s'entrebâilla lentement, vous laissant tous deux entrer dans le cabinet du Maître des lieux. Celui-ci était assis au même emplacement que la veille, mais son bureau était beaucoup moins ordonné, des livres y étant étalés, ouverts à certaines pages spécifiques. Il n'était pas dur non plus de remarquer que le bougeoir posé sur le bois était plein de cire, la bougie qu'il avait porté s'étant probablement consumée pendant la longue nuit.

De même, Yvan Alinaof ne semblait pas avoir changé de vêtements, il n'était pas rasé et ses cheveux étaient quelques peu décoiffés. Ses yeux rougis par le manque de sommeil se posèrent sur vous, toujours aussi vifs malgré la perte de sommeil de leur maître.

"Asseyez vous, je vous prie."

En disant cela, il se leva, vous tournant le dos pour aller chercher dans un coffre un objet de la taille de son poing, enroulé pour le moment dans un tissu sombre. Il revint vers vous, entrant immédiatement dans le vif du sujet:

"J'ai besoin que vous récupériez le cristal noir de l'araignée, un artefact unique qui me permettra de décrypter les écrits de Sato Miyamashi. Un autre cristal élémentaire ferait l'affaire, mais c'est le seul dont je connaisse à ce jour la position. Il faudra que vous alliez dans le désert bleu, à l'Est d'Imiftil, et que vous vous infiltriez dans le temple de Thimoros qui y ait caché. Les prêtres qui y vivent sont de la pire engeance, des parias même pour les leurs."

Il marqua une pause, vous observant de manière affutée, semblant rechercher la moindre faiblesse dans vos yeux. Il ne pouvait pas donner cette mission à quelqu'un qui n'en serait pas capable.

"Je ne vous enverrai pas les mains vides, cependant."

il défit le morceau de tissu, libérant un magnifique cristal noir comme la nuit. En y regardant de plus près, il semblait qu'une araignée au corps rouge était figée à l'intérieur même du cristal, ce qui était une vue assez déstabilisante.

"Ce cristal est une copie, mais plus qu'une copie, il a été infusée d'une magie sombre de ma création. En allant au temple, vous pourrez leur dire que vous avez trouvé le vrai cristal et que le leur était une falsification, une entourloupe. Ils n'ont qu'un seul moyen de vérifier cela, c'est d'utiliser la magie des âmes sur le cristal. Mais quand ils le feront, celui-ci les absorbera, réduisant à néant la force des ténèbres pendant quelques temps. "

Il regarda d'abord Azdren, puis Parnalia, avant de conclure:

"C'est pour cela que j'ai besoin de vous deux. Un ancien prêtre obscur qui vous fera rentrer et une mage de glace qui vous fera sortir. Vous pouvez bien entendu refuser, mais sachez ceci: le cristal n'est pas le seul artefact mystique qui s'y cache. Je ne veux que le cristal, le reste est à vous."

Cette fois il se tut.

Azdren laissa la lyikor pénétrer la première dans la pièce lorsque la porte s'entrebaîlla devant eux pour laisser place à un spectacle peu banal : à son bureau, un maître Alianof au teint pas très frais et aux cheveux ébouriffés venait à peine de lever le nez d'une pile de documents où il devait avoir passé la nuit. La présence de deux chandeliers aux bougeoirs engorgés de cire ne faisait que renforcer cette impression, laissant le fanatique légèrement amusé par l'ensemble du tableau.
Répondant à l'invite du maître des lieux, il s'assit dans l'un des fauteuils profonds lui faisant face et écouta attentivement avec curiosité ce que l'homme avait à dire sans poser de question oralement. il ne fut pas déçu : Alianof ne lui proposait pas moins que de faire équipe avec la lyikor pour aller voler une relique dans le temple de Thimoros dans le désert à l'Est du continent d'Imiftil ! Rien que ça !

Bon sang... la seule chose qui pourrait m'éviter la malédiction divine est le fait d'aller punir des apôtres qui font du zèle. J'aurai besoin d'une sérieuse confession à mon retour ! Si j'en reviens, car les prêtres du cru sont loin d'être des enfants de coeur à ce qu'il paraît. J'espère au moins qu'Alianof à un plan pour nous envoyer au casse-pipe !

Il en avait un : le maître de l'académie leur montra un cristal noir comme le charbon et couvert d'un liseré rouge en forme d'araignée émettant une aura sinistre. Azdren n'avait jamais rien vu de pareil. D'après les dires de son interlocuteur, cet objet était sensé absorber les âmes de ceux qui tenteraient de l'identifier lorsqu'ils tenteraient de l'échanger contre son jumeau. Le fanatique et la lyikor devraient alors se carapater avec leur butin, y compris ce qu'ils pourraient rafler dans le temple.
Azdren poussa un léger soupir , ôta son masque et se pinça l'arête du nez, signe habituel d'une grande confusion chez lui.

- Si je comprend bien... vous nous demandez de nous infiltrer je ne sais comment dans un temple de Thimoros où résident des fanatiques extrêmes, d'échanger cet artefact discrètement contre son jumeau et de repartir en sifflotant ? Pour employer un euphémisme, je pense que cela ne va pas être simple.

C'était même presque suicidaire, mais le fanatique savait qu'il lui était impossible de faire machine arrière... pas après avoir prêté serment. Il attendit de constater la réaction de sa future partenaire avant de savoir s'il devait en rajouter une couche ou non.

Parnalia pénétra dans le bureau de maître Alianof en ne manquant pas de s'étonner de l'aspect négligé du maître des lieux : cheveux légèrement en bataille, cernes sous les yeux, col de chemise ouverte... la lyikor trouva ironique que l'homme qui l'avait critiqué la veille sur sa tenue se montra ce matin si débraillé.
Évidemment, elle garda ses considérations pour elle et se contenta d'afficher une petit sourire ironique tout en prenant place au côté du mage à la tenue noir corbeau qui avait pénétré en même temps qu'elle dans la pièce tandis qu'Alianof exposait son desiderata.
Le maître-mage ne souhaitait rien de moins que leur confier une mission où elle et son sinistre voisin devraient échanger une étrange relique probablement maléfique et dangereuse contre sa pareille dans un temple peuplé de prêtres peu recommandables.
Parnalia ne voyait pas vraiment où était le problème, puisqu'elle ne comprenait pas pourquoi des prêtres seraient bornés au point de ne pas vouloir échanger deux gemmes d'aspect similaires. Peut-être ne vénéraient-ils pas les aspects de Yuimen, comme les lyikors ? Ce serait une hérésie, une absurdité sans nom !

Le fait que le faux artefact aspirerait l'âme des prêtres chargés de l'identifier pour créer une diversion et leur permettre de s'échapper avec le vrai lui posait davantage de problème de conscience : tuer quelqu'un était suffisamment grave, mais arracher sciemment son âme et la vouer ainsi à une malédiction éternelle était inqualifiable, même si la cible était une ordure de la pire espèce !
C'était un vrai cas de conscience, et ce n'était pas en appâtant la lyikor avec la promesse de lui laisser les artefacts qu'elle pourrait dérober au temple comme l'avait fait Alianof qu'elle accepterai facilement cette tâche, aussi liée que soit la jeune femelle à la Nouvelle Obédience à la magie.
Cela sembla poser également poser des problèmes de conscience au personnage noir corbeau assis à côté d'elle, qui soupira avant d'enlever son masque et de se masser l'arête du nez avec une attitude lasse. Parnalia fut intriguée par le visage brûlé qui se dévoila sous la capuche sombre et se demanda par quel enfer de flammes avait bien pu passer cet homme qui venait de prendre la parole d'une vois grave et éraillée.

- Si je comprend bien... vous nous demandez de nous infiltrer je ne sais comment dans un temple de Thimoros où résident des fanatiques extrêmes, d'échanger cet artefact discrètement contre son jumeau et de repartir en sifflotant ? Pour employer un euphémisme, je pense que cela ne va pas être simple.

Autant pour les problèmes de conscience... il s'agissait davantage pour l'homme de résoudre les difficultés pratiques liées au fait de pénétrer dans un endroit protégé pour commettre un cambriolage, rien de plus.
Elle ne perçut pas le soupçon d'ironie dans la voix de l'homme, ce qui explique qu'elle crut bon de faire part elle aussi de ses sentiments envers cette mission.

- Cela ne va pas être simple, en effet. Mais pourquoi ne pas simplement échanger l'artefact que vous désirez contre un objet de même valeur directement avec ces prêtres ? Cela éviterai pas mal d'ennuis à tout le monde !

Tant de candeur et de naïveté due à une trop grande méconnaissance du monde, c'était touchant.

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Vos deux remarques, l'une certes plus proche de la triste réalité que l'autre, laissèrent un court silence. Le mage répondit, lui aussi avec pragmatisme.

"Si cela avait été simple, j'aurais envoyé un coursier. Hélas, envoyer quelqu'un de puissant pose aussi des complications. Voyez vous, si nous regardons cette académie, elle a été bâtie sur des lignes précises, formant en sous-bassement une protection magique extrêmement efficace. Au final, il serait plus facile de porter préjudice à notre Université pour un humain sans magie armé simplement d'une torche que pour un archimage. L'ironie du sort, n'est-ce pas? Il en va de même pour nombre de temples, la puissance ne résoudrait que peu de choses, si ce n'est causer un grand nombre de dommages collatéraux."

Sa première réponse s'étant adressée à Azdren, la seconde, sans ironie ni moquerie, s'adressa d'avantage à Parnalia:

"Ce ne sont pas les mêmes cristaux, celui-ci n'est qu'une illusion, un simulacre de magie. De plus, même si c'était le cas, pour ces prêtres il s'agit d'une partie de Thimoros et est donc sacré. Jamais ils ne l'échangeraient."

Cette fois à votre attention à tous deux:

"Pour les détails, je n'ai pas formulé de plan ou de stratégie. Je pense qu'il est bien plus efficient que vous fassiez à votre convenance, même si bien entendu je vous accorderais les moyens dont vous avez besoin, dans la limite du raisonnable. Je ne saurais cependant que suggérer l'usage de subtilité et de subterfuge."

Si Azdren espérait une réaction intelligente de la part de sa voisine à l'énoncé de l'ordre de mission d'Alianof, il en fut pour ses frais : avec une naïveté déconcertante, la donzelle demanda pourquoi on n'échangeait pas l'objet de l'intérêt du maître de cet école contre un autre de valeur égale. Comme s'il existait quelque chose de plus précieux pour un fanatique de Thimoros que des reliques créées sans doute possible par son dieu ! Était-elle juste sotte ou totalement inconsciente ? Dans les deux cas, cela risquait de mettre la réussite de la mission ainsi que leurs vies en grand danger.
Alianof intervint d'ailleurs pour mettre sans brusquerie les points sur les i, faisant prévaloir l'intérêt de faire intervenir deux mages de faible capacité comme eux, qui sembleraient moins suspect qu'un homme ayant l'aura d'un archimage et concluant par le fait qu'il serait plus sage pour eux de s'adapter aux contraintes de la mission une fois sur place plutôt que de s'embrouiller avec un plan pré-établi.
Le raisonnement sous-jacent se tenait, mais l'essentiel était là : l'humain et la lyikor allaient devoir se débrouiller par eux-même.

Le fanatique cessa de se masser l'arête du nez, en proie à une illumination, et fixa maître Alianof d'un air à la fois perplexe et contrarié.

Je me demandai pourquoi il me colle cette femelle dans les pattes... pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Si cet homme est au moins à moitié aussi rusé que ce que je suppose, il a dû penser à cette éventualité...
Cela nous permettrait d'entrer plus facilement dans le temple, mais cela rendrait également la partie plus délicate à jouer à l'intérieur. Quelle merde !

Azdren garda néanmoins ses réflexions pour lui en se forçant à se mordre l'intérieur de la joue. Si son hypothèse était la bonne, il ne devait pas révéler le plan maintenant, car la lyikor risquait de reculer devant le danger.
Il essaya donc de détourner la conversation.

- Je suppose que pour aller vers le désert, nous devrons passer par la ville de Yarthiss... mais ensuite ? auriez-vous à votre disposition une carte indiquant l'emplacement du temple ? Parce que s'il nous faut marcher en aveugle dans le désert... Nous aurions également besoin de quelques équipements, et en particulier d'un sigil de prêtre de Thimoros : je n'ai jamais reçu le mien et il serait utile pour nous identifier.
Demoiselle, vous devriez aussi rendre cette bague que vous portez en pendentif : elle est trop voyante et identifiable.

Azdren se tut alors et se plongea dans diverses considérations d'ordre techniques qui devaient permettre au tandem de rentrer en un seul morceau.