Musique d'ambiance.Évoluant au hasard de couloirs en ruines et de salles de classes ravagées, Baldur ne pouvait que contempler à quel point sortilèges d'ombres et magies de fluides peuvent se révéler destructeurs et effroyables. À mesure qu'il progressait à travers la poussière et les poutres effondrées, le rôdeur enjambait parfois un cadavre brûlé, calciné au point d'en être reconnaissable, parfois, c'était des petits morceaux de glaces rouges de sangs qui étaient éparpillés devant lui, enfin, il entraperçu dans une des salle de classe le corps inanimé d'une jeune femme dont le visage s'était figé dans une expression de terreur pure... Comme si elle avait regardé au plus profond de l'âme d'Oaxaca. La rumeur des combats qui se poursuivaient au sein de l'académie continuait de parvenir aux oreilles affûtées du rôdeur... Cris et explosions de mêlaient au chants des incantations, le tout sublimé par le bruissement des flammes qui rongeaient le bâtiment et l'odeur de chair brûlée qui envahissait l'endroit. L'épée au clair et l'esprit en alerte, Baldur était prêt à combattre...
Mais il y avait autre chose...
... une étrange soif.
Comme un doux vertige qui accompagnait la sécheresse de sa gorge... Le rôdeur fût surpris de constaté qu'il salivait abondamment, comme en attendant un large plateau d'appétissantes viandes. Son esprit, habituellement vif et spontané, se troublait peu à peu par une soif irrépressible, un désir presque charnel de goûter à la bataille...
... de s'abreuver d'un sang rouge et parfumé.
À cette surprenante pensée, une fulgurante douleur traversa le crâne de Baldur qui perdait de plus en plus contrôle sur son propre corps... Ses mains se crispèrent autour de la garde de son épée, ses jambes se raidirent au point de ne plus pouvoir marcher, son cœur battait si fort que ses oreilles résonnaient comme des tambours de guerre...
... le Lion se réveillait.
La « boussole » dorée, ornée d'une tête de fauve, qui jamais ne quittait le cou de Baldur se mit à vibrer comme jamais auparavant. Le rôdeur en lui-même ne pouvait guère plus qu'appuyer son épaule contre un mur poussiéreux alors que son esprit essayait tant bien que mal de calmer les puissantes et incontrôlables contractions qui agitaient son corps. Sa respiration se bloquait parfois complètement avant de reprendre à quelques secondes de l'asphyxie...
D'étrange visions commençaient à parvenir à ses yeux...
Quelque chose, tout au fond de lui, cherchait à les réprimer par tous les moyens...
... une étoffe rouge et voluptueuse, s'étendant sur le sol comme une mer lisse et soyeuse ...
Claquement sec et cristallin, comme une glace qu'on brise morceau par morceau.
Baldur rouvrait soudainement les yeux, respirant avec difficulté comme au sortir d'un mauvais rêve... Sa main droite complètement tétanisée autour de la garde de son épée et sa main gauche crispée autour de sa boussole dorée... Baldur n'en avait pas la moindre idée, mais il n'était étrangement ni surpris, ni effrayé. Son esprit chassait comme par lui-même les questions qui bourgeonnaient par centaines dans ses pensées. Que s'était-il passée...? Où avait-il déjà vu cette étoffe...? Pourquoi..? Com... Que...
Baldur était bientôt redevenu lui-même, l'épaule appuyée contre le mur de l'académie, le corps aussi relaxé qu'il puisse l'être, son cerveau faisant barrage contre lui-même... Le rôdeur regarda machinalement la paume de sa main gauche dans l'incapacité de se souvenir de la moindre chose de ce qui s'était passé quelques secondes auparavant...
Une voix familière résonna derrière lui, l'appelant par son surnom... Irélia ! Elle l'avait donc suivit dans cette fournaise pour lui prêter main-forte ! Une aide qui se révélera sans doute cruciale pour le rôdeur qui n'ayant pas la moindre idée quant à la disposition des lieux... Reprenant sa contenance auprès de la guerrière rousse qui s'approchait mais trahissant son anxiété par ses efforts pour ne pas la regarder directement dans les yeux, Baldur dit avec une surprenante honnêteté :
"... Heureux de vous voir ici, Irélia ..."Pointant de son épée le bout du couloir devant lui, d'où provenait nombreuses clameurs de combats, le rôdeur continua.
"... Je ne connais guère le plan de ces lieux, mais mon instinct me dit que s'il y a des survivants, ils seront en train de combattre leurs adversaires ou se cacher quelque part dans ces ruines. Aidons les premiers et trouvons les seconds rapidement avant que tout le bâtiment s'effondre !"Entraînant avec lui la guerrière rousse, Baldur arriva bientôt dans une salle immense aux grandes arches qui furent sans doute encore splendides et colorées il y a quelques heures de cela. D'innombrables tables de bois étaient disséminés un peu partout, certaines réduites à l'état de cendres ou de copeaux de bois, d'autres qui étaient encore recouvertes de pichets et chopines en fer blanc. Quelques étoffes accrochées au murs et une mer de morceaux de papiers éparpillés au sol se consumaient lentement, laissant la vaste salle être envahie peu à peu par une dense fumée colorée d'origine mi-magique, mi-naturelle... Au milieu de ce champs de ruines se trouvait un quatuor de magiciens protégés par ce qui semblait être une gigantesque bulle d'eau maintenue à l'état « physique » par un vieillard aux larges favoris grisonnant et à l'air coléreux. Sous la protection de la bulle magique se trouvait un autre homme chétif, les cheveux noirs et aux petites lunettes accrochées autour de ses oreilles par un morceau de chanvre, qui semblait pratiquer un soin par apposition des mains au dos d'une jeune femme qui elle-même protégeait dans ses bras une fille qui semblait à peine être entrée dans l'âge adulte... Tout autour du groupe se trouvait neufs personnages en bures noires et aux visages abominablement difformes ou mutilés... Comme des vautours attendant de fondre sur une proie agonisante, ils tournaient lentement autour de la bulle magique, grimaçant et ricanant. Ils semblaient prendre un malsain plaisir à torturer psychologiquement leurs victimes et en particulier la toute jeune femme en jouant de leurs sortilèges pour faire trembler la protection du vieillard ou en jouant avec les ossements de quelques cadavres qui traînaient-là. Malgré la rumeur de l'incendie et de la bataille, Baldur était tout à fait capable de happer les mots qui constituaient les promesses de « délicieuses et éternelles souffrances » lancées aux quatuor de mages...
Bien que le vieux magicien ne bronchait pas, le rôdeur savait qu'il ne résisterait pas éternellement aux assauts des fanatiques... Il fallait agir vite et le guerrer Darhàsmois commençait à entrapercevoir un moyen de surprendre les mages noirs. Se tournant vers Irelia et désignant de la main les lourds chandeliers de fer suspendus au plafond, il lui confia son plan...
"... Regardez, Irelia. Les chaînes de ces chandeliers me seront accessible si je me faufile de ce côté... Si j'arrive à les atteindre, alors je doute que toute la protection de Thimoros ne soit suffisante pour arrêter une telle masse de métal... Cela me coûte de le dire, mais vous semblez avoir une bien meilleure armure et expérience que moi au combat. Si vous parvenez à distraire les fanatiques pendant quelques instants, je pourrai détruire les chaînes de ces chandeliers et enterrer ces chiens sous quelques tonnes de métal surchauffés !... Agissons rapidement, Irelia !..."… quelques secondes de discussions plus tard, Baldur s'élançait à travers les morceaux d'arches et de piliers effondrés en direction des chaînes de contrôle des chandeliers tandis qu'Irelia progressait aussi discrètement que puisse l'être une femme en armure de plaque complète armée d'une épée dix fois trop grosse pour elle en direction des fanatiques.
Un des fanatique repéra rapidement la jeune femme rousse et donna l'alerte à ses compères qui se mirent immédiatement à incanter de nouveaux sortilèges... Perdant de vue sa compagne rousse, Baldur commença à maudire à vigoureusement maudire les dieux alors qu'il abattait son épée encore et encore sur la lourde protection retenant la chaîne du chandelier est...
Au cling et au clang de ses coups s'ajoutait celui de l'épée d'Irelia qui se mettait à l'œuvre. Le rôdeur avait même l'impression que le groupe de magicien survivant avait profité de l'irruption inopinée de la guerrière pour rassembler leurs pouvoirs et contre-attaquer. Parvenant enfin à vaincre la chaîne, Baldur ferma un instant les yeux et laissa un petit sourire satisfait naître aux coins de ses lèvres alors que le lourd chandelier se décrochait du plafond et allait s'écraser avec fracas quelques mètres plus bas sur Moura sait combien d'ordures encapuchonnées... Mais si le rôdeur jouait de malchance, ce chandelier aurait très bien pu atterrir sur ceux qu'il essayait de sauver !
Agissant par instinct, Baldur sauta par dessus un des piliers effondrés pour contempler la scène de combat : aux pieds d'Irelia gisait un cadavre coupé en deux et la guerrière elle-même dirigeait son regard vers un autre hérétique, préparant à lever son épée, le vieillard qui avait maintenue sa bulle était à genoux par terre, essayant de reprendre des forces alors qu'une des deux jeunes femme qu'il protégeait s'était relevée et laissait s'exprimer une puissante magie d'éclairs et de tonnerres sur un des fanatique... Trois fanatiques, sans compter celui qui devait désormais faire avec le nouveau tranchoir logé dans son corps décrépi, étaient toujours actif, ce qui indiquait que trois autres hérétiques se trouvait désormais écrasés par une masse de métal surchauffé à quelques pas de là !... Avec le magicien qui protégeait le groupe affaiblit, Baldur devait redoubler d'effort pour sauver ceux qui pouvait encore l'être !
Concentrant son esprit sur le visage borgne et maladif de la femme fanatique la plus proche de lui, le rôdeur bondit sur une table et se rua aussi rapidement que possible vers son adversaire. Mais cette dernière n'était malheureusement point sotte et avait remarqué l'arrivée d'un nouvel adversaire. Elle décocha d'abord une puissante boule de feu qui vint exploser aux pieds de Baldur, pulvérisant la table de bois sur laquelle il avait pris appui et l'envoyant valser à travers le réfectoire jusqu'à ce qu'il ne s'écrase sur le sol dur, chaud et poussiéreux. Grognant et toussotant, la hanche pulvérisée et frappant de sa main les flammèches qui rongeait le bas de son pantalon, Baldur eut à peine le temps de retrouver ses esprit qu'il se précipita derrière une table renversée pour se protéger d'un nouveau sortilège qui lui était destiné... La table qui lui servait de protection sembla comme être déchirée morceaux par morceaux par d'invisibles et puissantes mains ! Mais avant même que Baldur ne pense à un nouveau plan, la plus jeune femme, auparavant terrorisée, avait provoquée l'apparition d'un énorme pic de glace qui fusa en direction de la magicienne noire... La lame de glace plongea dans le cou décharné de la fanatique et resta là, recouverte d'un sang noir sur une surface de cristal bleu clair, alors que l'hérétique au regard subitement vide titubait dans l'agonie de la mort... Plus que deux !
S'il devait voir un bon côté à avoir été propulsé à travers une pièce de la taille d'un temple et s'être fait broyer la hanche dans l'atterrissage, Baldur se disait qu'il se trouvait désormais à à peine quelques pas d'un autre fanatique qui ne savait guère vers qui jeter son prochain sort... Se relevant non sans difficulté, la main toujours crispée autour de la garde son épée, Baldur afficha une grimace de rage avant de se ruer en direction du prochain hérétique... Ce dernier se retourna brusquement en direction du rôdeur et tendit son bras vers sa direction... mais seulement pour que Baldur n'abatte avec violence son épée contre le poignet de son adversaire, brisant le membre et déstabilisant le magicien... Bien qu'il avait une épée logée dans avant-bras, le fanatique ne semblait pas souffrir plus que ça et essayait d'agripper de sa main valide la garde de la dague du rôdeur. Comprenant la manœuvre de son adversaire, Baldur donna un puissant coup de tête sur le crâne chauve du fanatique et dégaina son coutelas d'une main avant de la plonger une première fois dans la gorge, une deuxième fois dans la joue droite, une troisième fois dans l'œil gauche et une dernière fois au milieu de la mâchoire de son adversaire...
Mais... Cette fois, Baldur ne fut pas surpris de voir le fanatique survivre à de tels assauts. Avec une humeur presque joueuse, le rôdeur rendit à l'hérétique le rictus cruel qui se dessinait sur ses lèvres décharnées et délogea son épée du bras de son adversaire. Avec un mouvement presque gracieux, le rôdeur pivota sur lui même et abattit son épée contre la nuque qui entailla profondément les chairs déjà pourrissantes du fanatique, enchaîna avec un puissant coup de pied dans le genou pour faire s'effondrer son adversaire et termina par une puissant mouvement de guillotine qui termina de décapiter l'hérétique...
La tête qui commença à rouler sur le sol recouvert de cendre était celle d'un homme qui riait...
... Celui d'un homme qui accueille la mort avec plaisir et amour.
Lorsque Baldur se retourna pour affronter le dernier fanatique, ce dernier gisait déjà au sol. Qui des magiciens ou d'Irelia l'a tué, Baldur ne sait et ne désire pas savoir, tout ce qui importait était de savoir s'il y avait des blessés parmi les magiciens... Ces derniers semblaient néanmoins sur la défensives, les mains encore figées en l'air comme prête à commencer de nouvelles invocations... Visiblement, il ne suffisait pas de sauver un groupe d'une mort certaine pour gagner leur confiance...
"... Nous avons peu de temps, alors écoutez-moi, magiciens..." commença Baldur, sèchement,
"... Mon nom n'a pas d'importance, mais je suis avec un magicien appartenant à votre guilde du nom d'Azdren. Lorsque nous avons compris que l'université était attaquée, nous nous sommes hâter de venir au secours des survivants... Nous-" "Azdren est un magicien noir, adepte des arts de Thimoros comme ceux qui nous ont attaqués cette nuit même !" coupa le vieillard au regard coléreux
" Comment savoir s'il ne participe pas lui-même à l'attaque contre l'académie ?" "... Quelle est alors la signification des cadavres de fanatiques de Thimoros qui jonchent le sol de cette salle dans ce cas, vieil homme ? L'heure n'est pas aux questions, ni aux dissertations. Je suis là pour sauver tous ceux qui peuvent encore l'être de cet enfer ! Où sont les autres survivants ?... Comment les atteindres d'ici …?"Avec une grognement de frustration, ne sachant décider s'il devait accorder sa confiance aussi facilement que cela à des inconnus armés, le vieil homme tourna les yeux en direction des jeunes individus qui l'accompagnaient qui, d'un hochement commun de tête, donnèrent leur consentement.
" Hrmpf !... Très bien... Professeurs et élèves dormaient ou veillaient à la bibliothèque quand l'attaque commença. Le chaos s'installa rapidement alors que nous ne parvenions pas à rassembler suffisamment d'étudiant pour monter une résistance efficace... La plupart des élèves se sont éparpillés dans le bâtiment dans la panique et je doute qu'ils aient survécus sans l'aide d'un de leurs professeurs... Quant à ces derniers..." "... Notre Maîtresse-Pyromancienne s'est rendue dans les sous-sols avec une douzaine d'autres professeurs pour protéger les grimoires et ingrédients magiques qui y sont entreposés... Je sais aussi que nous avons confiés les élèves survivants à la Guérisseuse de l'académie qui s'est réfugiée à l'étage pour soigner les blessés et quelques professeurs sont chargés de la protéger. Avec un peu de chance, l'Archimage Alianoff a survécu à l'assaut initial et doit être retranché dans ses quartiers... C'est de là-bas que je suis parti avec ce petit groupe pour tenter une percée, et c'est aussi là-bas que doit se trouver le reste des survivants... C'est tout ce que je sais... " "... Merci, mage." dit Baldur en inclinant humblement la tête,
"... Nous devons continuer à chercher le bâtiment à la recherche de survivants. Il serait mieux pour vous que vous fuyez le bâtiment aussi vite que possible... Rejoignez Azdren à l'entrée, il est avec une femelle Lyikor qui a besoin de soins urgents..." Se tournant en direction d'Irelia alors que le quatuor de magicien s'esquivait rapidement à travers l'épaisse brume qui envahissait le bâtiment, Baldur demanda, non sans grimacer à cause de sa hanche douloureuse.
"... Avez-vous une préférence, Irélia ? Qui devrions-nous sauver en premier …?"