Parnalia se rendit compte qu'elle avait dû émettre une proposition ridicule car son futur compagnon de route lui jeta un regard effaré tandis qu'Alianof tentait d'expliquer la situation avec des mots simples : les prêtres qu'ils devaient voler ne se départiraient pour rien au monde de leur cristal, ne fut-ce que parce que l'archimage n'avait aucun artefact de valeur équivalente à leur proposer. Comme cet objet était visiblement d'une importance capitale pour la guilde, il convenait de procéder avec discrétion, d'où l'envoi de deux membres de rang moindre pour éviter une confrontation directe.
Cela ne résolvait pas le moins du monde le cas de conscience qui tenaillait la lyikor, mais cette explication avait au moins le mérite de montrer à Parnalia la détermination d'Alianof à acquérir cet objet : si elle ne le faisait pas, un autre membre de la guilde s'en chargerait.

Autant que je participe à cette mission, je pourrai peut-être convaincre mon compagnon d'infliger un sort moins cruel à ces prêtres que nous allons dépouiller...

Celui-ci, après avoir jeté un nouveau coup d'oeil à la lyikor puis s'être tourné vers Alianof avec une lueur malsaine dans l'œil, opéra un changement de comportement surprenant et se mit à réfléchir aux solutions des problèmes techniques de l'opération à venir en s'adressant à ses deux auditeurs : principalement des requêtes de matériel et d'informations. Il conclut en demandant à Parnalia de laisser à la guilde le sigil orné des armoiries de celle-ci pour leur éviter de se faire remarquer.
Ne sachant trop comment réagir, la jeune femelle obtempéra et ôta le pendentif de son cou pour le poser sur le bureau de maître Alianof tandis que l'homme en toge noire se taisait, faisant visiblement tourner son intellect à plein régime.
Parnalia en profita pour poser une question qui lui sembla évidente.

- Excusez-moi, mais j'ai cru comprendre que nous passerions par une ville avant d'arriver à ce temple en plein désert... est-il possible que nous y rencontrions des membres de la guilde pour glaner des informations ?
Cela ne me dit franchement rien d'arriver là-bas sans avoir la moindre idée de la configuration des lieux ou du nombre approximatif de ses occupants...

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Yvan Alianof ramassa la bague, la plaçant ensuite dans un tissu noble qu'il rangea dans son bureau. Visiblement satisfait par le pragmatisme des questions, il répondit:

"Vous pourrez commencer en effet par aller au Château Harthefeld de ville de Yarthiss. Vous demanderez au héraut à voir le Comte Wizalian. Il vous demandera en réponse si vous parlez du Comte Widarian, mais insistez pour au contraire voir le Comte Wizalian. Cette personne pourra vous donner des informations plus locales. Pour ce qui est d'un sigil, je devrais pouvoir vous en procurer un avant votre départ."

Il vous regarda tous deux un instant, avant de vous confier, le plus sérieusement du monde:

"Je ne vous confie pas cette mission par hasard. Vous êtes tous deux nouvellement entrés dans notre guilde et avez accepté ses valeurs. Dans ce temple, vous verrez ce à quoi l'absence de contrôle sur le pouvoir peut mener, ce que la magie peut faire quand l'homme qui la maîtrise se laisse engloutir. Car ces fous qui ont donné leur âme pour obtenir du pouvoir ont autrefois été comme vous et moi. Ne l'oubliez pas en contemplant leur déchéance.

Du fond de ses réflexions stratégiques, Azdren fut soulagé d'entendre la question de Parnalia, frappée du sceau du bon sens : en effet, pourraient-ils bénéficier de l'aide d'alliés à proximité du temple, à défaut d'en avoir à l'intérieur ?
Alianof leur parla alors d'une personne à laquelle fournir un code précis à Yarthiss qui pourrait s'avérer être un informateur précieux. Il affirma également pouvoir être en mesure de lui procurer un sigil de prêtre de thimoros d'ici peu... les pièces se mettaient doucement en place et le fanatique commençait à échafauder un plan sur des bases solides pour faire en sorte que cette mission périlleuse ait une chance de réussite.
Il mettrait la lyikor au courant de celui-ci pendant le trajet pour ne pas perdre de temps : le maître des l'académie de magie n'avait pas fixé de limite temporelle pour le déroulement de cette mission, mais il était certain que d'une manière ou d'une autre la nouvelle de leur départ se répandrait et que ce ne serait alors qu'une question de jours avant que ne transpire leur objectif. Ils devraient donc se hâter.

Le fanatique se leva de son siège avec raideur et salua maître Alianof avec la même rigidité avant de se tourner vers sa nouvelle partenaire.
Pour la deuxième fois, le destin le faisait voyager aux côté d'une femelle à la plastique de rêve... fallait-il y voir un signe quelconque.

- Demoiselle, je vous attend dans trois heures à l'entrée de l'Université. Pensez à bien vous préparer et surtout à profiter dans le réfectoire du dernier repas décent que vous pourrez prendre avant longtemps. Tout cela ne va pas être de tout repos.

Azdren sortit sans attendre de permission, car il avait fort à faire : il commença par aller faire le plein de vivre de voyage et réclamer une carte de l'Est du continent à l'intendance, puis il se rendit à la bibliothèque pour vérifier certains points qui lui semblaient obscurs à propos des cérémonies de culte de son propre dieu, et enfin il prit le temps de méditer un peu dans sa chambre avant de se rendre au rendez-vous.
Il s'y trouva le premier et en profita pour demander à l'hôtesse d'accueil le présent promis par maître Alianof, dont il s'empara et qu'il examina avec soin : il s'agissait d'un anneau d'or serti d'une pierre d'onyx frappée d'une tête de mort irradiant légèrement de magie sombre. Un sigil de prêtre de Thimoros... voilà qui pourrait lui ouvrir certaines portes. Le fanatique empocha l'artefact et attendit impatiemment la jeune femelle, jusqu'à entendre des bruits de pas derrière lui.

- Si vous êtes prête, nous pouvons y aller. Nous en aurons à priori pour trois jours de marche jusqu'à Yarthiss.

L'entretien semblait toucher à sa fin : Alianof répondit à la question de Parnalia, évoquant une personne à contacter près d'un lieu précis et à laquelle fournir un mot de passe pour obtenir des informations plus locales sur la ramification locale du culte de Thimoros et son partenaire dont elle ignorait encore le nom se leva et lui prodigua quelques derniers conseils avant de s'éclipser.
La lyikor ne prit pas la peine d'essayer de retenir les informations concernant le mot de passe car elles faisaient tout bonnement référence à des choses qui lui étaient inconnues : qu'était donc un "héraut" ? Pourquoi fallait-il le retrouver près d'un "château" ? Ou encore que pouvait bien être un "comte" ? Autant de questions auxquelles elle espéra que son partenaire répondrait tôt ou tard, même s'il n'avait pourtant pas l'air très loquace.
Le maître de l'université de magie se fendit d'un dernier commentaire avant que Parnalia ne s'éloigne à son tour où il lui conseilla de prêter attention à ce qu'elle verrait dans le temple, pour juger de ce que pouvait provoquer l'emploi de la magie dans une recherche effrénée de puissance. La jeune femelle avait déjà une petite idée sur la réponse, mais préférait ne rien dire... après tout le spectacle de la corruption de Dahràm qu'elle identifiait à présent comme le résultat de l'utilisation d'une magie impure. Elle sortit du bureau en s'inclinant poliment devant le maître des lieux et en le remerciant pour ses conseils.

La lyikor essaya de passer agréablement les quelques heures qui lui restait à prendre un repas consistant au réfectoire en compagnie de la présence chaleureuse des étudiants, puis à aller chercher des vivres et enfin à passer par l'infirmerie pour rafler des remèdes en tous genres en profitant du fait que les guérisseuses étaient toujours débordées avec leurs grands brûlés.
Elle retrouva le mage en noir à l'entrée du bâtiment en train de l'attendre. Malgré son masque cachant son visage défiguré, elle crut néanmoins sentir un peu de chaleur humaine dans sa voix, comme s'il se réjouissait secrètement de faire route avec elle tout en la renseignant sur la distance séparant Tulorim de Yarthiss.
Dans le doute elle lui fit un sourire chaleureux.

- Eh bien, allons-y.

<< Les ruelles

Je ne compte plus le nombre de fois où je suis passée devant ces amples bâtisses, sans pour autant y porter grande attention. Me rendant simplement compte que les bâtiments sont plus nombreux que ce que je pensais, je ne les regarde pas plus aujourd'hui, espérant que cette invitation ne va pas me prendre toute la journée. J'ai prévu de passer cette dernière au temple et je n'aime pas lorsque mes desseins sont contrariés. J'ai déjà assez traîné dans les ruelles.

L'affluence des rues est bien moindre ici, des individus de tout âge se déplacent seuls ou par deux, allant et venant entre les constructions. Je me décide pour le porche le plus près de moi et, en quelques enjambées, franchis le seuil de l'Université, quittant sa cour ensoleillée pour un grand couloir obscur. Là aussi, des gens se meuvent en tout sens sur les grandes dalles qui couvrent le sol. Sans m'attarder sur les ornements de l'édifice, je laisse mes yeux s'habituer à la pénombre intérieure tout en considérant les personnes qui m'entourent. Remarquant un Sinari les mains chargées de manuscrits, je m'approche de lui et sors l'invite que j'ai conservée, certaine d'avoir à faire à un employé de la maison.

"Pardonnez-moi messire, mais j'ai ici une invitation de la part de votre établissement. Seulement, je ne sais à qui m'adresser car elle ne porte aucun nom de destinateur."

Je mets le parchemin sous le nez du Sinari pour qu'il puisse constater par lui-même ce que je viens de lui exposer.

-Message Guilde pour Tylia-

Le demi-homme observa le document d'assez loin, sans doute à cause d'une vision imparfaite. Ses yeux filèrent sur le parchemin alors qu'il le lit à une vitesse prodigieuse, visiblement habitué à l'écriture.

"Oui oui, tout à fait, je pense que ça a été émis par Madame Lissanael. Vous la trouverez en contininuant tout droit sur environ trente deux mètres, puis vous tournez à droite, à la première intersection vous tournez à gauche. Une fois devant la petite fontaine, ce sera juste sur la droite."

Il marqua une petite pause, te regardant de bas en haut, comme pour jauger de tes capacités à retrouver ton chemin. Visiblement pas convaincu, il proposa plutôt:

"Où alors je peux vous accompagner... Ce sera peut-être plus facile pour vous."

Sans attendre, il prit les devants, suivant l'itinéraire qu'il t'avait précédemment indiqué.

(Madame Lissanael.)

Bien que ce nom ne m'évoque rien, j'écoute avec attention les indications que me donne le Sinari. Mais alors que j'entrouvre la bouche pour le remercier, ce dernier me propose de m'accompagner. Je n'y aurai vu aucun inconvénient si ce n'est la fugace impression de dédain que je crois discerner dans ses propos. Ce n'est peut-être que bienveillance, mais je ne peux retenir une réponse acerbe.

"Dites ce n'est pas non plus un labyrinthe votre école ? ! Vous m'avez dit de marcher durant une centaine de pieds, tourner à droite, à gauche et à droite à la fontaine. Il ne faut pas être savant pour s'en souvenir ! Me prenez-vous pour une godiche ?"

Disant cela, je suis bien obligée de lui emboiter le pas, le Sinari s'attendant visiblement à ce que j'obtempère sans poser de questions.

>> Reprise du RP

-Message Guilde pour Tylia-

Le petit être grommela dans sa barbe, ce qui était pourtant pleinement audible:

"Grmnlbl vous rendez service et puis voilà comment on grmblmlblml plus de jeunesse, c'est pas à Shory que Grmblblmlmlbl."

Malgré son ronchonnement il ne te fit pas perdre ton temps, vous faisant rejoindre en moins de deux la fontaine qu'il aurait été facile de rater. Il te désigna la porte du nez, tenant toujours tout son tas de parchemins à bout de bras, avant de s'en retourner, après t'avoir souhaité une bonne journée. Être impoli ne semblait définitivement pas dans ses cordes.

La porte qu'il t'avait montrée était en bois, assez simple mais sans être rustique pour autant. Il n'y avait pas de nom indiquant qui travaillait ou séjournait là. A l'intérieur tu pouvais néanmoins entendre qu'une discussion était menée, entre une femme et un homme, de ce que tu pouvais en juger à travers la paroi pas si fine que cela.

La civilisation, enfin.
Azdren n'avait jamais été aussi soulagé de retrouver un bâtiment, quel qu'il soit, mais il devait admettre que l'académie de magie de Tulorim lui avait fait l'impression d'un havre de paix dès qu'il l'avait vu, avec ses murs de pierre épais et ses hautes fenêtres.
Le fanatique en avait soupé de dormir d'un œil à la belle étoile, taraudé par la conviction que les adeptes du temple du désert d'Imiftil étaient sur ses talons. Bien sûr, ceux-ci ne savaient rien de lui à part ce qu'il leur avait révélé... ils pensaient donc qu'il était un traître provenant du temple de Dahràm qui avait été envoyé pour tuer leur haut-prêtre et voler leurs plus précieuses reliques !
Si ils ne parvenaient pas à lui remettre la griffe dessus, il y avait donc fort à parier qu'ils tenteraient de creuser cette piste qui passait par-delà l'océan... pour s'apercevoir que le fanatique au masque blanc était davantage connu dans cette ville lugubre pour le désordre qu'il y avait causé que pour sa loyauté religieuse.
A cette pensée, un fin sourire tordit les lèvres craquelées d'Azdren sous son masque, du moins jusqu'à ce que son esprit pessimiste mais pragmatique lui fasse entrevoir une une vision des choses.

Et si les religieux s'étaient montrés plus intelligents que cela ? Ce n'était pas parce que l'humain et la lyikor n'avaient pas été talonnés pendant des jours et des nuits par des silhouettes en bure noire qu'ils les avaient forcément semée... et si les prêtres avaient pris un autre chemin pour les attendre à Tulorim, le port le plus proche pour embarquer vers Dahràm ? Et si les deux fuyards n'avaient pas été assez précautionneux en contournant Yarthiss ? Il suffisait qu'un seul mouchard les ait vu puis envoie un oiseau-messager... quel plaie !
Par simple réflexe, Azdren tourna la tête à droite et à gauche comme si il cherchait son chemin alors qu'il se trouvait devant la massive porte de bois sculptée de l'académie... rien, rien qui ne paraisse suspect parmi les passants et les vendeurs ambulants. Était-ce possible, allait-il achever cette mission sans problème après tous ces rebondissements ?
A son côté, Parnalia s'agitait un peu, se demandant probablement pourquoi ils n'étaient pas déjà rentrés. Sans doute avait-elle aussi hâte que lui de prendre son premier repas chaud depuis deux semaines et de refaire connaissance avec le moelleux d'une vraie couche ?

Faisant taire sa paranoïa, le fanatique poussa un léger soupir et passa la porte, avant de suivre un corridor menant à un guichet de bois où l'accorte hôtesse blonde qui l'avait déjà accueilli lui fit savoir que maître Alianoff était dans son bureau et attendait impatiemment de leurs nouvelles. "Impatiemment"... si ce dandy archimage était si inquiet que ça, il aurait dû leur fournir un moyen magique de le tenir au courant ! Au lieu de cela ils n'avaient eu pour tout soutien qu'un contact aussi fiable qu'un serpent éméché et leurs propres ressources pour ressortir vivants de ce damné temple. Qui sait d'ailleurs ce qui se serait passé si le fantôme de la sœur d'Azdren n'avait pas volé à son secours ou si Parnalia n'avait pas trouvé une aide providentielle en la personne d'une Sekteg pour s'échapper !

Tandis qu'il marchait à pas lents mais nerveux dans les couloirs de l'académie en faisant méthodiquement claquer le manche télescopique de la crosse de prêtre noire que la lyikor avait subtilisé au temple, Azdren tourna ses pensées vers la présence chaleureuse qui le suivait à un pas de distance.
Cette nuit, cette fameuse nuit... lui avait fait connaître de nouveaux horizons. Elle s'était montré à la fois douce et sauvage, pédagogue et emportée. De quoi lui donner à réfléchir, même si cette occasion où leurs deux corps en quête de chaleur humaine s'étaient unis n'avaient pas eu de lendemain. En effet, ils avaient repris leur cheminement comme si rien ne s'était passé : il n'y eut aucune équivoque entre eux, pas de proposition le soir venu ou quoi que ce soit. Cela n'avait pas été un moment d'égarement, non... cela avait été un simple moment de réconfort qui ne laissait pas d'illusion, ce qui leur convenait à tous deux.

Le dos presque droit et la démarche à présent assurée, Azdren parvint devant la porte du bureau de maître Alianoff, à laquelle il frappa doucement. Celle-ci s'ouvrit sans un bruit, dévoilant l'habituel musée de curiosités du maître des lieux, qui n'était pas sans rappeler la salle des reliques du temple du désert.
Le pessimisme de l'homme desséché le titilla à nouveau et il espéra que l'archimage ne reviendrait pas sur sa promesse et les laisseraient garder les objets magiques que Parnalia et lui avaient acquis de haute lutte.
L'archonte de la guilde semblait en meilleure forme que la dernière fois qu'ils l'avaient vu : rasé de près, bien coiffé, élégant... bref, fidèle à lui même.
Azdren s'inclina brièvement pour le saluer, puis s'approcher lentement du bureau du maître des lieux, le laissant admirer sa nouvelle crosse, avant de sortir de sa manche le véritable cristal d'araignée et de le poser parmi les documents rangés en piles nettes avec une certaine douceur mâtinée d'une forme de répulsion en songeant à la puissance de l'artefact.
Puis il releva la façade blanche de son masque vers l'homme assis dans son fauteuil.

- Cela vous convient-il, maître Alianoff ?

A nouveau, Parnalia faisait face au bâtiment abritant l'académie de magie de Tulorim, tenu par la guilde qui lui avait offert un refuge alors qu'elle avait commencé à parcourir le monde à l'aveuglette.
La ville ne semblait pas avoir changée durant ces deux semaines d'absence. Peut-être que l'air se trouvait un tantinet plus sec en cette fin d'après-midi et qu'on ne rencontrait que peu de monde dans la ville sillonnée de canaux, mais rien de particulièrement étonnant. Sauf peut-être... cette inhabituelle raréfaction des marchands de nourriture ambulants, dont elle avait cherché la présence par réflexe dans le but de remplir à nouveau son stock de provision dangereusement bas. Un comportement stupide si on y regardait à deux fois, vu qu'elle pourrait se restaurer une fois à l'abri des épais murs de l'académie, mais les réflexes de toute une vie en milieu sauvage ne s'oublient pas d'un claquement de doigt.
Un détail troublant, donc, mais un simple détail.

Tout au long du trajet entre la sortie du désert d'Imiftil et Tulorim, Azdren et elle avaient avancé à bonne allure mais en se rationnant. Le but pour eux était d'attendre la grande ville portuaire en évitant au maximum les routes, villages et agglomérations pour éviter que les prêtres fou furieux du temple de Thimoros ne les rattrape par des moyens conventionnels et magiques ou que des indicateurs remarquent leur passage.
C'est ainsi qu'ils avaient par exemple contourné au loin la ville de Yarthiss, se contentant de s'arrêter quelques instant pour remplir leurs gourdes avec l'eau clair du lac qui flanquait l'endroit.
Mis à part cela, ils avaient eu de la chance de ne pas se faire importuner, se contentant de voir passer de temps à autre de loin un cavalier nappé de son nuage de poussière sur le sentier et de n'avoir rencontré de visu qu'un braconnier à la figure sombre qui les avaient croisé sans même les saluer. Il faut dire que la robe sombre d'Azdren et son masque blanc ne donnaient guère envie de s'attarder pour tailler une bavette.
La chance avait néanmoins prit une forme plus concrète durant leur marche quant, deux nuits de suite, la lyikor parvint à piéger des lapins qui s'étaient approché un peu trop près de leur bivouac et auxquels elle brisa le cou avant de les dépouiller et de les faire cuire sur des pierres plates au-dessus du feu. Feu que les partenaires s'étaient autorisés à allumer en raison de la relative sécurité que leur conférait leur éloignement de la route.

Comme Parnalia l'avait supposé, Azdren ne lui demanda pas ses faveurs pour une autre nuit de sensualité. Cette unique occasion semblait avoir ragaillardi le fanatique et avoir lavé certaines de ses plaies les plus profondes dont il ne lui avait pas parlé.
Pendant les jours de voyage qui avaient suivis, il s'était contenté de la contempler avec chaleur et de lui raconter sur sa demande des anecdotes croustillantes ou banales sur les endroits qu'il avait visité durant sa propre errance, lui ouvrant ainsi de nouveaux horizons.
L'homme desséché avait même été jusqu'à enlever sa épaisse aube noire et son masque de bois blanc le soir venu pour se délecter à son côté de la douceur de la nuit dans la plaine. Un intrus qui se serait arrivé à ce moment aurait trouvé le spectacle pour le moins incongru : une splendide lyikor presque nue assise à côté d'un humain balafré en pagne... de quoi faire jaser !
Ils n'avaient pas discuté de leurs plans pour l'avenir : Azdren semblait avoir une idée fixe qu'il ne voulait pas dévoiler malgré leur amitié naissante, et elle n'avait pas de d'avis précis sur la question. Mais de toute façon, pouvaient-ils tirer des plans sur la comète en sachant que leur futur dépendrait sûrement des intentions des dirigeants de la guilde de la Nouvelle Obédience à la Magie ?
Difficile à dire.

Le souvenir de cette marche forcée, occultant peu à peu celui de leur investigation du temple de Thimoros, faisait passer Parnalia par divers degrés d'excitation, la faisant nerveusement sautiller sur place avec un petit sourire... vivement que tout cela finisse ! Elle emboîta donc le pas à son partenaire une fois que celui-ci eut fini de jeter des regards furtifs en tous sens. Que cherchait-il ? Des assassins ? Mais nul n'oserait s'en prendre à eux devant une académie de magie, surtout si ils montraient déjà leur velléité d'y pénétrer !
Ils passèrent donc la massive porte de bois sculptée, empruntèrent un long corridor et arrivèrent finalement à un guichet de bois simple derrière lequel se tenait une accorte humaine blonde qui leur souhaita un bon retour et leur confia que maître Alianoff attendait impatiemment leur retour. Cette dernière remarque fit tiquer Parnalia, qui garda son impression pour elle.

Alors comme cela, ce bellâtre attendait avec impatience notre retour ? Si il était si inquiet que cela, il aurait pu nous envoyer de l'aide à Yarthiss, comme une charrette ou un guide avec des montures !

Laissant de côté le fait qu'elle ne savait absolument pas monter à cheval mais qu'elle n'attendait pas moins la première occasion pour tenter l'expérience, elle continua à suivre Azdren le long d'une série de couloirs plus ou moins familiers menant au bureau du maître de l'académie. Le fanatique s'arrêta alors devant une porte à laquelle il frappa, puis qui s'ouvrit dans un coulissement feutré.
La pièce, qui servait à la fois de bureau et de musée à Alianoff, n'avait pas changée d'un poil : même grande baie vitrée lumineuse, mêmes étagères parfaitement ordonnées recélant de véritables trésors magiques, même fauteuil imposant dans lequel le dandy archimage se tenait assis. Ce dernier commença par conclure la lecture d'un document posé sous son nez, le rangea parmi l'une des piles bien nettes qui parsemaient son secrétaire, puis leva enfin le nez vers le duo.
Parnalia se contenta de s'avancer un peu et de s'incliner respectueusement, avant de croiser ses bras sur sa poitrine et de mettre l'accent sur celle-ci. Faut-il préciser qu'elle avait depuis longtemps renvoyé les vêtements humains qu'on lui avait donné ici même aux calendes ynoriennes ?
Le fanatique quant à lui extrait le cristal d'araignée, objet de leur quête, de la manche de son aube avant de le poser devant Alianoff et de se fendre d'une pointe d'ironie.

Crottés des pieds à la tête, l'air légèrement épuisé, les deux compères se tenaient néanmoins le dos droit, exhibant chacun son trophée rapporté du temple : le brassard magique pour la lyikor et la crosse télescopique noire pour Azdren... deux reliques conquises de haute lutte !
Restait à voir la réaction de l'archimage devant le succès de leur mission.

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Yvan arborait un sourire qu'on aurait pu considéré comme expressif lorsque l'on connaissait le taciturne de l'homme. Ses yeux suivirent l'artefact sombre, sans qu'il ne s'enflamme pour autant, son sang froid restant bel et bien présent.

"C'est du beau travail que tout cela..."

Il était difficile de savoir s'il parlait de votre prestation ou de la création de ce cristal maudit qui avait coûté tant de vies. Vous remarquâtes que jamais il ne posa les doigts dessus cela dit. Non, au contraire il saisit une petite boîte opaque, et poussa l'étrange œuf du bout des doigts à l'intérieur, avant de soigneusement refermer le couvercle.

Son attention se reporta alors vers vous. Son regard passa rapidement sur vos propres gains, sans que jamais ne s'allume l'étincelle de l'avarice. Il vous interrogea alors, simplement, surtout au vu des épreuves que vous avez du franchir:

"Je savais que je pouvais compter sur vous. Vous avez rencontré des difficultés particulières?"

L'archimage ne sembla pas s'émouvoir plus que cela à la vue du cristal noir posé devant lui... tout juste se permit-il un fin sourire avant de pousser du bout des doigts la pierre dans un petit écrin de bois. Sans doute était-ce chez lui l'équivalent d'une explosion de joie et de congratulations enthousiastes.
Azdren se demanda brièvement pourquoi l'homme prenait autant de précautions pour manipuler la relique : si celle-ci fonctionnait de même façon que la fausse qui avait décapité le clergé maléfique du désert d'Imiftil, elle ne devrait se montrer mortelle que si un sort était lancé dans la pièce. Mais il est vrai que même dans cet état passif, elle semblait profondément dangereuse rien qu'à cause de son rayonnement étouffant.
La lyikor et lui avaient-ils risqué de contracter une affliction magique rien qu'en prenant l'artefact à pleine mains pour le transporter ? En tous cas, Alianoff ne se fendit d'aucun commentaire sur le sujet et décida enfin de s'intéresser à eux, son regard s'accrochant sur les reliques que les deux comparses avaient emporté avec eux sans qu'on puisse y lire autre chose que de l'intérêt poli.
Le dandy se fendit simplement d'un compliment puis s'enquit des difficultés que les deux aventuriers avaient traversé, le tout sur un ton si posé et naturel qu'il aurait hérissé les poils du fanatique si celui-ci en avait encore eu.
Faisant taire les sentiments contradictoires qui l'agitaient, Azdren se lança dans un exposé expurgé de leur expédition en mettant l'accent sur certaines problèmes qui lui étaient restés en travers de la gorge.

- Des difficultés particulières ? Il y en eut quelques unes... à commencer par notre manque flagrant d'informations sur le temple et les prêtres de Thimoros. Notre contact à Yarthiss s'est montré d'une inutilité rare tout en se rengorgeant de je ne sais quoi, si bien que Parnalia et moi avons dû le secouer un peu pour qu'il daigne répondre à nos questions. Un pauvre petit coq de basse-cour qui nous a révélé que toutes les archives cadastrales et rapports d'espionnages concernant notre cible avaient mystérieusement disparu longtemps avant notre arrivée. Nous n'avons donc pu récupérer qu'une banale carte du désert et le soupçon que le culte de Thimoros avait infiltré profondément la ville.
Je ne saurai trop vous conseiller de mettre en garde les contacts de la guilde qui s'y trouvent et surtout de trouver un moyen de faire taire le héraut du château avant que quelqu'un n'ait l'idée de lui faire cracher ce qu'il sait.

La dernière chose dont la Nouvelle Obédience à la Magie ait besoin est bien un conflit ouvert avec un culte de fanatiques vicieux et puissant. Dans ce cas, plus personne ne pourra s'éloigner de plus de dix pas de l'académie sans protection magique et escorte...

Ce petit aparté paranoïaque avec lui-même terminé, Azdren reprit son propos, toujours en fixant son interlocuteur.

- Par la suite, notre voyage s'est déroulé sans encombre, de même que notre infiltration. Mais il est vrai que... je ne m'attendais pas à tant de noirceur. Ces prêtres honorent Thimoros de la manière la plus extrême, si bien que je suis presque passé pour un agneau tétant encore sa mère à côté d'eux. Au final, cela m'a aidé à rester invisible à leurs yeux.
C'est à ce moment que j'ai dû me séparer de Parnalia et la faire jeter en cellule pour plus de crédibilité. Tout s'est compliqué au moment où le Haut-prêtre m'a convoqué pour que je participe au rituel d'identification de votre colifichet... Vous auriez dû me parler de la façon dont cette chose manifestait ses pouvoirs, cela m'aurait évité de me faire presque vider de mon énergie au même titre que les autres ritualistes !
Encore heureux que mon fantôme de sœur ait absorbé une partie du sort qui me rattachait aux autres prêtres et m'ait permis de me libérer, sinon j'y passai.

Petit regard noir lancé à travers les fentes du masque blanc. Cela ne coûtait rien, mais cela avait au moins le mérite de faire un peu plus cracher son venin au fanatique.
Si il avait bien jugé Alianoff, celui-ci ne se vexerait pas pour si peu.

- J'ai ensuite retrouvé Parnalia et nous sommes sortis sans trop nous faire remarquer. Pour autant que je sache, personne ne nous a suivi entre le désert et Tulorim, car nous avons pris un maximum de précautions.
Bilan de l'opération : ces enragés ont perdu plusieurs de leurs reliques les plus précieuses, ignorent complètement pour l'instant que la guilde est mêlée à cela et le haut de leur hiérarchie n'existe plus.
Si ils ne sont pas en train de se battre pour déterminer qui sera le prochain haut-prêtre, ils doivent être en train de chercher à tous les vents un fanatique venu de Dahràm. Il y a là peut-être de quoi déclencher une guerre interne entre les différentes antennes du culte.
Je crois que c'est tout.

Ayant terminé son exposé, Azdren se tourna légèrement vers sa partenaire, l'encourageant à prendre à son tour la parole.

Si Parnalia attendait une quelconque réaction de la part de maître Alianoff, elle en fut pour ses frais : celui-ci se contenta de regarder le cristal posé sur son bureau avec un petit sourire de contentement, l'air de dire "Et voilà, ce n'était qu'une question de temps". De quoi mettre les nerfs en pelote à celle qui avait risqué sa fourrure pour récupérer cette babiole.
Ah, si, il y eut tout de même un léger compliment dont on ne sut si il répondait à la remarque narquoise d'Azdren sur la qualité du résultat de leur mission ou si il était sincère. Horripilant.
L'archimage poussa ensuite le cristal noir du bout des doigts jusqu'à le faire rentrer dans un petit coffret, comme si... comme si il craignait d'être contaminé par quelque chose.
Pourtant, la lyikor et le fanatique avaient empoigné à pleine mains l'objet pendant leur fuite du temple sans ressentir la moindre gêne ou problème. S'agissait-il d'une réaction de maniéré, ou avaient-ils réellement risqué quelque chose ?
Elle constata que la vue de se geste sembla faire raidir sa posture à son compagnon d'aventure, qui lui communiqua son énervement et lui fit battre nerveusement de sa queue touffue comme un métronome en folie.
Sans donner la moindre explication à ce sujet, l'archimage dandy leur demanda de lui faire part des difficultés qu'ils avaient rencontré durant leur voyage, toute expérience étant bonne à prendre.

Azdren s'exécuta sans même s'installer dans l'un des fauteuils faisant face au bureau, semblant faire ainsi démonstration de sa réprobation à propos de l'attitude de l'archimage. Il lui raconta par le menu leur mission, en insistant particulièrement sur les situations déplaisantes qui auraient pu être évitées, comme l'épisode du héraut pédant du château de Yarthiss ou les aventures personnelles du fanatique dans l'antre du Haut-prêtre de Thimoros, où il avait faillit se faire arracher l'âme par la copie du cristal fourni par l'homme qu'ils avaient sous leurs yeux.
La lyikor ne comprit pas en revanche la mention que son partenaire fit d'une "soeur-fantome" qui l'aurait aidé à se soustraire du piège magique projeté par le faux cristal en absorbant une partie du sort. Que fallait-il en déduire ? Que comme pour elle, quelqu'un était venu au secours du fanatique ? Mais pourtant la soeur de celui-ci était morte, il le lui avait dit !
La jeune femme-louve ne parvenait pas à comprendre, car les légendes d'esprits d'ancêtres ou de fantômes ne faisaient pas partie des croyances des lyikors. Elle se promit d'en discuter plus tard à tête reposée avec son compagnon d'aventure, qui semblait encore cacher beaucoup de secrets.
Puis il se lança dans une description des différents objectifs qu'ils avaient remplis durant cette mission, outre celui de ramener la babiole, montrant ainsi qu'ils avaient en réalité effectué un plan bien pensé : vu les indices qu'ils avaient laissé au temple et le chaos qu'ils y avaient déclenché, les chances étaient faibles que l'on puisse les considérer eux et la guilde comme responsables de cette expédition.

Concluant son propos, Azdren s'était tourné légèrement vers elle pour qu'elle raconte ses propres aventures, sensiblement plus courtes mais également enrichissantes.
Quittant un instant son attitude hostile au maître des lieux, Parnalia laissa pendre ses longs bras et s'approcha du bureau à pas feutrés avant de s'arrêter à côté du fanatique et de commencer à parler de sa douce voix rauque.

- J'ai peu de choses à dire. Après avoir rencontré le haut-prêtre, j'ai été jetée dans une cellule dont je me suis évadée avec la complicité d'une sekteg. Nous avons ensuite trouvé la salle où les prêtres gardaient toutes leurs reliques les plus puissantes, et nous nous sommes servis. Si cela vous intéresse, la pièce était protégée par des dalles piégées et l'autel l'était par des statues cracheuse de feu que je n'ai pas compris comment désamorcer. Il doit rester un bon nombre de trésor dans cette pièce auxquels nous n'avons pas touché.

Un bref coup d'œil pour voir si une lueur d'interêt ou d'avarice se apparaissait sur la physionomie de l'archimage... mais rien de probant, cet homme se révélait plus froid qu'un glacier.

- Mis à part cela, je n'ai rien de plus à ajouter à ce qu'à dit Azdren.
Avez-vous d'autres questions, maître Alianoff ?

-Message Guilde pour Parnalia et Azdren-

Là encore il eut été décevant que d'attendre une marque d’énervement ou de compassion en provenance de Maître Alianof, qui pourtant ne semblait pas le moins du moins désintéressé par vos propos.

Il conclut par ceci:

"Comme je l'ai dit, le résultat a été a la hauteur de mes espérances. Vous avez souffert d'un manque d'information évident, mais n'allez pas croire que c'était là un jeu ou un test de vos compétences. Non, nous ne disposions pas de meilleur contact ou de spécialiste du désert. Si cela a été trop éprouvant, peut-être que la prochaine fois je vous proposerai quelque chose avec plus de garanties."

Une façon à demi-mot de vous faire comprendre que autant il appréciait votre travail, autant il n'allait pas entrer dans le jeu de reporter les fautes et les torts quant à ce qui n'avait pas parfaitement fonctionné et que si la difficulté vous rebutait, il avait aussi des travaux pour des gens moins courageux.

"A présent allez vous reposer, vous l'avez bien mérité."

Azdren écouta Parnalia conclure son propre rapport dans la même optique que le sien, à savoir que la guilde avait failli pêcher par excès de confiance en ne vérifiant pas la valeur de ses sources de renseignement avant de les envoyer au casse-pipe.
Fallait-il rappeler qu'au final sa partenaire et lui n'avaient eu la vie sauve ET réussi la mission qui leur avait été attribué que grâce à une série de coups de chance ?
Que se serai-il passé si Parnalia n'était pas parvenue à se libérer ou ou si le Haut-prêtre de Thimoros avait subitement changé d'avis sur un caprice pour les torturer jusqu'à ce qu'ils avouent tous deux l'inavouable ?
Plus le fanatique y repensait, et plus sa peau usée rendue crasseuse par la longue marche forcée se couvrait de chair de poule. Tout ce qu'il avait subit jusqu'ici n'était rien à ce qu'était capable d'imaginer et d'infliger, parfois par un simple attouchement, un Haut-prêtre de Thimoros émoustillé de surcroît par une chair féminine vulnérable...
Il ne put s'empêcher de crisser des dents tant cette pensée ébréchait son coeur desséché : ils revenaient de loin !
Tout ça pour entendre maître Alianoff se fendre d'une petite phrase de convenance du genre "Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour vous préparer le terrain, soyez heureux d'être revenus en vie et ne vous plaignez pas."... ce qui, proféré sur un ton neutre voire glacial par l'archimage-dandy, signifiait qu'il était déjà en train de penser à la façon de remédier aux problèmes que les deux comparses avaient évoqué, mais qu'ils devraient s'asseoir sur la perspective d'une explication ou d'une compensation.
Fin de l'histoire.

Le maître des lieux n'hésita pas à leur signifier qu'ils pouvaient dégager le plancher avant qu'ils ne leur prenne l'envie de rajouter quelque chose.
Azdren ne put donc que se retirer, les mâchoires serrées autour du fiel qu'il lui restait à verser, non sans oublier d'adresser une hypocrite inclination du buste en direction du bureau qui lui barrait la moitié du champs de vision.
Une fois dans le couloir et la porte du bureau close dans son dos, il se tourna vers Parnalia... et ne put proférer la moindre remarque tant son air de mécontentement clamait qu'elle partageait ses sentiments. Une douche froide qui l'incita à fermer son clapet et à trouver un autre sujet de conversation pour éviter d'enflammer le caractère déjà explosif de la jeune femme.

- Eh bien, cela fait du bien de rentrer chez soi, dit-il en se grattant machinalement son crâne encapuchonné.
Je ne sais pas pour toi, mais je vais commencer par me prendre un bon bain pour enlever toute cette crasse, puis j'irai me chercher un bon gueuleton en cuisine avant de retourner m'effondrer sur ma couchette pour une bonne semaine. Et gare à celui qui viendrait me déranger, même si il s'agit de Thimoros en personne !

Prononcée d'une voix rauque légèrement railleuse, cette revendication d'un plaisir simple auxquels ils avaient tous deux légitimement droit ne pouvait prêter qu'à rire, surtout quand on savait comme la lyikor le peu d'importance que le fanatique portait à ce genre de choses. Il serait donc plus que satisfait si cela arrachait ne fut-ce qu'un sourire à sa partenaire d'aventure.
Il resta muet quelques instants pour voir si elle avait quelques chose de pertinent à dire, puis la salua chaleureusement avant de lui tourner le dos et de s'en aller d'un pas ferme exécuter le programme énoncé. Une façon comme une autre de prendre congé avec élégance.
Le prêtre quasi-défroqué n'eut guère de problème à récupérer un baquet de bois qu'il posa dans une pièce carrelée dédiée aux ablutions, qu'il remplit d'eau froide grâce à une pompe qui devait directement puiser dans une source souterraine, car le système de distribution d'eau de la ville était particulièrement mis à mal durant cette période de sécheresse. Puis il se dévêtit, forma un tas désordonné de son aube crasseuse et de ses différentes affaires, avant de s'asperger pour enfin se couler délicieusement dans le liquide à température ambiante avec un petit soupir d'aise. Même la sensation du bois râpant légèrement le cuir qui lui servait de peau, maintenant qu'il était tranquille et qu'il pouvait laisser ses pensées dériver sans que cela n'influe sur le sort de personne, même pas le sien.

(Le repos du guerrier... tu te donnes un genre de vétéran de retour de guerre ?)

La voix familière, à la fois chaleureuse et gentiment moqueuse, n'avait qu'à peine fait tressaillir Azdren qui commençait à savourer pleinement son bain. Après tout, il était le seul à pouvoir l'entendre, si bien qu'il profita du luxe d'être seul dans la pièce pour répondre oralement à son interlocutrice.

- C'est à peu de chose près ce qui s'est passé, ma sœur, et tu es bien placée pour le savoir : tu es partie en campagne avec moi, nous avons combattu et vaincus côte à côte...

(Parle pour toi. Si je n'avais pas été là, tu ne serai plus qu'une coquille vide à l'heure qu'il est. Et cela à cause du cadeau empoisonné de ton grand ami Alianoff.)

- Tu as entendu notre conversation, questionna le fanatique en s'autorisant un large sourire.

(Pas autant que je l'aurai souhaité. Le bureau de cet homme est encore mieux protégé contre les intrusions en tous genres que celui du Haut-prêtre. Et je préfère ne pas te parler des collections privées qu'il garde dans la salle à côté de la sienne.)

- Vraiment ? Intéressant... S'il s'agit bien du genre de collection à laquelle je pense, alors ce type est pile le genre de soutien qu'il me faut pour aiguiller mes recherches.

(Cela montre surtout qu'il est cinglé.)

- Ou qu'il a un esprit d'étude très...

Azdren fut interrompu par l'irruption d'un jeune homme en robe de mage qui tressaillit en le voyant, puis examina la pièce en tenant son propre baquet de bois dans les mains. Il paraissait assez confus... et franchement horrifié de voir le corps mutilé du fanatique baignant dans l'eau à présent sale.

- Ex-excusez-moi... je croyais, enfin je pensais... je vous ai entendu à travers la porte et je pensais...

- Vous pensiez que je n'étais pas seul. Or vous voyez parfaitement que je le suis. Il m'arrive simplement de réfléchir à haute voix lorsque je me baigne.
Avez-vous une autre évidence à souligner ?

- Euh... non, je...

- Ne vous inquiétez pas, je viens de terminer mes ablutions et je vous ne dérangerai pas plus longtemps. Profitez-en bien.

Ne sachant plus où se mettre, l'étudiant en magie dansa d'un pied sur l'autre sans dire un mot et alla se réfugier dans un coin de la pièce avec son chargement.
Azdren émergea du bain lentement, laissant l'eau ruisseler sur ses muscles ciselés et tordus par les flammes, jouissant du malaise qu'il provoquait chez son voisin de bain.

(C'est bon ? Tu as fini de t'amuser ?)

(Il s'agit de l'un des derniers petits plaisirs de la vie qu'il me reste, tu ne va quand même pas me gronder parce que j'en profite de temps à autre ?)

Il n'y eut aucune réplique mentale, mis à part peut-être un gloussement amusé. Il semblait qu'Irelia laisserait le dernier mot à son frère vivant, pour cette fois.
Après tout, cette petite taquinerie était l'une des rares raisons qui l'avaient empêcher de devenir fou lorsque, bien des années auparavant, il avait constaté à quel point il avait été mutilé. A présent, s'il se souciait du reflet qu'il voyait dans le regard du chaland et de ceux qu'il estimait, il n'en demeurait pas moins qu'il avait appris à jouer avec la fascination morbide que son corps dégageait.
Il s'essuya dons succinctement puis se rhabilla avant de poursuivre le programme édicté : un bon gueuleton et une cure de sommeil d'au moins plusieurs jours, ce à quoi il se tint.

La semaine qui suivit fut réservée à faire en sorte qu'un certain personnage tienne ses promesses : en effet, avant de les envoyer en mission, Alianoff avait promis à Azdren de l'initier au domaine obscur de la nécromancie.
Là où le fanatique avait imaginé des cours secrets donnée dans une salle enfumée dissimulée par un passage secret, il y eut des leçons données en plein jour dans une des salles les plus fréquentées de l'académie en présence d'une grosse quinzaine d'apprentis-mages. Il faut dire que vu de l'extérieur, cet attroupement ressemblait à un banal exercice de dissection : un professeur vêtu d'un tablier de cuir, de gants et d'une paire de fines lunettes faisant des allez-retour entre un cadavre étendu sur une table et un tableau noir qu'il annotait de temps à autre avec une craie.


Les étudiants se trouvaient au choix attablés à des pupitres à retranscrire sur le vélin les remarques de l'enseignant ou faisaient cercle autour du corps froid, imprimant dans leur esprit la description des organes montrés et éprouvés tour à tour tout en retenant les propos du maître. Il faut admettre que celui-ci était un pédagogue de premier plan : parlant d'une voix docte et posée sans être pédante, usant de gestes assurés et déliés, il n'hésitait pas à saisir les organes à peine putréfiés à pleine mains pour les détailler et les confier ensuite à l'un de ses auditeurs, faisant légèrement retomber la pesanteur du corps par la vision de la mine déconfite de l'infortunée victime. Mais la nécromancie dans tout cela ? Tout d'abord, l'étude approfondie des caractéristiques corporelles permet de faire un choix judicieux de celui qui deviendrait un compagnon : en choisir un qui soit trop ou pas assez faisandé, c'est prendre le risque de faire une surconsommation d'énergie magique pour l'animer, ce qui est problématique pour un mage. Ce point de détail n'intéressait que peu Azdren, qui avait déjà une idée plus que précise sur la question.

Mais le plus intéressant vint au quatrième cours, lorsque l'archimage leur démontra de façon sûre que dans chaque parcelle du corps humain se nichait une pincée d'énergie magique, même chez les personnes n'ayant aucune prédisposition !
Il fit la démonstration que ces endroits, que lui-même appelait "points d'ancrage", permettait de manipuler un corps entier, pour peu qu'on ai le coup de main et qu'on insuffle une bonne dose d'énergie. Une technique intéressante, mais qui ne satisfaisait pas Azdren, qui désirait que le corps animé puise dans son énergie tout en gardant une certaine... indépendance. Dans ses projets à long termes, il ne se voyait pas en train de jouer les marionnettistes à plein temps, mais peut-être qu'avec un rituel spécial ou un sceau particulier placé sur le corps...
C'est pourquoi le fanatique, non content de suivre les cours, se mit à éplucher tous les ouvrages intéressants de l'académie traitant sur le sujet en travaillant souvent jusque tard dans la nuit tant il sentait la solution à portée de main.

Celle-ci vint finalement de là où le fanatique s'y attendait le moins : tandis qu'il s'usait les yeux à la lueur des bougies sur un ouvrage rédigé dans une langue absconse à l'intérieur de l'une des bibliothèque, il sentit la présence légère du spectre de sa sœur à ses côtés. Étant seul à cette heure tardive, il se dit que ça ne gênerait personne si il lui répondait oralement. Cela lui donnait l'impression d'avoir une vraie conversation, d'autant plus que son interlocutrice ne s'était pas manifestée depuis l'épisode du bain.

- Qu'y-a-t-il ? Tu n'arrives pas à dormir ?

(Haha, très amusant. Non, je venais simplement voir si tu avançais dans tes recherches.)

- Je sens que je tiens le bon bout mais cela prendra encore...
Toi, tu as quelque chose à me dire, insinua le fanatique après un court instant de réflexion en cherchant du regard une paire d'yeux verts inexistants.

(Tu me connais trop bien... je passai juste pour te dire que j'ai glané quelques informations concernant notre problème auprès des autres nécromanciens en jupe courte. Quelques petites choses très intéressantes...)

La nouvelle surprit agréablement Azdren : Irelia n'avait en effet jamais manifesté ouvertement son intérêt pour ce qui concernait son retour à une enveloppe mortelle... et maintenant elle parlait de "leur" problème ? C'était la meilleure !
Cela voulait-il dire qu'elle avait découvert quelque chose de réellement fondamental ?

(Évidemment que c'est notre problème, vu que tu ne cesses d'y penser à longueur de journée ! Et oui, j'ai trouvé quelque chose de fondamental !)

(Oups)

Le fantôme féminin lui révéla qu'en espionnant à tour de bras, elle était parvenue à surprendre l'un des étudiants en train de consulter dans sa chambre un ouvrage profondément occulte qui semblait détenir la réponse à leurs recherches : incarner l'esprit d'Irelia dans un corps mort en attendant de trouver une meilleure solution.
Il n'y eut alors qu'à attendre l'heure du petit-déjeuner le lendemain, poster la fantôme en embuscade, et s'infiltrer dans une chambre en tous points comparable à la sienne où il n'eut qu'a desceller un moellon du mur pour mettre la main sur le précieux manuscrit et de se replier dans son antre. Aucun secret n'est à l'abri lorsqu'un observateur invisible est penché par-dessus votre épaule.
Dans sa précipitation, Azdren ne prit même pas la peine de remettre le morceau de pierre en place... mais après tout, est-ce que l'énergumène allait clamer sur tous les toits qu'on lui avait volé un ouvrage qu'il n'était pas sensé avoir ?

La solution se trouvait là, sous ses yeux : un rituel complexe mêlant trois sorts. Le premier était un sort de réjuvénation adapté à la magie noire et aux chairs mortes tandis que le second était une adaptation du sortilège anti-pourrissement qui protégeait la tête de sa sœur dans la cage qui reposait contre sa hanche. Le troisième n'était par contre ni plus ni moins qu'une injection massive de fluide d'ombre dans le corps sans vie : le principe était ni plus ni moins que de donner l'énergie nécessaire à l'esprit du défunt pour qu'il puisse s'accrocher à sa nouvelle enveloppe et la manipuler grâce à la magie. Tout l'autonomie désirable était là.
Il restait néanmoins deux problèmes à régler : la question de la quantité de magie à déployer et celle du corps à exploiter. Si la première était triviale, la seconde était moins simple à régler : il ne pouvait quand même pas "offrir" le cadavre d'une paysanne lépreuse à sa sœur comme réceptacle ! Il fallait quelque chose de plus, enfin de mieux...

- Et toi ? Qu'est-ce que tu préférerais ?

(Si possible, une guerrière à la peau blanche qui ressemble au moins un peu à ce que je ressemblai. C'est le minimum.)

- Je m'en doute. Mais ça ne devrai pas être si difficile à trouver, nous sommes à Tulorim tout de même ! Bref, nous allons nous répartir le travail : tu vas aller glaner des informations en ville sur un corps fraîchement enterré qui pourrait t'intéresser, tandis que j'étudie ce sort de plus près et que je finis de fignoler les détails. Cela te convient ?

(Oui...)

Le fanatique crut sentir une légère hésitation chez sa sœur. Commençait-elle à douter à présent que leur rêve était à portée de main ? Avait-elle peur de retrouver un semblant de vie à ses côtés ?
Sans prendre le temps de réfléchir, il tendit la main dans la direction où il percevait la présence brumeuse de son interlocutrice, comme si il voulait lui caresser la joue tendrement. Il sentit quelque chose frôler sa chair tavelée, comme un songe de souffle qui chercherait à exister.

- Nous y sommes presque, dit Azdren d'une voix un peu nouée par l'émotion.
Ce n'est plus qu'une question de jour à présent, nous y sommes presque...

(Je sais...)

La présence s'effaça, laissant l'homme seul à son bureau, l'obscur volume plein de promesses ouvert devant lui. Le fanatique hésita, chassa une pensée défaitiste d'un petit mouvement du poignet, puis se relança dans l'étude assidue du grimoire.
Les choses se précisaient.