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Auparavant~
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Relevant le nez sous ma capuche, je scrute cet oeil qui me fixe. L'étalon me jauge, tirant violemment sur les rênes auxquelles sont cavalier s'agrippe. Est-ce que mon sort est trop faible ou inapproprié pour parvenir au bon résultat ? Si cela se trouve, le modelage du fluide n'est pas le bon. Ma brève hésitation permet à la bête de pousser un hennissement courroucé, puis de repartir dans un tour de corral. Ses sabots cognent le sol assez fort pour que je parvienne à sentir des vibrations dans mes getas. Je repense à la description donnée, mais même s'il est caractériel, cet animal doit bien avoir une raison pour être en colère.
Pour le moment, la priorité reste de parvenir à le faire se tenir tranquille, au moins pour que le cavalier puisse descendre. Persuadé qu'il va me falloir manier mes fluides en continu, je décide de renforcer ma magie. Tout en plongeant la main dans mon sac, effleurant la statuette de Gaïa au passage, je questionne ma voisine.
"
Vous avez l'air d'en savoir beaucoup sur les chevaux. Pouvez-vous me renseigner rapidement ?"
Je lui demande alors comment sont marqués les rangs dans les hardes, attrapant mon flacon contenant le fluide de lumière. Pendant que je l'écoute, j'avale le contenu du récipient. La douce chaleur qui parcourt mon sternum semble se renforcer encore dans ma poitrine. Chaque pulsation cardiaque me donne la sensation de faire suivre la lumière jusque dans chaque parcelle de mon être. D'ailleurs, en observant ma main valide, je vois se former de petites plaques dorées. Fait étrange, contrairement à ceux des précédents fluides que j'ai avalé, les effets de celui-ci semblent moins importants. Pourtant, lorsque je manipule ma magie pour créer un minuscule soleil sur ma paume, l'éclat de ce dernier est plus fort qu'avant.
Je patiente quelque instants, jetant un regard inquiet vers le corral. L'étalon a ralenti, mais dès qu'une silhouette humaine entre dans son champ de vision, il menace de charger. Le seul moyen que je vois pour user de ma magie efficacement est de me trouver à proximité de la bête. Lorsque je sens que l'apport de fluide a été intégré à ma propre réserve, je me décide. Une certaine angoisse m'étreint quand je m'entends insister pour entrer dans le corral. L'étalon est massif, dangereux, mais moins imprévisible que les êtres pensants que j'ai eu à affronter.
Tohru agrippe un instant ma cape, me lançant un regard inquiet, puis lâche le tissu. J'esquisse un sourire à son intention puis viens rejoindre le palefrenier trentenaire. Quand je m'aperçois que la monture s'apprête à charger, je fais immédiatement usage une nouvelle fois de mon sort de pacifisme. Crispé, le cavalier tient les rênes très court, obligeant le cheval à secouer la tête et grignoter le mors. Non loin de moi, j'entends les voix humaines l'inciter à relâcher la pression. Concentré, je canalise mon énergie lumineuse, la chargeant de ma volonté de dominer. Je la diffuse peu à peu, cherchant à lier mon état d'esprit à celui de l'animal.
Est-ce l'effet combiné des sorts ? Toujours est-il que l'étalon s'immobilise, me lançant un regard direct. Je fais un pas sur le côté, et ai la surprise de le voir me suivre de son oeil brillant. Derrière moi, l'humaine m'incite à marcher lentement, afin de me mettre hors de son périmètre visuel. Peu convaincu, j'obtempère néanmoins, et me mets à avancer parallèlement à lui, sans diminuer la distance qui nous sépare. Lorsque je jette un coup d'oeil par-dessus mon épaule, je suis étonné de voir ce géant quadrupède pivoter pour me fixer. Ne sachant pas trop comment procéder, je me contente de concentrer ma magie pour en renforcer les effets. Même s'il ne galope plus, l'équidé conserve une attitude agressive et menaçante.
Régulièrement, je prends un instant pour l'observer, moment qu'il choisit pour souffler bruyamment par les naseaux. Il fait même un pas sonore dans ma direction.
(
Par Rana... Même contre des brigands supérieurs en nombre je ne me sentirais pas aussi oppressé.)
Je secoue doucement la tête, tentant de chasser cette pensée de mon esprit. Ce n'est pas le moment de douter. D'un coup, la voix féminine m'encourage à ignorer l'étalon, à marcher comme si de rien n'était. J'écarquille les yeux à ce conseil. Tourner le dos à un animal visiblement hostile ? Cela n'a pas de sens ! Je marque un temps d'arrêt, dubitatif, puis inspire longuement avant de me remettre à marcher. Pendant tout ce temps, je cherche à mettre mon sort en forme. Je perçois le lien magique entre ma cible et moi, mais même si je suis certain que la hargne de l'animal commence à décroître, elle n'a pas disparu pour autant.
Sur le sol de terre battue, mes getas s'enfoncent un peu tandis que je progresse dans le corral. Malgré ma curiosité, je me contente de regarder droit devant moi et d'ignorer l'étalon. Je l'entends par contre souffler et émettre des sons vifs. Plusieurs minutes s'écoulent ainsi, des bruits de pattes à sabot avançant dans mon dos. Quelques encouragements me parviennent, mais je n'y fais guère attention.
Soudain, comme agacé par ce manège, l'étalon se met brusquement à avancer, venant me couper la route. Je retiens mon souffle, et m'empêche au dernier moment de répondre à sa provocation. À la place, je suis les directives de l'humaine qui m'incite à passer à côté de lui, mais pas entre la barrière et son corps massif. Je ne fais que jeter un bref coup d'oeil au cavalier. Malgré son expression peu rassurée, il a l'air moins tendu. Je lui fais doucement un signe de tête, puis m'avance. La monture se met de nouveau en travers de ma route, mais je sens que ma lueur doit commencer à agir.
Bien que sa bouche soit encore ouverte, ses oreilles sont totalement tendues dans ma direction. Je pense tenir ma chance. J'amène ma magie au creux de ma paume, concentrant cette dernière. Avec précaution, je tends ma main devant moi et matérialise le sort. Quand ce dernier touche la monture, celle-ci secoue vivement la tête, certainement surprise par ce qui vient de se passer. Pourtant l'étalon ne bouge pas, se contentant de me scruter. Les palefreniers en profitent pour le maîtriser, et chose étrange lui retirer le mors.
Je pousse un souffle lent, m'écartant tout de même un peu. Le colosse n'a pas l'air de se préoccuper des humains qui s'agitent autour de lui, suivant mes déplacements. Je pense avoir réussi, mais je suis tout de même soulagé quand je sors du corral.
"
Ouf ! Pas de bobos, c'est bien !"
J'esquisse un sourire et appose doucement ma main sur la tête de Tohru. En relevant les yeux, je rencontre une nouvelle fois le regard équin. Curieux, je me dirige vers l'humaine et m'incline poliment, la remerciant pour ses conseils. Je ne peux toutefois pas m'empêcher de lui demander si le colosse gris a un propriétaire. Je ne suis guère surpris en apprenant que non, plus maintenant en tous cas. Un pincement se produit dans ma poitrine lorsqu'elle évoque la possibilité de s'en débarrasser.
J'échange un regard avec l'enfant, comprenant que ce dernier a eu la même idée que moi. Après cette épreuve, pas question que ce géant finisse chez l’équarrisseur. Je tâte alors mon bagage, soupesant les yus que j'ai sur moi.
Après tout, pourquoi pas ?
- Absorption de mon fluide 1/8eme de lumière
- Tentative d'apprentissage du sort évolutif "calme animal"