Entrée de York dans Omyre
Après plusieurs années d'errance, tantôt en forêt, tantôt dans le désert, tantôt dans les plaines, York était très affaibli. Déjà chétif de base, à présent, même lui se trouvait maigre. Il marchait sur un chemin qui semblait avoir été beaucoup parcouru, à en juger par les quelques cadavres qui jonchaient le sol. De plus, de par leur intensité croissante, il semblait s'approcher de la source de tous ces cadavres.
(J'ai vraiment du exagérer en mangeant si peu. Décidément, la chasse n'est vraiment pas mon domaine. Regarde-moi ces jambes, il faudrait vraiment que je trouve quelque chose à manger de plus consistant que des racines....
Oh, tiens, encore un cadavre ! Oh, il est habillé !)A chaque cadavre, York s'arrêtait, contemplait. Il imaginait comment chaque cadavre avait pu arriver. Celui-là, un Orque, faisait environ trois fois sa taille et beaucoup de fois son poids. Il l'imaginait en train d'escroquer un Gobelin. Les Gobelins sont durs en affaire. Et à défaut d'être durs en combat, ils payent des Orques pour l'être. Cet Orque avait du être insolent, peut-être même violent. En tout cas, on lui en voulait beaucoup : il lui manquait ses bras. C'est dommage, les bras d'un Orque, c'est mieux quand c'est sur l'Orque à qui ils appartiennent.
York continuait de marcher, pensant à ce cadavre, imaginant le suivant, se rappelant les nombreux précédents, pour la quasi-totalité démembrés. C'est fou ce que....
"Oula...."Ca y est, York venait d'apprendre vers quoi il marchait depuis quelques jours. Il ne savait pas ce que c'était, mais il se sentait déjà comme chez lui dans cet étrange empilement anarchique de briques, le tout entouré d'une énorme muraille. Ca lui plaisait de voir ça. Cette ville, si on entend par "ville" un tas de maisons regroupées sans ordre, voire même posées les unes sur les autres et non côtes à côtes, semblait l'attirer. Dans une ville comme ça, il s'imaginait déjà manger ce qu'il voulait, sans qu'on lui dise quoi faire, qui bien regarder. Pour lui, une ville comme ça n'est qu'une représentation de l'honnêteté. On ne se cache pas derrière de jolies facettes, non, la ville représente les habitants qui y vivent. Celle-là, elle est honnête. Les autres qu'il ait vu, même de loin, semblaient cacher leurs vices. Une ville honnête. Des habitants qui assument leur animosité. York y voyait déjà son petit paradis. Mais lorsque son regard quitta la noirceur profonde de la ville pour se poser sur ces énormes remparts, York avait peur. Comment allait-il pouvoir rentrer ? Peu d'argent, ramassé sur des cadavres. Aucun objet de valeur. Et, surtout, il est inconnu des gardes.
Il décida donc de s'approcher le plus possible, et d'improviser ensuite.
Une fois à distance raisonnable des Portes Noires, il se cacha derrière un gros caillou, et réfléchit à voix haute. Il aimait parler tout seul, au moins il se comprenait.
"Alors. La porte est gardée. Si y'a des gardes, c'est qu'il y a un tri à l'entrée. Donc rentrer honnêtement, je peux pas. S'il y avait des souterrains, je pourrai tenter de passer par là. Non, trop bête, tout le monde passe par les souterrains, il doit y avoir des gardes aussi. Surement plus dangereux qu'ici d'ailleurs : si on passe par les souterrains, c'est qu'on ne veut pas tomber sur des gardes...."Sa réflexion fut interrompue par une petite charrette qui quittait la ville, pilotée par une Gobelin et son Orque mercenaire. York venait de trouver comment il allait rentrer. Il était petit, pouvait se cacher facilement et n'avait pas de bagages. Il aurait juste à se mettre à l'intérieur d'une charrette qui rentre, se cacher quelque part et espérer s'être mis dans la bonne. Si celui qui entre est connu, on ne le soupçonnera pas de transporter quelqu'un.
C'était le bon plan. Restait à trouver le bon taxi. Afin de maximiser ses chances, il remonta un peu la route en amont, comme ça, il pourrait voir venir les charrettes de plus loin. Il le ferait de jour. La nuit, c'est là où tout le monde essaie. Il faudrait donc le faire de jour. Là où les gardes ne cherchent pas de clandestins. Ca tombait bien, il lui restait encore quelques heures de jour pour tenter sa chance. Il avait à peu près prévu son plan. Le reste, ce serait de l'improvisation. Il se posa, comme un cadavre, sur le côté de la route, et attendit de nouveau.
Il n'eût pas à attendre bien longtemps, son transporteur arriva, comme un sauveur.
(Un Gobelin qui a l'air d'être véreux. Une charrette. Grande qui plus est. C'est parfait, c'est tout ou rien, j'me lance)A peine le chariot passé, le petit Gobelin se levait et courrait sans bruit pour le rattraper. Chose faite, il sauta dessus et colla son oreille sur la toile de tissu qui cachait le contenu. Aucun bruit, tant mieux. Il écarta la toile. A l'intérieur, que des pots tressés : le scénario idéal. Il décida de se cacher tout au fond, entre deux pots. Sans les toucher, il se glissa jusqu'au fond et s'assit.
La charrette s'arrêta. Une voix rauque retentit :
"Ah, Tazgu, crapule, tu reviens enfin ? Tu en as trouvé beaucoup ?"Une petite voix criarde, probablement celle du Gobelin, répondit :
"Oh que oui ! Une pleine fournée, il n'y a que ça. De toutes races en plus. Que du prêt à servir."(Ils rigolent, ça parait bon pour moi. Mais de quoi parlent-ils ? J'espère que je ne suis pas entouré d'espèces dangereuses)"Bon, il serait peut-être temps de les sortir, ils vont mourir sinon. Nous ne voulons pas d'esclaves en mauvaise santé.(Quoi ? Esclaves ? Qu'es-ce qui se passe ?!?)A peine ces paroles prononcées, les pots commencèrent à s'agiter, des respirations haletantes en sortaient. Même un petit cri échappa.
D'un coup, trois Orques armés de grosses masses ornées d'espèces de pics ouvrirent la charette. Tous les pots s'ouvrirent aussi, instantanément. Des cris de peur. Un courageux imbécile tenta de sauter en dehors de la charrette. Mauvaise idée : une masse atterrit sur son buste avant qu'il n'ait eu le temps d'atterrir sur le sol. Ce mort calma le reste des personnes du chariot.
Le Gobelin, caché derrière ses gardes, commença, ricanant :
"Bon. Je vais faire bref. Je vous avais promis de vous faire rentrer à Omyre. C'est chose faite. Je vous avais promis de le faire incognito. C'est chose pas faite. Mais que voulez-vous, il faut bien que je mange. Et de toute manière, vous seriez probablement morts bientôt dans les ruelles...."Une des personnes l'interrompit :
"Sal**d ! Nous t'avons payé pour nous faire passer ! Tu nous as trahis ! Comment peux-tu te perm...."Ce coup-ci, ce fut un poing qui vient fermer une bouche trop ouverte.
"Je n'aime pas qu'on me coupe la parole. Reprit le Gobelin.
Je suis maintenant de mauvaise humeur, alors je vais faire bref. Oui, je vous ai arnaqué. Oui, je suis horrible. Mais grâce à moi, vous vivrez plus longtemps. Et puis chacun son affaire, j'ai fait la mienne, ça s'arrête là. A présent, je vous demanderai de vous ranger en ligne, que je vous compte, ensuite, nous vous vendrons à qui veut de vous."York était toujours dans la charrette. Que faire ? Sortir avec les autres ou tenter de rester cacher ? Son choix fut vite déterminé par un des Orques. En effet, après avoir fini de compter les détenus, cet Orque monta, sur l'ordre du Gobelin, pour "vérifier". Il débusqua sans mal York, le prit par les cheveux et le sortit avant de le jeter à terre, devant Tazgu.
"Quelle ironie ! Un clandestin parmi les clandestins ! Malgré ça, tu seras comme les autres : esclave à vie."York ne disait rien, il ne pouvait rien dire. Parler, ce n'est pas un moyen honnête de se défendre. Et le combat, face à trois orques, lui aurait couté la vie.
"Emmenez-moi ça. Il faut les vendre maintenant."