Quand Shory rencontre Fenri...cMalgré l’heure tardive, la température est encore douce et agréable dans les campagnes entourant Shory. Le souper est en voie de prendre fin : le troisième dessert est servi et dévoré par les invités. Les plus gloutons lorgnent sur la part des absents, les plus impatients trépignent sur leur chaise tandis que certains commencent déjà leur nuit de sommeil réparateur avec force de ronflements sonores. Pendant, quelques jeunes sinaris profitent de l’ambiance relâchée et bon enfant pour jouer dans les champs et s’amuser tranquillement loin de leurs parents.
C’est le solstice pour tout le monde, la fête et le repas furent si somptueux que, à part les plus jeunes qui ne sont là que pour ça, tout le monde en a oublié les cadeaux pourtant exceptionnels.
Appuyé contre un chêne aux larges frondaisons, Héliante le hobbit surveille les jeux de ses jeunes frères et de leurs amis. Il a beau être jeune depuis que son village a été détruit par des pillards, il ne peut s’empêcher d’avoir toujours un œil sur les plus vulnérables.
Soudain, une ombre semble se découpe dans le soleil couchant au dessus de la butte. Les enfants ne l’ont même pas remarqué mais inexorablement elle se rapproche.
Alerté, Héliante plisse les yeux et détaille le nouvel arrivant.
(Il est bien trop tard pour que ce soit un voyageur. Et puis la route passe plusieurs milles à l’est… Il est énorme ! Ce crétin ne peut être un sinaris et les kendrans ne passent jamais par ici… Ca ne me dit rien qui vaille !)La silhouette continue d’avancer en titubant. Les yeux du jeune sinaris, bien qu’à contre-jour, parviennent à distinguer les haillons composant l’habillement de l’étranger. Seule sa cape est encore dans un état convenable. Il porte sur les yeux un bandeau, comme si la luminosité le faisait souffrir. Le soleil n’est pourtant pas bien méchant à cette heure… La peau noire comme le café de Grand-mère Thym, le voyageur a les cheveux gris cendre et la corpulence plutôt faible. Toutefois, il est relativement agréable à regarder. Il ne semble porter aucune arme mais Héliante a appris à se méfier des apparences. D’un geste ferme et autoritaire, il signifie aux garçons de cesser leur jeu.
« Rentrez tous chez vous ! La soirée est finie pour vous ! Matagon, va chercher notre père et quelques hommes au village. Dis leur qu’un clochard étranger arrive… Je le retiendrai jusqu’à leur arrivée… Eh bien, dépêchons ! Il est trop tard pour bailler aux corneilles ! »Sur cette dernière instruction, les enfants disparaissent sans protester. Tout le monde sait que, lors qu’il est comme ça, nul ne peut discuter avec Héliante.
Sans quitter l’intrus du regard, le sinaris se place ostensiblement dans son chemin et se baisse pour remplir ses poches de petites pierres.
Dès qu’il est à portée de voix, le hobbit exaspéré par l’attente apostrophe le nouveau venu à la peau sombre :
« Arrête-toi ici étranger ! Ton chemin ne va pas plus loin. »« Tout doux mon enfant. Je ne veux aucun mal ni à toi, ni à ton peuple. Le village que je vois au loin est bien Shory ? »« En effet. Que viens-tu faire dans le coin ? La saison des champignons n’est pas encore commencée, shaakt »« Je vois que tu connais mes congénères… »Les manières hautaines de l’étranger commencent à échauffer le sang d’Héliante. Les shaakts sont des êtres méprisables qui pratiquent l’esclavage et n’hésitent pas à venir se servir sur les terres sinaris.
« Soit tu me dis pourquoi tu es là, soit tu repars mais ne crois pas pouvoir continuer sans mon accord. »« Très bien. Je me nomme Fenric, je suis là pour voir la matriarche Campanule Tournefrêne. »Sur ces paroles, le cerveau d’Héliante entre en ébullition : dame Campanule est une réfugiée de Polder, un village détruit par un contingent shaakt/garzok voici presque six mois. Personne ne sait qu’elle est à Shory.
« Il n’y a personne de ce nom chez nous, étranger va-t-en à présent."Négligent les avertissements du sinaris, Fenric s’avance un peu plus vers le village… Et reçoit, sans sommation, une pierre en plein visage.
« Tu aurais dû tenir compte de ce que je viens de te dire, étranger. Maintenant, trêve de parlote. Il est l’heure pour toi d’obéir ». Sur ces quelques mots, Héliante se place en position de combat. Il sait que, pour autant qu’il reste hors de portée des mains et des jambes du nouveau venu, le combat lui est acquis.
Fenric, de son côté, a déjà la tête qui sonne comme une cloche dans un temple de Gaïa. La douleur n’est pas insurmontable mais terriblement handicapante.
S’engage alors un combat des plus acharné : le sinaris semble avoir une réserve sans limite de projectile qu’il manie avec dextérité et précision à défaut de puissance. Toujours en mouvement, il déjoue avec une facilité déconcertante toutes les tentatives d’assaut shaakt. La haute taille, les privations alimentaires de ces derniers jours et le choc à la tête constitue un net handicap pour l’elfe noir.
Les premières pierres fusent déjà vers son visage lorsque Fenric reprend ses esprits. Il tente un bond vers la gauche mais l’un des projectiles le frappe dans l’épaule. Une seconde salve passe rapidement à quelques centimètres de son oreille à peine deux battements de cœur plus tard.
(Ca va être dur mon petit Fen’. Ca va être dur… Dans quoi t’es tu encore embarqué ?)Sous la pluie minérale qui le harcèle de toute part, le shaakt n’a d’autre choix que de prendre des risques s'il veut vaincre. Lors de la septième salve, point d’esquive ou de défense, Fenric charge droit sur le sinaris subissant par la même deux blessures au niveau du torse.
Enfin à portée de combat, le fanatique frappe. Un coup dans le plexus pour lui couper le souffle, un autre derrière l’oreille pour l’étourdir, voici ce qui se passe dans la seconde composant l’assaut.
Le sinaris s’effondre en tentant d’aspirer de grandes goulées d’air.
Voyant cela, les cinq hobbits adultes arrivant sur ces entre faits s’emparent, eux aussi, de pierres et les projettent sur un Fenric pris au dépourvu et déboussolé.
Son habilité n’y aura rien fait. Une brume noire commence a voilé le regard du shaakt. L’inconscience le guette... Son corps n’est plus que douleur…
Dans un dernier sursaut d’énergie, il parvient à crier :
« Campanule Tournefr… »Le nom s’éteint dans un gargouillis répugnant alors qu’un projectile s’écrase lourdement sur le visage de l’elfe noir. Ce dernier tombe au sol, inconscient, incapable, vaincu…
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