Départ direction loin d'ici !Les premiers jours sur le Gousset d'Ecume se passent assez bien. Si la présence d’une elfe verte, plus dévêtue que la plupart des femmes, attise les convoitises des hommes présents et mes craintes par la même occasion, le fait que le capitaine soit une femme met tout le monde au carreau. Arrivée au milieu de la traversée nous rencontrons les courants intercontinentaux entre l’Imiftil et le Nirtim. Parcourir ce courant est encore plus délicat durant une tempête comme celle où nous nous trouvons, il faut un équipage expérimenté pour la traversée et ne pas se faire surprendre par une vague trop haute. Rodé depuis plusieurs années de navigation, l’équipage n’a aucune crainte pour passer sans encombre. Le seul problème serait de rencontrer à ce moment-même un navire…
"-Pirates ! Pirates à bâbord !" Crie l’homme dans le nid-de-pie.
L’espace d’un instant tous les hommes se figent espérant une mauvaise blague de la vigie, mais aucune rétractation. Dans le tumulte des vagues une voix brise le calme apparent des hommes.
"Tous aux armes bandes couilles molles !" Hurle la capitaine.
La capitaine Susheela Shannenbaum a tout l’attirail féminin malgré son poste. Des bottes chics, un pantalon sombre et collant laissant apercevoir sa gracieuse silhouette et une veste pourpre agrémentée d’une chemise blanche à froufrou. Malmenés par le vent, ses cheveux fouettent un visage impassible au regard que nul n’ose défier. Elle fixe le bateau qui s’approche inexorablement de nous.
"Nous ne pouvons pas mettre de distance avec eux ?" Je m’inquiète en m’approchant de Susheela. Comme j’ai tendance à veiller sur la jeune elfe, et ce sans aucune arrière pensée, la capitaine m’a à la bonne.
"Non ! Pour risquer un abordage dans des eaux périlleuses, ce genre de pirate connaît mieux ces courants que nous et leur navire semble plus propice à ce milieu." M’explique-t-elle.
Je quitte le pont supérieur et y retrouve Castamir.
"Que se passe-t-il ? Tout le monde semble sur le pied de guerre ?" Me demande-t-elle.
"Quoi tu n’as pas entendue ? Des pirates arrivent !" Je lui explique.
"Tu as ton arc avec toi ? ""Je vais le chercher immédiatement !" Dit-elle en partant.
La capitaine n’avait pas tort, le temps que je revienne sur le pont le vaisseau ennemi s’est fortement rapproché. Malheureusement notre navire n’est pas armé en canon pour les tenir à distance. Leur navire se rapproche de plus en plus de notre poupe et leur tête de pont progresse à bâbord.
"Ils sont fous d’aborder un navire sous une telle tempête !" Je me murmure à moi-même.
Leur proue se déplace rapidement vers nous et vient nous percuter de plein fouet faisant trembler le navire. Cinq pirates profitent de la proximité des navires pour se jeter sur notre ponton arme à la main, tandis que d’autres ne se sentent pas encore de franchir la distance qui nous sépare. Affublé de vêtements dépareillés, on sent qu’ils sont plus hommes à déverser leur butin dans l’alcool et les femmes. Ils se resserrent les uns aux autres, comme si nous étions les prédateurs acculant une proie. Ils moulinent dans les airs lorsque nos bretteurs s’approchent d’eux ce qui nous oblige à garder une certaine distance entre nous et nos indésirables invités.
(Mais que font-ils ? Ils sont bien trop peu pour prendre le navire !)Les yeux rivés comme les restent de mes camarades marins sur les hommes et leurs étranges attitudes, je manque de peu la proue de leur navire revenir sur nous, accompagnée avec elle de nouveaux pirates.
"Ils ne font que gagner du temps, d’autres arrivent !" Je hurle pour alerter mes compères.
Ces derniers ayant également remarqué le prochain voyage d’ennemis, ils se ruent sur les quelques ennemis pour tenter de rompre leur stratagème. Malheureusement Castamir, n’est pas revenue et ne peut nous prêter main forte avec son arc. Leur navire s’approche et bientôt une nouvelle fournée de pirates va débouler. Je m’avance assez près du prochain largage et cherche de mes mains mon boomerang dans mon dos. Trop occupé à se défendre, nos invités ne se préoccupent pas de moi et c’est plus à l’aise que je concentre mon ki dans mon boomerang pour y créer un lien. J’attends la venue du navire avec ses passagers prêts à sauter.
(Si je parviens à trouver le bon timing, je peux nous faire gagner du temps.) Leur proue s’approche jusqu’au milieu de notre ponton et entame un virage pour nous percuter de nouveau. Juste l’instant avant l’impact, je lance mon arme gorgée de ki là où devraient se trouver les hommes au moment de sauter. Mon boomerang file, guidé par le lien de mon ki et sa trajectoire oblige certains à faire renoncer et perdre l’occasion de renforcer leurs effectifs. Quelques-uns sont cependant parvenus à pénétrer à bords, mais au moins nous gardons le contrôle de la situation. Une fois mon arme de jet revenue dans ma main, je cours dans la mêlée pour prêter main forte et profite d’un appuie proche pour sauter et atterrir au milieu du cercle défensif des pirates.
"Choper-le !" Ordonne l’un d’eux.
Ma présence juste derrière-eux ne semble guère à leur goût. Deux d’entre eux se tournent vers moi, laissant leurs camarades les défendre pour eux. Je parviens à esquiver un premier sabre, mais pas le second qui m’oblige à parer le coup de mes deux dagues sorties in extremis en croix. Malheureusement la force de mon opposant et nettement plus forte que moi et il me repousse contre la rambarde qui m’empêche de tomber à l’eau. Ses relents de rhum sont plus durs à supporter que son emprise physique sur moi. Un coup de genoux bien placé dans le ventre et voilà que le perds ma stabilité. Accentuant sa force, il me repousse au-dessus de la rambarde et me faire tomber en arrière, hors du navire. Mes jambes ralentissent la chute dans une rotation et je parviens à planter une de mes dagues dans un épais filet de corde, trop épais pour être coupé en un coup. La voix de ma féra se fait entendre en pensée.
(C’était moins une !)(Oui ! Heureusement que la capitaine a penser à l’installer au cas où l’on tomberait pendant la tempête.)Trois corps identifiés comme pirates passent par-dessus bord avec moins de chance que moi. Je range ma seconde dague pour me libérer une main, puis fait de même avec l’autre.
(Jorus attention !)Alerté par ma faéra je me retourne et fait face au navire pirate qui se rapproche une troisième fois. Je risque de finir écrasé entre les coques des bateaux si je ne bouge pas. J’essaie de monter aussi vite que possible, mais la section de corde où je suis cède et m’éloigne de la rambarde. Heureusement que les autres attaches le long du bateau ont tenue. Mais il me faut maintenant me déplacer sur les côtés pour remonter ce qui rallonge mon chemin initial.
(J’y arriverai pas comme ça !)Je me retourne et vois le bateau se rapprocher dangereusement. Si je ne fais rien je vais finir tout plat. Je pivote sur un pied, et pose le second sur la coque à portée de jambes. Avec vivacité j’y pose le second et marche sur la coque. Aidé de mes bras et mes jambes, je me propulse dans un ultime effort au-dessus de notre navire avant que les deux ne s’entrechoquent. Je trébuche en atterrissant et vois la débâcle que nous subissons. De nombreux pirates sont parvenus à monter à bords pendant que je luttais pour survivre et maintenant nous sommes en infériorité numérique. Grâce à sa maîtrise de l’arc, Castamir parvient de justesse à tenir à un semblant d’équilibre entre les deux forces en présence. Elle met à mal plusieurs hommes qui tentent vainement de nous harceler de leurs flèches. Malheureusement pour eux, ils semblent plus avoir été choisi à ce poste par défaut tant leur compétence à l’arc est médiocre. Ils ne sont en tout cas pas du niveau de l’elfe qui en a déjà mis deux hors jeux.
(Le prochain débarquement sera décisif ! Il faut renverser la situation avant ça.)"Allez les gars, je veux toute la marchandise dans leur cale. Avec ces deux prises de la journée on aura de quoi faire une sacrée fête. Alors bougez-vous le cul et trucidez-moi ces ploucs !" Motive un homme sur le ponton d’en face.
(Les deux prises ?)(Quoi tu as une idée derrière la tête ?)(C’est possible oui. En tout cas si je ne fais rien on est cuit. Le bateau se rapproche encore, je dois agir maintenant avant d’être complètement submergé !)Sous les ordres du capitaine Susheela, l’homme à la barre tente d’éviter le rapprochement des navires et l’abordage qui va avec. Malheureusement leur vaisseau étant plus rapide et plus maniable, il ne fait que retarder l’inévitable et c’est justement de ce temps dont j’ai besoin. Je cours jusqu’à la poupe du navire évitant les duels sous les regards interloqués de mes camarades en détresse. A l’arrière je déplace une caisse solide contre le rebord et recule. Je fixe le navire ennemi et attend sa prochaine approche.
(Tu ne vas tout de même pas faire ce que je pense que tu vas faire ?)(Ai confiance !)Lorsque le bateau pirate fait une nouvelle approche par l’arrière, je cours aussi vite que possible. Je monte sur la caisse pour m’aider à passer la rambarde et une fois le pied sur celle-ci, je saute aussi loin que mes jambes me le permettent. Au milieu de cette tempête, j’ai l’impression de parcourir des dizaines de mètres tant les repères fixes se font rares. J’atteins ma destination en tombant et roulant, mais heureusement sans me tordre de cheville ou de me démettre une épaule.
(Hé bien, on peut dire que c’est une réception unique.)(Ysolde, tu peux vérifier s’il y a bien un butin dans les cales ? Je te retrouve en haut des mâts.)(Quoi ? Mais qu’as-tu l’intention de faire ?)(Généralement lors de tempête comme celle-ci on replie les voiles pour ne pas se faire emporter par les vents incontrôlables et surtout prendre le risque d’endommager les voiles. On peut cependant utiliser le tourmentin, une voile solide conçue pour résister aux vents forts, mais ce n’est pas le sujet. L’idée est de monter tout en haut pour sortir la grande voile et de les empêcher de la rentrer. Si comme je pense ils ont déjà un butin, ils préféreraient sauver ce qu’ils ont déjà plutôt que de prendre le risque d’être divisés et de n’être plus assez pour manœuvrer leur navire et conserver leur magot.)(Et tu es sûr que ton plan va marcher ?)(Disons cinquante-cinquante. Bon d'accord je n'en sais rien, mais si leur butin n’est pas aussi important qu’on le pense, j’aurais plus de chance à la nage au milieu des requins.)(D’accord, je vais jeter un œil.)(Fais attention !)(Je gère !)Je la vois quitter mon médaillon et traverser le plancher. Des bruits de plusieurs pas se rapprochent de moi. Je tourne la tête pour rencontrer plusieurs hommes armés qui arrivent dans ma direction. La proue étant plus élevé du pont centrale, je cours jusqu’à la rambarde les séparant et saute par-dessus en m’y appuyant. Surpris par mon apparition au milieu du navire, les hommes sont pris de court. J’atterris en roulant cette fois-ci. Une balayette pour faire tomber l’homme qui brandissait son arme avant de tomber et je cours jusqu’à l’extrémité du navire au niveau du mât central à bâbord. Un pirate se trouve sur mon chemin. Son sabre lui donne une meilleure portée que moi et s’il m’arrête dans mon élan, les autres me coinceront. Je sors une de mes lames et ralentit faisant mine de la lui lancer. Finalement, je lui fais tracer un arc de cercle au-dessus de mon adversaire qui est désemparé par mon geste. Focalisé sur l’arme, je le charge. J’attrape son poignet armé et exécute une rotation à gauche en sautant pour faire les présentations de son nez avec mon genou droit. L’homme sonné, j’en profite pour ramasser et ranger mon arme plantée dans le sol juste derrière et saute sur l’échelle de corde, aussi haut et hors de porté que possible de leurs sabres.
"Bien entendu, Ysolde n’a pas vu mon coup d'éclat !" Me fais-je à moi-même.
(J’ai trouvé le butin et il est conséquent !)(Parfait, il ne reste plus qu’à déployer la grande voile.)Je monte quatre-à-quatre sur le hauban pour atteindre la vergue qui supporte les plus grandes voiles du navire. Habitué pendant trois ans à servir sur un bateau je ne mets pas longtemps avant d’atteindre le milieu de l’échelle de corde. Loin des poursuivants derrière moi, il y a cependant deux hommes qui montent sur le hauban opposé pour m’intercepter.
(Hors de question de vous laisser me gêner !)Je m’arrête un instant pour me saisir de mon boomerang à lame et y insuffle de nouveau mon ki pour créer un lien capable de le diriger. Même si ma cible se trouve à peine deux ou trois mètres devant, avec le tangage et le vent je préfère assurer mon lancer. Bien que mon boomerang ne découpe pas l’intégralité des cordes du hauban, il y en a suffisamment de sectionnées pour gêner leur ascension. Mon arme revient à moi, mais je manque de stabilité pour la saisir correctement. L’arme retombe sur le pont et laisse ma main gauche ensanglantée.
(Allez ce n’est qu’une éraflure. Une belle éraflure, mais rien de grave.)Je reprends mon ascension et atteint le milieu du mât centrale. Je progresse le long de la vergue, coupant un à un le cordage qui retient la voile jusqu’à atteindre le bout à tribord.
"Pose cette lame gamin. T’as aucune chance de t’en tirer." Me lance l’un de mes poursuivants arrivé au milieu de la vergue alors que je m’arrête de couper le dernier lien.
(Il n’a pas tort. Je n’ai plus mon boomerang et il me reste l’autre moitié à couper si je veux que la voile s’ouvre complètement. A moins que…)D’un coup sec je sectionne le dernier lien et tiens fermement la corde en sautant dans le vide sous le regard médusé des pirates. La voile se déploie à moitié tandis que je me laisse porter par la corde qui me balance de l’autre côté du vaisseau. La tension que j’exerce sur la corde et le vent fort qui souffle dans la voile suffisent à faire céder les liens que je n’ai pas pu couper. Avant que le dernier lien qui retient la corde ne cède et ne me fasse tomber, j’attrape au passage le hauban par lequel je suis passé. La voile se déploie presque dans son intégralité et le navire commence à accélérer, poussé par les vents violents
(Bon ben y’a plus qu’à rentrer maintenant !)Les pirates s’affolent sur les deux vaisseaux. Le bateau ennemi percute le navire marchand pour ralentir sa soudaine accélération, en vain. Plusieurs de leurs membres cherchent à revenir sur leur vaisseau et offrent l’occasion de subir plusieurs coups de lames. Moi je ne compte pas m’éterniser non plus ici. Je cours pour ramasser mon boomerang au sol et continue ma course en recevant un sabre qui m’ouvre le flanc gauche.
(Les bateaux s’éloignent et je n’atteindrais pas la poupe du navire sans être perforé comme une passoire. Il ne me reste plus qu’à espérer atteindre le cordage autour du bateau.)La douleur au flanc me fait atrocement mal à chaque fois que fait remonter le choc de mon pied au sol en courant. La douleur me vrille la tête, mais si je ne parviens pas à passer outre je finirais soit aux mains de pirate revanchard ou noyé. J’hésite encore.
(Allez tiens bon !)Ma faéra se fait enfin entendre et me partage son espoir. Je ne suis pas seul.
(Tu es là ?)(Je serai toujours là tu le sais ! Maintenant serre les dents et saute aussi loin que possible. Allez !)J’arrive au bord du navire et puise dans mes dernières forces pour sauter sur la rambarde et me propulser aussi loin que possible. Je n’atteindrai pas le pont, mais le rideau de corde autour du vaisseau est largement en ma portée. Je n’ai qu’à m’y accrocher et attendre qu’on me tende une corde et me hisse à bord.
(Finalement cela n’aura pas été si compli…)Un éclair de douleur m’atteint dans tout le corps. J’ai l’impression d’avoir été touché par un harpon à baleine tant je souffre, mais il ne s’agit que d’un sabre dans mon épaule droite. Je percute sans être capable de m’accrocher au cordage et tombe sonné à l’eau. Seule une silhouette sautant du bateau marchand dans ma direction m’accompagne avant de perdre conscience dans les flots.