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 Sujet du message: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Ven 31 Oct 2008 18:36 
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Route entre Oranan et Omyre


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Description du voyage à pied et/ou cheval :

Partir vers cette ville est un défi ou une folie ! Vous sortez d'Oranan et vous arrivez rapidement dans une zone déserte, il n'y a même plus de fermes, de temps en temps vous voyez de vieilles ruines, moulins, granges ou même petits hameaux, mais tout est vieux et envahi de buissons et de ronces. Il n'y a pas de route, vous marchez à travers prairie déserte et petits bois. Il peut y avoir des bandes de Sektegs mais, si vous croisez des Garzoks, faites très attention c'est qu'ils sont sortis en nombre pour un raid sur l'Ynorie!

Au bout de quelques jours de marche, vous arrivez à la lisière d'un bois sombre.

Postez cette partie de votre voyage dans les Bois Sombres et la suite ici une fois que vous en serez sorti. Si vous en sortez...

En sortant de ces bois vous tombez rapidement sur un fleuve, plutôt un gros torrent, que vous vous franchissez par un gros pont de pierre à l'allure ancienne. Et enfin, après quelques heure parmi les pierres, les rochers et la poussière, vous arrivez en vue de la Tour Noire et des remparts de cette cité, dont la taille peut estomaquer les plus blasés.

Durée du trajet à pied ou sur monture sur le continent de Nirtim

Basez vous sur les cartes et présentations décrites dans les 4 continents de Yuimen

(Postez sur ce topic votre trajet !)

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mer 6 Mai 2009 12:36 
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Voyage d’Oranan jusqu’aux bois sombres.

Quelques ruelles et rues matinales plus tard, Sidë et moi nous retrouvons à l’entrée de la capitale d’Ynorie. Les hautes portes qui nous ont accueillies la veille saluent déjà notre départ alors que les flammes chaleureuses du soleil levant frappent leur immense structure basée pour résister aux raids orques. Les gardes paraissent être les mêmes que la veille au soir, bien que je ne puisse le jurer. Leurs uniformes sont semblables, ça c’est certain, mais après… ils se ressemblent tous assez forts, avec leurs yeux bridés, leur peau si pâle qu’on la croirait jaune et leurs cheveux noirs. Alors forcément quand le tout est calé sous un lourd casque et une imposante armure, il devient presque impossible à un néophyte de les identifier clairement. Quoi qu’il en soit, ils semblent moins sur la réserve que la veille au soir. Ce qui est somme toute logique : On sort plus facilement d’une ville qu’on y entre. Au passage, je les salue poliment de la tête tout en leur souriant, et ils me rendent mon salut, tout en gardant pour eux mon sourire, puisqu’ils restent secs et sévères, immobiles et prêts à affronter une nouvelle journée de garde.

Nous sortons donc de la cité sans difficulté, comme nous l’a annoncé Onmal. Sidë, comme à son habitude, est d’humeur maussade et se promène en arborant un air fermé et froid. Je vais finir par faire une généralité de mauvais caractère chez les elfes bleus, tant le sien semble typique et naturel, continuel et éternel.

(Crominou d’amour, je suis persuadée que tu arriverais sans mal à la décoincer, cette frigide…)

(Ne dis pas d’ânerie, j’y perdrais des morceaux si j’essaie…)

(Hm… Du moment que tu ne perds pas de bout…)

(…)

Une fois encore, ma faera me cloue le bec par son esprit tortueux et insondable. Je m’imagine assez mal être lié à une de ces créatures, surtout elle, avec son caractère de braise ambulante. Je repense fortuitement à ma rencontre avec Lysis, dans une forêt de ces contrées, pas si loin que ça d’ici. Ça date déjà… C’était avant Verloa, avant les tourments, avant Pulinn et le temple des plaisirs, avant les révélations indigestes sur ma vie et celle de mes proches, et ma nomination un peu forcée à ce poste que je me suis résigné à accepter et qui m’a conduit jusqu’ici, en compagnie d’une pimbêche féministe allergique à toute la gent masculine, fut-elle de qualité.

Respectant le cloisonnement spirituel et social de ma ‘charmante’ compagne de route, nous avançons sur les chemins qui nous éloignent rapidement de la cité d’Oranan. D’après les indications données par ce vieux et respectable moine, nous serons arrivés à l’orée des bois sombres à la moitié de la journée, ce qui nous permettra sans doute de trouver un abri sous le couvert des bois pour se reposer un peu, la nuit.

Mais il est inutile d’y penser pour le moment, nous devons avant tout arriver jusque là. Qui sait quels événements peuvent encore se passer, d’ici le soir…

Après une heure de marche silencieuse à peine perturbée par quelques sifflements d’airs connus qui me reviennent à l’esprit alors que je me sens d’humeur joyeuse et fêtarde, nous arrivons dans des vastes plaines dévastées dont la vision fait vite retomber mon enthousiasme. Ces vestiges naturels semblent être les témoins silencieux des rixes violentes entre les Ynoriens et les belliqueux orques d’Omyre sous la coupelle tranchante d’Oaxaca la Noire. Ces pierres, herbes séchées et piétinées, souches dévastées et troncs renversés ont été des victimes de batailles qui ne les regardaient pas. Qui sait le nombre de squelettes de toutes engeances qui stagnent sur cette terre, retournant à la poussière sans la moindre marque de respect, après avoir croulé sous les armes puissantes d’ennemis trop nombreux, trop maléfiques et assoiffés de sang.

Ce funeste paysage me fait presque attraper la mine de Sidë, et je sens un malaise latent dans ce lieu, comme s’il était toujours habité des fantômes des trépassés de la guerre. Se promener sur un champ de bataille abandonné depuis longtemps fait une curieuse impression, un goût amer dans la bouche, une tristesse incompréhensible et une rancœur sans nom envers les peuples maudits de cette planète. Il fut un temps où je me sentais loin de toute cette barbarie, de toutes ces engeances ténébreuses et chaotiques… Aujourd’hui, je souffre de m’en trouver trop près. Pas seulement proche au niveau géographique, mais également par le seul lien du sang, contre ma volonté propre. Je suis pris dans un engrenage qui ne m’a jamais posé de soucis, alors qu’il tournait à l’air libre. Mais maintenant que l’écrou se rapproche, une sensation oppressante de danger permanent ne peut être niée… Je ne sais si c’est la peur ou le courage qui étreint mes tripes, la haine ou l’incompréhension, mais je reste cloitré dans mes pensées.

C’est donc avec une humeur ravagée et sans aucun incident que Sidë et moi arrivons, en fin de matinée, en vue de l’orée des Bois Sombre de ce pays orque… En mon sein intérieur, je ne peux qu’espérer ne pas rencontrer cette race malfaisante sur mon chemin. Si je devais mourir par leur lame noirâtre, bien des choses pourraient se passer, des choses dont je ne sais pas si elles sont bonnes ou mauvaises… Quoi qu’il en soit, je ne mourrais pas sans m’être défendu, et même si le combat ne sera pas narré dans les châteaux par manque de ménestrel à mes côtés, il n’en serait pas moins valeureux et meurtrier… Une hécatombe de peaux-vertes pour prendre celle, grise, d’un Sindel…

Et nous avançons vers notre destinée, l’air maussade…

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Ven 21 Aoû 2009 16:58 
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(... Des bois)

L’insignifiance de ce minable petit bosquet aux feuilles lourdes du poids de sa médiocrité fit soudain sens lorsque l’exilée embrassa l’angoissante ampleur des plaines carbonisées assiégeant la sombre forêt. Vaine tâche que de s’échiner à vouloir pulser sa vibration sur cette peau détendue, à peine retenue aux parois de la réalité par la rudesse de sa crasse millénaire. Fardeau de fou que de tambouriner à contre temps des pulsations évanouies, décrochées de la partition, épinglées comme de vivants papillons. Et pourtant géniale tache d’insanité cloîtrée dans sa camisole d’égoïsme à l’ombre de son reflet dans les étoiles. Narcisse pissant sérieusement sa magnificence et son ridicule à la face du néant omniscient, libre du désir et maître absolu de la fin des temps. Finalement simple survivante, gauche et complexe, mort-vivante respirant son urine stimulante dans le bassin de ses déjections à la recherche d'une progéniture toujours plus abominable.

Là où les mots manquèrent à l'Aldryde, les sensations et les images lui fournirent les explications, comblèrent ses lacunes par des gouffres d'incompréhension, laissant au final son esprit dans un état de contemplation. Une sérénité nouvelle, basée sur l'oubli presque total, passa comme une légère brise au milieu de la plaine déserte et vitrifiée de cet esprit en exil. Elle s'étonna même de posséder encore une mince ombre, tant elle avait semé les miettes de son âme et de son corps au fil de ses mésaventures. Oona existait encore. Même seule à arpenter cette steppe infinie, elle était présente, un minuscule grain de poussière ignoré des vents aventureux, une plume échappée d'un carnage et réfugiée entre deux pierres lisses.
D’un arbre courbé malgré l'absence de vent, plongé dans la contemplation de ses feuilles mortes, le petit ange fit son refuge pour une nuit. Alors, qu'alentours, hurlaient hyènes et coyotes, prédateurs et charognards se donnant la réplique sous l'œil complice d'une lune avide.
Des heures, des jours plus tard, comme un mirage, une caravane d'esclaves, monstrueuse chenille aux milles pattes lourdes de rouille, déchira l'absolue monotonie de la plaine. La guerrière, postée sur le parapet d'un vieux pont pierre surpomblant un affluent trouble du grand et tumultueux fleuve Omyrhy, regarda les humains faméliques déjà résignés, se trainer. Ils ne faisaient véritablement qu'agiter leurs entraves de haut en bas au rythme des deux syllabes, mantra de tortionnaire, aboyées par un maître orque bouffi de lèpre. Les esclaves semblaient ne pas avancer, ils martelaient seulement le vide sous leurs pieds en attendant que le monde tourne et les transporte vers leur funeste destination. Ainsi, ils passèrent sans la voir et les orques la négligèrent comme une vieille charogne abandonnée au bord de la chaussée.
Plus loin encore, plus proche de cette déchirure d'acier au levant, elle vit cette même pitoyable cohue humaine battre inlassablement le sol de leur pioche et de leur merlin pour en extraire des blocs veinés de rouge. Le rouge du sang versé et du sang donné. Ils ne prenaient pas à la terre ingrate son corps, ils creusaient leur tombe où ils s'écrouleraient bientôt perclus de fatigue et de maladies.
Arracher le bois à la forêt, la pierre de la terre, la vie des corps, voilà bien le magnifique mécanisme par lequel Omyre exerçait son autorité. Elle payait son due aux éléments par la souffrance des fous qui arpentaient son sol car tous étaient maudits sans possibilité d'absolution. Tous rêvaient de gloire et finissaient esclaves en enfer à souffrir les milles tourments d'un joug séculaire devenu maître suprême dans l'art de briser les êtres et de disperser leurs restes encore vibrants aux quatre vents de la mort.

La cité devenait de plus en plus présente, ce n'était plus une rumeur ni une terreur tapie à la lisière des esprits les plus dérangés, mais bien une imposante masse aux reflets métal. Une écrasante aberration architecturale s'élevant bien haute vers les cieux et propulsée par la haine fumante et palpable d'un dédale de rues sauvages. Même en voyageant lentement pour attendre des auspices lunaires favorables, l'Aldryde ne parvenait pas à comprendre la réalité d'une telle œuvre millénaire car ses buts étaient à peine acceptables et ses mécanismes d'une complexité perverse. Cependant, plus la menace devenait grande, plus l'exilée avançait. Il lui semblait que son périple dans la steppe râpeuse relevait du pèlerinage, qu'une concordance quasi divine, une aspiration universelle guidait ses pas vers ce lieu sinistre à l'heure du carnage rituel.

Aguicheuse, la lune jouait avec des nuages d'encre à l'heure où déjà la cité d'airain brûlait de milles brasiers. L'astre secret, glissait, invisible derrière ses flanelles vaporeuses ne laissant percer qu'un reflet rougeâtre et inquiétant aux yeux des êtres désireux de contempler sa dangereuse virginité. Répondant à cet effeuillage céleste, le cœur de la cité noire palpita aux rythmes de gigantesques tambours, faisant tressaillir le corps moribond de la région flétrie. Faussement timide, veuve noire des cieux, la lune laissa échapper quelques volutes de chevelure spectrale, pour replonger aussitôt à l'abri de la noirceur. Puis, calculant son apparition au paroxysme du déchaînement et de l'excitation qu'elle sentait poindre de chaque recoin de la ville, la lune perça la nuit de son teint sanglant de mariée mutilée. Son souriant visage écorché pleurant le sang et la rage sur les fidèles. Une clameur barbare et monstrueuse s'éleva alors de la vibrante cité et emplie de terreur la petite Oona, soudain tremblante, cachée au milieu de roseaux clairsemés. Les milliers de gorges hurlaient le commencement d'une nouvelle Nuit des Supplices pour attirer sur eux la grâce démoniaque qui leur assurerait la victoire dans cette chasse cannibale. L'appel dura longtemps avant d'être remplacé par les cris et les suppliques des premiers mourants. Depuis sa cachette, la jeune femme crut même voir, des ombres se jeter du haut des tours en braillant comme des déments, elle espérait maintenant qu'on les eut poussés dans le vide plutôt qu'ils ne s'y jetassent dans un accès de délire communicatif.

Avec son lourd fardeau, elle voleta au milieu des camps miteux et déserts encerclant la ville. Même la lie de la lie pouvait, ce soir, monter sur scène et endosser le premier rôle. Toutes les lois s'effaçaient maintenant devant la palpitante logique du meurtre et de la barbarie. Cachant ses tremblements par des gestes rapides et sa peur grandissante derrière une curiosité malsaine, l'Aldryde continua sa progression vers le sud de la ville selon les conseils d'un arbre qu'elle ne se voyait jamais croiser de nouveau. Elle regardait en tout sens, inquiète de voir surgir un monstre déchaîné. Elle scrutait le moindre mouvement au milieu des ces huttes suintant la misère et la peur.
Une ombre glissa au milieu des masures, pausa un instant alors que le visage angélique de sa proie se tournait dans son sens, puis reprit sa traque. Le fantasme sauta sur un toit troué, bondit, chauve-souris sublime, derrière une tente jusqu'à sentir le délicat parfum de la jeune femme. Cette dernière sentit alors une vague présence derrière elle, et décida de lâcher son sac au moment où, pareil à un serpent véloce, une forme rampa au sol et se jeta sur elle, stridulant de plaisir.
Rugissant autant de rage que de peur, la guerrière se débattit furieusement, jusqu'à éjecter cette présence poisseuse de son corps. Elles se retrouvèrent face à face lorsque soudain, l'ombre informe se dota de bras, de jambes, de deux pairs d'ailes et d'un charmant petit minois charbonneux. Cachant son nouveau visage derrière ses nouvelles mains, le fantasme ouvrit immédiatement ce masque pour laisser apparaître un reflet d'Oona fendu d'un sourire purement démoniaque. Celle-ci dégaina et chargea d'un seul geste, mais passa littéralement à travers son adversaire comme à travers un voile d'encre. Se retournant, troublée, elle vit d'autres ombres rassemblées autour de son sac. Chargeant de nouveau, la guerrière dispersa ces démons comme une volée de moineaux, qui déjà arrachaient avec violence l'apparence de leur consœur en ricanant. La vision de son reflet ainsi déchiré et lacéré acheva de propager l'angoisse dans le corps de l'Aldryde, qui récupéra son paquetage avant de fuir plus en avant.

D'un seul coup, le paysage changea, la boue et les pierrailles s'effacèrent devant ce qui ressemblait le plus à un champ, une succession de champs dévorés à l'heure actuelle par des feux de joie incontrôlables. Rassemblant son courage en une masse compacte qu'elle avala difficilement, Oona s'engouffra dans les restes de cultures en tentant de rester le plus loin possibles des inquiétantes formes qui semblaient danser aux milieux des flammes affamées.
L'attaque fut trop soudaine pour qu'elle puisse discerner son adversaire mais elle se retrouva en une fraction de seconde dans une sorte d'immense nasse en osier. La guerrière, immobile et yeux clos espéra échapper aux souffrances qu'elle sentait poindre à l'horizon. Elle était partagée entre les sensations puériles qui font disparaître les monstres et les ennuis en fermant les yeux et les souvenirs de maintes proies parvenant à survivre en feignant la mort.
Ce qu'elle ne vit pas c'est une grosse citrouille ravagée par le temps, pencher son corps de bois brinquebalant vers la prison d'osier qu'étaient en réalité ses fragiles et avides mains. Deux orifices percés par les lointains assauts d'un parasite scrutèrent la créature inerte avant de s'emplir d'une noirceur abominable. L'épouvantail secoua avec une force inhumaine ses mains tout en déclamant un flots de menaces par une bouche suintante de jus pourri.

« - Non, non, non, tu n'es pas morte ! NON, tu N'ES PAS morte, MORTE ! MORTE ! MORTE !! Remues-toi vermine , MORTE ! Morte !

Le monstre s’exprimait comme un enfant qui vient de découvrir sa propre voix. Il trébuchait sur les mots en pensant déjà aux suivants et ne parvenant pas à maîtriser ce nouvel organe, il criait et chuchotait en même temps. On venait de le tirer d’un très long sommeil et il désirait ardemment conter ses cauchemars d’un seul bloc, les expulser ou les vomir.
Il secoua la cage de plus bel puis s'arrêta d'un coup, écumant d'une bave marron, tout en faisant crisser les barreaux de la prison, vivants doigts déments. Il cracha avec force partout, hurla sa rage, tout en agitant ses mains furieusement. Si Oona ne réagissait pas c'est qu'elle était littéralement terrifiée, elle était désormais une enfant qui ne voulait pas ouvrir les yeux et affronter cette réalité.
L'épouvantail, continuait à agiter ses doigts, sa tête tremblait de droite à gauche comme s'il était en proie à un dilemme intérieur. Soudain il se stoppa et son visage gondolé se tordit dans un atroce rictus implorant.

- Allez petit oiseau, vole pour moi, vole, VOLE ! Hurla-t-il. Pardon, pardon, il rit, presque gêné, je me sens seul ici, je suis tout seul, je me sens seul, je suis tout seul, je me sens tout seul, tout seul, tout tout seul. Il se dandinait presque. Allez, petit moineau, je te laisserais picoré ma cervelle si tu veux. Ma petite cervelle, seule et morte, MORTE !

Un accès de rage lui fit refermer les doigts les uns sur les autres menaçant d'écraser l'Aldryde.

- NON ! TU NE ME PICORERA PLUS LE CRANE ! MORTE ! MORTE !!

Oona se redressa soudain, complètement sonnée, sur ses jambes flageolantes. Le monstre se para alors d'un visage réellement surpris ou le ravissement de la rencontre et de la victoire se mêlait étrangement. Il se mit à danser comme un fou et à balbutier d'incompréhensibles paroles entrecoupées parfois d'ordres à l'encontre d'Oona pour l'exhorter à danser, à partager sa joie de malade mental. Au milieu de ce douloureux chaos, la guerrière aperçut cependant les flammes se rapprocher de plus en plus de son geôlier, elle hurla alors du plus fort qu'elle put et sentit une soudaine vibration emplirent le bijou autour de son cou. Le cri qu'elle émit fut si fort que l'épouvantail se stoppa net et la regarda de travers comme s'il prenait soudain conscience de sa présence.

- Si tu me libères je ne te picorerai plus le crâne !
- Comme c'est charmant de ta part, charmant, charmant, charmant, charmant, tu es charmante, charmante, charmante. Mais, il traîna longtemps sur la conjonction, si tu es morte ! tu es morte ! MORTE ! MORTE ! J'ai gagné !

La révélation illumina un instant son esprit torturé. La jeune femme devait gagner du temps, la tête lui tournait encore, elle crut même s’être abimé le bras. Elle enchaîna donc :

- Si tu me tues, les autres viendront !

Se protégeant aussitôt d'une belliqueuse nuée invisible, le monstre de bois se courba en craquant et agita son affreuse tête de gauche à droite en suppliant :

- Non, non, non, pas les serviteurs des dieux sombres, pas eux, pas eux, pas eux, pas eux. Ils volent ma cervelle morte, morte.
- Ils sont partout et ils arrivent !

Il rit comme un gosse et enchaîna de sa voix détraquée alors que les flammes se trouvaient à quelques pas de lui.

- Non, non, non, non, pas ce soir petit moineau ! Ce soir, les furieux dévoreurs de moi sont tous partis loin, loin, loin, loin, parce qu'ils ont peur ! Oui peur ! PEUR !
- Personne n'a peur de toi tas de bois ! hasarda la petite Aldryde d'un ton presque maîtrisé.
- Si, tu as peur de moi, TU as PEUR PEUR PEUR PEUR de MOI ! MOI ! » Hurla-t-il alors que le feu léchait ses pieds en fagots de paille.

En un instant l'épouvantail s'embrasa. Il se redressa, circonspect et, voyant la fumée l'envelopper il commença à paniquer, courant de droite à gauche. Oona donnait de furieux coups de pied dans les doigts de bois mais en vain, jusqu'à ce qu'il la laisse enfin choir pour chasser les flammes, déjà hautes, de son corps. Sans se faire prier la guerrière récupéra son paquetage et s'enfuit, alors que le gardien des moissons dérangé s'embrasait littéralement. Fusionnant avec les flammes prédatrices jusqu'à ce que sa tête n'explose dans un bruit immonde et que son corps ne se balance doucement dans les vapeurs surchauffées avant de disparaître.

(Aux rues …)

_________________
Et sur moi si la joie est parfois descendue
Elle semblait errer sur un monde détruit.

Oona

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mar 8 Sep 2009 00:24 
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(Des rues ...)

A vive allure, fauchant sans ménagement le moindre passant, le carrosse se dirigea vers la porte nord qui était en train de lentement s'ouvir. Cette impossible concrétion d'airain tournait sur ses gonds en hurlant d'un écho métallique sa sauvagerie de monstre enchaîné. Et lorsque que le convoi s’arrêta pour permettre une ouverture suffisante, le lieutenant monta à bord en s’excusant d’avance de sa présence musquée alors que les autres orques enfourchaient d’immenses bêtes velues et féroces qu’Oona n’avait jamais vu. Ces fauves étaient un immonde mélange entre une hyène et un loup, mais aux yeux du petit ange ils n’étaient que des monstres écumants de rage à rajouter à longue liste des atrocités de la sombre cité. A brides abattues la petite troupe se dirigea droit vers le fleuve, vers ce qui ressemblait de loin à un fortin aux ombres démesurément allongées par un angoissant et impossible coucher de lune. Bientôt il allait certainement pleuvoir et la grisaille allait étreindre, en pleurnichant doucement, la plaine délavée.
Lancé à pleine vitesse, le cortège avait quelque chose de profondément angoissant. Les chevaux, monstrueuses bêtes de course aux jarrets hypertrophiés, frappaient avec haine le sol pierreux, se toisant les uns les autres en expulsant rageusement des volutes nacrées par leur naseaux dilatés. La sueur se mit à suinter, épaisse et grasse, à travers leur robe noir et un maillage de veines boursouffla bientôt leur corps jusqu’à l’enserrer des racines de la douleur. Parfaitement conscientes de leur rareté, ces fougueuses et fières bêtes renâclaient et écumaient de plus bel à chaque coup de cravache pour écraser de leur supériorité les vulgaires chiens débiles les poursuivant. Elles bavaient sur leur mord, tiraient à s’en rompre les os sur leurs entraves à la poursuite d’un temps révolu, en quête d’une liberté où elles pourraient piétiner leur cochet et parcourir les steppes ingrates en buvant le sang acide de la terre souffrante. Ces princes de la course ne supportaient aucune comparaison et l’appel de ce royaume infini déchaînait leur instinct primal. L’angoissant point de vue qu’Oona avait sur la scène finit par la mettre des plus mal à l’aise et elle décida elle aussi de faire subir aux autres sa présence à l’intérieur du carrosse. En effet, elle ne supportait plus que la meute de worgs et leur maître orque poursuivent, comme les chiens affamés qu’ils étaient, ce sublime corbillard infernal. Leurs jappements féroces et leur coup de crocs incessants à l’adresse des moins rapides relevaient d’une bassesse qu’Oona tentait de fuir en vain. Elle savait que sa présence ici et maintenant signifiait le fin pour une majorité d’entre eux et c’était sans haine, ni remord que la jeune femme acceptait son rôle de messager de la mort. Le petit ange ne voyait donc pas pourquoi elle devait subir les regards vicieux et affamés des montures ainsi que des jockeys grisés par la vitesse comme de difformes enfants autistes.

A l’intérieur, l’Aldryde retrouva une forme de calme qui lui sieyait plus et elle justifia sa présence en prétextant pouvoir protéger avec plus de facilité les bijoux de la jeune femme. Cette dernière n’avait cure de ce moineau minable, elle gardait les paupières closes de manière à renforcer encore son masque de froideur calculée. Ce talent avait d’ailleurs était travaillé avec tant d’application qu’il était impossible de discerner le moindre signe d’émotion, on ne pouvait que spéculer sur la présence d’une vie parcourant cette statue d’ébène. Le lieutenant compensait cependant cette sérénité parfaite en faisant courir son regard inquisiteur de la route, à l’Aldryde, de l’Aldryde à sa passagère et de sa passagère à la route avant de recommencer à nouveau en donnant trois coups contre la paroi à l’adresse du cochet qui répondait de la même manière.
Le convoi traîna pendant quelques heures encore son suaire de poussière aggressive avant de passer sous une nouvelle muraille et de se stopper. Le lieutenant demanda très poliment à la demoiselle de bien vouloir attendre un instant. Instant très court durant lequel la lourde mallette fut déplacée et les badauds chassés.
Ce qu’Oona avait pris pour un bastion était en fait un avant-poste sur le fleuve boueux, un port fortifié où étaient stationnés une dizaine de longs bateaux à fonds plats, montés à clin. Hormis la tour principale, perdue dans les vespérales brumes spectrales, l’ensemble des constructions suintait le machiavélique pouvoir d’Oaxaca et de ses fidèles. Des murailles épaisses soudées par le mortier du sang et de la douleur, aux chantiers navals, inquiétantes forêts de crucifix où s’effilochaient avec souffrance des robes de fantômes, ainsi qu’à travers chacune des masures s’agglutinant comme autant de champignons baveux sur une souche pourrie, tout s’imprégnait de l’ardent parfum de la fin des temps. Et, loin de l’inquiétante présence de la Tour Noire, le spectacle manquait cruellement de grâce, les chiards faméliques ne mettaient pas cette même ardeur à se jeter sur le plus faible des leurs pour le déchirer de leurs griffes et engloutir sa chair malade. On sentait qu’ici l’espoir n’avait pas été totalement oblitéré de l’âme des esclaves, que le burin du maître manquait de précision pour exciser cette maladie perverse des faibles.

L’un des navires, lame de bois montée sur un manche d’acier, toisait, martial, les eaux saumâtres qui léchaient ses flancs en attendant que ses passagers princiers daignent monter à son bord. La malle et sa propriétaire furent escortées jusqu’à une petite dunette arrière incongrue sur ce genre de vaisseau et bientôt, on donna du fouet pour que les galériens souffrent sur les rames jusqu’à s’en décoller la peau et que leurs os crissent sur le bois traître. Le navire s’échappa du petit port, survolant comme un agile papillon de nuit la chaîne fermant l’anse. Puis il battit de ses dizaines d'ailes mortes le miroir de la triste voute céleste. Chacun prit sa place et l’embarcation descendit le fleuve selon les indications que les lieutenants avaient reçu de leur terrible maître.

A des dizaines de lieues de là, dans les souterrains tapissés des cris des suppliciés, ce dernier était en train de déchaîner sa fureur sur un nouveau pensionnaire. C’était un ravissement pour lui que de pouvoir se salir les mains en toute impunité, de ne plus avoir à se soucier des conventions, de ne plus avoir à contrôler ses pulsions malsaines pour que son esprit manipule les fragiles énergies magiques. Il était dans son donjon et il en profitait pour marteler cette face de gobelin de ses poings de scribes frustrés. Le mage le tenait enfin, lui le Surin, ce fils de chienne, ce bâtard infernal qui avait exécuté ses deux plus proches collaborateurs, ses propres neveux, les derniers mâles de son clan, les derniers êtres après sa fille chérie en qui il pouvait avoir un minimum de confiance. Et voilà que ce fou était venu le provoquer sur son propre terrain, pénétrant impunément dans sa demeure par la grande porte pour lui délivrer, avec un sourire satisfait, un simple pli.

Les poings en sang, il décocha un méchant coup de pied dans le ventre de cette raclure pitoyable. Le sorcier s’essuya les mains, en regardant ce messager de pacotille se redresser encore une fois sans se départir de son sourire qui le faisait tant enrager. Le magicien vida sa coupe de vin d’une traite et recommença son interrogatoire :

« - Je reprends encore une fois. Où est-elle ?! Par les Enfers saches que si tu es encore en vie, si je ne t'ai pas jeté en pature à mon gardien chimérique, c’est que j’ordonne que tu me répondes ! MAINTENANT !

Le kobold, fit craquer sa nuque endolorie, et planta son regard hautain dans les yeux du mage exorbités par la fureur. Ce petit interrogatoire avait assez duré, il était sûr maintenant que l’homme à la peau sombre en face de lui serait prêt à tout entendre, d’autant plus s’il s’agissait de la vérité. En effet, il avait pénétré dans le manoir quelques heures après le départ de la calèche, s’occupant de gardes trop distraits avant de se faire prendre dans un véritable mur de lames translucides. Ce miroir brisé qui l’avait étreint de si près à ce moment là, était l’arme absolu du mage, un tueur chimérique, un artefact des temps révolues, invisible, inaudible, absolument vicieux et serviable jusqu’au sacrifice. Dès que les lames avaient commencé à un peu trop le chatouiller, il avait donné la lettre au sorcier, cette lettre qui contenait la bague de sa chère pupille. Immédiatement son esprit déjà aux aboies s’était emporté pour déclencher une tornade de colère pure, un cyclone dont même l’œil était un enfer bouillonnant.

- Je vous l’ai déjà dit, je ne sais pas où est votre fille. Il reçut un autre coup de pied rageur, sans vraiment broncher, il avait été accoutumé très tôt à ce genre de passage à tabac. Omyre n’était guère clémente envers ses enfants. En revanche, continua-t-il, demandez-vous plutôt avec qui vous l’avez laissé. Il paraît que la confiance n’est pas une valeur sûre en ce moment.

Le mage cramoisi malgré son teint foncé, réfléchit un instant avant de répondre.

- Je sais tout de toi ! Tu es un assassin de talent certes, mais tu n’es qu’un serviteur, un esclave de l’argent. C’est parce que j’ai tué ton commanditaire ce soir que tu as enlevé ma fille ? Etait-ce le dernier baroude d’honneur de ce magicien de bas-étages ? REPONDS-MOI !

- Je vous l’ai dit, je ne travaille plus pour lui. Sur ce point il mentait car il n’avait jamais travaillé pour lui. On m’a juste payé très cher pour vous livrer cette lettre. Là il ne mentait qu’à moitié.

Le mage, s’apprêtait à vider son trop plein de rage sur son prisonnier au moment où l’inquiétude l’emporta sur la colère. Son visage trahissait une grande perplexité et un malaise encore plus grand. Il s’était juré de revenir à Omyre plus puissant et plus implacable et au final, en partie à cause de cet insupportable bâtard et de ses commanditaires, les choses avaient empiré jusqu’à cette chute ultime. Si sa fille était en danger, elle savait où se réfugier, tous deux s’y étaient cachés il y a moins d’un mois, de plus elle avait de la ressource et il était sûr de ses lieutenants. Il se résolut bien malgré lui.

- Couvrez moi ce chien de chaînes sur le champ et jeter le dans mon carrosse personnel. J’en prendrai les rênes. Vous le surveillerez et paierez de votre vie le moindre de ses gestes ! Aboya-t-il aux deux orques avant de se pencher à l’oreille de l’assassin. Je te ferai payer de mille morts chacune de ses égratignures. »

A ce moment là le Surin savait que la pièce centrale du puzzle venait de prendre sa place pour compléter sa fresque trouble.

Tout d’un coup, un hurlement de bois maltraité parcourut toute la longueur du navire avant d’exploser en un craquement de mauvaise augure, le bateau gîta dangereusement à tribord avant de s’échouer violement sur l’une des rives. Oona qui attendait devant la cabine de la jeune femme, suivit le mouvement de foule en se dirigeant vers la cale. L’intérieur empestait la sueur et la peine des dizaines d’esclaves claquemurés, enchaînés sur le banc de nage, cependant elle ne leur accorda pas même un regard mais se précipita, tout comme les autres orques, vers l’inquiétant bruit de ruissèlement. La sentence du capitaine et lieutenant fut sans appel, le navire avait été sciemment saboté et l’auteur avait même laissé sa signature sous la forme d’une enveloppe de cuir. De ses gros doigts crasseux, il dénoua le lien de cuir fermant le pli et en sortit une lettre scellée d’un cachet aux armes de leur maître. L’hésitation se peignit sur sa tête bestiale et couturée avant que la pression de ses camarades ne le pousse à outrepasser ses droits. Un cri haut perché le stoppa net dans entreprise :

« - Pour qui vous prenez-vous ?! Lança la demoiselle d’un ton qui n’appelait pas même une réponse. Donnez-moi tout de suite ce pli et réparez-moi cette coque de noix sur le champ !

Furieux d’avoir été gourmandé ainsi devant ses hommes, le lieutenant s’exécuta puis passa ses nerfs sur son équipage. Inquiète, Oona suivit la jeune femme dans sa cabine, la guerrière n’avait aucun souvenir de cette partie du plan et un début d’angoisse la saisit. Où avait-elle bien pu se tromper ? La châtelaine, décacheta nerveusement la lettre et la lut une première fois, l’Aldryde voyait ses yeux aux reflets acides courir de droite à gauche et son masque de rigidité se plisser à certains endroits. Elle tourna la lettre, une première fois, souffla, puis relut à nouveau la lettre. Tout d’un coup Oona vit le signe qu’elle cherchait, on avait en effet découpé un minuscule carré dans le coin inférieur droit du papier. L’exilée comprit alors que l’assassin savait qu’elle allait se retrouver ainsi, face à la jeune femme, face au recto de la lettre, là où elle pourrait voir le vrai message. Elle s’exécuta donc en accomplissant le second acte.
Désormais le teint sombre de la jeune femme n’était pas que le fruit de son hérédité mais bien de ses sentiments qui avaient maintenant fait leur chemin jusqu’à la surface sous la pression croissante des émotions. Elle marchait de gauche à droite sur ses magnifiques escarpins, faisant onduler sa robe et sa cape comme si aucun corps n’était à l’origine de ses mouvements. On frappa à la porte et un « Entrez ! » agacé répondit à l’appel sourd, le lieutenant entra en s’excusant pour expliquer que les réparations prendraient certainement toute la journée. Elle le chassa d’un revers de main, comme une ennuyeuse mouche tournant trop près d’une pâtisserie. Constatant sans doute, pour la première fois qu’elle n’était pas seule, la jeune femme s’adressa à l’Aldryde bien qu'elle n'espérât aucunement une réponse, elle vidait simplement son sac pour y voir plus clair.

- Mon père vient de m’écrire que je ne peux avoir confiance en aucun de ces immondes porcs. C’est lui qui a provoqué l’accident, pour détourner leur attention et pour que je puisse m’échapper.

Oona vit son regard se poser sur les vitres à l’arrière de la dunette, vitres qu’elle venait justement d’ouvrir. Dehors le gris était physique et la brume épaisse comme un bloc empêchait de discerner quoique se soit en dehors de la berge et du fleuve. La jeune femme se pencha à l’extérieur, se ravisa, puis se saisit de ses draps, les noua ensemble et lança l’une des extrémités à l’extérieur.

- Et bien qu’attends-tu ?! Attrapes ma boite à bijou et suis-moi pauvre greluche ! siffla-t-elle avant de passer son corps svelte par-dessus bord. »

L’après-midi touchant à sa fin, le froid s’infiltrait de la terre pour répandre sa torpeur mortelle dans l’air lourd et opaque, bientôt les deux jeunes femmes frissonnaient à l’unisson malgré leur course qui semblait infinie. Oona n’avait aucune idée de l’endroit où cette citadine, trébuchant sans cesse et pestant comme une maquerelle, les emmenait avec tant de détermination au milieu de la plaine déserte. Essayait-elle juste de camoufler sa détresse par une fuite en avant désespérée ? L’Aldryde espérait fortement que ce ne soit pas le cas car elle n’avait tout simplement aucune idée de la suite des événements. Sans doute aurait-elle pu tuer par surprise sa compagne, ou l’assommer de cette boite à bijoux des plus encombrantes, mais cela faisait-il partie de plan ? A vrai dire, la guerrière commençait à se sentir une fois de plus manipulée par des forces invisibles, elle avait soudain peur de s’être fait berner une fois de plus et que les conséquences allaient être des plus détestables.
Une forme imposante se détacha alors de l’épais brouillard, une sorte de bloc, un cube aux arêtes trop bien définies pour qu’il soit naturel, la rectitude avait même quelque chose d’inquiétant au milieu de ce tableau monochrome. Mais quand la jeune bourgeoise lâcha dans un souffle ravi « C’est ici ! », Oona se détendit un peu et emboita le pas presque bondissant de sa compagne.

L’aspect intérieur était l’inquiétant écho de l’aspect extérieur et là où la nudité et la sobriété forçaient le silence, la somptuosité baroque de l’intérieur ne pouvait qu’imposer le respect. Une volée de marche descendait vers une salle de taille moyenne dont les murs étaient tapissés de crânes décorés, ornés de joyaux et cerclés des métaux les plus rares ainsi que de fresques d’une finesse incomparable. Le plafond était cependant, tout comme le sol, impeccable, parcourus tous deux de courbes et de dessins géométriques incompréhensibles. Hormis ces impressionnants motifs, la pièce était nue et un calme inquiétant dissipait le moindre son. La jeune femme ordonna alors à la guerrière de sortir faire le guet et c’est ainsi que l’Aldryde se retrouva à grelotter pendant des heures à l’extérieur, ressassant les mêmes idées, jusqu’à ce que, à la nuit tombée, une calèche déboule furieusement des brumes comme un sinistre vaisseau fantôme. Drapé d’une longue cape de pluie, le mage la dépassa bientôt suivit des deux gardes traînant le kobold dans un cliquetis infernal. En passant, ce dernier fit un clin d’œil à Oona, qui fit mine de rien voir de son état lamentable et plana jusqu’à l’étage inférieur.
Le silence fut rompu une première fois par les questions courroucées et désordonnées du sorcier à propos de l’absence des gardes, puis par les réponses hautaines de sa fille prétextant que cela avait été son idée, puis à nouveau par des éclats de voix et bientôt les froissements de tissu d’une embrassade maladroite car inhabituelle. Lorsqu’on laissa chuter le Surin et son fardeau de métal, le mage susurra quelques mots à sa fille qui lui répondit de même avant de rire comme une gamine sadique.
Ce temps, l’assassin le mit à profit pour bondir de son cocon de métal, attraper l’Aldryde au vol et retomber sur un petit cercle au centre exact de la pièce.

Oona voulut crier de surprise, mais le disque sous eux s’affaissa d’un coup de quelques pouces et un milliard de lances d’acier jaillirent de tous les recoins de la pièce dans un raclement à vous déchirer les tympans. Le seul espace laissé libre était la colonne partant du disque où ils se trouvaient blottis. Il y avait tellement de métal autour d’eux que la jeune femme était incapable de voir quoi que ce soit, les lames s’enchevêtrant si parfaitement que même une mouche aurait été découpée en morceaux. Le sol remonta alors doucement et les lames retournèrent dans leur logement secret dans le bruit assourdissant d’une armée raclant ses armes sur les crânes de leurs ennemis.

A nouveau, l’exilée voulut parler, mais un bruit étrange l’en empêcha, se répercutant dans l’atmosphère soudain dégagée de la pièce. Cela ressemblait presque à un applaudissement, un lent et long applaudissement, mais la jeune femme se rendit compte, qu’il s’agissait davantage d’une bruit de pas dans l’escalier savamment dosé pour qu’il prête à confusion. C’est donc au son de cette étrange percussion angoissante, qu’une grande femme drapée des lambeaux de Morphée descendit l’escalier, imposant sans hésitation sa présence impériale. La guerrière eut bien de la peine à la détailler tant sa beauté était surréelle, tant la perfection de ses traits durs était de l’ordre du divin, son image s’imprimant avec force à l’esprit sans que celui-ci ne soit en mesure de protester ou même de comprendre. Pour un peu Oona, l’aurait aimé sur-le-champ si fort qu’un seul de ses refus l’aurait poussée à se trancher les veines pour sucer son propre sang et dans la mort offrir ce nectar craché à l’intérieur de la plus délicate des fioles de cristal. C’était une Shaakt âgée certainement de plusieurs siècles et qui pourtant rayonnait d’une beauté insolante comme si elle n’avait fait qu’extraire la froide logique de la complainte de jours pleurant leurs heures, comme si elle s’était nourrie à la source des temps pour en devenir la maîtresse. Sa voix, mélodie de cristal, forçait l’auditoire à garder le silence pendant qu’elle versait le plus doux des poisons dans les oreilles de tous ces fous heureux de courber l’échine pour se faire piétiner. L’Aldryde devait faire des efforts insensés pour ne pas pleurer de joie devant cette présence quasi divine.

« - Mon cher ami, vous savez y faire avec les femmes. Un an d’attente pour une apothéose sanglante, une vengeance servie glacée sur un plateau d’argent, vous êtes un vrai charmeur.

Elle tenta de sourire mais il semblait bien qu’elle ait oublié jusqu’au souvenir de ce genre de sentiment. La shaakt fit quelques pas d’une grâce divine jusqu’aux cadavres méconnaissables. Des deux gardes, de leur maître et de sa fille adorée, il ne restait rien que des outres percées, des lambeaux de chairs décousus tout juste maintenu ensemble par la violence de l’exécution. Seule ce qui avait été l’ombre du mage, là où était tapi son soldat ultime et onirique, s’agitait encore faiblement, comme une goutte d’encre informe continuant à se répandre sur un parchemin vierge, longtemps après le passage d’un écrivain timide. Du bout de son pied finement serré dans une chaussure au talon si effilé qu’il paraissait invisible, la shaakt tapota le crâne défoncé du mage.

- Comprenez mon défunt ami que notre erreur n’avait que trop duré. Comment pouvais-je admettre plus longtemps que vous souilliez mon sang avec celui de votre méprisable race ? Mais n’ayez crainte, je suis persuadée que nous nous retrouverons à la droite du seigneur de la mort pour nous enivrer des lamentations des couloirs glacés de la damnation. Votre haine nourrira votre patience.

Ces paroles résonnèrent comme un sinistre évangile dans l’esprit d’une Oona totalement conquise. La charismatique elfe, s’approcha ensuite de l’assassin, qui baissa promptement la tête.

- Voici pour votre paiement, dit-elle en lui remettant une bourse de satin pourpre. Cette pièce, comme toutes les autres est unique, mais vos services ont été d’une remarquable efficacité. Maintenant je dois vous quitter, j’ai un navire à prendre, en espérant que ces incapables aient eut le temps de le réparer.

Alors qu’elle allait disparaître et que, malgré elle, l’Aldryde commençait à la suivre, littéralement magnétisée, le Surin demanda :

- Vous n’emportez pas votre espionne ?
- Vous vous trompez mon cher, mes espions ne bavent pas d’envie en me voyant. Au plaisir. »

Et elle disparut. La jeune femme et le Surin se dévisagèrent un instant, elle comme sortant d’un rêve merveilleux et lui inquiet de cette dernière réplique.

(Aux rues ...)

_________________
Et sur moi si la joie est parfois descendue
Elle semblait errer sur un monde détruit.

Oona

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mar 27 Oct 2009 18:39 
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Oona avait quitté la citadelle suppliciée car elle ne pouvait plus souffrir la ritournelle sadique qui animait la grande cité noire. Les bacchanales sanguinaires faisaient tressauter son cœur jusqu’à ses minces lèvres, qui n’étaient plus que le tiret d’un monologue pour sourd, de la même manière que les monstrueuses agapes ravageaient son esprit pour le figer en un effroyable miroir dépourvu d’âme.
Le gouffre immonde attirait à lui toute créature douée de raison pour pouvoir la corrompre à souhait, se repaître de ses méfaits et de sa douleur. Jamais le Léviathan obèse ne cessait d’avaler sa pitance frétillante d’âme fraiche, sa gueule béante dépourvue d’aspérité les laissait tous dégringoler en un chapelet hurlant, bille après bille, caravane de crânes tordus d’effroi, avec la lenteur calculée de millénaires de concassage moral. Parfois, la grande cité noire, échouée au milieu de sa mer d’immondices recrachait quelques perles, quelques morceaux d’un ambre si sombre et si densément mauvais qu’elle était incapable même de les digérer. Ces Jonas deux fois maudits erraient alors sans autre but que de faire cesser la douleur de cette mort toujours trop lointaine. Et Oona d’avoir contempler ces rares tornades de démence craignait d’être un jour entraînée dans leur sillage chaotique.
Au quotidien elle le voyait et le sentait grandir en son sein car à l’endroit même où la vie ne pourrait jamais être abritée de l’horreur du monde et croître dans la chaleur de la matrice, dans son ventre donc, l’exilée sentait s'épaissir un vide angoissant. Y prenait racine la graine d’une fleur bien atroce, poussant seule et à l’ombre des grands toits défoncés pleurant la noirceur des cieux, une plante d’éternité n’appelant pas au renouveau de la vie mais au sublime de la décadence et de la destruction. L’effluve capiteux transpirait déjà de chaque recoin d’Omyre, transportant le parfum sulfureux droit dans les cerveaux apathiques des foules anonymes pour y faire briller la pupille paresseuse d’un œil voilé par toutes les atrocités de ce royaume damné.
La cité avait fait son œuvre et l’Aldryde était désormais toute disposée à accorder la part de liberté dans son esprit à ces sauvageries dantesques, eut égard à ses expériences passées et à la propre noirceur qui couvait en chacun. Ainsi un solide relent de pourriture fleurissait aux alentours de sa luette comme un vivant et bourdonnant miasme, un amas de moustiques malades autour d’un bubon gorgé de sang. Se racler la gorge ou écluser des quantités prodigieuses d’élixir pour son gabarit ne dissipait que pour un temps l’âcre sensation. L’envie de vomir était présente et chaque jour plus forte, plus capiteuse, le dégoût devenait physique.
La jeune femme n’avait pas mutilé plus qu’à l’accoutumée. Ces derniers temps avaient été des plus confortables et les seules rixes étaient communes à toutes les réunions nocturnes du monde. Cependant, cela collait de plus en plus à sa peau et à ses cheveux, la rendant poisseuse, hirsute et sale bien au-delà d’un simple caprice de son hygiène, cela pénétrait sa peau et commençait à y tatouer d’invisibles et pourtant d’indélébiles stigmates funèbres. Mais à ce moment précis, elle savait aussi qu’elle se mentait.

Voletant au-dessus du serpent de pierres concassées par d’innocents forçats, seule ligne tangible au milieu de l’immensité de la steppe râpeuse, Oona savait que ce n’était pas la raison de sa fuite. Le Surin n’avait même pas souhaité lui dire adieu comme si lui-même savait que le petit ange reviendrait se poser à sa fenêtre, tard et par une nuit de fin des temps où la pluie rendue grasse par les industries de la journée s’abattrait, lourde, épaisse et brunâtre comme les restes d’un rhume divin. Nonobstant la nonchalance de son logeur, l’Aldryde avait consciencieusement préparé son paquetage pour ne rien laisser aux ombres d’Omyre, prenant même avec elle ses bottes trafiquées à partir des restes de dès à coudre rouillés et de cuir douteux.
Elle connaissait l’origine de cette contamination depuis le premier soir et pourtant, comme toujours, elle refusait de l’affronter en face et avait préféré fuir quand elle avait senti la situation tourner en sa défaveur.
C’était évidement lui, Iles, qui en était la cause. L’ange noir avait troublé toutes ses nuits sans exception, se rapprochant de sa bien-aimée avec toute la patience et la détermination de la passion couvée. Une chasse tout en rondeur, sans assaut, ni cor aux abois, une traque silencieuse et pourtant bien réelle, obsédante car tapie à l’orée de la conscience, hypnotisée par ces yeux jaunes aperçus à la dérobade entre deux buissons infranchissables.
Au milieu des ténèbres du sommeil, elle avait senti son souffle aussi lourd que le feulement d’un fauve en maraude tout proche d’elle et comme elle n’avait pas réagi, l’ange noir de ses souvenirs s’était rapproché. Iles avait frôlé de ses mains glacées la peau frissonnante de la jeune femme jusqu’à ce que le trouble la réveille. Puis, des jours plus tard, il s’était approché pour l’étreindre du grand vide glacé qui béait entre ses bras morts. Oona l’avait accueilli avec un mélange revigorant d’allégresse et de terreur qui la projetait avec force d’un recoin à l’autre de son esprit, pour constater, interdite, qu’il y était déjà bien établi, souverain grandi par le retour de son exil. La jeune femme se força à penser qu’elle l’aimait, qu’elle l’aimait vraiment et que ses délires nocturnes ne pouvaient en être que le fruit ardent et savoureux. Iles l’avait élevé à sa condition d’Aldryde et même si elle avait été incapable de maintenir son rang, la jeune femme était persuadée que leurs promesses passionnées resteraient à jamais réelles, peut-être même la seule réalité, pareille au sentier sur lequel elle venait de se poser.

Lorsque l’ange noir avait compris qu’il n’avait qu’à se baisser pour écorcher sa proie, il était devenu incisif et violent. Ce n’était plus des caresses et des dérobades calculées pour le plaisir mais des assauts prédateurs et tranchants faisant fi de toutes les mièvreries volatiles qui alimentaient ses rêves. Dès qu’Oona fermait un œil, il fondait sur elle pour s’approprier sans vergogne son corps, pour peloter ardemment du plat moite de sa main moisie chacune des courbes sensuelles de sa victime, pour humer et lécher les exhalaisons de cet être soudain apeuré. Il ne pouvait rien laisser s’échapper de ce cadeau improbable et pourtant si longtemps convoité tant et si bien qu’il la maintenait captive de ses propres songes. L’Aldryde restait alors nue et incapable de réagir, n’osant crier de peur qu’il s’insinue en elle, n’osant le frapper de peur qu’il ne s’accroche davantage mais aussi par peur de le blesser. Ne l’avait-elle pas invité à ce viol, ne s’était-elle lentement dévoilée devant son regard lubrique tout en souriant en constatant la puissance de son propre charme ? N’était-elle pas tout simplement tombée amoureuse de son reflet humide dans la pupille dilatée de son agresseur ?
Encore maintenant, la jeune femme n’osait y penser et quitter la spirale décadente d’Omyre lui avait semblé être le meilleur des choix possibles.
La douleur avait été des plus insoutenables car chaque nouveau réveil la laissait plus souillée et plus perdue que la veille, angoissée et frustrée même car ne parvenant pas à se remémorer les causes de ce trouble perpétuel. Iles n'y était pas vraiment présent, pas le Iles de ses souvenirs, effrayé lui aussi de ses sentiments, toujours distant par peur de s'attacher à de trop grands malheurs. Celui-là n'avait ni visage, ni odeur, ni chaleur, c'était un spectre masqué et cruel drapé de toutes les fantaisies de l'amour. Pourtant Oona ne pouvait se résigner complètement à le chasser et à le combattre, elle tenterait en vain de l'ignorer, espérant qu'il se lasse de son apathie feinte.
Elle savait que dans cette cité maudite, où les âmes de chacun de ses horribles habitants étaient voilées par les plus obscures pensées, sa venue, aérienne et discrète chassait un instant de trop la buée de leur miroir pour y révéler un éclat sordide, une pulsion inhabituelle. Et dans cette anarchie ambiante, la moindre donne supplémentaire pouvait pousser l’ensemble vers la plus extrême des sauvageries, du moins à son encontre.

Ce n’était pas vraiment l’envie de retourner vers les Bois Sombres qui lui avait dicté sa route mais plutôt le désir de fuite et d’abandon, une quête de la vacuité qu’elle ne savait pouvoir se terminer que sur les tristes branches fongueuses de la forêt ravagée. Les chaînes d’esclaves, ces chenilles suintant la mort lui avaient un instant rappelées que peut-être le vieil orme avait lui aussi succombé aux haches indolentes des forçats d’Omyre et qu’ainsi elle serait complètement seule. L’idée plana au-dessus du calme mélancolique de son âme sans que son lourd vol ne parvienne à rider les eaux de ce gouffre d'essence douce-amère. L’exilée s'était donc mise en route et avait dû affronter un vent vicieux qui avait duré toute la journée durant, hurlant sur toute la plaine sous le couvert d’un ciel métallique et lourd d’avoir à supporter tant de brumes et de nuages bas. La nuit lui avait paru encore plus atroce qu’à l’intérieur de la cité d’airain car l’inquiétante présence n’avait pas été là pour souffler son poison sur ses lourdes paupières et ainsi mieux l’assaillir et la dominer. Oona avait dû affronter un sommeil paisible, calme et réparateur qu’elle ne se souvenait plus avoir expérimentée depuis des éons et elle avait tremblé presque face au néant qui l’avait enveloppé comme une camisole de brume. Le sevrage avait été d’autant plus violent qu’elle ne s’était pas rendue compte de l’addiction, bien trop perverse pour que le petit ange puisse ne serait-ce qu’imaginer ce genre de malheur. Au final, elle avait bel et bien laissé entrer le loup dans la bergerie et ce dernier, d’avoir ruminé sa faim se complaisait désormais à laisser croître l’angoisse chez les agneaux comme la succulente pourriture sur un cadavre frais.
L’ange noir n’était pas Iles, mais une ruse, presque une farce qu’un esprit plus fort avait usé et abusé sur l’Aldryde, affutant ses armes à chaque assaut pour que ces derniers deviennent plus précis, plus implacables et plus destructeurs. Mais ce n’était pas sa mort qu’il convoitait, car s’il avait voulu convoquer la faucheuse pour élaguer cette minuscule bouture il l’aurait déjà sonné depuis longtemps. Cette ténèbre qui avait pris corps dans les songes d’Oona explorait ce nouveau territoire en quête d’un nouveau trésor exquis à s’emparer.

En observant avec quelle détermination un arbrisseau malingre s’efforçait de cacher ses rares feuilles olivâtres, minuscules émeraudes pâles et ciselées, l’Aldryde redouta soudain que toutes ses propres manigances n’attisent une convoitise plus grande. Car si un improbable rayon de soleil venait à frapper cette plante rebelle, elle se déploierait avec toutes les fantaisies et les exubérances d’une floraison trop longtemps imaginée pour être, au final, recrachée à peine mâchée. La jeune femme ne pourrait le supporter.
Elle déracina la petite pousse avec toute la force de sa fureur.

Plus loin, au pied des restes d’une gigantesque stèle foudroyée, s’élevant comme le dernier croc carié d’un dragon terrassé, Oona observait un bien étrange manège. L’Aldryde avait voulu s’éloigner du sentier et ainsi rejoindre plus rapidement l’orée de la forêt en dépit des dangers tapis dans cette pitoyable savane de plants d’herbes grisâtres et tranchantes comme des rasoirs. Mais au bout de quelques temps, elle avait alors clairement distingué les bonds rythmés d’une nuée d’oiseaux courtauds, dont elle savait le regard intelligent, presque pervers. Le petit ange ne comprenait toujours pas le sens de cet étrange ballet et avait préféré s’arrêter quelques instants à bonne distance pour observer. Presque une centaine d’oiseaux s’élançaient simultanément vers les cieux puis retombaient d’un coup comme si une main invisible les avait tous rabrouée. Puis ils recommençaient à nouveau dans une autre direction sans arriver le moins du monde à se déplacer mais en poussant une cacophonie de cris aigus à chaque tentative. Oona balaya les étendues stériles du regard sans ne distinguer autre chose que les silhouettes de quelques vautours se rassemblant loin au-dessus d’elle, poussés sans doute eux-aussi par la curiosité.
Soudain le ciel se stria en tous sens. Des lignes quadrillèrent les cieux au-dessus d’elle et à peine la guerrière eut-elle le temps de comprendre que le piège se refermait, que déjà le filet était retombé bien à plat sur plusieurs pieds carrés. Les mailles étaient extrêmement fines et tressées dans une fibre rêche qui accrochait ses cheveux et ses vêtements. Ce n’est qu’en s’écorchant abondamment qu’elle parvint à dégainer son arme puis à trancher quelques liens pour libérer le haut de son corps. Apercevant une silhouette se découper à la modeste cime d’un buisson touffu, l’Aldryde posa un instant, finissant de libérer son deuxième bras, puis, constatant qu’il s’agissait d’un homme, elle tira avec plus de détermination sur les mailles jusqu’à se libérer totalement en y laissant une poignée de petites plumes cendrées. L’homme émit un son étrange, se redressa lentement tout en restant un peu voûté puis s’approcha. Désormais plus proche, Oona confirma sa première hypothèse. Il s’agissait d’un humain, peut-être pas d’une pureté absolue mais c’était un homme de constitution frêle, barbu mais à l’œil vif. Son arc et sa grosse dague lui firent immédiatement penser à un chasseur ou un rôdeur de cette sorte. Lorsqu’il parla, sa voix était cassée, lointaine et hésitante, comme s’il devait d’abord faire appel à ses souvenirs avant de prononcer les mots rangés aléatoirement dans la poussière du grenier de son esprit.

« - Etrange oiseau que celui qui porte les armes, pas vrai ? J’aime pas trop les farfadets dans ton genre, mais il paraît que si on vous titille un peu, ya pas mal d’or à la clef. Hum ? fit-il en pointant Oona de son menton poilu et en portant la main à son carquois battant sa cuisse. Alors il est où le trésor ?
- J’ai bien peur de ne pouvoir faire preuve d’imagination pour l’instant. Que dirais-tu de, viens le chercher ?

Tout d’abord sceptique, le chasseur plissa un instant les yeux pour mieux jauger sa cible, puis accepta le combat. Il fit mine de charger mais d’un mouvement rapide et précis, tira le filet hors des herbes, bien haut au-dessus de lui avant de le faire tourbillonner et de l’abattre comme un poids mort. Surprise, l’Aldryde se fit emporter par l’un de ses pieds, chuta, mais avant qu’elle ne heurte le sol, elle avait déjà était catapultée, tourbillonnante et hagarde, loin du combat ainsi libre au final. De son œil entraîné l’homme scruta le filet sans voir aucune trace de sa prise et se tournant, il aperçut sa proie à quelques mètres de lui. Pareil à un gladiateur, il attrapa ses rets et les envoya d’un beau mouvement circulaire droit sur son ennemi. A ce moment, la toile d’araignée se changea en un poulpe aérien et belliqueux qui menaçait d’engloutir le petit ange en une bouchée, cependant ce dernier parvint de justesse à échapper à l’attaque avant d’entendre une flèche siffler à quelques centimètres de lui. Le pédipalpe éthéré s’allongea avec grâce, déployant toute son envergure sur le sol avant que le trait malheureux ne vienne le clouer définitivement au sol. Le chasseur armait déjà un second tir de son petit arc, la guerrière décida de s’abriter derrière son bouclier au cas où sa chance l’abandonnerait au mauvais moment. Et deux flèches eurent le temps de parader remarquablement près du petit ange zigzaguant avant que celui-ci ne soit à portée de charger son ennemi.
Oona piqua sans l’ombre d’une hésitation vers l’homme qui s’apprêtait à saisir sa dague. Droite comme un carreau, son écu collé le long du corps et ses ailes immaculées prolongeant la finesse de ses belles jambes nues, elle fendit l’air sans ciller. Incapable d’esquiver correctement l’attaque, le chasseur eut pratiquement l’oreille transpercée de part en part et la lame ne se stoppa véritablement que lorsqu’elle rencontra l’os plus résistant que le cartilage. Cependant la guerrière, profitant des restes d’inertie de son piqué, continua plus en avant, découpant tout le haut du pavillon ensanglanté de son adversaire. Ce dernier glapit de douleur et de surprise et, d’une main tremblante battait l’air de sa dague, pendant que l’autre n’osait effleurer l’oreille meurtrie. Impériale, Oona lui fit résolument face, son bouclier tâché de sang bien en avant et sa rapière tendue le plus en arrière possible, elle comptait bien le faire couiner un peu plus.
Soudain une expression étrange passa dans les yeux de l’homme et il se mit presque à sourire, fourrageant de sa main ensanglantée l’ouverture broussailleuse de sa chemise crasseuse. Aussitôt, il en ressortit une étrange pièce de monnaie au bout d’une cordelette de cuir.

- Regarde ! cria-t-il, la peur faisant trembler sa voix. Regarde ! le ton plus maitrisé. Nous avons la même pièce, c’est la même, je te la donne si tu me laisses tranquille oiseau de malheur ! Je relâcherai tous les autres volatiles si tu veux même ! »

Perplexe, l’Aldryde s’approcha un peu plus. Moment que son adversaire choisit pour l’attaquer avec rage et au deuxième coup atteindre son bouclier qui se mit à geindre d’un sinistre écho. S’en fut trop pour le rôdeur qui jeta rageusement son collier avant de s’enfuir en chutant lourdement et à plusieurs reprises sur ses jambes flageolantes.

L’Aldryde observa plus attentivement la surface cabossée de son bouclier, tout au plus une simple pièce de monnaie curieusement frappée et y perçut comme un soupçon de vie, les yeux pleureurs semblaient encore plus mélancoliques et la bouche figée dans une grimace encore plus triste. Elle rechigna à y porter la main et pourtant lorsqu’elle palpa la surface, elle était froide et tavelée comme celle d’une vieille momie desséchée. Cet écu lui avait maintes fois sauvé la vie, la protégeant des plus violentes attaques sans jamais faiblir ni même réagir, elle se rappelait même l'avoir méchamment utilisé pour enfoncer le nez d’un gobelin d’un geste rageur. Mais aujourd’hui, il venait de s’agiter, de crier même, comme un nouveau né meurtrissant ses poumons de sa première respiration. La jeune femme se dit qu’il devait y avoir un lien avec l’autre pièce de monnaie et lorsqu’elle la décrocha de son râtelier d’herbes tranchantes, la guerrière remarqua, là-aussi, un curieux dessin. Celui-ci n’était pas triste mais étrange, confus, presque inachevé et elle ressentait un certain malaise à le fixer pendant une longue période. Hormis la nature de la gravure, dont le trait et le style étaient proches, toutes deux étaient d’un poids inhabituellement ridicule, couvertes de griffures, de bosses et frappées d’un unique coté.
Oona était persuadée qu’elle venait de vivre un moment important, peut-être pas au niveau de son sens propre mais au niveau des répercutions qu’il allait avoir. Une seconde pièce, avatar de la chance, venait de croiser sa route de manière tout aussi inattendue que la première et elle était persuadée que cela avait un lien et une finalité importante. Elle se devait d’en apprendre un peu plus et c’est pour cela qu’elle fit demi-tour.

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Et sur moi si la joie est parfois descendue
Elle semblait errer sur un monde détruit.

Oona

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Dernière édition par Chak' le Mar 3 Nov 2009 17:33, édité 9 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mar 27 Oct 2009 18:40 
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Le ciel se mouchait effectivement avec force dans les replis tranchants de la cité en contrebas quand Oona atteignit Omyre, les toits et les ruelles découpaient les bourrasques huileuses et nauséabondes en rideaux infectes qui rendaient purulent l’air lui-même. Il était impossible de respirer sans avoir la bouche pleine d’un gruau visqueux où barbotaient des foules de démons invisibles, hérauts omnipotents des plus affreuses épidémies. L’horrible saison allait pourtant se prolonger encore pendant plusieurs semaines, à mesure que les vents chauds buttaient sur les montagnes et exerçaient alors leur sadisme en faisant ravaler de force ses émanations à la cité lépreuse.
Plus sale qu’elle ne l’avait jamais été, l’Aldryde se traîna de marche en marche jusqu’à l’abri du Surin dans une succession de flaques jaunâtres stagnant étrangement. N’ayant pas fait ses adieux, le kobold l’accueillit sans ménagement mais lui offrit cependant un pichet d’eau claire normalement réservé à ses propres ablutions de saison. Les paroles échangées furent, comme à l’accoutumée, rares pendant le bain et le repas mais dès qu’il alla s’abîmer dans la contemplation, toute intérieure au vu du climat, de la rue en contrebas, la guerrière l’entretint de sa découverte. Sans ambages, il l’avertit qu’il ne connaissait rien de ces pièces qui, au demeurant, n’étaient pour lui que de simples rondelles d’acier et qu’il devait certainement exister autant de manière de frapper la monnaie que de royaume ou de cité. Oona comprit que le caractère impérieux et primordial de ce qu’elle sentait se profiler au bout de son propre horizon ne parvenait pas l’atteindre. Le sujet lui échappait totalement et même sa curiosité naturelle ne semblait pas vouloir s’éveiller. A vrai dire, depuis qu’il avait en sa possession cet étrange petit soleil, plus rien ne semblait avoir beaucoup d’importance à ses yeux.
La jeune femme garda alors le silence, écoutant distraitement les marmonnements des trois vieilles sorcières assises autour de leur chaudron bouillonnant, l’esprit dérivant à la recherche d’une réponse mais bientôt capturé par le flot indomptable de l’imagination. Quand le Surin alla se coucher, ou plutôt, disparaître sous sa montagne de couverture, il lui confia cependant que quelqu’un pourrait bien être en mesure de lui apporter de plus amples informations : La Sphinge.

Luttant à l'extrémité de la presqu'île, les deux voyageurs tentaient d'apercevoir de l'autre coté d'un rideau hurlant d'embruns fendant l'air avec la vitesse et la force de javelots d'ivoire leur ultime destination marquant la fin de cet éprouvant voyage de près de dix jours.
Oona avait en effet eut des explications le soir même et, ensemble, ils avaient préparé ce voyage vers le nord avec beaucoup de soin, car aller voir la Sphinge dans sa citadelle de l’Œil Aveugle était un véritable périple. Aux dires du Surin, seule cette étrange créature était en mesure de répondre à ce genre de question, qui plus est, cela permettrait de quitter l’étron purulent qu’était devenu Omyre au moins pour quelques temps. La Sphinge était une sorte de devineresse, une poétesse, une oracle qui connaissait les histoires de tous les trésors pour les avoir tous un jour possédés et pour en avoir par la même occasion écrie une grande partie. La légende voulait qu’elle guide les mercenaires, pirates et autres chasseurs de trésors de manière sibylline, faisant l’impasse sur les nombreux dangers de telles aventures pour attiser leur avidité. La fable voulait aussi qu’à la toute fin, la Sphinge retrouvât l’intégralité de ses trésors, passant de poches de voleurs aux sacoches des soldats, ils retourneraient tous entre les mains de leur propriétaire légitime.
L’Aldryde n’était pas bien sûre que son compagnon portât un quelconque intérêt à ses divagations mais au moins lui rendait-il la monnaie de sa pièce en l’aidant à son tour à résoudre un des petits mystères de sa vie d’exilée. Toute la nuit durant donc, sa voix d’outre tombe avait empli la petite pièce à mesure qu’il lui avait narré les histoires colportées sur la Sphinge qui était censée connaître l’emplacement de tous les trésors du monde. Dans beaucoup d’histoires, elle était la fille de la fortune et de la chance, dans d’autres une demi-déesse, fille d’un pirate fou, d’une sirène voire, de Yuia elle-même. Le romantisme et la démesure ne manquaient pas et ils maintinrent les deux comploteurs éveillés jusqu’à l’horizon blafard d’un nouveau jour pluvieux. La jeune femme comprit que l'assassin commençait à partager une partie de son ambition. Coutumière de ses sautes d'humeurs, elle avait parié dessus et finalement il semblait bien que la perspective d'un voyage l'ait au moins décidé à bouger. De toute façon, même avec ses plus fines explications, la guerrière aurait certainement été incapable de mener le long voyage jusqu'à son terme.

L’exilée était perchée sur l’épaule de son compagnon, bien à l’abri sous son gigantesque chapeau tourmenté par les bourrasques incessantes du Cap de l’Agonie, l’extrémité nord du royaume d’Oaxaca, à l’est de la Côte des Lamentations à moins d’un jour de marche des premiers postes frontières de Dahràm. Devant eux il n’y avait plus véritablement de réalité tangible tant le ciel, la terre et l’océan se mêlaient dans un déchaînement horizontal de violence pure, projetant des paquets de mers à des hauteurs invraisemblables pour les faire s’écraser dans un fracas assourdissant sur les rochers aiguisés. C’était certainement le spectacle le plus terrifiant et le plus beau de leur voyage, le bleu incroyablement profond et changeant de cette toile de fond était en permanence lacéré de gigantesques griffures d’écume, torturant son alchimie aigue-marine dans de longs hurlements rauques semblant s’échapper des tréfonds des gouffres abyssaux pour jaillir plus impériaux que le tonnerre. Le vent soufflait si fort qu’il lacérait les tympans des plus malheureux dans un aigüe déchirant qui rendait impossible toute communication, toute pensée. Ce déchaînement apocalyptique hypnotisait avec une telle fureur qu’il manquait d’engloutir le moindre spectateur désireux de se noyer dans cette pure violence primordiale.
Le Surin osa pointer quelque chose, sans doute leur destination, dans un moment d’accalmie tout à fait relatif, mais il était déjà très difficile pour Oona de distinguer sa main au milieu du mur de pluie battante. Ils rentrèrent donc s’abriter dans les restes d’un fortin orque où quelques vivres étaient gardées au sec et revendues à prix d’or par une poignée d’autochtones forgés par l’impardonnable rigueur des lieux. Le kobold était riche et ne regardait jamais à la dépense quand il s’agissait d’un confort qu’il considérait comme utile, si bien qu’on les servi et les logea remarquablement bien, hasardant une ou deux questions quant à leur voyage.

Le tueur avait décidé de prendre le chemin le plus rapide bien que le plus coûteux, car s’étant déjà rendu dans les contrées du nord, il se refusait à effectuer une grande boucle par les Bois Sombres, préférant opter pour une caravane à travers les marais de Gutenborg. C’est ainsi que pendant la première moitié du trajet, Oona et le Surin avaient voyagé à bord d’un convoi d’une trentaine de barcasses à fond plat longues d’une vingtaine de pieds et tractées par une sorte de monstrueuse salamandre ainsi que par la dextérité d’une petite armée de bateliers orque. Débordant de marchandises, les barques s’étaient rendues vers les royaumes humains plus à l’est mais quelques unes, celles du milieu, avaient accueilli de riches passagers dans des sortes de moustiquaires géantes où ils avaient pu profiter d’un confort sommaire. Les connaissances des barreurs, couverts de cloques et de plaies croutées par les cadavres d’insectes morts, leur avait évité la majorité des aléas, ne dérivant jamais vers des lacs de goudron ou vers des geysers sulfureux. De plus ils avaient appartenu à des tribus différentes et avaient donc fourni une sorte de passe-droit commun à toute la caravane. Quelques couples d’alligators apprivoisés avaient ensuite maintenu les pillards loin du convoi. Oona n’avait pas beaucoup bougé de son abri, les vapeurs, les prédateurs et surtout les moustiques ayant été une menace bien trop grande pour une créature de sa taille, cependant le Surin avait quant à lui réussi à mener à bien de passionnantes parties de cartes grâce auxquelles il avait remboursé la majeure partie du trajet. La caravane flottante s’était agrandie au fur et à mesure de la pestilentielle traversée jusqu’à ce qu’elle eut enfin atteint un village sur pilotis réservé aux marchands et aux seigneurs du lieu. Cependant l’effervescence de ce petit fortin avait depuis longtemps été telle qu’elle avait dégouliné des parois pour se répandre alentours où des multitudes de kiosques, tentes et autres dépôts avaient jailli de la boue dans le port marécageux.
Puis il avait fallu marcher pendant quatre longs jours sur des sentiers esseulés, poussiéreux, presque tuberculeux et affronter un petit groupe de détrousseurs bien vite refroidis par les implacables prestations du kobold pour enfin arriver au Cap de l’Agonie.

On avait prévenu les deux voyageurs que la Sphinge ne recevait jamais plus d’une audience par jour et aujourd’hui serait donc certainement leur tour. Dehors la tempête s’était calmée et le vent ne faisait plus que déchainer sa colère qu’en de rares endroits bientôt assaillis par des vagues impressionnantes. Les légions d’écumes, haranguées par leurs généraux nacrés se jetaient en effet droit sur les murailles tranchantes, milliers de billes adamantines soudain fauchées et blessées puis s’épanchant en commun dans la stagnation d’innombrables charniers cristallins. La force brute du lieu n’avait nullement décrue et partout le vivant air alcalin portait avec lui un puissant souffle héroïque, un appel vers l’infini. Oona n’avait vu de la mer que le petit lagon turquoise et paisible où elle allait avec ses sœurs, dans une autre vie, récolter les cristaux de sel dans des paniers de coquillages lisses. Aujourd’hui l’océan s’étendait devant elle dans sa forme la plus pure et la plus sauvage, vibrant ardemment au moindre frémissement de chacune de ses vagues, devant les potentialités infinies de ses milliers d’horizons.
Désormais il était possible de voir l’Œil Aveugle se dresser de manière surréaliste au milieu des vagues, cerné par un champ de rochers battus par la houle incessante. Mais pour y accéder il fallait encore longer le pied de la falaise bruyante autant des cris de milliers d’oiseaux majestueux et inquiétants que du fracas rythmé du ressac. Puis s’aventurer le long d’une chaîne pour l’instant invisible qui les mènerait à leur destination. Ils se mirent en route en ne parvenant pas à détacher leur regard de la ligne noire qui découpait l’azur devant eux en deux parts égales comme s’ils allaient pénétrer un autre espace, une dimension normalement cachée et repliée mais qui ici, au milieu de cette violence naturelle n’avait d’autre choix que de se dévoiler et de se faire conquérir.

Hébétés par les coups de boutoir du ressac résonnant contre les parois, trempés et hésitant sur les rochers glissants, ils avançaient résolument. L’Aldryde bondissait plus ou moins adroitement de rocher en rocher refusant de voler plus en hauteur face à la menace de milliers de becs affamés mais aussi celle d’un vent tourbillonnant et épais qui rendait ses ailes inutiles. L'exilée aurait bien voulu en ce moment troquer ses courtes ailes faisant des miracles dans le calme d'un sous-bois à peine rompu par une brise nocturne contre ces puissantes envergures cireuses des frégates frères de la côte. Le gobelin ne semblait quant à lui, pas plus à l’aise sur ce genre de terrain et s’écorchait abondamment lors de rétablissements des plus hasardeux, ses bottes et son attirail le faisant glisser et s’empêtrer dans les moindres anfractuosités. Cependant, plus ils progressaient, plus ils se rendaient compte que cette tour était elle-aussi le témoignage d’un âge révolu, un vestige dérangeant et dérangé, un autel des souvenirs abandonnés.
Cela avait dû être un fort, un phare ou peut-être bien plus mais aujourd’hui il n’en subsistait que la partie la plus frêle comme un pied de nez à l’éternité avide. Car ils pouvaient nettement distinguer que le chaos de roches qu’ils traversaient n’était en fait que les ruines d’une gigantesque citadelle qui avait du courir tout le long de la falaise, la ceinturant d’un rempart imprenable. Parfois ils distinguaient les reliefs encore dressé d’une arche d’où pendaient des chapelets d’algues en décomposition ou bien les restes d’une colonne envahie par toutes les foules rampantes du fond de la mer. De même qu’à Omyre, ce spectacle ne manquait pas de charme, contempler les derniers vestiges d’un monument aussi colossal renforçait encore la majesté de cette frêle tour défiant orgueilleusement l’océan depuis des éons. Toute la matinée s’écoula avant qu’ils ne puissent apercevoir, à l’abri du crâne brisé d’une gigantesque statue renversée, la fameuse chaine qui devait les mener jusqu’à la tour.
Couché sur sa gauche, le visage, sévère malgré les millénaires, de la statue les dévisagea presque, les invitant à suivre le chemin qui serpentait sous son oreille disparue. La chaine démarrait en effet au centre de sa pupille puis disparaissait rapidement dans des ténèbres envahies des bruits de raclement et de succion inquiétants.

Une fois le majestueux gardien décapité dépassé, la chaine les amenait dans un dédale de troncs brisés, de membres arrachés, de bras et de jambes torturés. En effet, il semblait qu’une gigantesque bataille avait ici eut lieu et que ces titans de granit l’ayant perdue, leur corps avaient été précipité du haut de la falaise, pulvérisé et démembré avec acharnement jusqu’à qu’il ne reste que cette collection morbide. Le hasard du temps et des marées n’avait pas cependant créé cette galerie anatomique, on l’avait patiemment assemblée afin qu’elle prenne la forme d’un long boyau protecteur où les minuscules visiteurs devaient progresser au milieu de cet étrange théâtre figé. Par l’union de leurs corps suppliciés, ils protégeaient grossièrement le pèlerin des malédictions qui les avaient eux-mêmes jetés à genou devant leur bourreau. A chaque vague l’eau montait, puissante et indomptable, parfois si haut qu’elle engloutissait toute une section du boyau artificiel, puis repartait aussi vite emportant avec elle les sots qui n’avaient pas cramponné la chaîne jusqu’à s’en faire saigner les paumes.
Oona, elle, était blottie contre la poitrine du Surin, littéralement accrochée aux pans de sa veste détrempée et à chaque vague elle devait lutter contre l’oppressante pulsion qui lui commandait de lâcher prise et de quitter cet enfer. Elle entendait l’eau arriver depuis très loin, prenant son élan en aspirant l’air présent, faisant siffler et glouglouter la moindre anfractuosité dans un concert des plus stressants jusqu’à ce que le paquet de mer frappe la paroi, bouche les oreilles et pénètre la cavité avec une résolution morbide. Les jets d’écumes balayaient tout au loin, purgeant l’air avant la venue de la mer elle-même, qui, avide et souveraine, clamait immédiatement le territoire comme sien et l'investissait sans partage. Puis, suivaient quelques instants de flottement, une paix surréelle ou les visages et les mains des statues prenaient soudain vie sous l’effet de cette étrange clarté diffuse, dans cette absence de bruit et de sensation. Tout flottait, le monde était clos et froid dérivant comme des milliers d’autres dans les remouds d’un marasme incompréhensible et lointain. Le mouvement n’existait plus, seul comptait ce moment de paix, du moins c’est ce que semblait dire les bouches et les yeux à jamais figés des statues protectrices. Elles décrivaient silencieusement l'univers qu'on leur avait forcé à regarder jusqu'à la fin des temps, instruisant les minuscules fous qui peinaient à leur pieds de l'inanité de leur vie. Et tout d’un coup, l’eau refluait aspirant sans ménagement toute forme de vie contre la paroi, fuyant à nouveau ses terres par les nombreuses fissures pour mieux y revenir les minutes d’après. Entre temps, un minuscule répit où il fallait courir, déraper, se relever pour chuter encore et espérer atteindre un tronçon moins dangereux ou bien s’accrocher encore une fois à la chaîne de vie pour subir les assauts généreux d’une mer omnipotente. L'assassin dut très vite trouver son propre rythme de progression pour ne pas se retrouver écraser contre la paroi, balloté en tout sens ou tout simplement noyé comme des centaines d'autres. Lorsque la mer envahissait ces prisons grisâtres il partait à l'opposé du flux, tendant la chaine au maximum, de manière à ce qu'elle ne l'assomme pas sous la force de l'assaut, puis quand le kobold sentait le ressac amorcer le repli, il posait ses deux pieds le long de la paroi en s'arcboutant sur le métal pour que son corps, tendu comme un arc ne soit pas emporté par les flots. Du moins c'est ce que le tueur essayait de faire en théorie car bien rare n'étaient pas les fois où le Surin se retrouvait à moitié assommé et dérivant maladroitement dans un tourbillon. L'Aldryde quant à elle frémissait à la pensée qu'elle aurait pu avoir à gravir toute seule chacun des anneaux rouillés et glissants de la chaîne. Une galaxie rougeâtre, entremêlée et unie dans le seul et unique but de prolonger cette hypothétique torture.

Lorsqu’ils débouchèrent enfin hors du dernier tronçon, il faisait presque nuit. Devant eux s’étalait toute la majesté de ce doigt vengeur tendu vers les cieux et ganté de pierre dont la puissance s’imposait davantage à chacun de leur pas, à chacune des explosions camaïeux d’un soleil mourant de pourpre et d’argent. Accouché de ce tunnel de pierre, le monde autour des deux voyageurs semblait éclatant de réalisme, grave de significations millénaires et riche des milliers de ses traducteurs oubliés. Leurs membres étaient transis par le froid et l’effort et leur esprit pelotonné dans sa plus chaude cage se refusait encore à admettre le succès de leur traversée. La beauté de cet arbre mort de pierre dure coula alors en eux sans retenu. Pour un peu ils en auraient oublié la raison de leur venue et ils ne doutaient pas que nombreux furent ceux à se perdre ici un instant de trop, proies faciles pour une mer toujours avare de ses bienfaits.
Les parois de l’Œil Aveugle étaient complètement lisses et propres, rayonnant d’un gris sombre, patiné et brillant d’écume. Sous l’unique arche il n’y avait plus que des gonds mangés de rouille et au rez-de-chaussée une foule d’immondices marines peuplées par des animaux aventureux cavalant au milieu des algues pourrissantes, des cadavres bouffis aux yeux vitreux et le long de la rambarde d’un escalier millénaire.

Oona sortit de son abri vivant pour se hisser sur les épaules d’un Surin hors d’haleine qui tituba jusqu’à l’intérieur et s’assit sur le sommet vermoulu d’un tonneau vert d’algues, lui faisant signe de continuer seule.
L’exilée prit cependant le temps de lisser ses ailes et de les dégorger de la majeure partie de leur eau avant de sautiller jusqu’au premier étage. Il était désert mais déjà un peu plus sec, seuls quelques crabes y avaient élu domicile, plus haut une lampe tempête éclairait un étage qui semblait totalement sain, elle y grimpa. Assis sur deux tabourets et occupés à copier des lignes sur un gigantesque volume hors d’âge, deux gobelins drapés de lourds manteaux luxueux semblaient garder l’entrée. Ils n’avaient nulle arme et étaient de pauvre constitution sous leur riche étoffe, cependant ils semblaient investis d’un pouvoir bien plus important et auquel nul ne pouvait se soustraire. L’Aldryde se posa au coin du livre et avant qu’elle n’ait pu annoncer le but de sa visite on lui asséna un montant : cinquante yus. Cinquante yus, tel était le prix d’une entrevue avec la Très Clairvoyante déclamèrent-ils de concert. Croyant à une farce, Oona était prête à leur passer dessus et à ouvrir elle-même la porte derrière eux.
Voyant le mouvement de la voyageuse, ils ajoutèrent que c’était le prix de la poudre de comète qui permettait de l’éveiller de son songe perpétuel. La jeune femme obtempéra avec dédain, lâchant les pièces comme s’il s’était agi d’un fardeau inutile. La somme disparue par une chatière sous la porte et quelques instants après cette dernière s’ouvrit laissant s’échapper une agréable chaleur ainsi que des rayons de lumières mordorées. Oona entra, l’on ferma derrière elle, seul le lourd anneau de la porte tressauta martelant le début de la séance.

Sur la prodigieuse hauteur du reste de la tour s’élevait des montagnes clinquantes d’or, de bijoux, de perles, d'ivoires sculptés de scènes mythologiques, de tomes enluminés, de colliers d’ambre, de soieries et autre tapisseries vomissant leur luxe inouï dans une atmosphère lourde de parfums sucrés. Dans un espace encore plus exigu que la demeure du Surin, s’élevait une masse tout simplement prodigieuse d’objets précieux en tout genre, déposés en couche pour mieux monter à l’assaut d’un plafond où pendaient déjà des centaines de lustres, lampes et encensoirs. Il était presque impossible de faire un mouvement sans renverser tel coffre débordant de pièces d’or ou tel pile de livres aux pages rongées par les âges. Cependant il y avait trois autres gobelins à l’intérieur, deux penchés sur un autre volume et un dernier debout devant l’Aldryde qui l’avait presque confondu avec un élément du décor tant il était vêtu de soieries, d’argent et de perles. Hautain au-delà de toute comparaison il ne daigna même pas examiner ce nouveau visiteur et avança d’un pas calculé d’empereur se rendant à son trône vers un grand vase en porcelaine d’une finesse incomparable. Il y plongea une louche de cristal pour la ressortir pleine d’une poudre scintillante à peine tangible, un mirage ondulant à la surface de cette petite mer de verre.
Sa voix nasillarde déchira l’air et n’appela aucun commentaire :

« - La Grande Sphinge écoutera votre unique question et s’entretiendra avec vous pour une durée maximum d’une journée complète. Pas une de plus. Si vous voulez d’autres précisions vous devrez repartir et revenir. Réfléchissez bien !

Il fit un autre pas théâtral et déversa le contenu sur le corps d’une poupée démantibulée qu’Oona n’avait même pas remarquée. La poudre coula comme une chaude pluie d’été sur le corps d’une enfant assoupie au sommet d’une petite colline d’un vert croquant. Et sur son monticule de coussins fanés, la pluie onirique ramena à la vie l’être artificiel, ses paupières de porcelaine fracturées s’ouvrirent d’un seul coup laissant briller deux puits d’un bleu insondable. Dans un cliquetis cahotant, la poupée au corps complètement rouillée, dévoilant ses mécanismes tintinnabulant difficilement, se dressa sur son seul bras valide avant de tourner la tête vers son invité. Son visage de porcelaine était figé dans un perpétuel sourire ravi, cependant l’intensité de son regard signifiait bien plus aux yeux de l’exilée. Tout sentiment de pitié ou d’atermoiement disparu et Oona sentit qu’elle partageait avec cet être mécanique une part égale de damnation, un lien immatériel les unissait dans une commune agonie qui ne pouvait hélas jamais s’expliquer. Durant cette fraction de seconde, toutes deux comprirent la puissance de ce moment unique et le savourèrent dans un confortable silence d’initié, laissant la tour, les gobelins et le monde autour dérivé dans la tempête. Quand le silence ne fit plus sens et se devait d’être brisé, la guerrière entreprit de poser sa question mais se ravisa, réalisant soudain que la réponse aurait simplement été « oui ». La jeune femme réfléchit plus longuement en observant l’affreux corps troué par la rouille et le temps, puis formula une question toute simple qui incitait à un développement qu’elle espérait long et passionnant.

- Sphinge, dites moi ce que vous savez sur ces pièces, dit-elle en sortant de son sac mouillé les deux écus. »

A peine les vibrations de sa petite voix furent-elles absorbées par la lourde atmosphère que le gobelin avait tourné une grosse clepsydre engageant la chute d'un désert de paillettes dorées. Alors la petite poupée commença à raconter une histoire, une très longue histoire pendant qu'à l'extérieur le vent avait encore forci, frisant le sommet de la tour de quelques mèches perlées de lune.

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Oona

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mer 18 Nov 2009 23:16 
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La petite poupée parlait et rien en elle ne bougeait. Ni sa bouche, petite fleur de nacre patiné, ni son corps n’étaient la source de ces vocalismes enfantins et pourtant grave d’un chagrin séculaire. Aucun témoin physique de cette triste homélie hormis un discret cliquetis trahissant la présence de rouages paresseux bercés par ce flot de paroles glaciales. Ils rythmaient timidement le débit givré d’une mémoire éthérée, chaque tintement de leurs dents grêlées de rouille était comme autant de bouffées évanescentes et pourtant absentes. Le masque doucement fêlé, scarifié par le temps, n’autorisait pas même le reflet de l’auditoire, il était impénétrable de béatitude fausse, un visage de chérubin arraché violemment dans un pur moment de félicité éternel et mensonger. Les paroles de la Sphinge suintaient donc de tout son être, s’échappant de sa carcasse bourgeonnante de rouille avec la détermination d’un torrent ravinant un glacier pétrole, immaculé de fantasmes. Les mots étaient pour elle sa seule réalité et elle s’appliquait à les faire résonner dans les esprits de tous, à harponner leur âme et y calligraphier longuement sa marque, sa signature baroque, sa morale attestant de la réalité de la fable qu’elle narrait en pointillé. Immobile, dressée sur son unique bras creux de métal tranchant, son regard phosphorescent ne pouvait se permettre de quitter Oona. Elle s’incarnait dans ses spectateurs et pourtant redoutait qu’à chaque parole, ses secrets ne lui fussent arrachés, volés et déjà exposés au grand jour, la laissant exsangue sous sa stèle de rêves éternels.

Les reflets dorés des lampes multiples dégoulinaient, comme autant de soleils replets, de lumière mielleuse sur le corps supplicié de la poupée. Et, malgré la mise en scène légèrement hypnotisante, la visiteuse ne parvenait pas à se concentrer sur les paroles, prise en étau entre la puissance brute qui l’imprégnait envers et contre et tout et d’un autre coté, le poids de ce regard halluciné, vaguement terrifiant. Cobra de rouille cliquetant, l’Oracle, dans son corps fracassé et entortillé, charmait l’âme de ses visiteurs par des caresses, des flatteries, autant de secrets à peine dévoilés et bientôt rangés dans le tulle de son cerveau, à l’abri des voyeurs les moins audacieux. On croisait ses paroles sans vraiment s’en rendre compte et, trop tard malheureusement, on détournait la tête, attiré par ce parfum de fantasme, ne pouvant qu’observer au loin son ignoble silhouette, cachée dans des ailes de chimère, s’éloigner.

Avec défiance, l’Aldryde se concentrait alors sur ce corps dévasté se demandant par quelles souffrances la petite créature avait dû passer pour en arriver à un tel état de délabrement et de fatigue. Cela lui rappelait ses propres épreuves et cependant, la jeune femme se dit qu’elle n’aurait jamais pu supporter un tel affront à son image. Les dizaines de cicatrices et les affreuses marques qu’elle portait sur son corps étaient autant de témoignages qu’elle acceptait pour l’instant, mais Oona doutait de pouvoir un jour renoncer à son identité de manière aussi drastique.
La Sphinge était en quelque sorte devenue sa propre haruspice. Etalant au regard de ses visiteurs ses entrailles disséminées dans un torse défoncé vaguement encadré par des lambeaux de robe, qui rejetaient d’un coté les restes de ses jambes, moignons vrillés par la douleur du manque, et sa tête hypertrophiée de l’autre.

L’oracle déclamait avec beaucoup de regrets et de tristesse la légende mêlée de réalité de ces deux insignifiantes pièces de monnaie. Et l’histoire en devenait encore plus étrange :

« - Lorsque le Seigneur des Méandres Obscurs me retenait prisonnière dans les abysses écrasés de noirceur, il avait lui-aussi un jour possédé deux de ces pièces et avait envoyé tous ses sbires écailleux à la recherche des autres. Mais jamais aucun ne revint et, bientôt sa cupidité maladive lui fit tourner son envie vers d’autres trésors et sans doute oublia-t-il alors ces pièces, non sans m’avoir forcé à apprendre leur légende et donc son propre rôle dans la trame du temps.

Ainsi donc, il y a très, très longtemps, sur un autre continent peut-être, régnait une reine aussi cruelle, qu’elle était puissante et laide. Chaque jour elle engloutissait autant que son peuple affairé dans les champs dans des banquets somptueux et égoïstes devant les regards chargés d’envie de sa cour affamée. Mais un jour un fou arriva de très loin et se moqua ouvertement de l’hideuse gloutonne, défiant son autorité tyrannique en lui disant que bientôt le sol s’ouvrirait sous sa bedaine l’envoyant brûler au centre des mondes. Ne pouvant tuer celui dont l’esprit avait été visité par les dieux eux-mêmes, elle le menaça et lui lança trois rochers du haut de son trône. Le fou s’enfuit alors en promettant de se venger.
Et la reine continua à devenir de plus en plus cruelle et de plus en plus grosse, jusqu’au jour où un sage venant de très loin arriva à sa cour et la réprimanda pour son attitude inhumaine, l’avertissant tous les jours que sa difformité ne cesserait pas tant que son âme resterait aussi noire. Ne pouvant plus supporter la présence de ce sage vieillard et ne pouvant tuer celui qui parlait avec la ferveur du peuple, elle déracina trois arbres et les lança sur le sage qui s’enfuit.

Un jour cependant, la reine fut profondément malade, hurlant si fort de douleur qu’on l’entendait aux quatre coins de son royaume affamé. Son gigantesque corps vibrait de spasmes affreux et dans sa souffrance elle ne contrôlait plus ses gestes, finissant par tuer nombres des membres de sa cour. C’est alors que le fou et le sage revinrent tous les deux, l’un courbé sur une vieille canne et l’autre jonglant avec quelques cailloux. Ils proposèrent alors leur service à la reine qui, suppliante et incrédule face à leur attitude, accepta leur aide. Et qu’elle ne fut pas sa surprise quand le fou lui envoya au visage ses trois pierres en braillant que c’était la rançon de sa haine. Frappée par l’étonnement autant que par cette nouvelle douleur elle ne sut que faire et bientôt le sage lui asséna trois violents coups de bâton sur le ventre en vociférant que c’était là le tribut de sa cupidité.
Prise de soudaine convulsion, la reine hurla de plus belle et soudain trois jeunes et beaux hommes sortirent de son ventre, propres et purs. La souveraine mourut sur le coup et l’on jeta son corps bouffi dans les oubliettes. C’est alors que les trois princes, désormais vêtus de leurs somptueux atours, prirent le pouvoir sur la contrée en gardant à tout jamais le fou et le sage à leurs cotés pour régner avec la grâce des dieux immortels. Et pour que jamais pareille tragédie n’advienne à nouveau, tous trois sertirent leur couronne de chacun des trois symboles de la bonté, de la justice et de l’équité.

Là, la Sphinge fit une pause avant de reprendre sur un ton moins solennel.

- L’histoire est très ancienne et le style, même épuré, reste quelque peu lourd et confus. Cependant, le récit semble être une parabole de la stricte tradition de l’époque, interdisant aux femmes de régner sous peine de provoquer des catastrophes et obligeant les princes à écouter leurs aînés ainsi que le peuple. Comme me l’a bien souvent expliqué mon geôlier, le texte en lui-même n’a que peu d’importance et seuls les signes comptent. Or ici, nous en avons beaucoup, beaucoup trop même et cela m’intrigue encore maintenant. Plusieurs protagonistes semblent être des cartes des anciens tarots magiques, la grosse reine et son royaume plat peuvent aussi incarner des représentations du soleil et de la terre, de plus, la redondance du trois et de son multiple neuf sont autant d’indications codées. Malheureusement pour toi, je n’ai pour l’instant aucun moyen de percer ce mystère.

Elle posa longtemps, Oona s’inquiéta un instant qu’elle ne fut repartie dans le rêve sans fin, mais la poupée tangua dangereusement sur son bras frêle comme si elle avait voulu le lever pour illustrer ses propos, oubliant un bref instant son handicap.

- En revanche je peux voir qui possédait la troisième des pièces majeures, l’écu du sage. C’est _ ou bien peut-être était-ce ? _ un shaakt, un petit mage au destin illisible pris dans la tourmente de ses propres peurs funestes et qui emprunta un chemin sans retour.

La Sphinge fit un léger signe de la tête et le gobelin, qui avait un don certain pour ne pas exister, versa une nouvelle louche de poussière de comète sur sa maîtresse. Derrière son inquiétant masque de poupée ravie, les yeux de l’oracle brillèrent d’un éclat nouveau, un feu de saphir qui sembla faire onduler la réalité autour d’elle. Comme possédée elle lâcha les mots par grappes désordonnées.

- Son trajet est maintenant fini, cependant
Ses empreintes sont claires et profondes
De rage.
Bien plus que le poids du mépris et de la haine inhérents à sa race, une force à peser
Lourdement
Sur ses épaules jusqu’à le faire ployer, les genoux engluer dans la boue.
Son âme est encore présente dans la sinistre citadelle du nord.
Dans l’ombre infinie de Caix Imoros, l’esprit de Eurast languit en rêve.

Oona avait religieusement écouté les paroles de l’Oracle de porcelaine, visualisant sans peine la reine obèse recevant son châtiment de la part des deux vagabonds hirsutes, parangons déguisés des dieux et du peuple. Pendant quelques instants encore, la poupée continua à regarder ce passé flou, ne sachant plus vraiment s’il était le fruit de sa mémoire ou bien de cette force plus grande qu’elle avait accueillie auparavant. Des fantômes bien trop réels hantèrent ses yeux incandescents comme autant de dangers qu’elle ne révélait jamais à son public puis, l’Aniathy posa de nouveau son regard sur sa petite invitée.

- Je vais maintenant me reposer un peu, j’ai répondu à bien trop de questions ces derniers temps et j’ai besoin de séparer à nouveau ce monde de son reflet onirique. Néanmoins, je t’ai vue revenir avec cette troisième pièce, je t’attendrai donc. Vrishnu te montrera une autre entrée pour revenir me voir. Tu as déjà fait la preuve de ton courage, je n’ai nul besoin de te tester à nouveau, ni de te vider complètement les poches.

Etrangement, cette dernière réplique ne semblait pas s’adresser à l’exilée mais davantage à son servant obséquieux qui ne pipa, cependant, mot. Lentement, la Très Clairvoyante se coucha à nouveau sur le flanc et éteignit, d’un claquement sec, le feu opalin qui mettait à nu son âme. Le gobelin, visiblement irrité d’avoir reçu des ordres, déambula comme un prince au milieu de sa salle des trésors, invitant l’Aldryde à le suivre. La porte s’ouvrit et la réalité gifla violement la jeune femme, le charme venait de se rompre et déjà le froid et la moiteur envahissait son corps. Elle vit son camarade complètement absorbé dans une partie de carte avec les deux autres segteks qui ne s’étaient pas fait prier pour délaisser leur travail de scribe et s’adonner à leur vice commun. Des petites colonnes de rondelles de métal, parfois précieux, rayonnants d’une chaleur déchaînant l’avidité, s’entassaient sur la couverture du vieux tome comme autant de remparts et de fortifications dans cette guerre vénale. La guerrière n’osa le déranger et se précipita derrière un Vrishnu disparaissant déjà dans la courbure obscure de la tour.
En effet, un mince couloir, faisant avancer le gobelin en crabe, longeait l’arrière de la salle des audiences pour arriver à quelques marches sculptées dans la roche à la manière des barreaux d’une échelle. En bas, la faible lumière d’une unique torche, luttant contre l’humidité, envoyait sa lumière tamisée couler sur les angles des tonneaux et autres caisses de la réserve. Se complaisant dans son mutisme, le guide visiblement encombré par ses lourdes parures, pointa du doigt un étrange mécanisme et plus précisément la hotte à sa base. Il s’agissait d’un savant agencement de poulies et d’engrenages, maintenus sous tension par divers contrepoids se balançant à peine le long du mur, lui-même percé, tout près du sol, de deux larges ouvertures. La première laissait s’échapper des ténèbres moites, une grosse chaîne reliée à l’ensemble du mécanisme et la deuxième, l’autre extrémité de la même chaîne cette fois-ci attaché à un panier usé.

Oona voulut briser le silence en demandant de plus amples informations sur ce dispositif de ravitaillement quand elle sentit une présence derrière elle. Se retournant, elle vit le Surin, tête nue, les deux lunes tristes qu’étaient ses yeux argent brillaient encore de l’excitation du jeu.

- Je ne vais pas t’accompagner, lâcha-t-il, tout de go. J’ai trouvé une paire de joueurs à ma hauteur qui ont commencé à me plumer d’ailleurs. Ils jouent ensemble pour me piquer mes cartes, mais maintenant que j’ai pigé, ça devrait aller.

Il semblait gênait, triturant l’intérieur d’une des poches de son veston. La jeune femme avait déjà compris qu’il ne savait pas comment s’y prendre avec cette superficialité découverte bien tard qu’était le savoir-vivre. En tant que teigne des rues, parasite de la grande catin puante, il avait dû se faire violence pour courber l’échine et pouvoir ainsi traiter avec les puissants et recevoir leurs offres juteuses. Désormais, il hésitait, son masque de tueur avait depuis longtemps été avalé par une peau en mal de protection pour qu’il ne tombe si facilement, la guerrière enchaîna donc :

- Lui as-tu déjà parlé ?
- Tu as gâché ton temps et ton argent si tu es venue ici pour lui poser ce genre de question, répondit-il, un mince sourire fendant ses traits.
- Elle m’a dit que je reviendrai, avec une troisième pièce. Je dois aller vers la cité des Shaakts, loin au nord…

Oona ne savait pas véritablement pourquoi elle lui racontait cela car elle ne désirait pas le faire changer d’avis, même si cela aurait été de l’ordre de l’impossible tant était grande sa passion du jeu. Aucuns d’eux n’étaient doués pour ce genre de civilité et quand le silence se fut épaissi au point de devenir trouble, le Surin hocha plusieurs fois la tête en pinçant les lèvres puis disparut, levant vaguement la main en signe d’au-revoir. Puis, sur ordre d’un Vrishnu, trouvant certainement le temps long dans cette cave moisie ne seyant pas à ses habitudes, Oona se posa dans le panier. Le gobelin tira sur divers cordes et poulies, jusqu’à ce que deux lourds sacs de jute entament leur lente descente, immédiatement dépassés par la chute fulgurante d’une grosse pierre enchaînée. Le panier fila brusquement dans la galerie obscure, projetant le petit ange contre l’une de ses parois tressées. Le boyau devait lui-aussi être le vestige d’un âge révolu ayant gardé une quasi perfection dans son tracé, dans sa déclivité légère et dans sa propreté, autant de concepts superflus pour les actuels résidents du lieu. L’Aldryde sentait l’air humide lui courir tout le long du corps, se prenant dans sa chevelure ardente toute emmêlée, faisant vibrer follement ses plumes et ravivant en elle un début de joie puérile. Mais bientôt, le noir absolu céda la place à une pénombre rendue verdâtre par les algues pendues, chevelure de noyé, d’où montait une clameur de mauvais augure. La jeune femme sauta de son transport avant qu’il ne se stoppe et ne l’écrase contre l’autre bord et fut prise dans ce qui semblait être la première scène d’une pièce de théâtre grandeur nature, son arrivée impromptue marquant le début du second acte.

Oona venait de déboucher au sommet d’une petite tour très ancienne où les mécanismes étaient gardés à l’abri derrière de lourdes grilles, devant elle, se tenaient une dizaine de gobelins hurlant et vociférant lâchant des volées de flèches vers un assaillant qu’elle ne pouvait encore voir. Soudain, un segtek âgé couvert d’un gros béret collé par la crasse, se tourna vers elle, l’air circonspect puis lâcha dans un langage orque plein de nasales ridicules ne collant aucunement avec l’atmosphère oppressante du lieu :

« - Retournez voir La Très Clairvoy …

Mais déjà le panier repartit en sens inverse à toute vitesse, coupant court aux ordres du gobelin qui pesta et se retourna vers l’ennemi. Un javelot passa au-dessus des créneaux pour aller se briser mollement contre la paroi au moment où l’exilée vola, inquiète, jusqu’au bord de la tour. Ce qui n’avait été jusqu’à maintenant qu’un brouhaha troublant pris enfin forme.
La construction s’adossait à l’une des parois d’une gigantesque caverne dont l’un des flancs s’était ouvert vers le sud-est, laissant la mer se déverser à chaque marée. Mais à ce moment, la sérénité du lieu était brisée par l’assaut frénétique d’une troupe nombreuse de verdâtres venant juste de débarquer de leurs frêles embarcations pour se jeter sur ce secret de pierre que quelqu’un avait eut peine à garder. Le coup de gong d'un bélier s’attaquant à la porte poussa Oona à se pencher plus attentivement sur les forces en présence.

Manifestement, aucune des deux parties n’était à proprement parler une armée digne de ce nom, ni même ce que l’on pourrait appeler un simple contingent de réserve. Non, il s’agissait d’un raid violent ne se destinant qu’au meurtre et à la rapine, sans doute, une fois leurs méfaits commis, les assaillants repartiraient-ils avec butin et prisonniers. Pas un seul ne semblait être un soldat de métier, les gobelins autour d’elle lâchaient leurs traits avec peu de précision et seule l’excitation du combat leur donnait un semblant de cohésion ; il en allait de même pour la cinquantaine de guerriers gesticulant et braillant comme des déments dans l’attente d’une brèche. A nouveau le bélier rythma la scène d’un écho funeste et une volée de pierre de fronde allèrent ricocher sur les parois lisses de la tour de défense. De ce qu’elle pouvait voir désormais, l’Aldryde comprit que le rapport de force était inégale, certes les défenseurs avaient cloué au sol quelques uns de leur cousin mais ils étaient bien trop nombreux. L’appel au carnage fit encore frémirent la tourelle, tous comprirent que la porte ne supporterait pas un nouvel assaut.
Les options qui s’offraient à la guerrière étaient des plus limitées, cependant, alors qu’elle se tenait bien droite entre deux créneaux, observant le dernier des canots surchargés de gobelins peiner dans les tourbillons et les remouds à l’entrée de la grotte, Oona eut l’intuition qu’on l’avait sciemment jetée dans cette bataille.
C'est le moment que choisit la porte pour céder en une explosion de bois torturé, les clameurs barbares emplirent toute la caverne comme une onde de mort, un séisme promettant de longues et désastreuses répercutions. Tout le monde ramassa ses affaires et tous dévalèrent quatre à quatre l’escalier jusqu’à une salle où six autres gobelins finissaient de se préparer au milieu d’impressionnantes réserves. L’un d’eux était penché dans l’escalier à colimaçon et scrutait l’obscurité emplie de rage. Le chef segtek lâcha alors de sa voix de vieille chèvre ses ordres à la vingtaine de soldats réunis :

- Babork, tu as balancé les chaises et les tables ?
- Oui chef, ça devrait les retarder un peu.
- Bien, Tansar, Yuyo, récupérez les dernières flèches vous couvrirez Babork, Gruïn, et les quatre Pocs pendant qu’ils tiendront la position dans l’escalier ! Et nous pendant ce temps là, nous … Euh, nous serons derrière et une fois les munitions épuisées nous les repousserons, jusqu’à la mort !

Visiblement cet élan héroïque ne semblait pas du tout partagé par le reste de l’équipe et plusieurs soldats s’échangèrent des regards circonspects. Le chef se tourna et s’adressa alors à la visiteuse inattendue :

- L’Oracle vous a envoyé pour nous aidez, n’est-ce pas ?

S’apprêtant à nier vivement, la guerrière se ravisa se disant qu’au final on avait peut-être bien tiré les fils dans son dos. Mais de toute façon, la réponse importait peu, le vieux gobelin ne cherchait qu’à invoquer ce nom magique pour galvaniser ses frères d'armes avant le combat à l'issue incertaine.

- Vous nous aiderez pour la bataille alors, nous aurons besoin de toutes les lames disponibles. »

La rumeur belliqueuse s’était terriblement amplifiée pendant cette courte pause, se gonflant du vacarme de bois brisé avec rage, se gorgeant avec délectation du petit massacre à venir. Les défenseurs descendirent une volée de marches, les six gobelins armés de piques, de hallebardes et protégés derrière quelques boucliers se mirent en position au moment où une vague de haine se fit entendre bientôt suivie par le chaos de dizaines de pieds frappant les marches. Le tumulte des armes rouillées et des armures plus que légères s’entrechoquant, ricocha et serpenta jusqu’aux gardiens de la tour, les enveloppant d’un doute d’autant plus épais que les distorsions paraissaient s’échapper de l’enfer lui-même. Et le maigre espace serpentant devint un petit cauchemar de cris, de haine et de mort alors que la masse compacte de corps surexcités jaillit au détour du boyau de pierre.

Le monstre pluricéphale freina sa course au dernier moment devant le petit mur de piques bientôt renforcé par l’arrivée du reste de la troupe brandissant toutes sortes d’armes profondément marquées par la colère inhérente à cette race mesquine. Les lances plongeaient avec détermination vers l’ennemi et les dernières flèches sifflaient férocement sur l’adversaire mais ce dernier, se cachant derrière les socles de chaises et autres écus improvisés, tint bon et reprit son avance déterminée.
Tout d’un coup quelques têtes osseuses semblèrent jaillir de dessous la foule belliqueuse pour agripper deux des défenseurs qui furent alors happer par l’amibe de violence, déjà assimilé, digéré et recraché en déchets sanguinolents. Oona plongea alors dans l’ouverture, fendant l’air comme une frégate, voltigeant comme alouette, piquant avec la hargne d’un essaim de guêpes tueuses tous les imprudents passant à sa portée. Elle tentait de crever des yeux, d’empaler des nez, d’ouvrir des lèvres et de monter à l’assaut des cous nus, mais bien vite la situation la déborda, menaçant de la faire sombrer dans une panique mortelle. Ce n’était pas un seul adversaire que la guerrière affrontait mais des dizaines, des centaines, les coups étaient une tornade létale s’enroulant en sifflant dans l’expectative de sa chute, tout n’était plus que sang, sueur et hurlement.
L’Aldryde fendait, parait, feintait, relâchant brutalement sa maestria tout en piquant, plongeant et rebondissant sur les murs, cependant ses dégâts se résumaient à quelques coupures vicieuses, un œil ou deux endommagés et parfois une oreille tranchée. Mais elle essayait surtout de rester en vie, d'éviter les lames et autres créations perverses qui tentaient de l'emprisonner dans une véritable prison de métal, dans une vierge de fer avide d'épingler la bretteuse aux pieux de son corset. Et quand un assaillant tenta de se faufiler le long du mur intérieur du colimaçon, Oona décida de tenter une algarade spectaculaire qu’elle espérait décisive pour le moral de l’adversaire. Le petit ange sauta littéralement au cou du gobelin, son arme, pointée à la manière d'une longue dague, perça sa peau luisante de sueur pour ravager ses veines saillantes. Immédiatement, le sang épais gicla et la petite victime se mit à couiner, horrifiée par le spectacle de cette scène insensée. L’exilée, blasonnée par le carmin de son méfait, s’éloigna d’un bond pour observer les effets de cette mise à mort horrible quand au même moment, à l’autre bout de l’étroit escalier tapissé de sang et vibrant de haine, l’un des défenseurs réalisa la fragilité de sa situation et paniqua. Ce court relâchement fut suffisant pour que deux lances se frayent un passage à travers son corps et aveuglent de sa propre ichor son voisin qui se lia immédiatement à son triste sort. Les assaillants redoublèrent d’efforts et les défenseurs commencèrent à céder du terrain malgré les vociférations de leur chef qui jouait des coudes pour endosser son rôle premier sur le devant de la scène.

Oona eut à peine le temps de voir que son assaut, aussi violent que dangereux, avait été inutile qu’une hache sortit de la forêt d’armes et de faces hargneuses tordues par la fureur pour fondre droit sur elle. La guerrière réagit promptement en se protégeant derrière son bouclier avant d’être jeter au sol par la violence du coup, sonnée et le bras complètement engourdi. La bataille ralentit, tourna sur elle-même, distordue et suspendue comme un mannequin au-dessus d’une Aldryde étalée de tout son long dans une épaisse marre de sang, pareille à un glaviot de boxeur blessé. Mais les choses n’allaient pourtant pas s’arrêter là, la bataille s’amplifiait et quémandait de plus en plus violement son obole de sang frais. La face d’un ennemi, protégeant son œil meurtri dans sa main gauche, son visage brillant d’un mauvais éclat, fendit les ombres tumultueuses qui s’amassaient, épaisses et agressives, dans ce firmament orageux. Le guerrier se redressa, leva bien haut son pied bandé de guêtres puantes et s’apprêta à écraser cette vermine volante hagarde et désormais à la portée de sa vengeance. Il comptait bien lui faire payer son infirmité et toute cette souffrance. L’instinct de la jeune femme réagit plus vite que son esprit perturbé et deux bras levèrent le bouclier alors que la sale patte du verdâtre écrasait le petit ange.

La puissance de l’attaque finit de l'étaler contre le sol poisseux et elle eut de plus en plus de mal à respirer à mesure que la pression s’acharnait à vouloir la faire communier jusqu’à l’extrême onction avec le monument séculaire. Soudain, elle glissa sur toute la largeur de la marche, fendant la flaque collante comme un esquif filant droit vers le récif, son adversaire l’accompagna dans une grand-écart hasardeux et perdit l’équilibre, rebondissant d’abord sur ses camardes qui le firent alors violement culbuter à la renverse. Dans sa chute bruyante, il agrippa tout ce qui passait à sa portée, bras, épaules ou tuniques, il tirait sur tout avec violence, recevant une cascade d’insultes et de ruades jusqu’à qu’il n’accroche finalement la chevelure grasse d’un de ses frères d’armes. L’autre brailla, tordu par la violence du choc mais ne tarda pas à le suivre dans sa chute, bousculant de plus en plus de gobelins. Tout d’un coup ce furent une partie les derniers rangs de l’unité, une petite poignée de soldats, qui dégringolèrent les marches en vociférant dans un tintamarre de métal tordu et de corps foulés. Les défenseurs, réduits à la moitié de leur nombre, retrouvèrent alors espoir et reprirent immédiatement les marches perdues en envoyant le premier rang ennemi rejoindre ses ancêtres lorsque les lances transpercèrent sans ménagement quatre segteks.

Peu nombreux seraient ceux à pouvoir témoigner de cette vulgaire escarmouche, elle serait bien vite oubliée et nul ne serait en mesure de citer les noms des héros et encore moins ceux des perdants fauchés par le destin. Oona doutait même que les gobelins prennent conscience de l’horreur de la situation, mais pour elle, ceci etait un enfer bien réel, bruyant, puant qui la recouvrait comme un suaire cauchemardesque. Clouée au sol, elle devait avancer à quatre pattes sur le corps des mourants et des morts, avançant au milieu de collines encore chaudes et vibrantes, inondées d’innombrables sources vermeilles et épaisses. Au-dessus d’elle, les géants bataillaient sans prêter nullement attention au petit oiseau fauché dans son vol, leurs pieds et leurs jambes se balançaient dangereusement au rythme de ce pugilat féroce, menaçant de la réduire en bouillie. L’exilée comprit cependant que la bataille venait de retrouver son équilibre précaire cependant elle craignait aussi que le nombre finisse par l’emporter sur le fragile moral des défenseurs. Oona avança alors jusqu’au mur le plus proche et, se redressant, elle continua sa vile tactique de combat que le destin lui avait forcé à choisir.
Perchée sur un cadavre, la guerrière piquait les mollets et les chevilles de ses adversaires visant les tendons et les veines, jusqu’à ce que trop déconcentré, le gobelin détourne un instant le regard et ne se retrouve avec une lame fendant son crâne. Quelques uns voulurent même empaler ce ridicule insecte, mais bien vite une nouvelle pluie de sang signalait à la jeune femme, au bord de la nausée, qu’un ennemi de plus venait de périr.

Repoussés par le haut, harcelés par le bas, les pillards ne cessaient de perdre du terrain, marche après marche, la victoire leur échappait. Leur moral, soutenu par une frénésie de moins en moins vive, s’effondra d’un bloc et ils dévalèrent les dernières marches, s’enfuyant bien vite de la tour, franchissant la porte défoncée pour rejoindre leurs embarcations primitives. Les défenseurs poursuivirent les fuyards jusqu’à l’entrée de la tour et de là, leur jetèrent galets et quolibets, riant et sifflant même au moment où l’une des pierres ricocha sur la crâne d’un ennemi qui s'étala de tout son long. Les gardiens ne bougèrent pas tant que les barques n’eurent pas disparues loin de la grotte, pagayant au milieu des restes de la dernière barque n’ayant jamais réussi à accoster, ses anciens passagers flottant épars, buttant à chaque vague sur les rochers affleurant comme autant de mouches débiles sur une fenêtre close.

De la petite vingtaine de défenseurs, il n’en restait que quatre en état de poursuivre le combat, certains gisaient dans d’étranges positions au milieu des marches, geignant faiblement, quand d’autres encore prenaient seulement conscience de leurs blessures, de leurs doigts manquants ou de leurs cotes apparentes au milieu de plaies béantes. Même le gobelin au béret avait été méchamment touché, un coup particulièrement vicieux lui avait arraché toute la joue droite, figeant à jamais son expression dans un rictus démoniaque. Oona ne se joignit pas à la suite du massacre, elle savait par expérience, que les segteks allaient se transformer en immondes bouchers, égorgeant les blessés pour aussitôt les dépiauter de leurs frusques et collecter leurs trophées morbides de dents, d’yeux et d’oreilles. La guerrière voulait seulement se débarrasser de la gangue de sang séché qui s’insinuait dans la moindre anfractuosité, emplissant sa bouche et son nez d’une saveur de cuivre entêtante, un écœurant arrière goût de furie honteuse.
Se frictionnant avec force dans un trou d’eau raviné par des siècles de houle, elle tenta aussi de détourner le flot immense d’images et de sons qui se frayaient désormais un chemin jusqu’à sa conscience. La jeune femme les leurra alors avec de faux souvenirs jusqu’à ce qu’ils soient tous cadenassés dans le recoin le plus sombre de son esprit. Le petit ange espérait pouvoir un jour répondre à chacunes de leurs interrogations muettes, et se tenir devant ces visages tirés aux yeux emplis de la terreur du néant vorace.

Finalement c’est tout juste si elle se rappela où elle avait jeté son paquetage avant que la tornade ne se déchaîne et lorsqu’elle le retrouva, dans la petite réserve, elle ne put s’empêcher de regarder toutes les têtes ennemies alignées au bord d’une table, leur regard complètement vide, leur bouche pendante d’où filaient, écarlates, les dernières gouttes de vie. Avait-elle réelement causé leur mort ou bien était-ce un caprice du destin dont seule La Très Clarvoyante parvenait à en distinguer les remouds confus ?

_________________
Et sur moi si la joie est parfois descendue
Elle semblait errer sur un monde détruit.

Oona

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Ven 24 Déc 2010 19:05 
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Voyage des Bois Sombres jusqu’à Oranan.

Panique, peur. J’ai la frousse aux trousses, et j’en suis parfaitement conscient. C’est le regard allumé de craintes diverses que je sors à toute vitesse des Bois Sombres d’Omyre. Le regard rouge comme le sang de Sidë qui s’écoule sûrement à l’instant même sur le sol de la tanière du Souvenir éternel. Et sur les lames dégainées de Sisstar, ma sœur, cette servante dévouée et puissante de la cause oaxienne… Et la raison de ce meurtre, son explication, je la serre dans mon poing gauche. De toutes mes forces. Une pierre, une simple petite pierre, de la couleur de la haine, rouge sombre. Une petite pierre en forme de goutte, de larme. Une larme sanguinolente du Dieu des Tourments et de la Haine, le sombre et puissant Thimoros. Un artefact que je suis parti quérir, et que j’ai finalement ramené, après plusieurs longs jours passés sur un autre monde, dans un Océan peuplé de créatures aussi étranges les unes que les autres.

Mais de tout ça, je n’en ai pas encore conscience. Seule la peur m’anime à cet instant, et presse mes pas vers la cité d’Oranan, encore lointaine. Ces pas sont cadencés, rapides, souples et lancés dans une course folle. Je ne peux me permettre de ralentir un instant, fut-ce pour rattraper mon souffle. Ma vie en dépend sans doute. Et avec elle, celle de nombreuses créatures sur ce monde que je viens de retrouver, et qui m’accueille de la manière la plus sordide qui soit : en étendant le sang et la colère sur mon chemin.

Dans la nuit sans lune, je cours. Aveugle, brisé, fourbu, je cours sans m’arrêter, sans penser à rien d’autre qu’à ma survie, qu’à rejoindre cette ville où, naguère, j’ai été bien accueilli. Et je cours ainsi une bonne partie de la nuit, jusqu’à ce que sur les plaines Ynoriennes, la lune fasse son apparition dans le ciel, perçant les nuages mordorés d’Omyre comme le symbole d’un espoir indicible.

Alors, je sens toute la fatigue se rappeler à moi. Ma tête se met à tourner, et mon rythme ralentit. Je suis essoufflé, faible, et bientôt, mon regard redevient noir, et je m’effondre, poing serrés, sur une butte d’herbes sèches coupées pendant l’été, et abandonnée là.

Les ténèbres m’envahissent. Et le repos dans lequel je plonge bien malgré moi n’est en rien paisible et réparateur. S’il permet à mon corps de se reposer un instant, de recouvrir quelques forces, il n’en est rien de mon esprit, qui bat sur mes tempes en de sombres cauchemars…

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mer 29 Déc 2010 14:23 
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« Haaaaa ! »

Son visage, plaqué dans ma conscience, dans mon esprit. Toute la nuit, il m’a poursuivi, dans mes songes mouvementés. Et là, alors qu’un sursaut me tire de ce sommeil angoissant, elle m’a rattrapé, et ses lames se sont plongées dans ma gorge, arrachant le cri qui a provoqué mon réveil brutal. Des fétus de paille parsemaient mes cheveux sombres aux mèches blanches. Mon équipement abimé est sali du sang des sauriens que j’ai combattu. Mon propre sang macule ma peau argentée, sous la lueur du soleil de l’aube, encore bas sur les plaines Ynoriennes. Mon visage est marqué de fatigue, d’épuisement. Et mon estomac est tiraillé de plaintes affamées. Mes muscles, eux, sont encore endoloris de ma course de la veille, cette course éperdue qui m’a vu tomber de fatigue dans cette botte de foin.

Oui, vraiment, j’ai piètre allure. Mais ce n’est en rien ce qui m’affecte le plus. Sisstar me cherche. Maintenant qu’elle a pu me voir, elle ne daignera plus cesser de me poursuivre, de me chercher. Que je sois ou non en possession de la larme. Lorsque nos regards similaires se sont croisés, hier, j’ai vu autre chose que de la convoitise, que de la soif de pouvoir. Elle m’a reconnu, j’en mettrais ma main à couper. J’ignore si elle connaissait mon existence, mais ma vie ne fait désormais plus aucun doute dans son cœur, c’est une certitude absolue.

Frottant mes pantalons pour les débarrasser de la poussière accumulée par la nuit, mes pensées sont toutes dirigées vers elle. Et mon regard chasse les alentours pour percevoir la moindre présence. Mais je ne vois rien. Sans doute, de toute façon, ne s’aventurerait-elle pas seule à ma poursuite. Sa patrouille lézarde a été mise en pièce, et elle sait désormais que celui qu’elle peut désormais considérer comme son jumeau n’est pas aussi faible qu’elle n’aurait pu le penser.

Malgré tout, je sais que je dois me hâter de rejoindre les murs sécurisants d’Oranan, que je devine déjà à l’horizon, au Sud. Malgré la douleur musculaire qui accable mes jambes, je me remets à marcher d’un pas cadencé et pressé. Je n’ai aucune minute à perdre… Ainsi, je traverse les plaines de ce pays, théâtre de quotidiennes rixes entre les Orques d’Oaxaca et les fiers Ynoriens d’Oranan. Des paysages dévastés par la guerre, où tentent de subsister quelques rares hameaux, souvent abandonnés ou détruits. Prudent, je décide de tous les éviter. Je préfère voyager discrètement et rapidement que de me restaurer dans l’un de ces corps de logis, et risquer de me faire repérer par un espion de Sisstar. Je coupe donc à travers les plaines brûlées, aux herbes desséchées.

Et en fin de journée, alors que mes jambes me supportent à peine, me faisant tituber sous mon propre poids, sous ma propre fatigue, j’atteins la capitale de ce pays. Sans attendre, l’esprit rongé de sombres pensées, je me dirige vers les imposantes portes de la cité. Celles-là même que j’ai quittées, il y a quelques temps, pour me rendre sur Gramenou en compagnie de Sidë. Et alors que je rejoins le poste de garde de l’entrée, mon cœur se serre à son souvenir…

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Sam 11 Juin 2011 13:49 
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Ça y est. Je suis parti, seul, sur une route déserte alors que la nuit tombait presque. Enfin quand j'ai dit "route" je parlais bien entendu du trajet, il n'y avait rien que de l'herbe. Et des ruines. Tout ça me donnait froid dans le dos. Que ferai-je si je venais à croiser des Orques ? Rien, je passerai en silence devant eux, ou tenterai de me cacher, comme tout le monde l'aurai fait.
(Je ne suis pas tout le monde, je suis Tthéo, je suis un Wiehl, je ne risque rien, j'ai déjà perdu ce que j'avais de plus cher à mon cœur.)
Je continuai à avancer jusqu'à ce que la nuit tombe et ne m'oblige à m'arrêter. Je m'approche d'une masse sombre qui semble être un buisson mort. Je le saisis et le déracinai, il fallait que je fasse du feux pour me réchauffer et pour manger.

"Aïe !" m'écriai-je.

(Ce sont des ronces.)
Je regardai mes mains qui semblaient égratignée, tant pis. Je tirai le buisson, blessé pour blessé, je m'entaillai encore les mains. Je mis le feu au buisson et m'assis devant pour me réchauffer. Sans le soleil le temps n'est plus aussi doux. Je mangeai un peu avant de me recroqueviller tout près des flammes.

"Je t'aime Tthéo. Fais attention à toi." marmonna une voix dans mon sommeil.

Je me réveillais à l'aube, le soleil me réchauffai le visage. Le feu s'était éteint. Je mangeai un peu avant de me remettre en route. A bout de quelques heures de marche, je me retrouvai à la lisière d'une sombre forêt.
(Mais qu'est-ce que c'est encore ça ?)

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Dim 12 Juin 2011 12:39 
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J'ai enfin pu sortir de cette horrible forêt. J'arrive près d'un torrent, un gros torrent. Enfin de quoi nettoyer ma blessure au bras. Je m'approche du cours d'eau, enlève ma tunique ainsi que le morceau de tissus qui me servait de bandage. Je le passais dans l'eau qui coulait pour qu'il perde la couleur sang qu'il avait prit. Je nettoyait ensuite ma blessure. Elle saignait encore. Je replaçai le tissus autour de mon bras en le serrant de façon conséquente pour stopper le saignement. Je me passe ensuite de l'eau sur la figure avant de boire et de remplir ma gourde. Je me remis en route, je longeai le petit fleuve jusqu'à un vieux pont de pierre.
(Est-il fiable ?)
Je m'avançai un peu, prudemment. Il semblait solide, je traversai sans soucis et continuai à avancer. Soudain un cris retentit derrière moi. Je me retournai, le gobelin de la veille était dans l'eau, accroché au rivage et ne tenait qu'à un fil. Un fil de la mort. Je réfléchis, devais-je le sauver ? Pourquoi pas après tout. Je retournai vers le fleuve et lui saisit le bras pour le sortir de l'eau. La créature se prosterna à genoux à mes pieds.

"Oh merci, merci, noble seigneur !" s'écria-t-il.

"Ça suffit oui ? Relève-toi ! Je croyais t'avoir dit de rejoindre tes cousins les Orques !" m'énervai-je.

"Oh non, non, non ! Biblo pas rejoindre les Orques. Biblo peur, Biblo rester avec vous, noble seigneur."

"Arrête de parler comme un idiot ! Je ne suis pas un seigneur, je suis un pauvre humain qui chercher son chemin jusqu'à Omyre ! Maintenant fiche-moi la paix. Je connais les gens de ton espèce, ils ne pensent qu'à l'argent et à survivre !"

"Vous vous tromper ! Laissez-moi vous accompagner, vous n'entrerez pas sans moi dans la ville d'Omyre ! Je puis t'aider !"

"M'aider à me ralentir oui ! Va-t-en, je t'ai déjà dis que je n'avais pas besoin de toi !"

Je me remis en marche, le gobelin me suivit, je soupirai, mais ne dis rien. S'il ça lui faisait plaisir de me suivre... tant qu'il ne m'attirait pas d'ennui. Je ne fis pas attention à lui de toute la journée, ses paroles m'agaçaient tant que je ne lui répondais pas, de peur de me montrer grossier. Je faisais cependant attention à mon sac, je ne voulais pas me faire déposséder de mes biens, et je connaissais assez la réputation des gobelins pour surveiller mes affaires. Ces créatures sont fourbes et ne pensent qu'à elles, quelque chose devait intéresser Biblo chez moi. Mais quoi ? J'ai une bourse quasiment vide, quelques morceaux de viande séchée et de l'eau. Rien qui pouvait intéresser un gobelin à tel point. Tout ça est très étrange. Peut être devais-je chercher à en savoir plus sur lui ?

"Dis-moi, Biblo, tu vis ici depuis longtemps ?"

"Oui, depuis très longtemps. Très très longtemps." répondit-il.

"Pourquoi as-tu dis que j'aurai besoin de toi pour entrer à Omyre ?

"Omyre est dangereuse, il faut faire très attention. Des Orques gardent les portes tout le temps et ne vous laisseront jamais entrer... sauf si quelqu'un sait les convaincre."

"Tu prétends donc pouvoir les convaincre de me laisser entrer... Et pour ressortir ?"

"Pas de problème pour sortir, le problème c'est pour entrer."

"Tout compte fait, je crois que je ne vais pas m'arrêter en ville, je partirait directement pour Dahràm."

"Dahràm est très dangereuse aussi, vous aurez besoin de moi ! Le chemin est dangereux, très dangereux. Plus encore que la forêt."

"Tais-toi !"

J'accélérai le pas, je ne voulais pas perdre de temps, il me restait plusieurs jours de marche intensive si je voulais arriver à temps à Omyre. Si c'était si risqué que ça d'entrer dans la ville, je resterai autour et rejoindrai Darhàm. C'est comme ça, tant pis. Soudain, de loin, je remarquai une carcasse d'animal mort. Je décidai de m'approcher, une odeur pestilentielle entra dans me narines, je poussais un cri en posant ma mains sur mon visage et en m'efforçant de respirer par la bouche. Je m'approchai, l'animal semblait être un loup. Un loup à moitié dévoré et en pleine décomposition. Je me tournai pour voir Biblo, il avait disparu. Je sentis soudain une violente douleur à la tête et tout devint sombre.


Lorsque je repris conscience, j'entendais des voix. Des voix inconnues et celle de Bilbo. Il était donc chargé de m'espionner, ça ne m'étonnais pas. Je compris rapidement que j'avais été dépossédé de mon arme et de mon sac et que mes membres étaient attachés. Des mains griffues se posèrent sur moi, pour me tourner sur le dos. Je croisais, pour la première fois de ma vie, le regard d'un Orque. Je fus pris de frissons. On allait soit me faire cuir, soit m'emmener aux troupes d'Oaxaca. Dans tout les cas, mon sort ne serait pas enviable. Il était également inutile de vouloir combattre, je serai mort avant d'avoir saisi mon épée. Il valait mieux attendre le bon moment.
(Saleté de Sektegs, qu'est-ce qui m'a pris de l'aider ? Si je l'avais tué, je ne serais pas dans cette position !)
L’Orque me força à me lever et à avancer. Ils étaient environ une dizaine à me tenir prisonnier. Je devais trouver une solution avant qu'on ne me tue.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Lun 13 Juin 2011 20:45 
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(Il fait nuit, j'ai peut être une chance.)
Couché sur le sol derrière un Garzok, je rampai vers lui et ses armes. Je distinguai mon épée et l'approchai de moi. Je sortis l'arme de son fourreau, discrètement et frottai mes liens contre elle pour me libérer. Cela prit du temps jusqu'à ce que la corde soit assez amochée pour que je puisse me libérer, mais jamais je ne perdis patience. Je me redressai discrètement et, tout en gardant mon épée à la main, tentai de m'éloigner. Un orque se dressa soudain devant moi, une longue épée dressée devant lui. Je devais être fou pour tenter de me battre avec un Garzok, et pourtant, j'osai tenter de me protéger avec ma lame, frappant sur la sienne. La créature, qui faisait plus d'une tête de plus que moi, riposta aussitôt, avec précision. Une trop grande précision vu le peu de lumière qu'il y avait là où nous combattions, mais je sus parer le coup avec rapidité. Le bruit de deux fer s'entrechoquant réveilla d'autres orques qui vinrent prêter main forte au premier, je me retrouvai au bout de quelques secondes, encerclé par cinq d'entre eux.

"Tu croyais pouvoir nous échapper ? Tu ignorais surement que nous pouvons voir dans le noir aussi bien qu'un humais le jour.

Je ne répondis pas et tentai le tout pour le tout et tentai un dernier coup. J'eus tort, ils eurent tôt fait de me désarmer et de m'immobiliser sur le sol. On m'attacha à nouveau les mains, mais dans le dos cette fois et on me tira près du feu. Un Garzok à la peau noire s'approcha et plaça la lame d'un couteau devant moi.

"Dis moi qui tu es !"

Je le fixai sans répondre.
(Qu'est-ce qu'il espère ? Que je vais tout lui raconter ? Ils vont me tuer de toute manière.)

"Réponds-moi ! Quel est ton nom et d'où viens tu ?"

Mes yeux bleus continuaient à le fixer sans répondre.

"Réponds où je te promets de te saigner !"

"Vous allez me tuer de tout façon. Qu'est-ce que ça change ?"

Il se leva et me donna un violent coup de pied dans les côtes. Je poussais un cris étouffé. Il me saisit ensuite par le bras et m'obligea à me lever.

"En route, on lève le camps. On devrait arriver à Omyre dans quelques heures."

Je regardai les orques s'affairer à ranger le campement et à éteindre le feu. On se mit ensuite en route. J'avais toujours deux Garzoks autours de moi. L'un derrière pour me pousser, me faisant comprendre d'avancer plus vite, et un à côté de moi pour être sûr que je n'allais pas m'enfuir. Le soleil se leva quelques heures après notre départ du camp. La chaleur de sa lumière me faisait du bien. Je n'avais cependant pas le temps pour me laisser réchauffer par ses rayons.
Puis, au bout d'un moment, apparut devant nous, les remparts et l'immense Tour Noire. Je m'arrête et écarquille les yeux en voyant la taille des bâtiment.

"Avance !" me crie l'orque derrière moi en me poussant.

Soudain, un bruit d'animal au galop se fit entendre. Trois Garzoks s'écroulèrent sur le sol lorsque des flèches se plantèrent dans leur corps. Je me jetai à terre pour éviter les flèches. J'entendis des fers se croiser et d'autres bruits de de chevaux qui galopent. Lorsque le silence se fit je me tournai sur le dos et vis un elfe blanc penché sur moi... et un humain... ou plutôt une humaine aux cheveux bruns et aux yeux verts. Elle était belle, je la fixai un instant.

"Qui es-tu ?"demanda-t-elle.

"Du Calme Laïra, il est attaché, ce doit être un de leur prisonnier." fit l'elfe d'un ton calme et apaisant.

"Je m'appelle Tthéo, je suis effectivement prisonnier."

La jeune femme s'approcha de moi et défit mes liens d'un coup de couteau. Je me relevai et frottai mes poignets. J'allai ensuite à la recherche de mon sac et de mon arme. Que je trouvai sans peine.

"Tu viens d'où ?" demanda Laïra.

"Tulorim."

"Tu plaisantes ? Et tu es seul ? Comment t'es arrivé là ?

"J't'en pose des questions ?"

"Donc tu es un Wielh. Où vas-tu ? Peut être veux-tu faire un bout de chemin avec nous ?" murmura l'elfe.

"Je compte explorer l'ile. Je vais vers Dahràm."

"Laisse tomber, c'est un idiot. Personne ne s'aventure seul ici et ne compte partir aussi seul vers Dahràm. Pas étonnant qu'il s'est fait chopé par des Garzoks."

"Et votre groupe va où ?"

"Nous allons vers les Duchés des Montagnes. Enfin moi et Laïra. Le reste du groupe s'en va vers Bouhen. D'ailleurs ils sont en train de partir. Nous avons attaqué ces orques pour éviter de finir prisonniers."

Je réfléchis un moment, les autres partaient déjà vers les Bois Sombres faisant des signes de mains à l'elfe et à Laïra. Si des gens comme le capitaine Loury faisaient affaire à Dahràm ça n'était sans doute pas un lieux sympathique. Mais je n'aimais pas la compagnie. Je vérifiai rapidement le contenu de mon sac, la gourde était toujours là et ma bourse aussi.

"D'accord. Je vous accompagne. Mais pour un bout de chemin seulement."

"Très bien, dans ce cas, en route compagnon. Au fait, mon nom est Galtob."

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Dim 19 Mai 2013 00:27 
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~2~



La première heure de trajet se passe aussi paisiblement que pour une visite de courtoisie, avec le lever du soleil comme unique événement. Je demeure attentif, épiant les ombres qui ponctuent notre chemin. Difficile de voir avec exactitude pour moi, mais visiblement pas pour Kuon qui guide la carriole avec assurance. Il doit déjà avoir été à Omyre de nombreuses fois, raison pour laquelle il connait d'instinct la voie à suivre. De mon côté, j'essaie de graver des détails dans ma mémoire. Un arbre sans doute frappé par la foudre se tient près d'un rocher, fendu en deux. Quelques buttes sont parsemées de buissons bas et d'herbes. Il est étonnant que de telles choses soient visibles en Ynorie. Après tout, de la végétation trop haute empêche de voir ce qui s'y cache ou plutôt qui.

Je suis subitement tiré de mon observation par un soubresaut du véhicule. Le maigre chemin que nous suivions semble s'effacer. Plus de fil conducteur en direction du Nord-Est, mais aucune perte d'assurance dans l'attitude de mon voisin. Je ne sais pas quoi lui dire pour briser le silence, et il ne semble guère enclin à parler sans raison. Fermant les yeux, je décide d'adresser mes prières quotidiennes à Zewen, Rana, Moura et Gaïa, sans prononcer une parole. Cette mission me cause du tracas, et solliciter les divinités m'aide à trouver un appui.

(Certes, je dois ramener le rapport... Mais à quoi peut-il bien ressembler ? Parchemin ? Message codé ? Je suis aussi inquiet pour ce milicien. Est-il seulement encore en vie ? Je sais bien que mon devoir prime mais...)

Quand je rouvre les yeux, c'est pour tout d'abord découvrir ce qui ressemble à des bâtiments agricoles. Un moulin sans pales, un grenier sur pilotis pour protéger les denrées des rats, mais à moitié écroulé. Le tout est envahi de mauvaises herbes, comme laissé à l'abandon. Nous ne sommes pourtant pas si loin d'Oranan. Je suis persuadé que l'on pourrait voir ces édifices depuis les remparts.

Bientôt, à l'horizon, j'aperçois de nombreuses formes noirâtres. J'ai du mal à savoir si ce sont des arbres morts ou des rochers. Leur disposition est étrange, et familière. Je n'arrive toutefois pas à mettre le doigt dessus. Je hausse un sourcil sous mon heaume, constatant que même le sol apparait plus sombre dans leur direction. Je ne comprends pas, mais un affreux pressentiment m'envahit. C'est ce moment que choisit mon partenaire dans ce trajet pour parler. Sa voix ressemble à un murmure fataliste et dépité.

"C'était un beau village de près de cent âmes. Victime des raids."

Ma bouche est sèche. Mon regard violacé reste rivé à ces formes floues. Une douloureuse pointe, comme une longue aiguille, vient se ficher à la base de ma gorge. Elle s'enfonce d'un cran quand Kuon poursuit.

"Difficile de dire s'il a été brûlé par les envahisseurs, par les paysans pour les freiner... Ou par les soldats arrivés sur les lieux, et manquant de temps pour procéder à un trop grand nombre de rites funéraires. "

Je souffre. Je me sens frappé par la culpabilité et l'impuissance pendant de longues secondes. Resserrant mon Fang Bian Chan contre moi, je fais de mon mieux pour me concentrer et relativiser. Peut-être que ceci s'est produit avant que je sois milicien. Peut-être que les habitants, en voyant le groupe adverse approcher, ont pris le risque de détruire ce qui aurait pu être utile et se sont sauvés à temps...

Mais je ne suis pas naïf. Plus nous approchons de la frontière marquée par les Bois Sombres, plus ce spectacle devient fréquent. Ruines, restes carbonisés de bâtiments et retour de la végétation sauvage sur des terres autrefois cultivées me font comprendre que bien des êtres ont du souffrir et périr dans les environs. J'inspire longuement.

(Tu ne sais pas si tu aurais pu protéger qui que ce soit, instructeur d'Esh Elvohk... Mais tu sais que ce rapport peut peut-être sauver des vies. Ressaisis-toi.)

J'oriente mon visage vers Kuon, le surprenant à me fixer. Fugacement, j'ai l'impression de lire de la déception sur son visage pourtant neutre. Il braque bientôt son regard devant lui, guidant l'animal de trait au sud de la masse forestière qui se précise. Le sol est chaotique, des pierres affleurant par endroits tandis que la plaine laisse sa place à une légère colline.

Bientôt, la carriole se rapproche de la forêt et est arrêtée par son conducteur. Il descend et me fait signe de faire de même, m'indiquant que nous allons continuer à travers la densité végétale, à pied pour guider le poney à travers les taillis. Je jette un regard par-dessus mon épaule, pour apercevoir une sculpture monolithique martelée et éclaboussée d'un résidu peu identifiable de notre côté. Je ne parviens pas à réprimer totalement un frisson lorsque je laisse derrière moi ce symbole.

Une simple borne d'à peine un mètre de haut, symbolisant la frontière de ma patrie, et marquant nos premiers pas en territoire ennemi.



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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Mer 29 Mai 2013 15:14 
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~5~



Après un long moment à esquiver les ronces et passer prudemment entre de hauts arbres à l'allure fantomatique, nous émergeons enfin du couvert boisé. Une vague route passe à proximité, cabossée, et menant vers un pont surplombant un gros cours d'eau. D'autres carrioles en mauvais état y progressent. Après avoir rapidement pris place dans la charrette, Kuon pousse le poney à accélérer sans attendre. Son idée doit certainement être de nous mêler au petit convoi disparate, histoire de paraitre moins suspects.

D'un geste, je rabats ma capuche sur mon heaume, basculant un peu mon arme pour la faire reposer contre la base de mon cou. Sous le couvert du tissu, je lève le nez en direction d'une forme sombre. J'en reste un court instant pétrifié. De hauts remparts se dessinent, parfois précédés de grandes structures à l'aspect torturé. Un léger frisson dévale mon dos, m'incitant à adresser une prière aux divinités. Je ne peux plus reculer, et je m'y refuse de toutes façons. Peu à peu, j'en viens à admirer le courage des infiltrés.

À mesure que nous progressons sur la voie, je découvre un paysage pauvre, rendu affreux par des passages fréquents. Terre, rocs, poussière, comme si la vie végétale avait finit par abandonner l'espoir de reprendre possession des lieux. Etrangement, ce n'est pas l'angoisse qui prime dans ce que je ressens, mais une certaine forme de peine. Comment un peuple peut-il s'épanouir dans des conditions pareilles ? Est-ce là l'une des raisons derrière leur volonté de conquête ? Plus nous progressons, et plus je me sens chanceux d'avoir vu le jour sur les terres de la République.

Kuon demeure silencieux, mais l'espace d'un instant, je suis persuadé de l'avoir vu esquisser un sourire soulagé. Je ne me l'explique pas vraiment. Peut-être est-ce parce que nous arrivons à destination.

Les portes de cette cité sombre se dessinent de plus en plus nettement. Je suis nerveux, mais je m'efforce de n'en rien laisser paraitre. Mes yeux se plissent tandis que je m'efforce de me mettre dans le crâne que je dois endosser la peau de Taorak. Taorak, un semi-elfe accompagnant simplement Kuon dans son voyage.

( Reste attentif. Pense à l'attitude de Père, et tiens ta langue. Tout va bien se passer Taorak... Courage. )



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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Omyre
MessagePosté: Sam 8 Juin 2013 06:27 
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Les grandes portes noires de la cité d'Omyre se referment lentement derrière moi, alors que je décide de chevaucher ma jument, cet animal à qui j'ai décidé de donner le nom de mon objectif : Revanche. Car oui, pour l'instant voilà ce qui me guide : Prendre ma revanche. Sur l'étrange organisation qui a détruit ma vie et qui me poursuit depuis des années, sur le destin qui a mis toutes ces épreuves en travers de ma route, sur tous ces abrutis qui me croient probablement mort et qui s'en réjouissent. Rien ne pourra plus m'arrêter maintenant. J'ai acquis une force supplémentaire en acceptant de rejoindre les rangs de l'armée d'Oaxaca, et désormais, j'écraserai quiconque se mettra en travers de mon chemin. J'accomplirai tous mes objectifs à partir de maintenant. Sans fuir, sans faillir. Je retrouverai ma sœur et mon père, j'accomplirai ma vengeance quitte à brûler la moitié du monde connu...Ou le faire passer sous le contrôle d'Oaxaca.

Tout en continuant à imaginer de quoi sera fait mon avenir proche, je lance Revanche au galop. Le paysage défile mais reste sensiblement le même au fur et à mesure que les minutes et les heures s'écoulent. Je ne vois rien d'autres que de tristes plaines désolées parsemées de rochers et recouvertes de poussières. Pour ce qui est des signes de vie c'est plus ou moins la même chose. Mis à part quelques patrouilles orques qui s'écartent en me voyant débouler à toute vitesse, je n'ai rien vue de bien intéressant. Toujours est-il qu'au bout d'un moment, je peux voir les fameux bois sombres qui servent de frontière entre le pays d'Omyre et la République d'Ynorie apparaitre, et à une distance moindre, un torrent. Je décide alors d'accorder quelques minutes de repos à mon canasson. Je mets le pieds à terre et je laisse Revanche étancher sa soif pendant que je me nettoie rapidement le visage. Malgré le bruit assourdissant du torrent, je peux entendre un groupe de garzoks s'approcher. Il y a pas à dire, en plus de ne ressembler à rien et de sentir mauvais, c'est bestioles sont bruyantes. Je décide de les ignorer mais ils n'ont pas l'air de vouloir en faire de même avec moi. C'est alors que l'un d'entre eux décide de prendre la parole pour m'invectiver de sa voix rocailleuse.

"Hey l'humain! Tu dois être courageux ou complètement suicidaire pour te balader tout seul par ici. Tu viens d'Oranan ? Si c'est le cas, tant mieux pour nous, on aura pas eu à aller bien loin pour ramener une tête d'ynorien."

Ces abrutis ne savent pas à qui ils s'adressent visiblement et c'est sans attendre que je me retourne pour leur faire comprendre. Je peux ainsi voir qu'ils sont cinq, probablement un groupe d'éclaireurs vu leur équipement léger. Tous aussi moches les uns que les autres comme je pouvais m'y attendre, ils ont maintenant tous un point commun: Ils ont le regard de ceux qui viennent de commettre une grosse erreur et qui attendent de voir ce qui va leur arriver. Car oui, c'est seulement quand je me suis retourné qu'ils ont pu voir le symbole qui orne ma nouvelle armure de cuir. C'est seulement à ce moment qu'ils se sont rendu compte qu'ils venaient de menacer de mort l'un de leurs supérieurs hiérarchiques. Décidément, les orques n'ont strictement rien dans le crâne et je m'en vais leur faire comprendre.

"Pardon ? Vous pouvez répéter ? Je crois que je n'ai pas bien compris ce que vous venez de dire."

Sur ces mots, je décide de leur montrer un autre cadeau que m'a fait Cwedim, un objet qui montre bien que je suis lié à ce dernier et que je ne suis pas n'importe qui. En effet, mon arc-scolopendre rampe le long de mon bras jusque dans ma main avant de se raidir, à l'instar des cinq troufions en face de moi. Je pose mon regard sur eux, tentant de leur faire comprendre qui est le patron ici, parce que oui, c'est comme ça que ça fonctionne avec ces stupides créatures verdâtres. Et pour bien leur faire comprendre je sors une flèche de mon carquois et je bande mon arc. Sans attendre je décoche un trait meurtrier qui va se ficher dans la crâne vide du garzok le plus proche. Ce dernier s’effondre, mort avant même d'avoir pu comprendre comment.

" Je suis de très mauvaise humeur vous voyez et ce n'est pas parce que je suis nouvellement gradé que je vais laisser la piétaille me manquer de respect, c'est bien compris ? "

Je n'attends pas vraiment de réponse de la part des quatre créatures restantes qui de toute façon, n'ont plus vraiment l'air de pouvoir prononcer le moindre mot. Je lâche alors mon arme et laisse l'insecte géant s'enrouler autour de moi avant de m'adresser une dernière fois au groupe d'éclaireurs.

" Maintenant, si vous n'avez pas envie de voir votre groupe se réduire encore un peu plus, je vous conseille de retourner faire votre boulot. Et correctement si possible."

Je leur tourne finalement le dos, remonte sur Revanche et me dirige vers les Bois Sombres sans même accorder une seconde d'attention supplémentaire à ce quatuor d'incapables.

_________________

Car celui qui aujourd'hui répand son sang avec le mien,sera mon frère. - William Shakespeare


Dernière édition par Karz le Mer 19 Juin 2013 02:52, édité 1 fois.

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