Forêt de Jollarsyth – Orée Ouest.

Une lumière étrange vint perturber la scène, laissant apparaître une créature… impromptue et étrange. Sans visage.





La présence était bienveillante, quoique particulière dans son apparence. Une voix, douce mais ferme, omniprésente et évanescente en même temps, résonna dans l’esprit…

« Par la grâce qui est mienne, Je vOus offre, moYEnnant votre accord, Un précieuX préseNt aux pOuvoirs éminEmment utiLes. »

Et dans la même lueur de son apparition, il disparut, laissant entre vos doigts un curieux objet, prenant la forme d’un petit sifflet d’argent. Celui-là, vous en comprenez, curieusement, directement les pouvoirs. L’utiliser vous permettra d’invoquer, par le biais de la condensation de la magie puissante présente dans l’air, un étalon ailé qui vous portera le temps d’un voyage (deux personnes max par étalon, prévoyez de la place pour les PNJ qui n’ont pas reçu ce cadeau) vers la destination de votre choix, à la vitesse de l’éclair. Ce pouvoir ne sera octroyé que dix fois… Et uniquement sur Aliaénon. N’hésitez pas à vous en servir. Attention toutefois, son utilisation peut engendrer des… curieux et imprévisibles bugs temporels.

Alors que le navire repart, je fais face à la forêt, que je peux presque toucher de mon bras. En fait non, je me retrouve à regarder... un être, une créature flottant devant moi, elle ne ressemble à rien que je connaisse de près ou de loin, et explique sans doute pourquoi les marins n'étaient pas aussi rassurés. Ce machin sans visage me demande mon accord pour me filer un objet, je n'ai pas le temps de réaliser, qu'Astinor lui répond, simplement à son habitude :
"Ouais, d'accord. Tu m'files ton truc ?"

Et nous nous retrouvons avec un sifflet d'argent, permettant de voyager à travers tout Aliaénon, rapidement, et plus d'une fois.

(Je me demandais justement comment tu comptais rentrer, maintenant que le navire est parti.)

Je remercie l'apparition et continue mon chemin. Ne comprenant malgré tout pas d'où vient ce cadeau inattendu mais l'appréciant malgré tout à sa juste valeur. Nous pénétrons, Astinor, Anouar et moi, dans la forêt dense où le corbeau nous incite à entrer.
Il s'agit d'une forêt d'un type assez proche de celle de Sor-Tini, des forêts naturelles et anciennes, atteintes d'un gigantisme assez effrayant pour l'humain traditionnel. Pour la grande majorité des personnes, ces lieux représentent une réelle menace inquiétante, oppressante où le bipède n'a pas sa place. Mais je suis la gardienne de Yuimen et ma vision en est très certainement totalement déformée. Ce lieu est emprunt d'une majesté et d'un pouvoir nettement plus omniprésent que toutes les forêts de Yuimen. Je respire une grande bouffée, me gorgeant de cette végétation vivante qui me vivifie la moindre de mes lianes et qui fait danses mes fluides sous la peau. J'ai l'impression d'être chez moi ici, et si d'autres y vivent, on devrait pouvoir s'entendre sans trop de difficulté.

(Je dois te rappeler ce qu'il t'est arrivé sur Sor-Tini ?)
(Et moi qui m'a forcé à passer cette épreuve ?)
(S'est passé quoi ?)
(Je suis morte, j'ai perdu une bataille critique, j'ai découvert ce collier, pas dans cet ordre et au service de Yuimen. C'est là que j'ai gagné cette coiffure d'ailleurs.)
(Ce collier sur Sor-Tini ? Qui l'y a emmené ?)
(Je l'ignore, il était dans un temple abandonné.)
(Tu connais quoi de cet objet ?)
(Rien, à part qu'il est puissant.)
(Il appartenait à mon compagnon. C'est Irzut qui l'a fait pour lui.)
(Ton compagnon ?)
(Grunfit, le guerrier. Mon frère d'arme, mon compagnon de lit, mon époux qu'vous dites.)
(Taisez-vous, faut rester concentrer.)

J'avance lentement à travers la brume, regrettant un peu de ne pas pouvoir voir plus en avant, malgré cette végétation pour le moins intéressante. Chaque arbre, arbuste, liane ou buisson épineux est d'une espèce dont j'ignore tout, j'aime les mondes étrangers ne serait-ce que pour ça. Je prends le temps, autant que possible, d'observer la moindre plante, son type de tige, de fruits, de fleurs, de graines, de feuilles, dans l'espoir de pouvoir la reproduire plus tard. On ne sait jamais, que, si Oaxaca vienne à détruire cette merveille de biologie, je puisse la faire repousser au plus proche possible. Je souris d'ailleurs en imaginant les merveilles que mon sort ultime pourrait produire ici, vu ce que ma simple transformation a été capable de faire.

Doucement, je prélève, à même le sol, les graines et feuilles mortes que je trouve, de différentes espèces, toujours dans l'objectif de pouvoir étudier cette végétation et pouvoir, au besoin la reproduire. J'en viens à me demander s'il existe, sur ce monde où à Oranan une bibliothèque avec des livres d'herbier, comme dans celle de Cyniar. En fait, j'ignore même si les humains font ce genre de travaux de recherche ou si c'est juste une considération elfique. A ma connaissance, il y a à Cuilnen une mine de connaissance similaire pour la forêt de l'Anorfain, mais cela existe-t-il sur Aliaénon, et à Oranan ou à Kendra Kâr ?

Cette forêt s'organise sur trois étages majeurs : En haut, les oiseaux, particulièrement bavards, les hauts arbres à lianes qui pompent la majorité de la lumière. Plus bas, il y a la forêt moyenne, celle à hauteur d'elfidé, où on entend des craquements, des petits animaux sans doute proches des écureuils, possiblement des prédateurs tels des panthères ou des margays. La végétation à ce niveau est composée de petits arbres, se nourrissant de l'eau qui coulent de la canopée, et de la brume qui semble omniprésente. Enfin, la jungle basse, à ras de terre, est le domaine des insectes, des invertébrés et des serpents, sans le moindre doute. Ici, on voit fleurir des plantes basses tels des fougères, des champignons ou des véritables fleurs. Je ne serais pas surprises d'y croiser l'un ou l'autre piège à mouches ou à moustique.

Parmi toute cette merveille, il manque un bruit. C'est le seul point qui entâche mon enthousiasme sans borne, c'est qu'il manque quelque chose. Pour être précis, il me manque quelque chose pour que mes trois voix intérieurs parviennent à se sentir parfaitement calme. Même si Anouar se promène en sautillant sous sa forme de chat multicolore, et que je me faufile entre les lianes et les racines, en suivant le corbeau, mon coeur ressent une pression qui me force à rester sur mes gardes malgré tout.

(Il l'a fermé.)
(Hein, quoi ?)
(Le corbeau, il ne croasse plus.)

En plus de l'absence de bruits clairs de prédateurs, il y manque en effet le cri du volatile noir, ayant pourtant généralement une langue bien pendue. En même temps, le silence reste d'expérience la meilleure protection dans un environnement végétal, avec la magie druidique bien sûr. Je décide de continuer d'avancer, suivant l'oiseau tâchant de faire aussi peu de bruit que lui.

J'exerce d'ailleurs mes talents, me déplaçant avec le plus de souplesse, de silence et de discrétion possible, laissant derrière moi le moins de traces possibles malgré la densité végétale. Ainsi, j'espère pouvoir semer d'éventuels adversaires qui viendraient à vouloir me traquer comme on le fait d'un simple mangeur d'herbes.

(((J'avance en utilisant mon aptitude rp de masquage de trace)))

La progression se fait lentement mais sûrement dans ces bois dangereux. Doucement, nous avançons, le corbeau m'attendant à vue. Avec mon sens de l'orientation déjà largement imparfait, il ne me faut guère de temps pour me perdre, je ne sais vers où je vais que grâce au piaf. Je passe mon temps à agripper ma crinière végétale dans les branches basses voire les ronces hautes. Finalement, je me lasse et laisse Astinor reprendre notre corps, j'ai beau aimé les bois, sa taille plus petite et son agilité sont des avantages non-négligeables dans ce fatras sylvestre.

Cela ne doit faire que trois ou quatre détours à peine qu'elle a pris le contrôle quand nous arrivons à un passage un peu plus large. Le corbeau se pose sur une pierre moussue en plein milieu du chemin. Je suis fortement occupée à réfléchir sur les traces de griffes qu'Anouar vient de me signaler, celles d'un prédateur manifestement et de grande taille. C'est sans doute la raison pour laquelle je sursaute lorsqu'un craquement trop puissant pour être l'envol d'un oiseau résonne au-dessus de notre tête. Notre guide se retrouve en instant transformé en charpie sanguinolente sur la patte d'un...

(C'est quoi c'truc ?)
(Aucune idée. Jamais vu un truc comme ça !)
(Pour la première fois, je sèche. Mais manifestement c'est un prédateur.)
(Et j'doute qu'il bouffe juste le corbac !)

En effet, vu sa taille, l'oiseau ne doit même pas pouvoir combler l'estomac d'un de ses petits. Au niveau de sa race, je crois que ce monstre est à l'ours ce que l'oudio est à l'elfe. Gros comme un gros ours, à poils longs, avec une agilité de félins... et des branches... plein de branches... Sur la tête, la colonne vertébrale ou les coudes...

(Il te ressemble !)
(La gueule c'est plutôt toi !)
(Et vous faites quoi ?)
(Je l'découpe !)
(Attends, j'ai une idée !)
(Hum ?)
(On va lui faire peur. Anouar, tu m'aides ?)
(C'est quoi l'idée ?)
(Lui faire croire que je suis un chien de feu, le genre de truc immangeable et dangereux à la fois.)
(Astinor, on va avoir besoin du corps !)

Avec un petit grognement très sceptique, Astinor me laisse la direction du corps. Je respire et concentre ma magie directement sur l'esprit du monstre. Je stresse un peu n'ayant jamais expérimenté ce pouvoir sur un être pensant, mais après tout, il y a une première à toute chose, et il vaut mieux travailler sur un animal que sur un humain pour la première fois. Je matérialise dans ma tête la forme pour laquelle je veux me faire passer, il s'agit d'une sorte de chien avec la tête et les griffes en os et le reste du corps entièrement de feu, qu'on retrouve dans les légendes Sindels sous le nom de Sunäky. Créature légendaire, elle fait la taille au garrot d'un elfe adolescent et naîtrait au sein des feux de forêts pour dévorer les criminels qui chercheraient à tuer la famille royale.
Il s'agit maintenant de projeter dans l'esprit du monstre sylvestre que ce n'est pas une elfe qu'il a en face de lui, mais bien un Sunäky flamboyant, ce qui implique qu'il sente la chaleur et que je déforme un peu la réalité autour de moi, mais cela devrait être encore gérable.

(Et si tu fais apparaître ce truc, on fait quoi ?)
(Une chose à la fois...)

Aucune envie de réfléchir à ce genre de conséquences pour l'instant, je ne parle que d'illusion, pas de transformation de la terre ou autre. Avec un peu de chance, la magie ici va se contenter de rendre mon illusion encore plus réelle pour le pauvre chien sylvestre en face de moi. Je relâche brutalement mes fluides, avec l'illusion que j'ai construite directement dans mon adversaire, priant Yuimen que ça marche, n'ayant pas vraiment envie d'en venir au combat, contrairement à Astinor qui en ferait volontier du petits bois.

(((Utilisation du sort d'hallucination collective sur le monstre qui a sprotché mon corbac. Le sunäky, ça ressemble à ça.
Modifie la perception de [lvl/4] cibles, arrondis à l'inférieur, minimum 2, leur faisant percevoir une réalité alternative de celle existante. La réalité perçue est entièrement maîtrisée par le lanceur de sort. Avec l'expérience du lanceur, elle concernera un morceau de réalité plus étendue. (Maîtrises-0,5/lvl pour l'attaque suivante, pendant lvl/4 tours, maximum 5 tours). L'effet peut être annulé par l'utilisation de certaines CC ou sorts.)))

Le monstre continue à me regarder en grognant, manifestement pas incommodée par mon pouvoir, pour mon grand malheur. Ca aurait été tellement simple pour éviter le combat, parce qu'il n'y a rien à faire, je ne le sens pas de lutter contre lui, mais vraiment pas.

(Moi, j'veux bien.)
(Je nous protège d'abord !)

J'ai un petit sort de bouclier qui pourrait être bien utile dans cette situation, mais je n'ai pas le temps de le lancer que le monstre entre à son tour dans la danse de combat, en se ruant les griffes les premières sur un arbre où il disparaît. J'ai à peine le temps de songer au pouvoir de mon diadème, qui me semble très similaire, qu'il réapparaît, juste à coté de moi.

(Pouah. D'la magie !)

Le monstre se rue sur moi alors que j'en suis encore à réaliser ce qu'il vient de faire. Il m'envoie balader à quelques mètres, et je ne dois qu'à mes réflexes de ne pas me prendre un arbre dans la tronche ou n'importe quoi de peu agréable. Non seulement, il réagit pas à mes sorts, il peut se téléporter via les arbres, mais en plus il a de la force dans les pattes, voilà qui en fait un adversaire fort intéressant au final.

(Laisse-moi le corps, j'le découpe vite fait !)

J'avoue que la perspective est intéressante, ça serait une bonne occasion pour Astinor de me démontrer sa puissance et de justifier pourquoi Yuimen a décidé de me lier avec cette âme-là; mais une chose m'intrigue avec cette créature, un sentiment diffus, l'impression qu'il n'est pas juste un prédateur comme les autres.

(Son regard peut-être...)

Il me fixe en effet avec des yeux vert anis trop... humain, pas assez animal. J'ai pas l'impression que c'est le regard d'un chat ou d'un chien face à une souris qu'il va dévorer.

(Ou alors le fait qu'il y ait pas eu de griffes dans son attaque !)

Il aurait pu en effet me découper sans la moindre difficulté, j'en suis certaine; pourquoi s'est-il contenté de me heurter ? Et s'il n'était pas juste un monstre, mais qu'il était un gardien ?

(Et si c'est un monstre, il va nous bouffer !)

"Tu veux me dévorer ? Tu crois que je suis comestible ?"

Aucun doute dans ma voix, pas de peur non plus, juste une véritable question, à la limite, on doit pouvoir entendre à quel point la simple supposition qu'il puisse comprendre ou répondre me paraît stupide, même à moi. Cette tentative ridicule de parlementer ne m'empêche pas d'avoir ma main sur mon arcane d'orme chétive à la ceinture et de m'apprêter à lui bloquer au maximum la route jusqu'à moi en ordonnant aux plantes de le freiner, de lui attraper pattes ou les bois; espérant qu'il ne contre pas cette technique là aussi, comme était capable de le faire Siril en détournant ma magie druidique grâce à la sienne.


(((Tentative de causer à la bestiole.
Et utilisation de ma capacité de combat druide : Lierre, sarments et racines : 1/combat, en se concentrant un tour, le Druide peut déclencher une capacité qui lui prend un tour complet, visant à encombrer ses adversaires dans une multitudes d'obstacles naturels. (Peut cibler [Niv]/5 adversaires, leur infligeant un malus de [Niv]/10 en Initiative pour [Niv]/6 tours.). Pour que ça marche, il faut avoir un minimum de 1PM de terre. La capacité ne consomme pas de PM par ailleurs.
Avec l'utilisation de l'arcane d'orme chétive : Quand son possesseur le brandit il peut contrôler les racines et les branches dans un rayon d’un à trois mètres.)))

Non seulement elle m'a laissé lui parler, mais de surcroît, elle me répond. Certes, la réponse est un grognement sinistre à faire trembler, littéralement d'ailleurs, la terre, mais ça reste une réponse. Si elle me convient ? Loin s'en faut, j'aurais préféré... quoi en fait ? M'attendais-je vraiment à ce qu'elle capte quoique ce soit à mes paroles ? Non, en fait, mais je préférais m'en assurer.

Mon geste de défense est pour le moins efficace, les plantes réagissent rapidement, agrippent la bestiole qui... choisit de rentrer dans MES végétaux ! Le choc est terrible, je me retrouve littéralement éjecter de ma propre magie, c'est juste stupéfiant, déstabilisant. C'est quoi ce monstre et ce pouvoir de malade ? J'ai déjà entendu des histoires de mages se faisant chasser de leurs propres sorts, mais c'était des contes entendus au coin du feu et les seuls capables de faire ça... étaient des Dieux.

Avant d'avoir compris, je me retrouve au sol, mon arcane heureusement fixée à ma ceinture. Je vais pour me redresser, et pour une fois, j'ai peur, mais vraiment. J'ai pris ce combat à la légère, me croyant invincible et là, me prenant le grognement baveux de cette créature en pleine face, je réalise brutalement que je suis mortelle et qu'il suffirait qu'elle déchaîne sa puissance pour que je rejoigne Yuimen en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Astinor prend le pas sur ma conscience qui s'ébranle brutalement et vient récupérer notre corps en plus de l'initiative. Pour ma part, je file me réfugier en tremblant de toute mon âme dans un recoin du cerveau de la panthère le plus loin possible de ce monstre. J'ai pris un coup, et pas physique, de loin le plus gros depuis que la sanction de Yuimen dans le désert. Les blessures c'est rien, ça se soigne, mais quand c'est l'esprit qui est directement attaqué, comme dans une lutte magique comme celle-ci, c'est autrement plus dur à guérir. Pour la première fois, je suis contente d'avoir possibilité de me cacher pour lécher mes blessures psychologiques, tout en ayant quelqu'un sur qui m'appuyer pour sauver notre corps.

(Magie dangereuse ici, trop.)

Je ne peux qu'approuver cette brève pensée d'Astinor tandis qu'elle tente de se relever. Elle encaisse le coup de patte sur le plastron de cuir, assez fort pour nous recoller au sol et couper le souffle à la panthère-humaine. Celle-ci allait répliquer verbalement au moins, mais le ciel vient de changer : nuit puis jour, en quelques secondes. Astinor émit un grognement, pour une fois à l'unisson de l'animal semi-végétal, tandis que je tente de sortir de mon coin de cerveau. Quelque chose d'étrange vient de se produire et manifestement la créature n'y est pour rien.

(Mauvaise magie ici.)

Astinor toujours au sol s'appuie simplement sur les bras, cherche-t-elle à atteindre la dague qui me martyrise les reins, cachée sous ma cape ? J'en doute, elle détend au contraire ses muscles.

"Tout doux. Toi t'es puissant, moi suis pas tarée. Les elfes doivent te considérer comme un Dieu. Si je te blesse, eux me tueront, ou toi. J'veux pas crever. J'veux juste partir. Toi tu veux pas m'crever, t'aurais déjà pu, si tu l'voulais ! Reste là, oui, sagement, laisse-moi partir. J'te f'rais pas d'mal, j'veux juste partir, promis. C'est pas un tournoi, t'es pas forcé de me mettre à mort. C'est juste un p'tit conflit. Promis, j'te laisse, t'as gagné, t'es l'plus fort... Me bouffe pas, hein... "

Astinor rampe au sol, lentement, vers l'arrière sans cesser de parler à voix douce, de manière à se dégager assez d'espace pour se relever, se relever et fuir, d'un bond vers l'une des branches en hauteur, ou vers un tronc creux trop petit pour le monstre, même vers des fourrés plein d'épines. Elle veut juste fuir et partir, n'importe où, sans prendre le risque de mêler une nouvelle fois la magie à tout ça, même celle du diadème.

Mais elle n'a pas peur, contrairement à moi d'ailleurs, elle est calme et réfléchie. Détendue, serait le terme exact, comme si cette technique elle l'avait déjà effectuée une autre fois, dans un autre temps.

(((Transformation en Astinor et tentative de fuite en douce; possiblement en utilisant la capacité super-saut pour rejoindre une branche si y a moyen de me relever.)))

La forêt dans laquelle Therion a été débarqué lui plaisait bien. Le cheval avait disparu aussitôt qu’il avait achevé son transport, sa forme et son élégance ne subsistant plus que dans la mémoire du chasseur. En même temps se produisit un curieux phénomène : le jour passa en un clignement de paupière, et la nuit couvrit le paysage de ses ténèbres. N’aimant guère la magie, le lupin poussa tout de même un grognement d’assentiment face à cette manifestation de pouvoirs qui le dépassaient : la nuit et la forêt, voilà tout ce qu’il lui fallait. D’autant plus que sous les frondaisons, le lieu donnait une impression de nature sauvage et redoutable, mais aussi d’une vie irrépressible qui se manifestait dans chacune des concrétions végétales. Pour s’adapter à l’air lourd, le liykor ralentit sa respiration, prenait de longues inspirations, goûtant les odeurs qui planaient à la recherche d’une quelconque menace, et dans le même temps ses oreilles dressées fouillaient la brume qui serpentait entre les troncs.

Le son ne tarda pas à se faire entendre. Terriblement menaçant, celui d’une bête probablement immense, plus prédateur que proie, il déclencha chez Therion un long frisson qui remonta le long de son échine pour s’éteindre dans ses bras. Sa fourrure se hérissa, instinctivement il tira les armes. S’il avait perçu la menace, sans doute l’avait-elle également découvert, ou bien cela ne tarderait pas. Sur les territoires de chasse, les proies ne sont pas longues à être débusquées, il en savait quelque chose. Mais les enfants du Père ne sont pas des proies, aussi s’avança-t-il vers l’origine supposée de la source sonore, pour voir ce à quoi il allait avoir affaire. Si la mort devait advenir, selon la volonté du Père et de la Mère, il préférait la voir en face, et défendre chèrement sa vie, plutôt que de détaler comme un lapin, et sentir une haleine chaude sur sa nuque au dernier moment.

La technique adoptée par Astinor avait fonctionné parfaitement, et nous nous retrouvions à l'abri sur une branche à une hauteur tout à fait convenable. D'ici la situation était nettement plus appréciable que vu d'en-bas.

(Comment tu as su comment partir ?)
(Dans la nature, soit tu bouffes, soit tu es bouffé. Si t'es un mangeur d'herbes, tu cours. Un combat, tu t'fais crever. Entre mangeurs de viande, y a des lois. A toi de défendre ton territoire. T'es inconnu et t'attaques, c'est que tu veux le terrain. Tu gagnes, c'est tes lois; tu perds, tu t'écrases et tu pries. T'as perdu. Lui est gentil, d'autres te boufferais pour ça, et t'aurais qu'à la fermer.)

Tout en m'expliquant calmement cela, Astinor s'installe le dos au tronc d'arbre, les pattes arrière balançant dans le vide. Sortant mon petit couteau de table, elle se découpe un morceau de poisson et l'engloutit avec un net plaisir manifestement. Un grognement en bas lui fait détourner la tête, le monstre avait vu un nouvel intrus qui fonçait sur lui avec une hache et une épée. Nul doute possible, c'était le lupin parlant ramenée à Oranan.

"Tiens, v'là le geignard."

Astinor n'a définitivement pas une bonne opinion de Therion; depuis notre séparation à Fan-Ming elle le considère comme étant un petit chiot à sa maman juste bon à dormir le jour et à suivre sa chef de meute. Pour quelqu'un d'aussi individualiste que la panthère, Therion était son dernier soucis.

(T'attends quoi pour attaquer ! A deux vous pouvez le vaincre !)
(T'y connais rien, Lothi.)
(De quoi tu parles ?)
(Un peuple sauvage soit vénère, soit craint le monstre. S'il le vénère, le tuer c'est comme tuer Yuimen. S'il le craint, il te demandera de le tuer en temps et en heure.)
(Ouais, aussi. Pis t'es pas là pour ça.)

Mentalement, Astinor détourne mon attention vers deux formes un peu plus loin dans les arbres : un félin et une créature humanoïde armée. C'est la créature qui fixe d'un coup tout mon intérêt : cheveux mauves, crête, bois dans les cheveux, tatouages primitifs. Mon espoir renaît et s'enflamme d'un seul coup, il s'agit du portrait craché de la vision que m'avait envoyé le shaman quand j'ai demandé s'il pouvait me conduire chez les elfes. Voilà donc la personne que je cherche et chez qui le corbeau devait me mener avant de se faire écraser.

Astinor prend une seconde portion de poisson frais cru tout en observant, elle aussi le duel en bas. Elle ne doutait pas une seule seconde que Therion connaisse un minimum les lois naturelles, après tout il était un Liykor; et à moins que l'esclavage dont il avait été victime l'avait transformé, il s'en sortirait très bien avec les manières de la forêt. Pour l'instant, c'était l'humain qui intéressait la femme panthère, elle était impassible et détendue en apparence, le minimum était de lui rendre la politesse et d'attendre la fin du spectacle.

(Père, Mère, si c’est là la dernière épreuve pour votre fils… vous avez bien choisi.)

Une créature énorme se dressait devant Therion, qui reconnut immédiatement la nature du frisson ayant hérissé sa fourrure. L’excitation du danger. Avec un peu de chance, il pourrait foncer dans les buissons, tourner les talons, voire grimper dans un arbre comme venait de le faire la femme bête alors qu’il arrivait sur les lieux. Mais à quoi bon ? Si la bête devait le traquer et le tuer, elle le ferait.

Il se souvenait des combats avec les mâles liykors, lorsqu’il était plus petit, plus faible. Mieux valait ne pas montrer sa peur, ne pas se soumettre, ne rien laisser passer. Certains filaient, le regard bas, et un pieux se plantait dans leur dos offert, puis des crocs. Mais Therion devait admettre que jamais il ne s’était battu contre quelque chose d’aussi imposant : rien de plus gros dans les marécages que les mâles liykors noirs les plus imposants, et son territoire de chasse n’allait pas jusqu’aux montagnes où vivaient les grands ours.

Pouvaient-ils partager ce territoire de chasse ? Therion n’avait aucune envie de s’installer sur ce monde, au mieux prélèverait-il une proie ou deux, puis il repartirait. Défier la bête ne servirait donc à rien, sinon à prouver sa force. Cet amas de chair et de végétal, ne ressemblant à rien de vraiment connu du lupin sinon à un assemblage d’éléments qui lui donnaient une impression de puissance considérable, s’était placé sur sa route. Comme la femme-bête avant lui, et la femme-volante par la suite, et bien d’autres épreuves : toutes il les avait surmontées. Ployant le cou durant son esclavage à Omyre, il avait attendu l’heure, et l’heure était venue. Et comme ces éléments venaient rapidement à son esprit, propulsés par la nécessité d’agir vite, une conduite à tenir apparut comme la meilleure.

Baissant légèrement ses armes, il abandonna ce qui pouvait être considéré comme une posture de défi ; sans repasser les armes au fourreau cependant, il prit le parti de se diriger vers l’arbre où la femme-bête avait grimpé, en formant un arc de cercle dont le centre n’était autre que la bête. Se concentrant sur sa respiration, il ralentit les battements de son cœur, et ne fixa pas la chose mi animale mi végétale, mais la conservait dans son champ de vision périphérique. Si cette créature devait le chasser, elle le ferait, et alors il l’affronterait, selon la volonté du Père et de la Mère et il mettrait sa force à l’épreuve. Mais l’heure ne lui semblait pas venue de foncer tête baissée. Ni de reculer. Une fois les garzoks chassés, peut-être pourrait-il songer à d’autres chasses.

Therion compta avec délectation les secondes qui venaient de s’ajouter au compteur de son existence. Ce court répit était déjà bien plus qu’il ne l’espérait au départ, et une fois arrivé auprès de l’arbre où s’était perchée l’elfe, il s’adossa avec autant d’assurance qu’il le pouvait. Il ne baissa pas sa garde, ni ne quitta le monstre du regard – sans toutefois le fixer dans les yeux, ce qui aurait pu passer pour un défi – et grogna, d’une voix qu’il voulait tranquille à l’attention de la forme féline sur sa branche.

« Il y a quelque chose à craindre de cette bête ? Il faut que je joue les libellules pour venir là haut ? Ou on peut envisager de s’en tirer sans trop de mal, et sans se comporter en écureuil ? »