Son arrivée dans les monts de Sansarth déclencha un déluge d’amabilité et de liesse au village des géants de glace. Ther’Ruk, comme à son habitude, manqua de lui fêler les côtes lorsqu’il le souleva d’une main, du sol couvert de permagel. Sa joie fit chaud au cœur du shaakt qui n’avait plus connu l’ivresse d’un tel accueil depuis leur dernière rencontre. Des couvertures chaudes lui furent données sans concession, un buffet digne d’un roi lui fut servi et la bière coula à flot des jours et des jours durant. Une joie simple, loin des déplaisirs de servir le Conseil d’Or ou Naral Shaam. Une joie sans fin, loin des désordres d’Aliaénon causés tant par les habitants de ce monde autrefois en sursis que par les nobles aventuriers venant de Yuimen. Endar avait fini par oublier la guerre qui couvait au cœur même du royaume Pâle, son fardeau s’était au fur et à mesure allégé alors qu’il dînait en compagnie du chef du village, ledit hameau s’étant largement étendu depuis sa dernière visite, de son ami, le courageux guerrier musculeux, Phroan, et Mielon, la fille du chef, aussi timide que joyeuse de le retrouver à nouveau. L’archer-mage ne s’était guère décidé à les quitter, les jours défilant, se ressemblant mais portant toutefois des joies nouvelles. Des mois défilèrent ensuite sans que personne ne trouble leur retrouvaille chaleureuse. Le shaakt en avait même fini par oublier son devoir envers la reine de Khonfas, la redoutable matriarche Dalnorea Naros. En cet instant, Endar, le sauveur d’Aliaénon, l’agent de la matriarchie et le serviteur du Conseil d’Or avait disparu pour ne laisser placer qu’à Endar, simple drow chassant à l’aube, à l’heure où blanchit la montagne, en compagnie de Phroan, de Garra, la géante rousse et de son compagnon, Rolan qui était toujours à l’aise avec son énorme hache. L’elfe noir passait ses journées en compagnie des géants, s’occupant tant des tâches essentielles à la communauté que devisant sous les étoiles avec la belle Mielon. Si le premier mois, il continuait à revêtir tout son attirail militaire, il avait fini par le ranger au placard, et ce n’était pas qu’une métaphore. Parfois, il longeait les cols appréciant la vue éblouissante des monts de Sansarth et le monde qui s’étendait devant lui à perte de vue. Cela devait être difficile d’imaginer le terrible et fourbe shaakt devenu désormais simple chasseur sans prétention.
Pourtant le Conseil d’Or se rappela à lui au bout de plusieurs mois. Dame Faseilh qui était, il y a cinq ans, protégée par les géants des glaces et qui devait s’assurer du sommeil d’un des plus puissants titans endormis sous la glace depuis des siècles voire des millénaires peut-être, le contacta pour lui proposer une mission des plus risquées. La situation au cœur du royaume du peuple Pâle avait finalement trouvé une issue, bien qu’assez défavorable aux yeux de certains aventuriers s’il avait bien compris. Il n’en connaissait pas les détails et ne désirait nullement assaillir la conseillère de questions superflues et surtout nombreuses. La mission qu’elle lui proposait était d’autant plus intéressante puisqu’elle concernait les Landes Noires, paysage infécond et dangereux pour ceux ne s’y étant jamais aventurés. Elle lui expliqua brièvement que Naral Shaam s’était rendu là-bas sans donner de nouvelles depuis des mois. Endar doutait fortement que le Dragon Mauve prenait un congé sabbatique et se coulait un bain tranquillement dans la lave de la Lande. Il s’agit vraisemblablement d’une mission de sauvetage, une occasion en or pour humilier le Dragon se prétendant si invincible jusque là. L’annonce doucha la bonne humeur du village, la tristesse se lisait sur leur visage, même s’ils ne l’obligeaient en rien à rester ici toute sa vie. Endar aurait pu refuser la demande de la conseillère, mais au fond il savait que s’il n’intervenait pas sur Aliaénon, une guerre entre les Titans et l’Unique était alors à prévoir et il devait l’empêcher s’ils voulaient revoir ses amis les géants des monts de Sansarth. Rassemblant son équipement, il s’en alla, le cœur un peu lourd mais ne doutant pas une seule seconde du bienfondé de sa décision. Il les salua une dernière fois avant de redescendre la montagne d’un pied alerte, connaissant à présent les crevasses et autres pièges naturels de la montagne. La descente facilitée par l’endurance gagnée au fil des mois, il parvint deux jours plus tard au bas du mont enneigé, sentant sous ses bottes d’acier glacé le sol dur et rocheux.
Le voyage put enfin commencer à travers l’Aliaénon en direction de la Lande Noire. Il ne rencontra guère d’obstacle durant la longue traversée de ce monde qui était devenu si vaste depuis le Réveil des Titans. En chasseur plus ou moins aguerri, il trouva à foison de la nourriture sur le chemin, se contentant du gibier local et évitant de se nourrir des pousses et racines que tout un chacun apercevait au bord de la route. Rares étaient également les rencontres, il croisa quelques individus armés, sans doute des chevaliers errants, mais préféra ne pas s’en approcher et se faire discret en raison de son expérience malheureuse avec l’un d’entre eux. Il valait mieux ne pas les chercher ni se montrer en plein jour pour éviter de devoir répondre à leurs interrogatoires plus ou moins musclées. La traversée de la plaine se déroulait dans des conditions optimales, hormis le temps qui n’en faisait parfois qu’à sa tête. L’archer-mage décida d’enlever sa cape et de la ranger dans son sac lorsqu’il sentit la température qui augmentait de plus en plus alors qu’il se dirigeait vers cette terre aride et noircie. Les derniers jours avant son arrivée dans cet endroit maléfique, il put bénéficier d’une prise exceptionnelle de lapins qu’il s’empressa d’évider et de faire sécher. Il avait également fait le plein d’eau près de la source où s’abreuvaient ses proies. Le lendemain il repartit après quelques bonnes heures de méditations où l’elfe se remémora les instants passés auprès de ceux qui, à présent, étaient à des centaines de kilomètres de sa position. Le ciel menaçant annonçait tout de go l’approche imminente des terres de soufre et de roches noires veinées de lave. Endar ne craignait ni ces terres ni les abominations qui la peuplaient, cependant il n’était ni sot ni fou, il ne comptait pas reproduire la grossière erreur de Naral Shaam.
Ses bottes glacées martelaient l’obsidienne tandis que la luminosité semblait être même aspirée par ce paysage lugubre. Ce lieu d’effroi pour beaucoup ressemblait à s’y méprendre aux sous-sols de Khonfas, si bien qu’il se sentait comme à la maison en explorant sans trop se presser la Lande constellée de rivières de lave où, à la surface, se formaient des bulles qui éclataient ensuite sous la trop forte pression. Au cours de sa traversée, il jugea bon de ne se reposer que le strict minimum et de jour, n’ayant vu jusqu’ici aucune créature ou abomination diurne. Ses pérégrinations nocturnes étaient moins rapides que d’ordinaire, car si le shaakt voyait parfaitement dans l’obscurité, il marchait lentement pour ne pas alerter les bêtes qui y grouillaient et dont les hurlements supplantaient les couinements de leurs malheureuses victimes. Loin d’être dérangé par un soleil camouflé par les vapeurs qui formaient ce ciel noir, il doubla le rythme de sa marche en journée, se déplaçant furtivement entre les pics dressés vers les cieux. Il perdit la notion du temps mais il estima qu’il lui fallut bien une semaine pour se rapprocher d’Elscar’Olth, la cité abritant le fluide spatial pour se rendre à Omyre, tout du moins le supputa-t-il. Le drow n’avait que des conjectures à offrir vis-à-vis de cette cité qu’il ne connaissait pas mais qui grouillait sans nul doute de garzoks et de shaakts. Durant ses longues marches dans ce décor apocalyptique, le sauveur se demandait souvent si sa réputation allait l’empêcher d’y entrer par la porte principale. Son esprit était aussi préoccupé par l’état d’Artim’Olth qui appartenait toujours à la Reine Noire mais qui était exploité, selon des sources fiables, par les siens. Venaient-ils de Khonfas suite au rapport fait à sa reine ou de la cité rivale d’Atha Ust ? Il s’agissait d’une question qui n’avait pour l’instant pas lieu d’être.
Le fourbe se reposa et prit sa collation le septième jour au fond d’une cavité pour être en forme pour les derniers kilomètres le séparant de la première cité de la Lande Noire. A l’aube, si aube il y avait avec la quasi-absence de luminosité, il entendit le rugissement de dragons. En toute hâte, il enfila ses équipements et prit son sac avant de faire le tour pour surmonter la caverne. L’elfe noir assista à un ballet aussi majestueux que terrifiant.
En effet, deux dragons semblaient s’affronter, l’un tout d’or qu’il reconnut comme étant affilié à la Tour d’Or, l’autre aussi noir que l’obsidienne qui ne cessait de vouloir picorer son dos. Soudain, un rayon ardent sembla enserrer tel un fouet le dragon noir et le projeter vers le sol ce qui attisa indéniablement sa curiosité. La roche, bien que dense, ne résista pas à ce combat de titans, heureusement à prendre dans le sens figuré du terme. Jugé sur son promontoire, il vit des silhouettes d’abord floues puis se précisant au fur et à mesure que ces dernières semblaient courir pour échapper à l’affrontement. L’humoran qu’il reconnut sans peine prit une elfe qui ne pouvait être que Sibelle, seul être dont il se souciait véritablement. Xël semblait vouloir en découdre avec le sombre saurien, ses exploits héroïques avaient entamé sa raison semble-t-il. Deux autres êtres se dirigeaient vers lui, sans le voir toutefois. Ils étaient tous deux humains et l’un d’eux semblait être dans un état proche de l’inconscience. Endar refit le tour du monticule, longeant les pics acérés et échappant de ce fait à la vue de l’humain totalement en panique. Cela se percevait simplement en écoutant sa respiration. De son côté, Sirat devait se dire qu’il atteindrait rapidement Escar’Olth vu la destination qu’il prenait à l’origine, une grossière erreur d’estimation des distances selon lui vu l’étendue des Landes Noires. Peut-être aura-t-il la présence d’esprit de rechercher un abri et d’y découvrir la caverne dans laquelle il se cachait, dans le cas contraire, Endar allait devoir le ramener non par esprit de camaraderie. Il arrivait à l’humoran d’être utile, pour l’instant tout du moins…
En parlant de dragons, celui d’or prit la poudre d’escampette, sans doute soucieux de respecter le territoire du sombre saurien ailé. Xël ne semblait pas l’avoir compris et dans une rage folle et incontrôlable entreprit de défier le dragon noir. Endar passa derrière le dos de l’envoyé du Conseil d’Or, qui avait lui vu la grotte, et courut le plus discrètement possible à travers les pics rocheux se dérobant aux regards de tous, tout du moins l’espérait-il. L’elfe noir contournait les deux combattants par la gauche, à bonne distance pour observer le combat ou plutôt le suicide du magicien. De sa position, Endar voyait un dragon qui faisait cinq à dix fois la hauteur du mage et ce dernier ne semblait pas avoir pris en compte cette donnée pourtant fondamentale. Xël semblait prêt à en découdre avec l’aide de sa magie et le dragon semblait déterminé à le carboniser.
Analysant rapidement la situation, il sut qu’il ne pourrait lui venir en aide pour l’instant, s’il avait simplement couru, il aurait pu le sauver mais là il s’était condamné. Utiliser une flèche pour contrer une attaque à distance était trop risquée, il pouvait annuler le sort par accident et il n’aurait jamais le temps de viser précisément sa cible, pas après avoir accouru auprès du mage. Il manquait de temps tout simplement. C’est alors qu’en se repositionnant, il sentit contre sa botte des petites roches qui s’étaient séparées du pic. Une idée folle lui vint et il n’eut guère de toute manière le temps d’y réfléchir plus longuement. Il attrapa son projectile de fortune et le lança au-dessus du rocher derrière lequel il s’était caché en direction du dragon. Il ne pouvait toucher sa cible ainsi, mais il espérait que l’impact du projectile serait assez proche du dragon pour que ce dernier prête attention au bruit soudain près de lui et détourner ainsi son attention.
(Court vers Xël et se faufile à plusieurs mètres à gauche du combat avant de lancer une pierre pour détourner l'attention du dragon noir)
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Dernière édition par Endar le Mar 14 Aoû 2018 21:10, édité 2 fois.
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