Soumis à ses désirs.Subjugué par sa fougue nouvelle, Daemon fondit directement sur la créature. Il se concentra sur le corps « principal », mais des tentacules germèrent de partout, à croire qu’ils se multipliaient. Il esquiva une première volée d’un bond, roula sous la seconde et alors qu’il crut être enfin à portée de la chose marécageuse, une dernière vint le cueillir à l’estomac. Il fut coupé net dans sa charge, soulevé, et projeté en arrière. Tombé sur le dos, son souffle se coupa.
Roulant sur lui-même, il tenta vainement de trouver de l’air dans un grand bruit de respiration étouffé. Au même moment, Anastasie fit rugir son fouet, mais l’abomination semblait avoir réagi avec célérité, puisque la jeune femme prit ses appuis, avant de se faire emporter elle aussi en avant.
« Elle se défend cette charogne. »
Daemon se releva et fit craquer sa nuque, avant de rouler des épaules pour s’assurer que tout était bien en place. La monstruosité râlait en gesticulant de tous ses tentacules. La voir ainsi avait un effet hypnotique qui devenait presque entêtant. C’était comme si chacun de ses membres avait une vie propre, une conscience particulière, ce qui donnait à l’ensemble grouillant une cohérence anarchique. Il observa attentivement tous ses mouvements erratiques afin d’en saisir une logique, un algorithme complexe régissant sa défense. Il ne parvenait pas à définir la portée exacte de ses multiples appendices, puisqu’ils semblaient changer de taille en permanence, mais il en conclut que s’approcher par sa gauche n’était pas la meilleure solution. Il risquerait de perdre la vision sur le membre aux allures de poulpe et ne pas percevoir ses répliques.
Et puis il en avait marre de réfléchir. Il fit craquer ses doigts.
Il initiait quelques pas pour prendre de l’élan, quand un puissant rayon de lumière vive passa au-dessus de lui, si proche, que sa photosensibilité l’empêcha de distinguer quoi que ce soit.
« Rah… »
Un bruit lourd retentit. Lorsque le brouillard blanc se dissipa, apparut alors la dépouille de la créature, étendue au sol, un trou fumant à la place de la tête. Il se tourna brusquement en arrière et découvrit Elysea bien derrière, au campement, son sceptre encore fumant de magie.
« Bordel ! Tu ne peux pas t’occuper de tes affaires !? Comment je me venge de ce qu’il m’a fait à présent ? »
Il agita un bras menaçant envers elle, avant de se précipiter sur le cadavre encore gigotant de la créature. Il bondit dessus. En contrebas, Azraël restait les bras ballants, ahuri par cette fin expéditive.
« Bah oui, voilà ! À présent on passe pour des incapables. C’est bien la peine de chanter tes louanges, hein. Le grand sauveur d’Aliénon, celui qui se joue de mort… et qui n’est même pas capable de tenir une dague correctement ! »
(Tu n’en fais pas un peu trop là ? Ils vont tous te tomber dessus…) gémit intérieurement sa faera.
« Ta gueule le chat ! »
Il planta ses griffes dans la chair grisâtre et commença à déchiqueter pour assouvir sa colère, creusant dans les entrailles humides avec un hurlement rageur, évacuant des fragments d’entrailles derrière lui. Son comportement parut amuser le Premier Messager qui avait haussé les épaules à ses invectives. Il répondit calmement de sa voix caverneuse qu’il y avait des combats perdus et des combats gagnés. S’il ne pouvait pas l’accepter, il ne pouvait pas prétendre à être un messager de Phaïtos. Daemon ne réagit pas à son reproche, trop occupé à tirer sur un organe récalcitrant. Son interlocuteur finit par perdre patience et lui demanda d’arrêter de s’acharner sur le cadavre de la créature, sous entendant qu’il ne valait pas mieux qu’elle.
Daemon s’arrêta subitement, les bras ballants d’où ruisselait un liquide épais et transparent.
« J’ai les mains faites pour l’or, et elles sont dans la merde. Je voulais broyer cette chose, lui faire regretter de s’être frotté à moi. Mais je n’ai pas été capable de la faire ployer sous mes poings… Pourquoi ? »
Il fit pivoter ses paumes gluantes vers le ciel et les détailla avec une consternation frisant la tristesse.
« Je pensais cette faiblesse dernière moi. »
Il bondit à terre et fit quelques pas en direction de son compagnon de voyage. Il lui fit face d’une manière intimidante, s’approchant doucement, quand il aperçut deux lueurs bleutées briller indiciblement derrière son masque. Ce n’était pas la première fois, mais cela le déconcerta tout autant. Il finit par faire un pas en arrière et d’un geste désinvolte, il lui renvoya sa morale.
« Et je ne vois pas ce que la mort vient faire là-dedans. Je ne me bats pas pour fuir l’inévitable échéance, mais simplement par fierté. Servir les dieux sombres n’a jamais été un choix. C’est ainsi, voilà tout. »
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(((Citation : J’ai les mains faites pour l’or, et elles sont dans la merde. (Scarface) )))
Rendrak