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L’elfe reprit la parole, expliquant que dans son pays ce n’était pas seulement à leurs actes héroïques ni à, comme elle l’exprima si justement la grande vaillance dédiée à la protection des faibles mais également à leur courtoisie envers les dames.
Il restait peut-être un espoir après tout, défendre la cause féminine n’étant un défaut. Depuis bien trop longtemps, nous étions éclipsées par les hommes et leur orgueil, comme la nuit s’éclipse face à la lumière.
Les femmes, bambou face au vent. Petit, mais solide. Il ne tente pas de résister face à lui mais se plie et joue avec lui, évite les pièges. La finesse des femmes face à la brutalité courtaude de la majorité des hommes.
Elle inventa une histoire, simple conte sorti de son imagination, comme quoi le gouvernorat d’Ynorie nous avait confié la tâche de vérifier la dangerosité des chemins, s’inquiètant pour ses intérêts commerciaux. Elle lui avoua avoir été étonnée que le premier accroc à notre voyage soit du fait d’un Chevalier d’Or, que le Conseil nous aurait dépeint comme des alliés.
L’hiniönne conclut en lui demandant s’il était convaincu d’utiliser les bonnes méthodes, jetant un coup d’œil à l’aubergiste, apeuré à l’idée que le désordre se fasse dans son auberge. Elle lui rappella que sa présence devrait inspirer la confiance et non la peur, pour ensuite le railler sur le fait qu’il demandait encore nos noms, répétant le sien en émettant l’hypothèse qu’il ne l’ait entendu avec ce tas de ferraille qui lui servait d’armure. Elle termina sa tirade en le snobant avec élégance, faisant signe à l’aubergiste qu’elle voulait passer une commande.
Furieux, le Chevalier sans Patrie frappa sur la table du plat de son épée, coup qui renversa écuelles et chopes. Je reçus quelques gouttes de ragoût, qui eurent tôt fait de tâcher mes vêtements, tout comme Ernold avec son haubert tacheté de bière. Essuyant les tâches, j’entendis l’espèce d’enfant qui se tenait à côté de nous nous dire de ne pas le prendre pour un être stupide, qu’il nous demandait nos noms à tous.
Dieu qu’il était stupide. Comme si l’on allait les lui donner, bien gentiment. Il nous donna un message à transmettre à notre “mandataire”, le Conseil d’Ynorie, comme quoi les routes étaient bien gardées et que les Chevaliers veillaient. Que ce monde était leur et qu’ils n’avaient aucun droit de regard sur les évènements qui se passaient ici. Il nous annonça que nous devrions l’accompagner demain à la tour du Conseil d’Or, pour qu’il puisse avoir des renseignements sur nous, de gré, ou de force. Nous avions déjà fait le chemin aujourd’hui, et à cause d’un...homme, nous devrions le refaire en sens inverse ? Hors de question. L’aubergiste, silencieux, s’approcha de la blanche pour prendre sa commande.
En parlant d’elle, elle reprit la parole, expliquant qu’elle se rendait à Fan-Ming, et lui proposa de l’accompagner. Il l’accompagnerait elle, alors. Je n’avais aucunement l’envie qu’un chien nous suive, et il me semblait que le rouquin serait de mon avis. Elle ajouta que les dirigeants ynoriens seraient sûrement du même avis et que pour le satisfaire ils quitteraient tout de suite ce monde.
Désignant son arme, car l’enfant en costume de ferraille possédait aussi son joujou, assorti, la blanche continua sur sa lancée en lui demandant de le ranger, une cuillère suffirait selon elle à vaincre ce ragoût qu’il, pour reprendre ses mots, “avait si chevaleresquement renversé”. Cette fois, j’affichai un franc sourire. Elle avait bien raison.
Elle continua, ne semblant lassée de lui répondre. Je perdis le fil de leur conversation, sauf quand elle lui conseilla de s’adresser à nous s’il voulait connaître notre identité. Elle le reconnaissait enfin, ce n’était pas à elle de lui décliner nos identités. Enfin, elle commanda à l’aubergiste une boisson chaude.
Finalement, il s’éloigna, en nous disant que nous devrions le suivre, que nous le voulions ou non, que sinon notre description parviendrait à leur “ordre” et que nous serions traqués. Comme du gibier. Du vulgaire gibier. Enfin, nous pouvions manger tranquille. S’il fallait faire des pieds et des mains pour pouvoir manger tranquille, je comprenais pourquoi la cote de popularité des Chevaliers frisait le néant.
Sauf que Laewllyn, ne semblant s’en contenter, partit encore et encore en palabres provocants à l’intention de celui qui nous avait enfin laissé tranquille. L’elfe blanche tenta ensuite de sortir de l’auberge, avant de se faire assommer par le Chevalier. Ernold chercha à calmer le jeu, ce qu’il réussit plus ou moins à faire avant de demander la permission pour rejoindre notre chambre. L’aubergiste, l’aide désolée, aida le rouquin à porter l’imprudente, et arrivés dans notre modeste prison, le “grand et utile” Ernold me reprocha d’avoir été inutile et déclara regretter de s’être associé à moi. Je ris, amère, en entendant cela :
"Moi ? Je n'ai à vous être d'aucune utilité. Et vous ne vous êtes pas, joint à moi. Je l'ai fait mais non pas pour voyager en votre si charmante compagnie, mais dans le cadre d'une expédition pour rallier Fan-Ming. Et de cette expédition, je doute que vous en soyez le chef. Je ne mérite pas non plus de l'être, en vérité la seule qui le mérite c'est cette elfe blanche, Laewllyn. La seule qui a osé se dresser devant lui. Vous dites que je n'ai rien fait mais vous en avez fait autant, couard. Vous avez préféré vous terrer et laisser une femme faire tout le travail. Je n'ai pas fait mieux mais je n'ai pas eu l'incroyable stupidité de vous le dire."
Pour lui, elle avait juste été bonne à nous mettre en danger, que s’il n’était pas intervenu elle serait morte à l’heure actuelle, que nos chances de rallier Fan-Ming avaient été réduites à néant...
"Eh bien tout le monde fait des erreurs. Et moi, et vous, personne n'en est exempt. Ce Chevalier voulait de toute façon nous traîner devant le Conseil d'Or pour se sentir utile à quelque chose, ni plus, ni moins. Néanmoins, elle est la seule à s'être dressée contre lui. Et nous avons baissé la tête sans rien faire. Alors nous n'avons pas plus d'honneur qu'elle, je vous le garantis."
Je me baissai pour voir l’elfe sur sa paillasse. Un bleu avait fait son apparition sur sa tempe.
"Comptez-vous suivre ce Chevalier ?"
Il secoua la tête, en disant que nous n’avions plus le choix. A moins d’avoir de quoi nous téléporter dans mon sac, bien entendu. Il refusait toute altercation avec cet homme brutal. Calmée, je lui souris.
"Vous avez bien raison. Et pour notre amie...ne devrions-nous pas la détacher malgré tout ?"
Il secoua la tête de nouveau, expliquant ne pas tenir à devoir rendre des comptes au Chevalier : je pouvais le faire mais il n’assumerait pas pour moi.
"Bien. Il me semble pourtant qu'elle ne va pas vraiment apprécier cela. Mais je suppose que c'est ainsi."
Nous devions avoir parlé trop fort, car l’elfe s’était réveillée ; je laissai au rouquin le soin de lui expliquer toute l’affaire. Je m’allongeai sur ma paillasse, exténuée. Cette journée avait été épuisante, riche en informations et par bien trop fatigante : je comptais bien dormir. Je ne tardai pas à m’endormir, tombant de fatigue, mais c’était sans compter sur Laewllyn qui, se mettant à hurler des insanités et des insultes, allait faire venir le Chevalier.
Je refusai de faire quoique ce soit, cette fois : et me bouchant les oreilles, je tentai de m’endormir.
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Multi de Yuélia.
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