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J’attendais patiemment que le dirigeant d’Andel’Ys daigne nous rencontrer, examinant sans gêne la pièce et les trois officiers qui s’y trouvaient lorsque des éclats de voix en provenance de l’étage supérieur parvinrent jusqu’à nous. Bien que je m’efforçai de comprendre la teneur des propos, j’en fus incapable. Contrairement à ce que j’avais pensé un peu plutôt, une réunion se tenait bien là-haut. Et bien qu’aucun mot ne fut intelligible, il était facile de deviner que cette rencontre avait tourné à la dispute. Je tournai mon regard vers les deux gardes et je vis l’expression de leur visage qui trahissait une certaine nervosité. La question était de savoir s’ils craignaient pour la vie de leur patron ou pour celle de son invité. Après un moment d’hésitation, l’homme bien bâti qui nous avait accueillis, probablement le bras droit d’Astidenix, nous pria de le suivre nous annonçant que la réunion avait été avortée. J’acquiesçai d’un signe de tête et jetai un coup d’œil à mes compagnons. C’est à ce moment que je surpris un échange de regards inquiets entre le capitaine de Fan-Ming et la princesse. Bien que cette attitude ne fût pas sans m’inquiéter, je fis comme si je n’avais rien vu et contrairement aux officiers qui me précédaient, je montai l’escalier sans me précipiter. C’est là, sur le palier, tout en haut de l’escalier que j’aperçus une grande et mince silhouette féminine. Son visage camouflé sous sa capuche anthracite, emmitouflée dans sa cape où débordait ici et là une grande robe de prêtresse ornée de symboles arachnoïdes, Marla, l’elfe noire se tenait là, visiblement en colère. Sans nous accorder le moindre regard, elle attendit que nous terminions notre montée afin d’emprunter l’escalier à son tour et se diriger vers la sortie.
Était-ce la présence de cette femme qui avait causé l’inquiétude du capitaine et de la princesse ? Avaient-ils reconnu sa voix ou bien connaissaient-ils une autre information qu’ils avaient sciemment oubliée de me révéler ? Que de questions qui ne faisaient qu’augmenter la nervosité naissante que je pris soin de dissimuler.
Je déglutis difficilement à l’idée que je devais non seulement convaincre cet officier de se revenir sur sa décision de ne pas venir en aide aux habitants d’Esseroth, mais que j’étais en plus contraint de réparer les pots cassés, n’ayant aucune idée de ce qui avait été discuté là-haut et de ce qui avait causé un tel émoi. Je profitai des dernières marches de l’escalier pour tenter de retrouver mon calme tout en prenant de longues et profondes respirations. Me donnant une contenance et arborant un air naturel, fier et honnête, je pénétrai dans une salle sobre éclairée de quelques torches murales. Je jetai rapidement un regard circulaire sur cette pièce aux murs de pierre avant de porter mon attention sur le maître des lieux.
Devant moi, assis fièrement sur un bas banc de pierre recouvert d’une fourrure sombre se tenait Astidenix, le respecté dirigeant de Andel’Ys. Le visage dur, la mâchoire serrée, le teint rougi par la colère, cet homme au front dégarni me regardait sans ciller. Bien que je tentai de le cacher, cet homme d’un certain âge au regard perçant m’intimidait. Sa présence, sa prestance et son allure de chef sans faille en imposaient. Adoptant un ton calme et avenant, je me présentai tel que je l’avais fait un peu plus tôt à ses subordonnés.
« Je me prénomme Mathis, fils de Marcus. Je viens de Kendra Kâr, cité blanche de Yuimen. Moi et quelques compatriotes de Yuimen accompagnons le capitaine Hirotoshi et la princesse Honoka tous deux de Fan-Ming. »
Je m’arrêtai un court moment lui donnant le temps de regarder les personnes que je venais de présenter. Les présentations faites, j’enchainai aussitôt à l’essentiel, je me doutais bien qu’avec un homme de cette envergure, la flatterie serait inutile et déplacée.
« Il existe dans notre monde une demi-déesse obscure nommée Oaxaca qui sème le chaos partout où elle passe. Il semblerait qu'elle soit en train d'envahir Aliéanon. Elle serait plus au sud de votre monde, mais ne tardera pas à monter jusqu'ici. Connaissant les aptitudes et stratégies de ses troupes, nous sommes venus porter secours au peuple d’Aliéanon. »
Je venais d’exposer les faits qu’il connaissait déjà, il me restait à le convaincre de joindre ses troupes aux nôtres, ce qui n’était pas une mince affaire. Si je me fiais aux propos de son employé Gayit, Astidenix s’avérait à être un homme têtu. Si les citoyens d’Esseroth adoptaient tous le même comportement de supériorité qu’Egregor, je comprenais sans difficulté l’échec qu’ils avaient essuyé.
« Je sais que les citoyens d’Esseroth vous ont demandé votre aide et que vous avez refusé. Mais il ne s’agit pas ici de sauver ce peuple, mais tous les habitants d’Aliéanon, ainsi que ceux de Yuimen. »
Je m’arrêtai un petit moment, me mordant la lèvre inférieure hésitant quant à la suite de mes propos. Après avoir lancé un regard d’excuse à Hirotoshi et à Honoka, je décidai de suivre les conseils du maître d’armes et de rester moi-même, de garder mes valeurs propres.
« L’émissaire d’Esseroth, qui est venu nous demander son aide à Fan-Ming, est un être condescendant qui se pense supérieur grâce à ses facultés magiques. Il s’est montré déplacé, hautain à notre égard en utilisant à tort et à mauvais escient ses pouvoirs magiques. Pour ma part, je suis dénué totalement de facultés magiques, mais je me sais apte à vaincre les alliés d’Oaxaca, si je suis entouré de vaillants compagnons et soldats, ce qui ne semble pas manquer à Andel’Ys. Me rendre à Esseroth et combattre la troupe d’Oaxaca afin d’éviter son ascendance sur votre monde et le mien par la suite, voilà mon objectif. Les citoyens d’Esseroth tels qu’Egregor ne méritent pas notre aide. Étant le lieu de combat, leur ville sera certainement détruite. La reconstruction après guerre sera le prix à payer à leur attitude, espérant que les plus arrogants auront appris l’humilité. Nous venons donc vous demander votre aide afin de vaincre Oaxaca et sauver, non pas la ville d’Esseroth, mais tout Aliéanon et Yuimen. »
Cette fois, ma voix bien que respectueuse envers mon interlocuteur, s’était voulue bien malgré moi très émotive, je n’avais pas pardonné à Egregor son comportement dédaigneux à mon égard et à celui de tous les sans magie et j’étais incapable de le dissimuler.
J’espérais que je n’avais pas aggravé les choses et que tout comme moi, les hommes pâles nourrissaient une aversion envers les gens tels que Egregor. Si tel n’était pas le cas, je venais alors de me mettre dans de mauvais draps.
N’ayant plus rien à ajouter, je laissai la parole à mes compagnons.
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Dernière édition par Mathis le Dim 6 Avr 2014 14:37, édité 1 fois.
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