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Sirop plissa fort les yeux quand la dernière gorgée du tord-boyau s'infiltra dans sa gorge pour aller réchauffer son estomac. Il resta un moment immobile, semblant savourer ce petit moment de solitude où personne ne pouvait le voir ni le juger. Pourtant peu solitaire, le pauvre était tellement mit sous pression en ce moment qu'il avait bien besoin de ce genre de pause. Pause qui ne dura pourtant pas puisque tel un coup de fouet la voix de Chihiro retentit derrière la porte des toilettes :
« Allons, ne vous défilez pas ici non plus ! Si vous êtes effrayé des batailles, prouvez au moins votre valeur en diplomatie. Sortez de là. »
Le Hobbit se figea, sa bouteille dans les mains. Ne pouvait-on pas le lâcher deux secondes ? Et il avait demandé de l'aide à Kubi, pas d'empirer les choses !
"Euh oui, deux secondes mademoiselle Chihiro." souffla-t-il d'une petite voix honteuse. Il ne fallait surtout pas qu'elle voie qu'il avait bu même si, ne s'en doutant pourtant pas, il serait difficile de le cacher bien longtemps. Après un petit vertige bien sûr causé par l'alcool, il remit la bouteille dans son sac avec une lenteur qu'il trouva insupportable, inspira profondément puis sortit enfin de ses latrines.
"Je crois que j'ai pas digéré la bouffe d'hier soir..." bredouilla-t-il en passant devant la suivante de la princesse Honoka, la tête basse. "Je...j'ai une de ces chiasses...Ah ah...Hum..." ajouta-t-il en essayant de plaisanter.
Ce genre de "plaisanterie" ne pouvait pas se faire sans une bonne dose dans le nez. De nouveau dans la pièce d'entrée, il se tourna vers elle et lui sourit de toutes ses dents sans aucune raison avant de commencer à grimper l'escalier. Il avait chaud. Sa nuque, il le sentait, commençait à s'humidifier tandis que sa tunique se collait de plus en plus contre son ventre. Il avait bien trop bu, il le savait bien, mais ça lui importait peu pour le moment. Tout ce qui comptait maintenant, comme l'avait si bien dit Chihiro, c'était qu'il montre à tout le monde son indéniable utilité dans cette aventure. Pour cela, il devra donc jouer de sa verve auprès du dirigeant d'Andel'Ys. Comment s'appelait-t-il encore que ce bougre d'âne ? Astinédix ? Astéridix ? Cela ne devait pas être si éloigné de cela et de toute façon ce n'était pas important. Il n'aura qu'à éviter de l'appeler par son nom lors de son discours. La chance de l'alcoolique aidant, il trouva la bonne salle du premier coup, poussa la porte entrouverte et s'adossa lourdement contre l’entrebâillement de celle-ci pour étouffer un hoquet. Il balaya ensuite la salle d'un regard de merlan frit, ne se préoccupant plus le moins du monde de Chihiro. Il voyait indistinctement ses compagnons quelques mètres devant lui, face à un homme plutôt laid, il fallait se l'avouer surtout avec son crâne dégarni et son air aussi gris que froid et dur. Comme l'exigeait apparemment la coutume dans cette foutue ville de brutes, il avait une énorme arme dans sa main droite. Écoutant très distraitement les propos échangés, Sirop, l'alcool lui donnant des ailes, interpella le puissant chef d'Andel'Ys, sans crier gare et sans même le regarder :
"Monsieur Astinox, s'il vous pl'heps !"
Pour le prénom, c'était râpé. Il se redressa et s'approcha. Même saoul, ou plutôt surtout saoul, le petit Sinari était soucieux d'avoir la classe aussi essaya-t-il de paraître le moins titubant et le plus normal possible, sans grand succès cependant :
"Prenons un exemple simple pour ne pas trop s'éloigner du niveau des habitants de cette ville...Les fourmis ! Vous avez les fourmis ici, non ? Bon. Comment font les fourmis ? Est-ce qu'elle vont s'attaquer à la saloperie de mante religieuse toutes seules ? Et bien ne cherchez pas, je vous donne la réponse en mille, non ! Elles se regroupent, hips ! S'unissent pour triompher et se repaître de leurs proie."
Ses arguments lui paraissaient sur le moment dignes d'un génie. Il reprit son souffle et continua en se désignant des deux mains :
"Et puis regardez-moi un peu ! Avec tout le respect que je vous dois, je serais d'une piètre aide en cas de baston, alors laissez-moi au moins vous convaincre de venir en aide à Esseroth. Oubliez donc conflits et autres calembredaines du hops ! ...Passé. Si vous faites ça, les autres vont comprendre que l'enjeu est important, et il l'est nom d'un maïs, et vont s'empresser de faire de même. Il faut juste quelqu'un pour commencer. Comme la si bien dit le jeune homme ici présent, ne facilitons pas le boulot de cette devergoigneuse en restant chacun dans son coin."
Il manqua de tomber en arrière, recouvra son équilibre, cligna des yeux et sourit bêtement à Mathis, à la princesse puis à Chihiro avant de tendre la main vers L'homme assis dans son trône :
"Sirop Papum de Shory vous cède à présent la parole, ô noble et fier dirigeant d'Andel'Ys." dit-il avec une parfaite trogne d'ahuri et en étant immensément fier de lui.
_________________ Fiche de ce Hobbit hyper puissant.
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