Vedd a écrit:
Son sourire radieux s'agrandit.
« Viens avec moi, nous allons au temple de Yuimen… J’aimerais parler à un druide là-bas avant que nous partions demain pour Mertar… »
En observant ses traits parfaits, son visage d'un blanc laiteux immaculé et ses yeux dont la couleur concurrençait les criques secrètes de Kendra-kâr, j'en vins à croire que rien de mauvais ne pouvait se cacher derrière une si aimable personne. Ses cheveux d'or m'attirèrent à sa suite au temple de Yuimen. Si je jurais souvent par ce dieu, c'est qu'il était l'un des rares que je connusse et respectasse à la fois. Etant petit, j'avais peut-être fréquenté des temples, été béni dans ceux-là, et mes parents avaient sans doute voué un culte à ce dieu protecteur des terres. Et durant les premiers mois de mon arrivée à Kendra-kâr, j'avais souvent mangé dans ces lieux en profitant de l'aumône des prêtres, et prié beaucoup. Puis, cela m'était passé. J'avais oublié les dieux qui ne faisaient rien pour moi. J'avais gagné mon pain en dépouillant les gens. J'avais cessé de croire aux entités divines et cessé de contempler le passé. Mais en ce jour si curieux où je venais de renoncer à nouveau à une vie antérieure, je me laissai faire et conduire jusqu'à l'un des plus grands temples du dieu Monde. Et malgré ma tranquillité, malgré ma résolution, l'appréhension montait dans mon cœur tandis que nous allions vers ce noyau de magie. Un druide ? Pourquoi pas... ? Les druides ne pratiquent pas la magie... Si ? Non, je ne crois pas... Les druides vous soignent, des fois, avec des plantes. Les plantes tuent aussi, mais les druides sont bons, ils ne vous tuent pas... Mertar, a-t-elle dit ? Mertar, est-ce la cité naine ? Que c'est loin ! Moi ? Moi ? Aller à Mertar ? Je vais aller à Mertar ? Pourquoi ? Que nous partions pour Mertar... Un druide... Le druide va m'aider. Non, non... ce n'est pas cela. La femme aux yeux émeraude m'aidera. Oui... A Mertar, elle est là-bas ! Nous allons la chercher... Oui... Je parlerai ! Mes pensées dérapaient sur une voie que je leur avais jusque là fermée.
Soudain, nous fûmes sur la place où s'était écrasé le cynore. Je sursautai tandis que défilaient les badauds, toujours aussi nombreux, les miliciens, toujours aussi affairés, et les guérisseurs, un peu moins désœuvrés. Puis, Maylee s'arrêta. Elle se faufila avec grâce jusqu'au premier rang, et demanda à un grand milicien ce qui se passait. Parmi la dizaine de curieux qui s'adressaient à lui, l'homme lui fit honneur, et lui répondit. Je restai en retrait, tendant l'oreille mais n'osant pas me montrer juste à la barbe du garde.
« Eh, dame Elfe, un cynore, comme vous le voyez, s'est aplati sur notre belle cité. Il allait à Mertar. Un seul homme a survécu — un nain d'ailleurs —, on l'a transporté au temple de Gaïa, ces bonimenteurs-là ne servent à rien ! » Il désigna le groupe peu actif de vieux hommes aux barbes blanches. « Pourquoi s'est-il écrasé ? Eh bien, on attend d'en savoir plus. On recevra bientôt nos directives. A votre service, dame Elfe ! »
Pff... Je n'aurais jamais été si bien traité ! Et nous repartîmes. L'elfe blanche filait à travers la foule bien plus efficacement que je ne l'avais jamais fait. Après tout, j'avais été bien avisé de ne pas m'enfuir; elle m'aurait rattrapé en un rien de temps. La foule se dissipa brusquement et nous parcourûmes une grande rue grisâtre. Je compris bientôt que s'y trouvait les bâtiments de la milice. D'ailleurs, des gardes étaient postés, impassibles, devant un illustre édifice. Maylee ne leur adressa pas un regard, et je la suivis, un peu moins à l'aise, mais confiant dans chacun de ses pas. Je fis quelques efforts et parvins à marcher à son côté. Elle me sourit, consciente de son rythme soutenu, mais continua.
« Nous y sommes ! »
Mais seulement plusieurs détours et rues après, nous débouchâmes devant le temple. La construction était massive. Les pierres de tailles dormaient, encastrées les unes dans les autres depuis des siècles. Un minuscule cloître abritait un petit jardin, sous de savantes arcades où s'enchâssait la haute porte de bois. Maylee s'arrêta, et contempla le sanctuaire. Docile, je restai à son côté, me demandant si un dieu habitait réellement cette demeure.