Virina n’était pas une orque comme les autres. Enfin si, elle était barbare, elle n’avait aucune manière, elle aimait se battre et ne portait aucun respect envers quiconque, mais contrairement à la plupart de ses congénères, elle était passablement intelligente.

Lorsqu’elle était une toute jeune orque, Virina avait volé un livre de cuisine qu’elle avait trouvé dans une auberge et avait tenté de le déchiffrer. Enfin, une vieille dame du nom de Patienta qui souffrait de solitude et qui avait surpris Virina cachée dans le fond de la ruelle à feuilleter le bouquin, entreprit de l’aider. Patienta était trop gentille pour Virina qui ne lui rendait pas sa gentillesse. Cependant, même jeune, Virina avait compris qu’elle avait besoin de la vieille femme. Elle fit donc un gros effort pour ne pas brusquer la femme âgée jusqu’à ce qu’elle sut lire suffisamment pour se débrouiller seule. Lorsque ce fut le cas, elle déguerpit avec son bouquin sous le bras et Patienta n’entendit plus jamais parler de Virina.

Indépendante et solitaire de nature, entre deux batailles, la guerrière lisait et relisait le même bouquin, elle le fit tellement souvent, qu’elle en vint même à s’imaginer les lettres dans sa tête, elle ne le savait pas, mais elle était dotée de la capacité de pouvoir se faire des images mentales.

Pour en revenir au grand Pilipoum et son langage singulier, lorsque Virina entendit ces drôles de mots, sans le vouloir elle les écrivit mentalement dans sa tête et se mit à jongler avec les lettres. Quelqu’un qui l’observait à ce moment précis aurait pu, avec stupeur, constater qu’elle était très concentrée et qu’elle réfléchissait. Puis, un sourire s’afficha enfin sur son visage et elle déclara :

« Voici donc vos paroles : « Si vous arrivez à déchiffrer ce que je vous dis, vous serez récompensées. »

Elle le regardait avec envie et l'air affamée, imaginant l’énorme repas qu’elle aurait en récompense et déclara :

« J’ai déchiffré, alors récompensez- moi. »

Gurth ajouta à mes paroles que nous donner des informations sur le druide était bénéfique pour les Petits-êtres, car nous allions l’anéantir. Pour ma part je voyais plus ce fait de comme une arrestation qu’un meurtre. La grande garzok parla ensuite, elle agissait seule, mais n’hésiterait pas à se battre. Le silence retomba dans la pièce et notre petit pipapoum s’en alla, nous laissant seul avec le Grand Pilipoum. Celui-ci, prit enfin la parole.

Des mots incompréhensibles sortirent de sa petite bouche ensevelis sous sa barbe. Je ne comprenais pas du tout ce qu’il venait de dire, ses mots semblait déformés et même être un autre langage. Le pipapoum nous avait mis en garde contre son dialecte étrange et il avait bien fait. La première personne qui répondit fut l’orque, ce qui m’étonna, car les garzok, n’étaient pas réputer pour être doté d’une grande capacité intellectuelle. Ce que le message disait était clair dans la bouche de Virina, « Si vous arrivez à déchiffrer ce que je vous dis, vous serez récompensés ! ». La femme verte n’attendait plus que ce que le Grand Pilipoum avait promis.

J’attendais de voir avec impatience ce que le vieillard allait dire, si ses paroles allaient encore être toute déformées ou normales. J’arrivais cependant à me contenir, le Petit-être avait été très clair, il fallait être sage. Peut-être qu’il allait parler comme le guide, avec des comptines au début et à la fin de ses phrases. Un point me dérangeait, la guerrière avait répondu au Grand Pilipoum, mais ne semblait pas prête à partager ce qui lui donnerait, hors mon but principal dans cet enrôlement était le trésor en récompense.

Mes compagnons d'infortune ce relèvent aussi un à un, sortant de leur cachette. J'aperçois la jeune Miha et je suis soulagé qu'elle aille bien, son aide avec Ringo a été fort appréciable et ceux sont les seuls à avoir l'air plus ou moins normaux. Intérieurement cela me rassure.

Louer soit Yuimen vous êtes solide comme un roc.

Mon sourire s'efface vite quand le grand Pilipoum nous livre son message. Mes compagnons non plus, chacun se creuse la tête et je fais de même. Ma soeur adorait les jeux dans ce genre-là, moi je préférais flâner plutôt que de m'intéresser à un livre. A quoi bon, j'étais promu à devenir un paysan. Était, pourquoi je parle au passé, nous allons sauver la cité blanche et je reprendrai le cours normal et logique de ma vie. A ma grande surprise c'est la garzok qui trouve la solution. Je me trouve encore plus stupide, quel nigaud. J'ai sous-estimé cette grosse guerrière à l'allure revêche, à la mine des autres je ne suis pas le seul. Je suis vexé et c'est peut-être pour cela que je chasse cette idée au loin dans mon esprit afin de me concentrer sur la réponse du chef de village.

Après que l’orquesse eut annoncé son avis sur la situation, le silence retomba dans la pièce, et nul ne se sentit l’âme de répondre aux héros qui, au péril de leur vie, avaient sauvé le village. L’ingratitude de ces gnomes était telle que même Gurth, qui ne recherchait aucunement les remerciements ou les honneurs en était irrité. Sans un mot ni un geste pour eux, Pipapoum le disgracieux s’en alla retourner à l’extérieur, pourvu de sa feuille verte, alors que celle, caduque, du vieillard décrépit, frissonnait sous le silence imposant qui régnait alors.

Et lorsqu’il décréta qu’il était temps de parler, après un rauque toussotement, ce fut pour débiter des âneries sans nom, un charabia incompréhensible et déstructuré que seule l’orque reconnut. Ce devait être une sous-division du langage barbare utilisé par ces monstrueux êtres à la peau verte. Virina, elle, ne pensait visiblement qu’à manger. Et Gurth lui en voulut de l’annoncer ainsi tout haut. Son estomac presque vide gargouilla sévèrement alors qu’elle réclamait sa pitance. Gurth se serait bien dévoré tous les lutins feuillus en un seul repas ! Cuits en ragouts avec leurs feuilles, pour assaisonner le tout.

Un grognement guttural monta des profondeurs de la gorge de l’ogre, alors que son regard vide de toute vie toisait le débris qui servait de chef à ces empaffés de gnomes. Il n’avait cure de la réponse qu’il donnerait. Au final, leur visite dans ce village de fous n’avait eu d’autre objectif que de sauver les abrutis locaux de la mouise dans laquelle ils étaient enfoncés jusqu’au cou. Ils n’avaient guère besoin de ce vieillard décrépi, et l’Ogre pesta de s’en rendre seulement compte maintenant.

« On ne tirera rien de tout ça. On a déjà suffisamment perdu de temps. Suivons les traces de ces fourmis et allons régler son compte à ce maudit druide. »

A la réponse de Virina, le Grand Pilipoum fait un grand sourire et se lève de son "trône". D'un pas lent, il s'approche de votre petit groupe et après quelques secondes de silence, il pose son regard sur Virina avant de briser le silence.

"Braaaavooooooo!"

Il commence à sauter d'un pied à l'autre avant de faire un tour sur lui même et d'ouvrir grand les bras.

" Je vous donnerai vos récompenses comme promis, mais avant, on va mangeeeeeeeer et je vais pouvoir répondre à vos questioooooooons!"

Sa feuille se met alors à briller et, quelques secondes plus tard, une troupe de petit pipapoum apporte une tables et quelques chaises. Une autre petite troupe arrive ensuite, portant tout un tas de vivres qui vous sont inconnus, vous pouvez tout de même reconnaitre de morceaux de fourmi fumant. Le Grand Pilipoum va s'asseoir en pour de table et vous fait signe de vous asseoir. Bien qu'il soit apparemment aveugle, il se déplace avec beaucoup d'aisance.

"Asseyez vous, asseyez vous! Et mangeeeeez! Je vais répondre à vos questions, mais évitez de parler la bouche pleeeeeine!"

Avec grand enthousiasme, malgré son grand âge, le vieux Pilipoum félicita la guerrière. Cette dernière regretta un bref moment d’avoir donné la solution à l’énigme lorsqu’elle vit ce dernier faire des galipettes comme un jeunot. Elle craignait que ses manifestations de joie ne fussent la seule récompense qu’elle se mériterait. Elle n’avait que faire des félicitations et de l’admiration d’un petit être à la fin de sa vie, elle voulait du concret, des victuailles qui étancheraient sa soif et qui rempliraient son estomac.

C’est donc avec un grand soulagement qu’elle observa les petits pimpapoums s’affairer à dresser la table.

Le gros Gurth avait signifié son intention de quitter les lieux sans s’attarder. Annonce qui réjouit Virina, car elle se doutait bien de l’immense appétit de ce dernier. Lui partie, il en resterait encore plus pour elle.

La garzok n’attendit pas que les petits êtres aient fini les préparatifs pour prendre place. Elle choisit de s’asseoir à l’extrémité opposée du Grand Pilipoum, espérant que les autres convives préfèreraient la proximité de ce dernier à la sienne. Elle avait envie de profiter du repas à satiété.

Sitôt les victuailles arrivées, elle s’empara d’un gros morceau de fourmi fumée et sans plus de préambule commença à le déguster.

Le vieil hôte les invita ensuite à débuter le repas leur indiquant qu’il serait disponible à répondre à leurs questions, en autant qu’ils ne parlent pas la bouche pleine. Ce conseil était inutile pour la créature verte qui n'avait nullement l’intention de questionner le vieux, elle se contenterait d’écouter ses compagnons de fortune qui s’empresseraient sûrement de combler leur curiosité.

Alors que l’immonde obèse se tournait pour quitter aussitôt la demeure du vieux sénile, celui-ci se leva de son trône et sautilla en félicitant l’orque d’une manière pitoyablement puérile. Cependant, dans le court discours qui suivit, il y eut un mot qui força Gurth à retarder son départ.

Manger.

L’estomac de l’ogre gargouilla si fort qu’on eut dit qu’il venait de grogner comme un ours après une longue période de jeûne. Il se tourna vers le vieux schnock qui brillait de mille feux, et son armée de larbins qui apportaient des plats fumants sur une large table. Gurth ne reconnut rien de ce qui était servi, à part peut-être un ou deux morceaux de fourmi grillée. Il s’en fichait. Si ces choses servaient de nourritures aux habitants d’ici, ça lui convenait. Certes, il regretterait sûrement les bons petits plats de Talic, mais il avait faim, et aurait dès lors pu manger n’importe quoi.

Il s’attabla donc avec hâte, et sans attendre que le vieux Poupoum ait fini de parler, il se jeta sur la nourriture. Et ce fut alors que le terme « bouffer » prit toute sa signification. Il y allait à la main, piochant dans les plats des poignées de nourriture, qu’il amenait à sa bouche de manière rythmique, une main après l’autre, sans la moindre considération de propreté. Le spectacle était peu ragoutant. Voire même carrément gerbant. Un gros lard qui s’empiffre salement. La sauce et les morceaux dégoulinaient sur sa barbe et sa bure noire, et ses mains étaient colorées et maculées de résidus de nourriture. Il mastiquait et avalait bruyamment… Mais au moins ne parlait-il pas la bouche pleine…

Le vieillard se leva de son trône et s’avança d’u pas digne d’un escargot. La dame verte avait résolue l’énigme du Grand Pilipoum, celui-ci effectuait un pas de danse pour la félicité. Il bougeait plutôt bien pour une personne âgée. Il étirait plusieurs terminaisons de mot en parlant, peut-être que tous les Petits-êtres parlaient de façon étrange. Il promit de nous récompenser et de répondre à nos questions, mais avant cela, il souhaitait manger. Sa vieille feuille brunâtre se mit à luire et des Petits-êtres entrèrent dans la pièce avec une table, de la nourriture ne tarda pas à la recouvrir. Le Grand Pilipoum nous invita à nous assoir et à manger. Virina fut la première assise à table et ne se fit pas prier pour entamer le repas. Elle fut suivie de près par l’ogre de Tulorim, qui commença aussitôt à ravager la table.

Je prenais aussi place à table, le plus loin possible de Gurth pour ne pas être aspergée par la nourriture qui volait autour de lui et qu’il ne prenne pas accidentellement un de mes membres pour un plat. La nourriture qui la recouvrait était étrange, tout comme le village, la seule chose que j’avais reconnue était les morceaux de viande de fourmi grillée. Les deux géants ne s’étaient pas gênés pour se servir et dévorer, alors j’en fis autant avec plus de distinction.

Je mangeais un peu pour combler le vide de mon estomac, puis remarquais que ce n’était ni l’ogre, ni Virina qui allaient poser les questions au Grand Pilipoum sur le mage qui semait la famine sur Kendra-Kâr. Je m’assurais de bien avaler ce qui se trouvait dans ma bouche et m’adressait au vieillard dansant.

« Que savez-vous sur ce mage qui fait attaquer votre village par des fourmis? »

Ça restait simple comme question, mais s’il savait quelque chose à son propos il devait nous en faire part.

Je ne reste pas longtemps faire la moue. Elle, cette Garzork hideuse, a vraiment trouvé la solution à l'énigme. J'en suis encore à me demander comment elle a trouvé, que le grand shtroumph me sort de mes calculs mentaux en sautillant et en décrivant une danse aléatoire. Sa gestuelle me fait un peu pensé aux beuveries à la fête annuel des fins de récolte, où certains emporté par leur joie du travail terminé buvaient tellement qu'ils finissaient sur les tables dans des ballets burlesques. Mais, cette année il n'y aura pas de récolte et pas plus de réjouissance, pas plus que de récolte, la seul cérémonie que l'on s'accorde c'est celle d'enterrer nos morts.

Le chef du village, nous invite à partager un repas, tandis que les autres lutins du village apportent de quoi manger sur une table en bois massive. Ce que l'on nous sert n'est pas très affriolant, mais mon ventre gargouillant réclame son dut pour ses efforts fournis. Cela me tire de ma morosité et je m'assoie donc au côté de la jeune voleuse, observant Gurth et Virina s'empiffrer rapidement. Les voir ainsi ne me fait rien, cela me rappelle juste que moi aussi je n'ai pas encore mangé. Écoutant la question de Miha, je tente de prendre un des victuailles de la façon la plus propre possible. Je me rends compte que cela n'est pas chose aisée, je n'ai que peu d'éducation, mais je ne veux pas le montrer. Enfin la chair de fourmi arrive jusqu'à ma bouche provoquant un énorme soulagement qui doit se lire sur mon visage. Je me reprends et hoche la tête devant la demande de Miha. J'avale ma bouchée.

Vous dites que ce druide ou mage est responsable de ce qui se passe chez nous, pourquoi fait il tout cela?

Le Grand Pilipoum, qui étrangement, ne touche pas à la nourriture comme fixe de ses yeux vides Gurth en train de se goinfrer. Bien qu'aveugle, il semble vous "voir". Il se tourne alors vers la voleuse et le paysan.

"Oooooh, que de questions sur le druide, bien soit, je vais vous répondre. Ximar Onap, car tel est son nom est un druide maléfique, qui, il y a de ça 500 ans, a voulu prendre la place de Yuimen en personne. Mais Yuimen ne s'est pas laissé faire loin de là et a vaincu Ximar. Plutôt que de le tuer et le confier a Phaïtos, notre dieu, et accessoirement, notre créateur, a condamné ce vil faquin a vivre parmi les insectes. Nous, les Petit êtres, sommes là pour le surveiller. Pourtant, depuis quelques temps, Ximar a regagné en puissance et doit fomenter sa vengeance."

Après ce petit monologue, la mine du Grand Pilipoum de vient plus sombre et il ne dit plus un mot, vous laissant réagir à ses propos ou poser d'autres questions.

Le vieillard détourna son attention de l’ogre qui se servait de ses mains comme d’une pelle pour amener la nourriture à sa bouche, et répondit à nos questions. Il nous raconta l’histoire sombre du mage qui voulait détrôner Yuimen. Ximar Onap, s’était fait punir par le dieu et fut condamné à vivre avec les insectes. Ce mage était également la raison de vivre des Petits-être, qui étaient chargés de le surveiller. Le Grand Pilipoum nous appris également qu’il gagnait de la puissance et devait préparer sa vengeance.

Ce qu’il venait de dire me fit réfléchir un instant. Ximar voulait se venger du dieu de la vie et il privait les habitants de la cité blanche du fruit de la terre. De toute évidence s’était lui le responsable de la famine sur la cité.

Je remarquais que la mine du vieillard se faisait de plus en plus sinistre, je me demandais bien pourquoi, nous étions là pour l’aider lui et son peuple. Peut-être avait-il peur que sans Ximar à surveiller, ils ne seraient plus rien, car, s’était pourquoi les Petits-êtres existaient.

« Savez-vous ou ils se trouve et de quoi il est capable? »

J’observais son visage s’assombrir et ses yeux qui semblaient nous voir, malgré qu’il soit aveugle. Je ne me sentais pas rassurée par le Grand Pilipoum, au contraire un mauvais pressentiment m’habitait.

« Vous ne mangez pas? »

Il n’avait pas touché aux plats étranges qui reposaient sur la table, alors que nous, nous étions affamés et dévorions le repas.

Au moins aussi affamé et peut-être même plus que la guerrière garzok, Gurth se jetait littéralement sur les plats, pigeant de ses grosses mains boudineuses sans façon et sans aucun respect pour l’étiquette. Virina cessa un tout petit instant pour l’observer les sourcils froncés. Qu’il se goinfre comme un porc, ne dérangeait guère la vieille créature verte. Elle craignait plutôt qu’il dévore tout avant qu’elle ne put elle-même se rassasier.

Afin de s’assurer de ne point manquer de nourriture, elle s’empara de plusieurs morceaux de fourmis, de verdures, et d’autres aliments inconnus et les plaça juste devant elle, bien décidée à surveiller de près son petit butin.

Comme Virina l’avait présumé la jeune femme blonde et le paysan se chargeaient de questionner le vieux Pilipoum au sujet du druide. Tout en dégustant les petits plats préparés pour eux, notre orque affamée prêtait une oreille attentive aux propos discutés à table. Ainsi, elle apprit que le druide avait été condamné à vivre parmi les fourmis il y a cinq ans de ça. Cette information surprit Virina qui n’avait pas pensé que le druide nommé Ximar pouvait être aussi vieux que leur hôte ici présent.

Puis la dénommée Miha, fit une remarque qui déplut à notre vieille gourmande. Cette petite blonde semblait inviter le vieux petit être à la feuille flétrie à prendre part plus activement au repas. En fait, Virina préférait qu’il s’abstienne de manger laissant ainsi plus de victuailles pour ses invités.

Gurth ne prêtait aucune attention aux regards qui étaient dressés, farouches et écœurés, contre lui et sa façon de manger. L’Ogre n’avait cure de la manière dont on le considérait. Tout ce qui lui importait en se moment, c’était de se goinfrer goulument de la plus grande quantité de nourriture proposée. À cadeau donné, on ne refuse rien. Et le monstre se faisait chantre de l’adage. Il contrait en revanche celui qui disait qu’on pouvait avoir les yeux plus gros que le ventre. Rien ne comblerait jamais son appétit éternellement insatisfait, et toujours creusé pour une bonne pitance.

Ici, le goût, la préparation n’y changeaient rien : il avait juste faim, et le montrait sans gêne, en engouffrant des quantités astronomiques de la nourriture proposée, sans veiller à en laisser pour les autres. Tout ce qui passait à portée de sa poigne énorme, il s’en emparait pour l’engloutir presque aussitôt.

Il nota cependant, d’une oreille distraite, l’histoire du druide Ximar Onap, leur ennemi. Un vengeur terrien sous la surveillance de ces petites teignes. Fort bien, ils étaient armés contre lui, et leur petit groupe suffirait sans doute à mettre en déroute ce magicien de pacotille, ce mécréant. Il n’avait pas voulu céder le terrain à Yuimen, c’était donc à Phaïtos et Thimoros qu’il se mesurerait, et devant qui il ploierait l’échine.

J'écoute ce que nous conte le chef du village sur ce druide, maléfique. Comme un enfant absorber par les histoires de bardes le soir prés du feu, la bouche légèrement ouverte, j'en oublie presque ma tambouille. Mes compagnons eux sont moins facile à bercer et je me reprend réveiller par les bâfrement de Gurth.
La jeune voleuse continue son interrogatoire, tandis que la mine du Pilipoum se voile d'un linceul de tristesse. C'est lorsqu'elle l'invite que je réagis, pourquoi ne mange t'il pas? Une angoisse m'étreint, alors que je repose la viande que j'ai en mains. J'essuie ma bouche du revers de ma main, et pose mon regard dans celui brumeux de notre hôte.

"Pouvons nous le battre? L'empêcher de nuire à Kendra Kâr. "

Je ne peux empêcher ma voix de trahir mon empressement et mon anxiété.

Le Grand Pilipoum se tourne vers Miha et la fixe, une expression d'étonnement sur son visage.

" Pourquoi je ne mange pas ? Parce que je n'en ai pas besoin. Nous sommes des êtres créés par Yuimen, nous sommes immatériel en quelques sortes, et nous n'avons pas besoin de manger, comme nous n'avons pas spécialement besoin de dormir. Pour votre seconde question, oui, je sais où Ximar Onap se trouve, après tout, nous, les Petits-Etres, existons pour veiller sur lui."

Puis il se tourne vers le paysan en caressant sa longue barbe.

" Le battre ? Je ne sais pas. Il y a 500 ans, il était d'une puissance incroyable et peu de mortel était capable de rivaliser avec lui. Certes, aujourd'hui, il n'a plus sa force d'antan, mais il reste quelqu'un de dangereux. C'est d'ailleurs à cause de lui que vous êtes là. Vous n'êtes pas les premiers d'ailleurs. Une chose est sûre, il vous faudra, force, courage, intelligence, dextérité et beaucoup d'autre chose pour vous en sortir et reprendre votre taille d'origine."

Il regarde maintenant les deux "dévoreur" avec un expression d'amusement.