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Les yeux clos, Ezak savoura le liquide qui pénétrait dans sa bouche. Il était légèrement acide, mais son léger gout de groseille parvenait parfaitement à masquer quelque peu l’amertume naturelle du vin. C’était un Ténébreux à n’en point douter. Ravi, ses lèvres s'entrouvrirent pour laisser échapper un léger et discret souffle de contentement. C’est à ce moment qu’une humaine jusque là assise aux côtés de l’Ynorien malpoli, choisit de se lever faisant racler quelque peu son siège sur le sol de marbre. Ezak rouvrit les yeux et s'intéressa au personnage. Une fort jolie jeune femme, dont les yeux bleus paraissaient presque transperçants tant ils illuminaient de clarté. Ces iris si fascinants étaient portés par une peau pale, pas très visible sous sa cape et ses habits de cuirs sombres. Elle portait un arc en bandoulière, cet outil qu’Ezak jugeait être l’apanage des lâches. Le D’Arkasse n’eu pas plus le temps de s'intéresser à la forme que, déjà, elle attaquait le fond.
En forme d’introduction, elle se présenta sous le patronyme de Belmont. Un nom inconnu aux oreilles de guerrier. Elle confirma également être une archère, ce qui le fit tiquer légèrement. Elle confirma les dires du capitaine de la milice Oranienne en indiquant qu’ils étaient bel et bien sur un autre monde appelé Aliaénon. Cette ville visiblement, une colonie Oranienne s’appelait Fan-Ming et il était visiblement dans l’intérêt d’Oranan et de Yuimen qu’elle tienne en place. Bien qu’il fût charmé par le travail accompli, Ezak ne pouvait être d’accord avec cette information. Une colonie Ynorienne... Ces deux mots associés sonnaient à ses oreilles comme une hérésie tant l’histoire, et la nature même de la République d’Ynorie était particulière. Et enfin vint la partie intéressante. Celle où elle parla d’Oaxaca et de ses ambitions de conquête pour cette planète et l’attaque qu’elle menait à ce moment même envers Esseroth, une ville indigène. L’humain tourna la tête pour observer les deux personnes décrites comme natifs de cette région, où plutôt de ce monde. Ils étaient au nombre de deux. Il y avait d’abord cet homme aux cheveux de blés désordonnés. Et lui aussi avait un regard saisissant, à sa manière. Ils étaient blancs, entièrement blancs, comme s'il ne possédait pas d’iris. Quant à sa pupille, elle était semblable à celle d’un félin. Mais ce n’était visiblement pas une particularité de leur peuple, car la femme qui l’accompagnait était relativement différente. C’était une blonde très belle et le maitre-d’armes eu du mal à s’empêcher de lorgner sur son décolleté.
Décidément, Fan-Ming était le repère des jolies demoiselles. Ezak n’eut pas le temps de s’amuser de cette pensée que son regard bascula à nouveau vers Armelle qui continua dans le développement de son exposé. Elle évoqua leur rôle et le plan qui était mis en place. Dehors, un groupe partirait visiblement à pied et le chemin était long, alors qu’un autre partirait avec ceux présents dans cette salle. La Belmont en faisait partit. A présent, il comprit pourquoi l’Ynorien avait parlé de voie magique. D’ailleurs, le visage de l’Orano-Kendran se renfrogna légèrement à cette pensée. Enfin, vint la conclusion d’Armelle Belmont. Ce monde n’avait jamais connu la guerre, il ne savait donc pas ce que c’était et elle nous engagea à faire un choix. L’Oranan-Kendran plongea son regard dans celui de la jeune femme alors qu’elle les observait avec insistance. Elle semblait avoir beaucoup de confiances en elle. Restait à savoir en quoi cette confiance se transformerait face à Oaxaca. Ezak avala une nouvelle gorgée de vin sans la quitter du regard avant de prendre la parole.
«Je viendrais avec vous.»
Ce qui avait poussé son choix ? Oaxaca, probablement. Il était l'un de ses sergents, et s'il avait fait vœu de la servir depuis le début, c’était dans un but précis : La détruire de l'intérieur. Maintenant, il comprenait pourquoi le capitaine de la milice disait qu’en menaçant ce monde, elle menaçait Yuimen. Elle lui suffisait de prendre le fluide par lequel ils étaient passés juste avant et le tout serait joué. Oranan tomberait, et si Oranan tombe, Yuimen tombe. Il y avait cependant plusieurs choses qui le dérangeaient dans cette histoire. Quand Oaxaca l’avait sommé d’aller en Ynorie pour rendre compte de la situation, elle semblait ignorer totalement pourquoi les forces Ynorienne étaient si remuantes. Savait-elle seulement que nous disposions d’une colonie ici ? Cette histoire cachait quelque chose. Ça dépassait le cadre ‘d’une guerre éclair, il en était persuadé. Pour lui, Oaxaca voulait autre chose.
« Cependant, je pense que c’est une erreur d’envoyer toutes les forces disponibles vers le front. Du moins, vous ne devez pas vous baser sur le simple fait qu’Oaxaca ne veut que conquérir ce monde. Avant de combattre l’ennemi, il faut le comprendre.»
Puis, il se tourna vers la blonde d’Esseroth pour illustrer ses propos.
« Vous ne connaissez pas la guerre. Je suppose donc qu’il vous serait difficile d’entrevoir quels pourrait être les enjeux d’une telle entreprise. Personne ne tue pour tuer, du moins pas quand cela concerne des batailles à grandes échelles. Et ça pour une seule raison : la guerre coute cher ! En effectif, en ressources, en monnaie et j’en passe. Il faut donc que les dépenses soient comblées par un profit. Sachez que personne ne fait la guerre pour faire la guerre à moins d’être complètement idiot. Je ne pense pas qu’Oaxaca puisse être considérée comme une imbécile.»
Il prit une autre gorgée de vin avant de reprendre : « Bien sûr, on peut considérer qu’elle fait ça uniquement pour agrandir son emprise territoriale ou faire de votre peuple des esclaves à son service. Mais on ne doit fermer aucune possibilité, et je n’y crois pas une seconde.» D’un coup, sa voix se fit plus faible, plus calme et son débit de parole plus lent. Il voulait qu’elle puisse se concentrer aisément.
« Imaginez, mettez-vous dans la peau d’une femme avide de pouvoir. Qu’est-ce qui à Esseroth ou sur Aliaénon pourrait pousser Oaxaca à mener une guerre contre vous ? Quelles sont les choses que vous possédez et qu’elle pourrait convoiter ?»
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"L'objet de la guerre n'est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le salaud d'en face meure pour le sien." - George Smith Patton
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