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En arrivant dans la salle d'entraînement, Ziresh eut le malheur de voir que Marla était toujours présente. Décidément, il venait tout juste de commencer sa mission, il n'arrivait plus à s'en défaire. Elle avait été si exécrable qu'il lui suffisait de la voir pour sentir son pouls s'accélérer. Elle s'était montrée trop insultante à son égard pour l'oublier. Il aurait pu s'agir simplement d'un différent, d'une divergence d'opinions quant à la manière dont ils allaient s'engager dans cette aventure, mais elle l'avait clairement menacé, lui et toute sa race. Mais heureusement, il y avait encore Armelle pour le pousser à penser à autre chose. Elle avait visé juste en supposant qu'il n'avait pas un contact facile avec les gens. Alors qu'elle préparait son arc pour tirer, il resta respectueusement dans le silence afin de l'aider dans sa concentration. Mais quand elle eut terminé, concluant aussi qu'elle devrait tuer pour mener cette mission à son terme, il déversa le flot de pensées qu'il avait depuis qu'il était arrivé ici. Si ce n'était plus tôt encore.
"Vous visez juste, Armelle. Et sans mauvais jeu de mots. C'est vrai, je n'ai pas cette faculté de pouvoir créer un premier contact avec les gens, même si j'ai cette étrange empathie qui me lie facilement d'amitié à eux. Je dois dire que même avec mon expérience, il est difficile pour moi d'imaginer que je puisse peser dans la balance. Il n'y a pas quatre mois, j'étais encore un jeune chasseur dans mon clan de bratiens. Depuis, j'ai tué un dieu, été impliqué dans l'extermination d'un peuple, vu mon clan se faire massacrer et j'ai été malgré moi porté au rang de maître d'armes d'une citadelle en ruines. On m'appelle le Porteur de Lumière, parce que je possède la Hallebarde Protectrice et parce que l'on pense que je peux guider les gens. Je n'ai jamais autant accumulé de faits d'armes en si peu de temps et bien des gens me font confiance. Mais des fois, j'ai le sentiment que même avec mes talents..."
Il regarda pensivement son pendentif, la Fleur de Lys. Elle ne ressemblait pas à un bijou que porterait un liykor comme lui. Mais il s'agissait de sa plus belle possession, bien avant ses reliques. C'était le seul véritable souvenir qu'il avait de Kâhra, sa fiancée. Elle lui avait fait tant confiance, et désormais, elle n'était plus là. Il n'avait pas été suffisamment rapide pour la sauver.
"Tout cela ne signifie rien du tout..."
Il ne savait même pas pourquoi il disait tout cela. Même avec Calimène, il avait émis des réserves avant de se confier à elle. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour cela. Peut-être était-ce la manière dont il avait quitté la Citadelle endormie qui l'avait rendu de nouveau mélancolique. Il fallait admettre que le jugement de Bravi avait été véhément et remettait en cause tout ce qu'il avait mené jusqu'ici. Son frère d'armes avait réussi à briser toute la faible confiance qu'il avait en lui. Il s'était vu mener toute une milice et redonner naissance à Liykkendra, et pourtant, il lui semblait qu'il lui fallait oublier tout cela, juste parce qu'une seule personne avait osé retenir ses choix contre lui. Et malgré tout, s'il était là, sur Aliaénon, c'était bien parce qu'il avait su mener la Citadelle comme il le fallait. On l'avait visé, juste lui, pour venir apporter son aide à l'Ynorie. Cette pensée eut enfin de quoi lui faire relever le museau et changer de ton. Mais les dernières paroles d'Armelle, même en tant que simple constatation, eurent de quoi le freiner. Elle avait tragiquement raison. Ce n'était pas comme à Lebher, il ne s'agissait pas d'une enquête, c'était une véritable guerre. Et ils devraient combattre.
"Vous savez, je n'ai presque jamais tué de ma vie. J'ai seulement tué trois liykors noirs lors de la défense de mon camp, mais rien d'autre quoi soit comparable à un humain. Je n'ai pas hâte de voir ce que l'on ressent lorsque l'on tue juste "parce qu'il le faut". C'est ironique n'est-ce pas ? J'ai connu bien des combats, j'ai vu de nombreux ennemis, mais j'ai presque toujours retenu ma main lorsqu'il le fallait. Il va falloir que je change mes habitudes on dirait..."
Il regarda un instant la shaakt avant de reporter son attention sur le maître d'armes. Il venait apparemment d'atténuer son inquiétude en lui précisant que les elfes de cette planète n'iraient pas lui chercher querelle. C'était bien dommage : il allait bien falloir que quelqu'un la remette à sa place.
"Comment peut-on accepter une personne aussi mesquine et dénuée de pitié dans une telle mission..." avait-il chuchoté pour se donner de la contenance.
Mais heureusement, la voilà qui s'écartait du maître pour aller s'équiper en carreaux. C'était l'occasion pour faire ses preuves, lui qui n'en avait pas eu encore l'opportunité. Du moins, il ne s'agissait pas vraiment de faire ses preuves, mais plutôt d'apprendre. Il possédait une relique que bien des ynoriens devaient envier, sans même savoir quelle technique convenait le mieux pour l'utiliser. Il était spécialisé dans l'usage des armes d'hast, mais la Masamune de l'Imperturbable avait le pouvoir de le rendre plus fort. Ou du moins, de le dénuer de pitié. Suite à tout ce qui lui était arrivé, à lui et à son clan, il était nécessaire qu'il base ses compétences sur cette nouvelle maîtrise.
Il s'écarta alors respectueusement d'Armelle, après s'être excusé, pour aller se poster devant le maître, tout en courbant l'échine. Il prit alors enfin le temps de se présenter plus spécifiquement. Car dans cette salle d'entraînement, il y avait eu beaucoup trop de gens puis qu'il puisse se distinguer parmi eux.
"Cette salle était très occupée il y a quelques minutes, alors je n'ai pas eu le temps de me distinguer parmi ces aventuriers. Je m'appelle Ziresh, du clan de Liykkendra. Avec mon discours, au sujet des mines de Lebher, je suppose que vous aurez compris que j'ai déjà une certaine expérience en termes d'aventure. Mais je dois admettre que je vais avoir besoin de votre aide à propos de l'usage de ce type d'armes."
Il dégaina la Masamune. La relique était d'une qualité irréprochable, incroyablement belle. Pourtant, elle n'avait pas grand chose à envier esthétiquement aux autres armes de type iaïto. C'était une lame plus longue que la moyenne, fine, dont la technique principale résidait dans le iaïjutsu : dégainer l'arme pour attaquer.
"Je suis davantage expérimenté avec les armes d'hast, mais cette lame est importante pour moi. Je sais bien que vous ne pourrez pas m'apprendre aisément les notions de toute une école, mais si vous aviez un quelconque conseil, il me semble que j'ai encore tout à apprendre..."
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