- Si vous voulez mon avis, Sirop, c’est peine perdue ! lança-t-il au petit bonheur quand il entendit que le hobbit voulait questionner la samouraï.
Ce pauvre petit Sirop Papum, comme il prétendait se nommer : jusqu’à son nom qui était mignon – et il allait se faire rembarrer, mais sévère. Tehero, lui, songeait qu’avec Mathis ils l’avaient assez prévenu, aussi s’enfonça-t-il dans le couloir. L’affabilité de Madame Je-Ne-Me-Présente-Même-Pas ne tarderait pas à se faire sentir. Hero ravala encore un coup le rire qui lui pointait dans la gorge. Mais à peine put-il resonger à la boutade de Mathis que Keya s’adressa à lui :
- Haha ! La drolesse ! s’exclama-t-il tout sourire en se retournant, tandis qu’elle ralentissait comme pour se laisser accoster par Rosie.
Mais, à sa grande surprise, elle n’avait pas l’air de rigoler quand elle lui demandait ce qu’était un Gardien du roi : « Tu… Tu es sérieuse, Keya ? Enfin… Si je peux te tutoyer, pardon », et pour la première fois depuis qu’il s’était retrouvé avec ces inconnus, ses joues se colorèrent légèrement. C’est qu’il était atterré, par toutes les bontés de Gaïa ! Sa question l’avait tout tourneboulé.
- Je… Tu ? Tu ne sais pas ce qu’est un hafiz ? finit-il par demander en se massant la nuque d’un air plein d’embarras, continuant à marcher à reculons. C’est que… avec ta peau foncée je m’étais mis en tête que toi et moi, on était du même coin tu vois. Kers, tu ne connais pas ? C’est là que vit notre vénéré Roi, expliqua-t-il en signant une marque de déférence discrète, commençant même à triturer les amulettes dorées de ses dreadlocks, et nous sommes nés pour le protéger : nous sommes la race gardienne.
Il planta son regard dans celui de la jeune femme, effaré. Une idée, subitement, avait traversé son cerveau comme la tornade ravage les champs.
- Keya, murmura-t-il pour que ses mots restent entre eux, cependant que Rosie gagnait du terrain, si tu n’es pas hafiz, qu’est-ce que tu es ? Ta peau foncée… soit tu viens du désert, soit tu es…
Il ne fit que dessiner la syllabe du bout des lèvres : « shaakt ? » Qui pouvait savoir quel accueil réserveraient leurs compagnons à cette engeance terrible, ennemie naturelle du Roi de par son soutien culturel à Oaxaca. Et puis il réfléchit : il y en avait un, au bureau de recrutement. Mais quand même.
Gêné de son attitude, seule qu'il veuille éviter parmi toutes, il lui tira un sourire contrit comme ils déboulaient d’un coup dans une vaste salle, histoire de lui dire que lui, les ennemis naturels, il s’en fichait comme d’une guigne.