J'arrive enfin à Fan-Ming, avec moi, sur la monture, un Esserothien qui a eu le temps de monter. Je lui tape sur l'épaule en signe d'encouragement.
Quand Arthès s'adresse à moi pour me demander qui est Sirat je gonfle les joues puis je laisse échaper l'air en gardant la bouche fermée, provoquant un son particulier tout en haussant les épaules.

"Aucune idée mais il a conclu un marché avec Triman et..."

Je n'ai pas le temps de conclure que justement l'Humoran prend la parole pour s'adresser au Esserothien. Quand il termine je le désigne d'une main et dit simplement à Arthès:

"Voilà."

Je m'avance ensuite vers le Zelote d'un pas pour prendre la parole.

"Je ne sais pas qui tu es ni d'où tu viens. Mais si tu dis vouloir nous aider je veux bien te croire. De là à dire que je te fais assez confiance pour être seul avec Sim' ..."

Je secoue la tête de gauche à droite.

"Si elle est d'accord pour te suivre alors je viendrais avec vous."

Alistair et l'Esserothéenne habillée sombrement partirent donc sur le cheval ailé de l'aventurier. Pendant tout ce temps, le dragon s'était retourné et, par pure chance, il était trop désorienté pour arrêter le destrier qui venait juste de sortir du temple. Les trois chevaux et le mien passèrent sans encombre l'obstacle. Le monstre claquait des dents, sifflait, et ne semblait pas arriver à toucher les chevaux magiques, bien plus petits que lui.
Il cessa ses efforts inutiles et hurla une menace de mort. Cause toujours, il ne nous aura pas, du moins pas aujourd'hui.
Mathis et moi quittons donc Nagorin, laissant les Ouessiens et le dragon ensemble.

Nous arrivons bien vite à Fan-Ming. Le temps y est plus froid, mais ce n'est pas déplaisant. Les Esserothéens que nous avons sauvés semblent tous être arrivés à bon port. Nous voilà donc tous réunis. Triman et le poilu sont aussi là. Xël et Alistair sont avec moi et Mathis. Et Arthès et les Esserothéens sont tous là.

En parlant des rescapés, il n'y en a plein que je n'ai jamais vu, ou alors juste très rapidement. Arthès explique ses pensées à Triman et Sirat. Je ne comprends pas tout mais il explique que les Esserothéens sont bien seuls dans ce conflit. Et que Vallel voulaient vraiment les anéantir. Ils sont au courant de la Prophétie en même temps...
Il termine ses dires en indiquant que Simaya se trouve à Fan-Ming, et qu'elle se repose. Et il souligne aussi que Triman devra répondre de ses actes. Mais je compte bien m'en occuper.

Je ne trouve rien à redire. L'homme au chapeau a trouvé les bonnes réponses. Alors je me tourne vers les Esserothéens et je fais ce que j'aurai dû faire depuis bien longtemps. C'est peut-être le moment et cela nous servira par la suite.

« Esserothéens. Je profite de ce moment de répit, pour vous demander quelque chose. J'aimerais que vous veniez me voir pour m'indiquer votre nom et votre pouvoir si vous le connaissez. Triman, Sirat, ne faites pas de vague ici. Xël, surveille-les et annonce peut-être que nous sommes de retour. »

(349 mots)

Alors que j’attendais la venue des derniers chevaux ailés appelés, Alistair se décida enfin à donner sa destination à sa monture après avoir daigné accepter la présence à ses côtés d’une sombre et jolie esserothienne. Cette dernière avait dû, pour cela, lui quémander sa place de ses ravissants yeux noirs implorants. Il partit donc sans nous adresser le moindre mot et sans se préoccuper des autres gens à sauver. Mais qu’était-il venu faire ici à Nagorin ? À notre départ de Fan-Ming, notre mission était bien claire, se rendre à Nagorin et aider la charmante Eva à ramener le plus d’esserothien possible afin de permettre à la prophétie de se réaliser. Non seulement, il avait fait cavalier seul pendant le voyage aérien, refusant la proximité de la jeune mage sur son cheval, mais il avait aussi agi en solitaire en se rendant seul au temple. J’avais la nette impression qu’il se trouvait sur Aliéanon pour satisfaire ses propres besoins et non pas pour aider les différents peuples de ce monde. Je le classai dans la même catégorie que le conseiller de Fan-Ming. La méfiance étant de mise envers un tel individu.

Les jolis et naïfs yeux d’Eva exprimèrent la peur lorsque je me servis à trois reprises consécutives du sifflet équestre, mais en femme courageuse, elle acquiesça tout de même à mes directives et accepta de partager avec moi la dernière monture. Craignant sans doute de laisser ici un certain nombre d’esserothien, ou peut-être que mes appels furent vains, elle usa aussi de son sifflet, mais plus prudemment en ne soufflant qu’une seule fois.
Les êtres magiques volants, au nombre de cinq, apparurent enfin. Il était temps puisque le dragon venait d’entamer son retournement vers le temple. Sans perdre une seconde, assisté d’Eva, j’aidai les fugitifs à prendre place sur les montures. Je dirigeai les deux vieillards, l’un chauve et l’autre encapuchonné, vers la monture que tenait Eva, alors que je m’occupai de mettre en selle, la jolie rouquine et la brunette aux cheveux attachés. L’homme aux mains munies d’excroissances étranges avait pris place rapidement sur un cheval et aidait la noiraude portant un chat à le rejoindre. Le dernier esserothien, un homme à l’allure fière et portant un bandeau était déjà en selle. Ils quittèrent le temple sans attendre. Et tout en talonnant le dernier cheval, les bras de la douce Eva enlacés autour de ma taille, je quittai à mon tour ce lieu sacré. Je me permis tout de même un dernier regard, vers les ouessiens. Ces êtres étranges, affublés d’un bandeau, n’avaient aucunement réagi à la fuite de leur fugitif. Sans aucune agressivité, sans un geste ni une parole, ils nous avaient laissé filer.
Bien que le ciel soit ennuagé, il n’y avait pas augures d’orages, les grognements sourds ne provenaient pas du tonnerre, mais d’un géant dragon mauve en colère. Ce dernier, en équilibre sur ses pattes arrière, tentait tel un chat d’attraper ses proies au vol à l’aide de ses pattes griffées. Beaucoup plus lourd, moins agile et surtout moins gracieux que le félin, ce gros reptile écailleux tentait de nous attraper en vain. Les fiers destriers ailés fort rapides échappèrent de justesse aux longues dents aiguisées qui claquèrent dans le vide. Lorsqu’il nous vit passer près de lui, il nous reconnut et nous cracha ses paroles imprégnées de rage. Il se promettait de nous retrouver et de nous tuer, tous sans exception.

Une fois de plus je retournais à Fan-Ming évitant la mort in extremis. La dernière fois, une flèche m’avait atteint, mais cette fois je m’en tirais indemne rapportant avec moi le reste des esserothiens. Mon père qui ne voyait en moi qu’un homme qui aime plaire aux femmes serait fier de moi.

Les chevaux nous emportèrent à destination puis s’évanouirent comme ils étaient venus, par magie. La température était plus froide qu’à Nagorin, et la fine couche de neige, qui recouvrait le sol, était à présent bien tapée, le piétinement des sabots des chevaux en étant sûrement la cause.

À mon soulagement, tous les esserothiens étaient arrivés à mon port, notamment ceux que nous avions envoyés précédemment.

Arthès y était également occupé à discuter avec l’humoran et le ouessien, reconnaissable à son bandeau rouge et or lui recouvrant les yeux. Malgré que j’avais manqué le début de leur échange, je les écoutai attentivement. Je n’en saisis pas tout, mais je m’efforçai d’emmagasiner l’information qui pourrait m’être utile plus tard

(Selon Arthès, la destruction d’Esseroth n’était pas sans but. Un certain Vallel en était responsable, par pure vengeance. Se venger de quoi ? Quel crime les esserothiens avaient commis envers Vallel ? Quel est le rôle de cet humoran, il est avec ou contre nous ? Et cet ouessien aurait une entente avec Vallel pour lui vendre les esserothiens ? Mais ceux-ci étaient vraiment retenus prisonniers ? )

Que de questions et peu de réponses. D’autres allaient s’ajouter aux premières lorsqu’Eva s’éloigna légèrement de moi pour intervenir auprès des esserothiens. Futée, la demoiselle demanda aux habitants d’Esseroth de s’approcher d’elle pour se nommer et dévoiler leur pouvoir respectif. Suivant la prophétie, ce dont je m’en souvenais, les mages d’Esseroth aidés d’étrangers et de ruses pourraient sauver ce monde de la destruction.

Cependant, je ne considérais pas que le moment fût choisi d’avoir une telle discussion dans la cour du palais. Ainsi, je rajoutai à la suite d’Eva :

« Excellente idée Eva ! Cependant, il fait froid ici. Mais le plus important est que nous avons survécu de justesse aux attaques d’un énorme dragon mauve qui s’est promis de nous tuer tous sans exception. Cette cour risque de servir de crèche et nous le casse-croûte au dragon qui ne saurait tarder. Je vous conseille de tous entrer dans le palais. La salle d’entraînement est tout près de la porte. Le maître d’armes est un homme sage il saura nous conseiller. La princesse Honoka, est une femme honnête. Il nous faudra éviter le conseiller qui ne pense qu’à l’avenir de Fan-Ming. »

Cela dit, je désignai la porte menant à la salle d’entraînement et m’approchai de la porte d’entrée.

D'autres chevaux apparaissent en un éclair et sans en être tout à fait certain, j'ai l'impression que tous les Esserothiens qui étaient présents dans le temple sont ici.
Ce qui veut dire que Triman n'a plus rien pour nous faire chanter ce qui explique peut être son silence pendant le discours d'Arthès.

La tension est toujours palpable entre les personnes présentes. L'Humoran est pris à parti et Eva me demande de le surveiller lui et Triman.

L'ordre me fait sourire, je lui répond en désignant le Zélote d'une main.

"Le surveiller ? Je sais pas si tu nous as vu mais j'ai l'impression que le mec aurait besoin que de deux doigts pour me mettre une branlée..."

Elle propose tout de même une chose que moi aussi j'aimerais savoir depuis un moment; le nom et le pouvoir de chaque Esserothien et le blond précise même que ce serait mieux de le faire au chaud.

Mais la remarque n'a pas plu à l'Humoran qui insulte Eva en déclarant que le gitan jouait son rôle. Je met un moment à comprendre que le gitan, c'est moi. Je retiens d'abord un sourire en me pinçant les lèvres puis je le sens monter, petit à petit, jusqu'à exploser de rire malgré la situation tendue.

"Pardon, désolé." dis-je entre deux éclats.

"Je m'imaginais entrain de cracher du feu ou de jongler pour attirer l'attention des passants pendant qu'un complice leur fait les poches."

J'essuie une larme sur ma joue et reprend mon souffle en me tenant le bide jusqu'à être calmé.

"Pas la peine de se mettre sur la gueule. On est pas ennemis, arrêtez de vous mettre des bâtons dans les roues ou on va tous se faire massacrer. Allez avec les Esserothiens à l'intérieur, ils ont sûrement faim, soif et envie de se reposer."

Je regarde le blond, Eva puis les mages survivants.

"En plus, il a raison, on se les gèles ici. Je vais rester avec eux deux et évitez vraiment de le bousculer en passant."

Je ris à nouveau. Sirat s'était agenouillé comme au temple de Fan-Ming et semblait de nouveau ailleurs. Je vais à côté de lui pour m'asseoir en tailleur, attendant simplement qu'il se réveille tout en me frictionnant les épaules.

"Enfin si quelqu'un est assez sympa pour me ramener une couverture, une pâtisserie et une bière. Je sais pas combien de temps ça va durer... Ce serait sympa."

Je ponctue ma demande par un grand sourire.

L'Essérothéenne grimpa derrière Alistair, et en un clin d'oeil ils étaient à Fan-Ming avec le reste des personnes présentes à Nagorin. L'Ouessien avec qui le voleur avait parlementé était là également, mais l'assassin préféra se concentrer sur quelqu'un de plus intéressant. Il descendit de sa monture et se tourna immédiatement vers la jeune femme pour l'aider à descendre.

"Vous êtes maintenant sauve, ma demoiselle. Et je ferais mon possible pour que vous le restiez."

Une partie de lui savait qu'il devait reporter ce genre de flirt à plus tard, mais l'absence des cuisses de Saphir commençait à peser sur sa libido, et sa passagère était plus qu'agréable.

"Quel est votre nom ? Je suis Alistair. Je crains cependant que nous n'ayons pas énormément de temps pour faire connaissance, car il va falloir faire en sorte que ni ce dragon ni les troupes d'Oaxaca n'arrivent jusqu'ici."

Donner l'impression que l'on était un personnage important qui offrait gracieusement de son temps était une subtilité qu'il avait utilisé plus d'une fois pour ce genre d'occasion. Cela ne marchait qu'avec les femmes naïves, mais ça ne pouvait pas faire de mal d'essayer.