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Comme si nous n’étions pas assez nombreux dans le cour, un nouvel arrivant fit son apparition et ce n’était autre qu’Alistair, le jeune homme que j’avais quitté seulement quelques instants plus tôt à ce qui me semblait. Me reconnaissant, il s’approcha.
- Dame Elfe, savez-vous où est Dame Calimène ? Et que s'est-il donc passer pendant que je... dormais ?
- Je n’en sais guère plus que vous, lui soufflai-je en baissant d’un ton en parlant rapidement, sans pour autant souhaiter me montrer grossière. Je suppose que nous avons été victime de la même faiblesse…
Quelqu’un d’autre s’était pendant ce temps adressé au conseiller et je me demandai si mon esprit me jouait des tours car je ne l’avais jusqu’alors pas remarqué. Il s’agissait d’une elfe, non, d’une croisée, brune, brandissant un sabre étonnamment long et semblable aux crocs de glace des neiges éternelles. Une telle lame ne passait pas inaperçue. Elle n’était pas menaçante mais avait l’air choquée, encore sous le coup d’une émotion ou d’un effort particulier. Puis c’est la jeune femme du désert qui s’était présentée sous le nom de Charis Kel Ashear qui assaillit le conseiller de nouvelles informations. Elle se présenta en bonne et due forme et le pressait une nouvelle fois de lui donner des détails sur la situation. Deux hommes arrivèrent encore.
Soudain, alors même que le soleil était encore haut dans le ciel, celui-ci bascula soudain et les ténèbres de firent, me plongeant dans la stupeur avant que la lune ne fisse son apparition tout aussi abruptement. La température avait chuté en même temps que le soleil nous avait retiré ses maigres rayons. Je resserrai les pans de ma cape fourrée sur moi, abasourdie. Je n’étais pas la seule. Tout le monde autour de moi sembla surprise, effrayé ou simplement perplexe mais nul ne s’affola, aussi ne le fis-je pas non plus. C’était un autre monde…
Le conseiller lui-même semblait nerveux et mis un temps avant de reprendre la parole, manifestement épuisé par nos questions et par cent mille autres préoccupations.
- Notre connaissance des forces ennemies est notre plus grande force. Des aventuriers comme vous ont bravé ce monde pour rapporter de précieuses informations sur le type de créature, d’armes et de stratégies que possèdent nos ennemis. De lourds engins de siège, des troupes d’orques, de gobelins et d’hommes innombrables, et des créatures monstrueuses quasiment invincibles, si ce n’est une faiblesse face au feu, et des rats montés géants qui escaladent les murailles.
Je retins un rire. C’était invraisemblable. C’était grotesque. C’était impossible. Pourtant je savais que la menace était réelle. Je n’en étais que plus secouée et mon regard se voila le temps d’imaginer notre échec.
- Les dispositifs barbelés actuellement placés sur les murailles tendent à leur compliquer la tâche. Et des chausse-trapes sur les plaines autour de la cité verront ralentir la progression de l’armée et des engins de siège. Les archers se constituent en ce moment-même une réserve de flèches incendiaires à utiliser lors de la bataille pour mettre à mal ces monstres noirs. En bref, nous avons encore beaucoup de travail, ici. Elscar’Olth est une cité au Sud de ce monde, comportant un portail menant à Cisley, monde entièrement sous contrôle d’Oaxaca. Il s’agit là des deux seuls fluides spatiaux que je connaisse à Aliaénon. Il ne me semble pas que les autres cités en soient munies. Et pour répondre à votre dernière question, il s’adressait de fait à moi, je suis le Conseiller politique du Gouverneur Teruki. Aucune décision de cette cité n’est acceptée sans passer par mon approbation. Des stratèges, nos généraux et capitaines en ont le rôle, et sont sur le terrain ou dans leurs casernes en ce moment-même. Mais si vous vous sentez plus apte à assumer ce rôle d’organisation générale, ne vous privez pas pour leur faire savoir.
Je ne su comment réagir à cette remarque. Ironie, agacement ou remarque désobligeante, quoi qu’il en soit je m’abstins de toute remarque et me contentai de baisser légèrement le buste en regardant le conseiller en guise de remerciement pour ses réponses à mes questions.
- Quant aux défenses d’Andel’Ys, reprit le pauvre homme, il faudra vous y rendre pour en apprendre plus. En ce qui concerne les cités du désert, je n’en connais que peu. Methbe-el est la cité de contact entre les hommes du désert et les hommes pâles. Ils y commercent par troc leurs marchandises. Neo-Messaliah est une cité sainte, aux secrets farouchement gardés par les hommes du désert. On dit que nul ne peut y pénétrer sans l’assentiment des mages de feu. Je ne saurais vous en dire plus, hélas. Nos peuples se méconnaissent, et n’ont jamais eu de contacts.
Un regard vers le Liykor et celui-ci opina du chef avant de souffler dans un sifflet comme le nôtre. L’air trembla à nouveau, une ondulation lumineuse apparaissant progressivement au côté de la créature, et de mes propres yeux je vis un cheval ailé apparaître. Je constatai, perdue, que les deux autres avaient disparu entre temps. Ces magies allaient me rendre folle. La bête était splendide, noire et blanche, et il me tardait d’avoir l’occasion de chevaucher l’une de ces créatures. Quelle sensation ce devait être de voler…
- Le palais n’est pas en danger d’attaque imminente, avait repris le conseiller. De nombreux gardes en protègent les entrées, et patrouillent dans toute la ville, elle-même cernée de hauts murs. Le gouverneur est en sécurité, qu’il y ait un, deux ou quatre gardes plantés devant sa porte. Quant à ce que d’autres peuples viennent aider, c’est votre boulot, justement. Comprenez que nous ne pouvons nous départir de troupes ici, avec la menace de l’armée d’Oaxaca remontant vers nous. Ça serait ouvrir un chemin tout tracé pour la chute de Fan-Ming et l’invasion d’Oranan.
Le conseiller se tourna vers la semi-elfe pour s’entretenir avec elle tandis que l’homme au chapeau s’approcha de moi.
- Nous sommes originaires d’Esseroth, expliqua-t-il, la cité tombée sous les forces de notre ennemi commun. Chacun là-bas est doté d’un pouvoir unique, dès sa naissance. Finarfin Seuillée, ici présent, il désigna le jeune homme blond dont l’esprit avait l’air de battre la campagne, crée des portails rapprochant deux points de la réalité de ce monde afin d’en faire un passage. Je haussai les sourcils, surprise et impressionnée. Voilà qui était fort pratique. Et qui pouvait expliquer ce qui devait être tout simplement de la fatigue liée à l’application de tels dons. J’imaginais qu’il devait s’agir comme pour toute magie d’un procédé plus complexe et bien plus prenant physiquement que claquer des doigts. Il poursuivit en désignant ensuite la semi-elfe. Nous sommes, avec Eva, en provenance directe de Nagorin, où les Ouessiens nous ont trahis après nous avoir recueillis. Ils voulaient nous retenir captifs pour nous livrer aux armées noires de Vallel. Nombre des nôtres sont encore là-bas. Il faut les sauver !
J’eu vaguement conscience des échanges d’Endar et de Charis avec le conseiller mais mon interlocuteur avait toute mon attention. Je réfléchissais à toute allure.
- Combien des vôtres ? demandai-je. Pouvez-vous créer ces portails à volonté ? Il suffirait d’y retourner, fermer le portail, trouver vos alliés, rouvrir le portail, les faire entrer… On peut aussi se servir des montures ailées… Vous avez tous un sifflet ? On ne reprendra pas la cité n’est-ce pas, mais si on peut rapatrier ces gens, ce sera une défense supplémentaire pour Fan-Ming - et pour ailleurs. Nagorin, c’est une autre cité ? Peut-on la rallier à notre cause ?
Tout me semblait précipité et je connaissais encore si peu ce monde… Des ébauches se bousculaient...
- Il nous faut rallier donc d’autres cités à notre cause, les convaincre d’une défense mutualisée, d’une attaque en masse, d’une action en groupe, mais elles se connaissent peu et certaines peuvent se retourner contre nous, tandis que d’autres peuvent tout aussi bien se déchirer de l’intérieur. Car chaque cité peut avoir des dissidents… Ici la défense de Fan-Ming s’organise et nous nous devons nous séparer et rendre visite à ces autres cités, et leur demander quoi ? De se battre à nos côtés ? Ils ne peuvent pas vider leur cité, ses habitants, envoyer leurs troupes nous prêter main forte, c’est absurde, ils ont des vies à défendre également… A moins de leur proposer un exode vers Yuimen…
Je cherchais du regard, les yeux rivés sur le sol, sans rien chercher vraiment, tandis que sous mon crâne mon esprit égrenait à une folle allure toutes les options possibles.
- On pourrait aller les voir, les convaincre que leur cité est perdue, alimenter leur terreur en leur faisant part des terribles choses qui avancent vers eux - il suffirait de leur faire ouvrir les yeux - et organiser une évacuation, évacuer leurs gens vers Fan-Ming avant que les troupes d’Oaxaca n’arrivent - il y a encore de la marge n’est-ce pas –faire passer le portail aux civils, et garder les soldats et toute personne sachant se battre avec nous, pour défendre Fan-Ming, car défendre Fan-Ming revient à défendre Yuimen… Il suffirait de détruire le portail une fois tout le monde évacué, si tout se fait efficacement on pourrait épargner des milliers de vies !
J’avais parlé de plus en plus fort. Tout ceci me semblait si logique, tout était tracé, mais il me manquait probablement encore des variables à prendre en compte et une personne seule ne pouvait organiser tout ceci. Sûrement raison pour laquelle le conseiller lui-même ne comptait pas nous guider plus que cela.
_________________ Sinaëthin Al'Enëthan, alias Silma, Héraut de Yuia, hiniön lvl 21
Dernière édition par Siiwih le Mar 16 Juin 2015 21:50, édité 1 fois.
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