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Un nouveau cheval ailé se matérialisa et la dénommée Charis se mit en selle avant de s'envoler avec lui, faisant tourbillonner la neige sois le souffle de ses ailes. Je remarquai, surprise, que le Shaakt s'était volatilisé lui aussi. La dénommée Eva attira alors notre attention à grand renfort d'exclamations.
- Aventuriers, Aventurières ! Compagnons, camarade ! Je me présente. Je suis Eva d'Arkheval et, comme vous, j'ai répondu à l'appel de ce monde. Mage de glace et enchanteresse, j'ai assisté au siège d'Esseroth, citée maintenant aux mains de l'ennemi. J'ai pu sauver quelques Esserothéens en les emmenant à Nagorin. Cette cité a pactisé avec Oaxaca pour lui livrer les Mages Libres. Oaxaca craint une seule chose dans ce monde. Et c'est, je crois, une de nos seules chances face à ses troupes. La Prophétie. Elle s'énonce en ces termes, si ma mémoire ne me fait pas défaut : À l’heure où le Sans-Magie sera plus puissant que tous, à l’heure où l’ombre ploiera sous le nombre, à l’heure où les peuples se seront perdus, la mort déferlera sur le monde. Une mort impitoyable, sanglante, une mort qui ravagera les landes du Sud au Nord. Une poignée de Mages Libres sauront défier l’ombre, à l’aide d’Etrangers. L’astuce les mènera à la victoire sur la Mort, mais ils n’auront pas le droit à l’erreur…
C'était une prophétie bien vague à mon goût. Elle annonçait l'attaque d'Oaxaca et évoquait la puissance d'un certain Sans-Magie mais son identité était aussi mystérieuse que l'était l'intérêt de cette prophétie qui se contentait de nous mettre garde en cas d'erreur. Oui ça on s'en serait douté que toute erreur pouvait nous mener à notre perte, pas besoin d'une prophétie pour nous enjoindre à la plus grande prudence...
- Les Mages Libres, donc les Esserothéens, reprit la dénommé Eva, seront le fer de lance de notre victoire. Il se trouve que plus de la moitié de ce peuple se trouve encore à Nagorin, en présence de Xël qui s'est en quelque sorte sacrifié. Ainsi, si l'un de vous souhaite se rendre à mes côtés là-bas pour y récupérer ces survivants et l'un des nôtres, qu'il me le fasse savoir.
Esseroth et les derniers mages, correspondant à la prophétie, étaient à Nagorin… Alistair n’avait cependant pas manqué de poursuivre sur mon idée d’évacuation.
- La véritable question est : combien de personnes peuvent passer par ce portail ? Si l'on ne peut pas faire évacuer une cité complète par ce biais, je ne vois pas comment on pourrait recourir à leur aide. J'acquiesçai. La capacité du portail était sa limite majeure. Comme le disait si bien la Dame Elfe, ils n'accepteront jamais de simplement se défaire de leur armée pour défendre Fan-Ming, et c'est compréhensible. A dire vrai si j'étais à leur place je profiterais de l'occasion pour réunir les populations des villes pour l'instant à l'abri ainsi que leurs défenses et se parer à l'éventualité d'une attaque. Sans oublier qu'ils comptent certainement sur le fait qu'Oaxaca n'est là que pour se servir du fluide spatial de Fan-Ming, et qu'elle les oubliera donc peut être très rapidement.
J'acquiesçai à nouveau. C'était ce que je craignais.
- Je pense que semer la panique comme l'a suggéré Madame peut être un bon plan. Je tiquai. Voilà qui était une bien curieuse appellation. JSi les dirigeants de ces villes ne se laisseront pas berner, ils n'auront certainement aucune chance d'endiguer un vent de panique de la part de leur population. Seulement je doute que la population de tant de grandes villes soit facilement accueillie sur Yuimen. Sans compter que les armées, elles, ne voudront certainement jamais quitter ce monde par sens du devoir. La bataille me semble inévitable sur ce point.
On ne souhaitait pas éviter la bataille, bien au contraire ; Que les armées restent pour défendre Fan-Ming et son portail afin de s'assurer l'échec d'Oaxaca à s'en emparer était crucial. Je n’eus cependant pas le loisir de répondre car il enchaînait, dans la même frénésie que je l'étais un instant plus tôt. Trop de choses étaient en jeu.
- Vous avez dit pouvoir vous déplacer grâce à ce portail, il se tourna vers Finarfin, si j'ai bien compris, le seul autre fluide spatial de ce monde se trouve à Elscar’Olth. Seriez vous en mesure de nous y transporter ? Et est-ce que quelqu'un ici sait comment détruire un fluide spatial ? J'ai cru comprendre que ce n'était pas chose aisée, mais que c'était parfaitement faisable. Si un groupe de quatre ou cinq personnes est en mesure de le faire, alors l'on pourrait s'infiltrer discrètement dans la cité pour en détruire le fluide. Cela couperait toute retraite à l'armée d'Oaxaca, ainsi que tout espoir de renfort. Il sera bien plus aisé de prendre leur armée à revers alors, et si il n'y a toujours pas d'espoir de victoire, alors nous pourront toujours appliquer le plan de fuite de Madame, bloquant alors une grande partie de cette armée à l'intérieur d'un monde inaccessible à Oaxaca. Les seules inconnues sont la capacité de votre portail, sa portée, ainsi que les moyens de détruire un fluide spatial. Si quelqu'un peut m'éclairer concernant ce dernier point. Et avant que vous ne posiez la question, oui, si c'est faisable, je me porte volontaire pour être du voyage. La discrétion, ça me connait.
Voilà qui valait le coup - à condition qu'une prise de contact avec les autres cités et le reste de mon plan soit déjà mis en route dès que possible, sans attendre la réussite ou l'échec d'une mission suicide dans le camp adverse... On ne pouvait pas attendre le dernier moment pour se déplacer, rencontrer les dirigeants des cités et mettre en branle leur évacuation, de telles choses prenaient un temps fou, avec ou sans panique. L'homme au chapeau répondit avec torpeur.
- Un peu plus d’une dizaine… Hélas, nos pouvoirs nous épuisent physiquement, et un portail reliant Nagorin et Fan-Ming pour autant de personnes est épuisant. Nous avons dû puiser dans les ressources de Finarfin, mais également de Dame Simaya Sombreroc, qui a le don de reproduire les pouvoirs et de les augmenter, pour ce faire. Ils sont tous deux incapables, pour l’heure, de reproduire un tel portail.
Je jetai un oeil à ses deux compagnons. Ils n'avaient effectivement pas l'air opérationnels.
- Pas avant du repos. Et vous êtes les seuls munis de sifflets, Yuimeniens. Je vous en conjure, aidez les nôtres. Je suis prêt à vous accompagner en croupe, si vous le voulez. Mais ces gens sont tout ce qui nous reste.
Le pauvre Egregor grogna et jura, frustré de ne pouvoir rien y faire, épuisé comme il l'était. Finarfin, le créateur de portails, hésita et pris tout de même part à la conversation, la mine grave.
- Je… Je pourrais essayer de mener deux ou trois personnes à Elscar’Olth, mais… Je ne pourrais garantir un retour. C’est une cité à l’opposé de celle-ci. Très lointaine.
- Le problème n'est pas de revenir, concéda Alistair, nous avons les sifflets pour ça. Mais je doute que notre arrivée en ville soit discrète si nous les utilisons à l'allée.
Sauver les derniers Esserothéens, détruire le fluide à Elscar'Olth, prévenir les cités et les pousser à évacuer... Trois missions totalement différentes. Et pour ce faire : Des poneys volants et un aller simple pour quelques personnes en portail.
- On ne peut détruire un fluide spatial, déclara le capitaine Tsuhiko, d’aucune manière en notre possession. Ne pas avoir la solution en main n'était guère un problème si l'on savait au moins où la trouver... Certains peuvent les déplacer, mais nul ici n’en est capable. La seule solution pour le rendre inaccessible serait de l’ensevelir sous la ville elle-même… Mais là encore, ça demande une puissance que nous ne possédons pas. »
Il fit une pause et se tourna vers le palais.
- Voilà de trop nombreuses heures que je n’ai pas dormi. Que ceux qui souhaitent du repos, Yuimeniens comme Esserothéens, se sentent bienvenus ici, pour le gîte et le couvert. Quant aux gens de forte composition que vous êtes… Œuvrez, je vous en prie, pour le bien de Fan-Ming et d’Oranan.
Les gens acquiescèrent et la plupart prirent sa suite et pénétrèrent le palais pour y trouver autant de réconfort que la nuit subite le leur permettrait.
- S'il est impossible pour nous de rendre le portail inaccessible, alors mon plan tombe à l'eau, reprit Alistair avant que le capitaine ne s’en soit allé. J'aimerais néanmoins que l'on reprenne cette discussion lorsque vous vous serez reposés et que je serais de retour. S'il existe la moindre chance de sceller ce point d'accès d'Oaxaca, cela portera un coup décisif à son armée, à la fois ici et sur Yuimen.
Puis de la cour bourdonnante quelques instants plus tôt il ne resta plus que l'homme au chapeau, Eva et Alistair. La place s'étant vidée, les pas dans la neige témoignant du groupe qui l'avait tout juste piétinée, je remarquai le jeune humain blond aux yeux bleus et au visage fin, paré d’un sabre lui aussi et d’une tenue entièrement renforcée pour le combat. Il se tenait à l’une des entrées de la cour, au côté d’un vieil homme, et se porta justement à notre rencontre.
- Je pars pour Nagorin avec vous ! Il faut sauver ces gens ! Il se saisit d’un de son propre sifflet et appela à son tour un cheval. Montez derrière moi, fit-il à l’homme au chapeau, puisque je n’ai aucune idée où chercher les survivants. Nous irons donc à Nagorin, le plus près possible des survivants afin de les faire monter deux à la fois sur les chevaux ailés que nous invoquerons.
Je regardai tour à tour les trois individus et Alistair. Il fallait aller à Nagorin. Etaient-ils à eux seuls capables de mener la mission à bien ? Mais si nous étions plus nombreux, c’était autant de risques supplémentaires de se faire repérer et d’amputer les défenses de Fan-Ming… Il y avait tant à faire… Il restait Esclar’Olth et l’évacuation des cités.
- Eh bien, on dirait que l'on ne pourra pas rapatrier tout le monde ici, me fit Alistair. Si ces cités se déplacent à pieds jusqu'ici, elles rencontreront certainement les troupes d'Oaxaca et se feront massacrer. L'avenir de ce monde semble bien terne, jusqu'ici. Bon, je reprendrai cette discussion avec Finarfin et monsieur... Je ne sais plus, la prochaine fois que je les verrai. En attendant, il se tourna vers Eva, la meilleure chose que je puisse faire pour me rendre utile est de vous accompagner, Dame Eva. Je me suis reposé plus que de nécessaire, je suis donc prêt à partir dès que vous le voudrez.
- Si l’on ne peut évacuer les cités, et dans la mesure où les armées d’Oaxaca sont trop importantes pour que l’on ait une chance de survivre à leur attaque, il ne reste donc plus qu’à tenter d’éradiquer le problème à sa source en empêchant les troupes ennemies de regagner leur cachette d’un autre monde n’est-ce pas… Je n’aimais pas où cela nous menait. La prophétie parle d’astuce et de mages, je suppose que si l’on veut ensevelir le portail d’Elscar’Olth on aura besoin des deux…
Et tant que ces mages ne nous avaient pas rejoints et que le reste des troupes - à savoir notamment les deux créateurs de portails - était hors service, nous ne pouvions pas faire grand-chose en ce qui concernait le problème du portail d’Oaxaca. Fallait-il encore mettre au point une stratégie pour parvenir à l’ensevelir - ou à le détruire. J’hésitai une nouvelle fois à suivre le reste des occupants de cette petite cours enneigée. Des têtes brûlées, ça y ressemblait fort, mais l’urgence et la gravité de la situation des survivants le justifiait, il n’y avait plus qu’à espérer que tout se passe bien… S’ils échouaient, nos chances seraient grandement altérées selon la prophétie.
J’avais tant de questions ; pouvait-on retrouver facilement d’autres porteurs de sifflets si l’on souhait les rejoindre ? Les chevaux pouvaient peut-être se retrouver d’une manière ou d’une autre, grâce à l’un de ces sens particuliers qu’ont les animaux – surtout magiques. Et le capitaine connaissait-il un moyen de détruire le portail – même s’il n’était pas en notre possession ? Et peut-être que les mages retenus à Nagorin avaient une réponse à cette dernière question… Il fallait en apprendre plus sur la cité siège d’Oaxaca avant d’y mettre les pieds. Il fallait consulter le conseiller à ce sujet, les ouvrages du palais, y aller en reconnaissance… Et si personne à Fan-Ming ne savait comment détruire le portail, peut-être que d’autres le savaient mais n’avaient simplement pas les ressources (tels que des chevaux ailés sur demande) pour y faire quoi que ce soit…
- Bon courage, souhaitai-je simplement à la petite troupe avec un bref signe de tête.
J'entrai dans le palais à la suite des autres, décidée à oeuvrer avec réflexion.
_________________ Sinaëthin Al'Enëthan, alias Silma, Héraut de Yuia, hiniön lvl 21
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