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Le plan d'Alistair ne reçut pas l'accueil qu'il avait imaginé. Premièrement, le dénommé Heartless suggéra tout simplement qu'ils laissent les choses telles qu'elles étaient dans le but de profiter de la confusion générale. Evidemment, cette idée ne tira qu'une moue énervée au voleur, qui voyait déjà les lacunes d'un tel plan se profiler devant lui. Le grand blond, lui, ne prit même pas la peine de répondre, se cantonnant à son premier plan sans même en discuter. Le vieil Ynorien, lui, s'il ne semblait pas désapprouver la proposition de l'assassin, le réprimanda cependant d'en avoir parlé trop ouvertement.
( Quelle différence cela fait que nous complotions pour le tuer ou pour lui faire faire ce que l'on veut ? ) s'énerva intérieurement Alistair. ( S'il apprend que nous préparons un sale coup il nous exécutera de toute manière, c'est ce que ferait n'importe quel chef d'état. )
Regardant le grand blond s'en aller après l'avoir royalement ignoré, le voleur se mordit l'intérieur de la joue, hésitant. Il s'était tout d'abord intéressé à cette histoire pour retrouver la trace de Sinaëthin, et n'avait rien fait d'autre que préconiser la méthode la plus rapide et expéditive. Mais maintenant chacun semblait vouloir poursuivre son petit plan personnel sans même lui demander son aide, ce qui laissait Alistair libre de repartir à ses occupations sans avoir à s'impliquer inutilement dans une entreprise chronophage et dangereuse. Cependant, quelque chose le titillait. Il était venu en Aliaénon pour se faire un nom, pour que tout le monde parle de lui. En bien, en mal, peu importait, il avait juste besoin de se construire une réputation pour asseoir sa domination sur les clans de faible importance de Tulorim ; devenir une légende lui permettrait de susciter la crainte tant que l'admiration, et rien n'était plus efficace pour s'assurer la loyauté des criminels en tout genre.
( Je ne peux décemment pas crier sur tous les toits que j'ai tué le conseiller de Fan-Ming tant que je suis ici, mais si j'aide cette Honoka à prendre le contrôle de la cité je peux toujours lui demander de laisser paraître cette information uniquement lorsque j'aurais quitté non seulement Aliaénon mais l'Ynorie également. Ou, si elle me semble trop faible pour accepter de telles mesures, je pourrais le lui révéler au moment de mon départ. )
Assassiner le conseiller d'une cité aussi importante serait certainement un fait d'arme impressionnant, d'autant plus si cela permettait de débloquer la situation et contribuait à gagner la guerre.
« Messire... heu... quel est votre nom ? » fit finalement Alistair au vieil Ynorien. « Je pense que vous savez comme moi que cette solution est la meilleure. Les plans provisoires comme ceux de Mathis ne feront que nous obliger à reprendre des mesures quelques jours, peut être même quelques heures plus tard. »
Il s'était exprimé à mi-voix cette fois, plus pour faire plaisir au vieil homme que par réelle crainte de se faire entendre.
« Seulement j'ai besoin d'indications pour se faire, il me faut connaître ses habitudes, le nombre de gardes qui l'accompagnent et quelques paires de mains supplémentaires ne seraient pas de refus. Si je dois faire tout cela moi-même cela prendra du temps, donc si vous pouvez m'apporter cette aide, nous gagnerions un temps considérable. »
Puis, se tournant vers Heartless :
« Et vous ? Vous en êtes ou non ? »
Alistair n'avait pas encore de plan, mais il était confiant dans le résultat. Ayant grandi au milieu d'une troupe de mercenaires, il connaissait bien le comportement des militaires et l'effet que l'autorité avait sur eux. A la mort d'un supérieur, il y avait trois types de soldats : le premier était le meneur d'hommes, celui qui en profiterait pour devenir ce supérieur. Si beaucoup de personnes se pensaient ambitieuses, entrant dans une milice dans le but de gravir les échelons, peu étaient de vraies meneurs nés. La plupart se contentaient de postes de seconde zones, et, si certains visaient un poste haut placé, ils se sentaient toujours plus en sécurité lorsqu'ils avaient au moins une personne à qui ils devaient répondre. Au final, les vrais meneurs comme Alistair se considérait en être un étaient une denrée particulièrement rare.
Le second type de soldat était le renégat : déserteurs, pilleurs, violeurs, certaines personnes profitaient du moindre désordre pour assouvir leurs plus bas instincts, qu'ils soient liés à la peur ou à la cupidité ou la luxure. Cependant, pour qu'une armée en vienne à de telles extrémités et laisse libre cours à ce genre d'hommes, il fallait qu'elle soit complètement désorganisée, et donc qu'il n'y ai aucun remplaçant pour l'ancien chef, ce qui n'était pas le cas ici.
Le dernier type de soldat était le mouton : la vaste majorité des hommes et femmes de toutes les races et cultures faisaient partis de cette catégorie. On leur disait ''saute'', ils sautaient, on leur disait ''tue'', ils tuaient. Et si leur supérieur venait à disparaître ils seraient bien trop contents de pouvoir suivre les ordres du premier prétendant légitime venu pour s'occuper de détails comme le sexe ou même la qualité de celui-ci. Ils pourraient très bien complètement désapprouver ce choix qu'ils ne feraient rien d'autre qu'obéir aux ordres quand même.
C'est pour cela qu'Alistair voyait la solution de l'élimination comme la plus intelligente : si les moutons perdaient de vue leur chef, complètement perdus, ils ne feraient rien d'autre que le rechercher d'un côté et se désorganiser de l'autre, mais si leur chef venait à tout simplement mourir au vu et au su de tous, ils suivraient tout simplement les ordres de son successeur, ici Honoka. Elle n'aurait ensuite qu'à déléguer une poignée d'hommes pour enquêter sur le meurtre alors que le reste des troupes suivraient ses ordres militaires.
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